Article original
Activité des huiles essentielles de Labiées sur Asco-
phaera apis et traitement d’un rucher
M.E. Colin 1 J. Ducos de Lahitte E. Larribau T. Boué
1 Laboratoire national de
pathologie
des abeilles, 63, av. des arènes, 06051 Nice Cedex,2 Ecole nationale vétérinaire, 23, chemin des
Capelles,
31076 Toulouse Cedex, France(reçu
le 28 mars 1988,accepté
le 10 mars 1989)Résumé —
L’ascosphaerose
de l’abeille provoquerégulièrement
un affaiblissementprintanier
descolonies. Pour la combattre, on a réalisé un essai
préliminaire
de traitement à base d’huile essentiel- le de sarriette,incorporée
à du candi à la concentration de 0,1%. Un kilo de candi est donné àchaque
colonie traitée à la fin de l’hiver. Les résultatsindiquent
une netterégression
de l’affectionpendant
les 75jours
suivant le traitement. D’autres huiles essentielles de Labiées (thym type carva- crol,origan) présentent
despouvoirs fongistatique
etfongicide
déterminés in vitro,comparables
àceux de l’huile essentielle de sarriette.
L’aromathérapie
permet doncd’envisager
un traitementpré-
ventif de
l’ascosphaerose
sansrisque majeur
depollution
desproduits
de la ruche.Ascosphaera apis-
larves - huiles essentielles - Labiées -pouvoirs fongistatiques Summary - Activity
of essential oils of Labiaceae onAscosphaera apis
and treatment of anapiary.
The first part of theexperiment
consists of the measurement offungistatic
andfungicidal
activities of essential oils of different Labiaceae :
Origanum vulgare (2 varieties),
Satureaia montana(4 varieties), Thymus vulgaris (16
clones issued from the «ChambredAgriculture
de la Dr6me-, anagricultural organism
of the Dr6medepartment).
The chemicalcomposition
and type aregiven
inTable I. In vitro, the most effective oils
generally
have a rich carvacrol content(higher
than30!0) (Fig.
1, 2 and 3). The clone ofthyme (number
133) showsanti-fungal properties relatively
constantthrough
time(Fig. 3).
The second part of theexperiment
is a fieldstudy
to assay thetherapeutic
value of an oil, which is active and
palatable
for bees, the essential oil of savory(Satureia montana), imported
from Albania(Table II).
This is mixed withsugar-candy (dilution :
0.19!; dose of 1 mi perColony)
and fed at the end ofwintering (February).
Seven colonies wereexperimentally
treated, 7colonies were unfed and another 7 received
simple sugar-candy.
The evolution of chalkbrood wasestimated
by counting,
two times a week, the dead larvaegathered
at the entrance of the hive,during
the 75days following
treatment(Figure
4 and Table III). Under these conditions, the efficacyof the essential oil of savory is
significant
(0.05). Moreover,feeding
withsimple sugar-candy
doesn’t ’t aggravate the disease.Ascophaera apis
- chalkbrood - essential oll - Lablaceae -funglstatlc acttvity
*Adresse actuelle : INRA Station de
zoologie-apidologie,
BP 91, 84140 Montfavet, FranceZusammenfassung -
Wirksamkeit von ätherischen Ölen derLippenblütler
aufAscosphaera apis
undBehandlung
einesBlenengartens.
Der erste Teil des Versuchs bestand aus der Bewer-tung der
fungistatischen
undfungiziden
Aktivität von ätherischen Öleneiniger Lippenblütler : Origa-
num
vulgare (2 Varietäten),
Satureia montana(4 Varietäten), Thymus vulgaris (16
von der Landwirt-schaftskammer der Provinz Dröme selektionierte
Klone).
Die chemischeZusammensetzung
undder
Chemotyp
der verschiedenenThymian-Klone
sind in Tabelle 1aufgeführt.
Die in vitro aktivstenÖle sind die, die reich
(> 30%)
an Carvacrol sind (Abb. 1, 2 u. 3). Der Klon Nr. 133 vonThymian zeigte
eine antimykotische!rkung,
die über die Zeit ausreichend stabil ist(Abb. 3).
Der zweite Teil desExperiments
ist ein Feldversuch, bei dem ein aktives und für die Bienenangenehmes
Öl getestet wird : das ätherische Öl der!nter-Bergminze (Satureia montana).
Seine Zusammenset- zung ist in Tabelle 11angegeben.
Es wurde in Kandiszuckerinkorporiert Vo l umenkonzentration
0.1 °l) und am Ende der
Uberwinterung (Februar)
in einer Dosis von 1 ml1 pro
Volk verabreicht.Sieben Völker wurden damit behandelt, 7 ohne
jegliche Fütterung
belassen und ein genausogroßer
Anteil mit reinem Kandiszuckergefüttert.
DieEntwicklung
der Kalkbrut wurde durch zweimal wöchentliches Auszählen derverpilzten
Larven vor dem Stock über einen Zeitraum von 75Tagen
nach dem
Einbringen
des Kandiszuckers(Abb.
4, Tabelle III) und durchInspektion
der Völker amTag
56geschätzt.
Unter diesen
Bedingungen
ist dietherapeutische Wirkung
der ätherischen Öle von Satureia monta- nasignifikant
auf einem Niveau von 5%. Zum anderen wurde imGegensatz
zu Daten aus der Lite-ratur
festgestellt,
daß dieFütterung
von Kandiszucker allein nicht dieKrankheitsanfälligkeit
erhöht.Ascophaera apis
- Kalkbrut - ätherischeÖle
-Lippenblütler- fungistatische
AktivitätIntroduction
L’ascosphaerose
de l’abeille est uneaffection des stades larvaires ou nym-
phaux
de l’insectequi
provoque une maladie grave, bienqu’elle
ne tue que rarement les colonies.Cependant,
elleentraîne un retard du
développement printanier
et par là même une diminution de la force de la ruche au moment des miellées et finalement uneperte
de récol- te, souvent estimée au tiers de la valeurespérée.
Enplus
des mesures deprophy- laxie,
basées sur le renforcement du com-portement
denettoyage (Gilliam
etal., 1983),
le traitementclassique
repose surl’antibiothérapie antifongique (Giauffret
etTaliercio, 1967),
mais il procure seule- ment une rémission momentanée dessymptômes.
Lerisque
derépétition
oud’augmentation
des doses est alorsimportant
etparallèlement
celui d’unepol-
lution des
produits
de laruche, qui risque-
rait d’entacher leur caractère naturel.
L’utilisation d’huiles essentielles extrai- tes de
plantes aromatiques
cultivées pour l’alimentation humaine et visitéesréguliè-
rement par les abeilles
représente
unethérapeutique plus proche
de labiologie
de la
colonie,
et ellecorrespond
mieux àla
réputation
dumiel,
à condition toutefois derespecter
laposologie
et le mode d’ad-ministration de ces extraits
végétaux pré-
conisés en
aromathérapie
humaine(Belaiche, 1979; Allegrini et al., 1974).
Il devient donc intéressant
d’envisager
des essais
préliminaires
d’efficacité avecde telles
substances,
sous réservequ’ils
soient
poursuivis
dans le cadre d’un dos- sier de demande d’autorisation de misesur le marché d’une formulation vétérinai-
re.
L’étude
présentée
commence par des essais d’activité directe des huiles sur lemycélium d’Ascosphaera apis
et se pour- suit par uneexpérience
de terrainaprès
lechoix d’une huile essentielle active. Le tra- vail in vitro
complète
ceux de Gross(1984)
et Larribau(1985)
par laprise
encompte
de la variabilité de lacomposition chimique
d’huiles tirées del’espèce Thy-
mus
vulgaris
parexemple, grâce
aux clo-nages réalisés par la Chambre
d’agricultu-
re de la Drôme
(Lamy, 1981)
en fonctiondes
chémotypes (Lamy et aL, 1981).
Matériel et Méthodes Matériel
A
partir
de larves mycosées (encore appeléesmomies)
de différentesorigines,
nous avonsisolé et identifié 3 souches de
champignons (Ascosphaera apis) parmi
lesplus vigoureuses,
donnant un
feutrage
mycélienépais
après cul-ture sur milieu de Sabouraud. Les essais ont été faits en l’absence de fructification.
Le choix des huiles essentielles reflète la
grande
variabilité des typeschimiques,
surtoutdans
l’espèce Thymus vulgaris qui
compte 6chémotypes.
Le Tableau 1 enindique
la compo- sition moyenne relevée dans les clones distri- bués par la Chambred’agriculture
de la Drôme.Origans (Origanum vulgare)
et sarriettes(Satureia
montana) proviennent de localisa- tionsgéographiques
différentes.Un
chromatogramme
a été effectué surl’huile essentielle de sarriette des montagnes
(importée
d’Albanie) choisie dans l’expériencede terrain par le Lab. Anal. Rech. Assoc. de Toulouse
(Tableau 11).
Le thymol, le carvacrol et le géraniol
(Goch-
nauer et aL, 1979), molécules
réputées
antifon-giques
et constituantsmajeurs
de ces huiles, ont servi de témoins.Méthodes Mise en culture
Pour ensemencer les milieux de culture
solides, nous avons transféré un cube de
gélo-
se recouvert de
mycélium
sur un milieu deSabouraud solide
vierge,
mis ensuite à incuber à 28 °C.Inclusion des huiles essentielles
La
dispersion
en milieu aqueux(Sabouraud)
aété faite par l’intermédiaire d’une solution mère
de ces huiles, dans du
propane-diol
à laconcentration de 5% en volume, au moyen
d’une forte
agitation.
Cet alcool, entrant dans lacomposition
de nombreuses formulations vété- rinaires, estpréférable
au Tween 80préconisé
par Pellecuer et al.
(1976).
Des essais compa- ratifs entre ces 2 émulsifiants ontpermis
devérifier la
répétabilité
des résultats obtenus.Les concentrations de solution mère dans le milieu de Sabouraud solide suivent une pro-
gression géométrique
de raison 0,5,qui
semblesuffisante pour choisir une huile et une concen- tration
thérapeutique
de terrain.Lecture
Les cultures sont observées
après
4jours
pour noterl’aspect fongistatique,
les cultures témoins occupant la surface de la boîte en 3jours.
Le
pouvoir fongicide
est évalué parrepiqua-
ge des cubes provenant des boîtes dans les- quelles il n’y a eu aucun
développement
mycé-lien
pendant
7jours.
La concentration minimale inhibitrice
(CMI)
ou
fongistatique
est déterminéeaprès
4jours
d’incubation. La concentration minimale
fongici-
de
(CMF)
est définie comme la concentration minimale interdisant la pousse duchampignon pendant
les 7jours
suivant lerepiquage
d’uneculture inhibée durant 7
jours.
Essais de terrain
Dans le cadre d’une
expérience
menée enHaute-Garonne au mois de février, un rucher
de 21 colonies atteintes
d’ascosphaerose
à desdegrés
divers a été divisé en 3 lots, chacun deceux-ci contenant la même proportion de colo- nies peu ou pas, moyennement et fortement
mycosées.
L’huile essentielle de sarriette, choi-sie pour son activité
antifongique
et sonappé-
tence pour les abeilles, a été
incorporée
dansun nourrissement hivemal à base de candi au sucre aromatisé à 0,1% en volume. La dose par colonie traitée était de 1 ml d’huile de sar- riette
(ajoutée
à un kilo decandi).
Deux lots (7 rucheschacun)
servaient de témoins : l’un a reçu du candisimple,
l’autre n’a pas été nourri,car la
complémentation
en sucre favoriserait la maladie selon les observationsd’apiculteurs.
Le nourrissement a été consommé en 3 semaines.
Pour
juger
de l’évolution del’ascosphaero-
se, les larves
mycosées, rejetées
à l’extérieur dechaque
ruche, sont dénombrées 2 fois parsemaine
pendant
10 semaines. A la fin de cettepériode,
une visite deprintemps
apermis
d’évaluer le taux de larves atteintes demeurées dans les cadres de couvain.
Résultats
Les résultats de l’étude in vitro sont
expri-
més dans les
figures
1, 2 et3,
dont l’or-donnée
représente
la moyenne desloga-
rithmes
népériens
des CMI et CMF del’huile essentielle
(par rapport
au volume dumilieu)
sur les 3 souches dechampi-
gnons.
Un certain nombre d’huiles
possèdent
une CMF voisine de 0,05%
(origan
de laDrôme, sarriettes, thym 133, 077, 756, 557).
Elles sont toutesgénéralement
riches en carvacrol
(taux > 30%),
bien quece
composant
ne soitprobablement
pasresponsable
à lui seul despropriétés
anti-mycosiques.
L’huile de
thym
clone 133 montre unebonne stabilité des
propriétés
antifon-giques
en fonction de l’année de récolte(Fig. 3).
Pour l’essai de
terrain,
la concentration maximale incluse dans le nourtissement et n’entraînant aucun refus est de0,1%
pour la
plupart
des huiles.Notre choix s’est arrêté sur la
sarriette, qui
était la moins chère des huiles effi-caces.
L’évolution
générale
des lots(Fig. 4)
montre une forte
augmentation
du nombrede larves
mycosées
dans les lots témoinspendant
les 75jours
d’observation. Dans chacun deslots,
une colonie n’ajamais présenté
derejet
demomies;
celle-ci n’apas été mentionnée dans le Tableau III.
A la visite de
printemps, l’analyse
sta-tistique (test
deMann-Witney) n’indique
pas de différence
significative
entre leslots sur le critère «nombre de cadres de couvain». Les lots «sans candi» et «candi
simple»
ne sedistinguent
pas nonplus
avec les critères «nombre total de momies évacuées par les abeilles» et
«nombre de larves momifiées sur les cadres»
(Tableau III).
L’analyse
de variance a été utilisée pour étudier l’efficacité du traitement et l’évolution durejet
des momies au coursde la
période d’observation, après
réuniondes 2 lots témoins.
Respectivement,
lesvaleurs de F calculées sont 5,49
(P
=0,034)
et1,99 (P
=0,0748).
La différenceentre les lots traité et témoin est
significa-
tive au seuil de 5% pour le critère «effica- cité&dquo;
(Tableau III).
Discussion et Conclusion
Les essais in vitro montrent que
plusieurs
huiles essentielles sont très actives et mériteraient d’être
essayées
sur leterrain,
en
particulier
le clone 133 duthym large-
ment distribué dans la Drôme. Les huiles extraites du
thym,
del’origan
et de la sar-riette sont d’ailleurs considérées comme
majeures
enaromathérapie
humaine(Belaiche, 1979).
La constitution d’un dos- sier d’Autorisation de mise sur le marché d’unespécialité
contenant une huileessentielle
antimycosique
est envisa-geable.
Sur le
terrain,
on note que l’administra- tion de candisimple
n’a pas favorisé l’as-cosphaerose
parcomparaison
avec lesruches non nourries.
Dans ces conditions
expérimentales,
letraitement des colonies à l’huile de sarriet- te des
montagnes
s’est montré efficace. Ila réduit le taux d’infestation
mycosique
àun seuil
permettant
un bondéveloppe-
ment
printanier
des colonies.Cependant,
les
possibilités
de réinfestation de la colo- niedemeurent,
car l’huile essentielle de sarriette n’est passporicide
par ce mode d’administration. Il estimportant
de souli-gner la date de début du traitement
(février),
très antérieure à lareprise
d’acti-vité
printanière
normale dans cetterégion,
mais
qui paraît
laplus adaptée
à un traite-ment de fond de l’affection. D’un
point
devue
prophylactique,
ce traitement doit êtreaccompagné
de l’élimination des colonies faibles et d’un effort de sélection de souches d’abeillesplus
résistantes(Gil-
liam et
al., 1983).
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