Docteur Philippe
TISSIÉ
Président-Fondateur de laLigue 1 del'Éducation Physique.
Chargé de l'Inspectiondes Exercices dans lesLycées etCollègesde l'Académie deBordeaux.
Lauréat de l'Institut(AcadémiedesSciences), de l'Académie deMédecine,etc.
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APRÈS LE CYCLONE
LA TACHE DE DEMAIN
A M. AlexandreRibot,
Minisire des Finances,
Ex-Président de laCommission d'enquêtesur l'Enseignement.
Cette contribution àl'effort national.
POUR LA PATRIE: Parle Foyer, par l'École, par la Caserne.
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Docteur Philippe
TISSIÉ
— APRÈS LE CYCLONE
LA TACHE DE DEMAIN
A M. AlexandreRibot,
Ministre desFinances,
Ex-Président de la Commissiond'enquête sur l'Enseignement.
Cette contribution à l'effort national.
Oser savoir pour savoiroser
— I —
LE BAIN DE SANG
Le 3 Août 1914 l'Allemagnea déclaré la guerre à la France ; depuis ce mois elle sepoursuit avec des alternatives diverses. L'Allemagne l'ayant longuement, patiemment, méthodiquement préparée, a surpris la France
enplein rêvehumanitaire de paix universelle, rêve que l'Allemagne avait provoqué en endormant l'âme française pour mieux cacher ses projets
ténébreux. Le réveil futterrible, le flot envahisseur contournant la digue
des forts de l'Est et violant la neutralité belge déferla en mascaret par lesplaines du Hainaut etdu Brabant pour venir sebriser devant Paris et dans la Marneoù, dans une retraite désormais historique et dont aucune nation ne fournit d'exemple, le généralissime JofFre, Joffre l'olympien,
concentrantenlui l'âmemême de la France enquelques jours,enquelques heures, transforma la retraite envictoireet sauva ainsi non seulement la
France et ses alliés, mais lesneutres, et surtout les petites nations de la gueule dumonstre germanique, prêt àles happer mais désormais vaincu.
Ainsinotre « Siegfried » blessait le Fafner teuton avant de l'abattredéfi¬
nitivement.
Cependant,pour ceux qui avaient su voir,cette guerrearrivait à l'heure
dite comme laconclusion impérieuse de l'Allemagneimpériale, car celle-ci
avait produit pendant quarante-quatre années un effort colossal, effort industriel, commercial, colonial, intellectuel, ethnique, politique et, par dessus tout, militaire. Débordante de forces, pauvre dans sa richesse même, matérialiste, jouisseuse, orgueilleuse en raison d'une ascension trop rapide au faîte de la puissance, dirigée par de lourds et depédants
intellectuels; grisée par un siècle de paix et un demi-siècle de gloire; soutenue par l'armature puissante d'un militarisme de fer ; lancée dans
uneruéemondiale parles jeunes,voraces etmultiples appétits d'unerace
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prolifique ; emprisonnée dans les limites étroites de frontières terrestres et maritimes ; voulantvivre savie et ne le pouvantpas ; voulant s'affir¬
meretcommander,etn'en possédant pasles moyensimmédiats ; adorant aveuglément un empereur mystique, dégénéré supérieur, impulsif mégalo¬
mane, esprit inquiet, agité, turbulent, timide et craintif, charmeur et séducteur, déséquilibré dans ses défauts et ses qualités, dieu wagnérien ayant asservi Dieu lui-même ; l'Allemagne tendait toutes ses forces.
La guerre était doncuneconclusion logique.
Tandis qu'insouciants, crédules et légers, nous accueillions chez nous les allemands, —la génération actuelle n'ayantpas connules horreurs de la guerre de 1870— ceux-ci, avec une méthode que rien n'arrêtait, nous
envahissaient, nous espionnant, repérant tous les points stratégiques ;
établissant,dans nos carrières à champignons, les dépôts d'armes, béton¬
nantdes terres-pleins solides aux abords des grandes places fortes pour yfixer leurs gros canons de siège ; achetant la presse, maquignonant des
consciences vénales, insinuants, souriant avec bonhomie, endormant les susceptibilités par de multiples procédés : argent, flatteries, coquetterie, camaraderie, honneurs, assurances d'amitié, les allemands, hypocrites
menteurs et tartufes ontdit enfin à la France : «La maison est à moi c'est à vous d'en sortir»alors, comme ni les Belges ni lesFrançais n'ont voulu obéir, ils ont incendiédes cathédrales et des villes ; ilsont assassiné des femmes, des enfants, des vieillards ; fusillé des civils ; bombardé des hôpitaux de la Croix-Rouge; dévaliséetcambriolé les demeures ; expédié
le butin chez eux, dans leurrepaire,oùla gretchen, auxmassives formes, passait lourdement les dessous féminins de nos françaises délicates ; ils
se sont enivrés à en mourir au fond des caves ; ils ontviolé des jeunes
filleset des vieilles femmes ; ils ont piquésur lesol avec leurbaïonnette,
ainsi que des papillons qui voletaient autour d'eux, de pauvres petits
enfants de sixans ! Toute l'héridité barbare qu'ils portenteneux etqu'ils
nepeuvent pasplus effacer avec leur Kultur que Caïn ne peut effacer la
tâche de sang de sonfront ; toute la sauvagerie du germain qui sommeil¬
lait en eux a aussitôtfaitirruption avec unementalité de demi civilisé, et
comme l'hypocrisie est un hommage rendu à lavertu ils ont assassiné, volé, violé, pillé scientifiquement au nom du vieux bon Dieu allemand, caporalisé pourla défense de leurcauseimpie. La Terre des Seigneursest ainsi devenue la Terre des Saigneurs,des égorgeurs d'enfants, des mufles1.
Commentunpeuple qui fut grand par la pensée de sesphilosophes, de
ses savants, de ses artistes, deses littérateurs, de sesmusiciens, comment
ce peuple qui possède deréellesqualités de méthode etde travailen est-il
venu àsecouer sa civilisation pourtomber dansla barbarie ?Psychologie
des foules ! Si les instincts barbares sesont si spontanémentrévélés c'est que l'or de la civilisation n'estencorechez ce peuple qu'à l'état de couche galvanoplastique très superficielle. L'Allemagne matérialiste est alléeaux Sciences physiques, la France spiritualiste est allée, en plus,aux Sciences
morales. L'esprit vivifie, la lettre tue. Lalettre c'est le muscle avecl'acte pondérable ; l'esprit c'est lecerveau avec l'acte impondérable. La guerre actuelle est la lutte du pondérable et de l'impondérable ; de la Kultur
matérialiste allemande contre la Culture spiritualiste latine ; la victoire n'est pas douteuse, elle ira àl'esprit qui vivifie etnon à la lettre qui tue.
L'Allemagne est un tube digestif ; la France est un système nerveux.
1. — Lire sur cethorrible sujet : Les Crimes de l'Armée Allemande. Rapport dela Commission d'Enquête « chargée de constater lesactes commis par l'ennemi en violation du droitdes gens »,inBulletin desArméesde laRépublique,n0563, 64, 65, 66, 67 et68.— 1915.
— 3 —
Le cerveau allemand capitule devantl'estomac ; l'estomac français capi¬
tule devant le cerveau. Le cerveau est toujours maîtrede l'heure, l'esto¬
mac en esttoujours l'esclave.
Aussiquelle subitetransformation! LaFrance d'Octobre 1914ne ressem¬
ble en aucune manière à la France de Juillet, quelques semaines y ont suffi. Heureuse de vivre et légère, elle est devenue puritaine ; elle a le sourire et non plus le rire ; elle réclame des faits etnon plus des mots ;
inconstante, elle est tenace ; bruyante, elle est silencieuse ; chauvine, elle
estpatriote ; amoureuse de réclame personnelle et égoïste, elle agit sous l'anonymat de l'effort collectif etaltruiste ; quelquepeu sectaire, elle est devenue tolérante ; incrédule et sceptique, elle croit et possède la foi ; antimilitariste, elle sebaten soldatvaleureux; aimant ses aises et enfant gâtée, elle couche dans les tranchées et déchire ses chairs sous les obus ; cloisonnée avec la guerre des classes, elle est unie dans une « union sacrée». N'ayantpasrecherché la guerre, elle est décidée à la poursuivre jusqu'au bout. Elleafêlé l'armure du Lohengrin allemandà la victoire de
la Marne ; depuis, enfonçant lentement, patiemment, méthodiquement, sûrement, la pointe de sonépée dans la fissure, elle finirapar arriver au
cœurde l'adversaire. Page sublime de l'Histoire Universelle et de l'Huma¬
nité dans tous les âges ! Elle l'écrit du sang de ses enfants à la pointe de l'épée des hommes, à la pointe de la quenouille des femmes.Car lafemme
de France estdigne de l'homme de France dans cette guerre où le Foyer, l'École et la Caserne constituent un bloc indissoluble et puissant contre les attaquesfurieuses du barbare.
La France qui n'a pas su et qui n'a pas osé en Juillet, saitoser et ose savoiren Octobre.
Cette France nouvelle,je l'avais devinée dans les élans généreux des jeunesgénérations auxquelles j'ai consacréma vie; j'ai senti palpiterleur
cœur dans les lendits des lycéeset collègesde l'Académie de Bordeaux, où, pendant quinze années, de 1888 à 1903, j'ai vécu au milieu d'elles ; dans mes Cours d'Éducation physique aux élèves-maîtresses de
l'École
Normale d'Institutrices des Basses-PyrénéesàPau oùpendant dix années,
de1903 à 1913, j'ai constaté tant de patriotisme et d'altruisme chez ces futures éducatrices du peuple, ces futures mères, fondatrices de foyers; dans les Cours de Préparation militaire que j'ai organisés à Pau en1903,
oùpendant onze annéesse pressaitune jeunesse avide de dévouement à
la Patrie. Beaucoup d'entreces braves enfants ontété tués à l'ennemi ; que leurs âmes tressaillent. J'ai vu pour eux les prisonniers allemands qu'avant de mourir ils avaient blessés en Septembre, étendus à Pau dans
la salle même de gymnastique où quelques semainesauparavant ils s'en¬
traînaient militairementpour la défense de la Patrie.
C'est pourquoi me sachant soutenu par ces jeunes générations et sans m'inquiéter d'adversaires embûches ; en dehors de toute camaraderie opportune, déprimante ou utilitaire ; parlant en toute liberté consciente
aux puissants dujour ; n'ayant jamais sacrifié aux modes éphémères, en éducation physique, j'ai osé savoirpour mieuxsavoir oser, n'ayant qu'un
souci: lemeilleur avenir de la Franceassuré par le meilleur avenirdes nouvelles générations. Celles-ci, avec les générations qui les précèdent,
adulteset vétérans,reçoivent aujourd'hui le bain desang, d'où laFrance
va sortir régénérée, meilleure, plus grande, plus forte, plus belle, plus noble, et maîtressede sesdestinées dans samarche héroïquevers l'Immor¬
talité.
Ainsi, m'est-il permis d'apporter une contribution vécue àl'œuvre du
relèvementde la France, quivaconstituer la Tâchede demain.
_ 4 —
— II —
LE MIRACLE FRANÇAIS
Je détache les lignes suivantes de l'allocution que je prononçai, ily a dix-huitans, à la séance d'ouverture du Congrès Olympique international
tenuau Havre du23Juillet au 1er Août 1897, où je représentais, pardélé¬
gation, le Ministre de l'Instruction publique1 : Parlantde laFrance, jedisais :
« ... Cepays, que l'étranger se plaît à traiter de légeret d'inconstant,
» maisqui n'est que très émotif,acomprisquelapaixnepeutêtre assurée
» queparla force; c'est pourquoi, surles ruines encorefumantes, il cons-
» truisit des écoles etil élevades gymnases, oùles nouvelles générations
» viennent puiserla force morale, intellectuelleetphysique.
» L'exemple du relèvement national, donné par un pays qui n'a pas
» voulu mourir, a commandé le respect et forcé la victoire pacifique,
» créant en sa faveur un courant de vives sympathies qui a trouvé sa
» sanctiondans l'unionamicale de deux grands peuples.
» LaFrance peut être fière d'elle-même. La désespérance etle scepti-
» cismene sont qu'apparents. Si le rire de la chanson moderne est cruel-
» lementrailleur, s'ilne possède ni l'ampleur ni la gaîtédu rired'autrefois,
» c'est qu'ilest fait de larmes; c'est un rirede réaction nerveuse.Dans les
» DernièresCartouches, le soldat adossé à un lit, où agoniseuncamarade
» d'armes, les brasmous,levisage crispé, stupide,attendla mort.Aquoi
» bon lutter? — Plus d'espoir ! — Pourquoifairele coupde feu?—Pour-
» quoi brûler les dernières cartouches? Ils sont trop ! — Puissante syn-
» thèse oùl'artiste a exalté, dans un épisode poignant, le génie même de
» la France et prophétisé son relèvement! Pour un homme qui doute,
» trois autres agissent; aussi, tandis que, sur les hauteurs de la Butte
» célèbre, pleure le rire gouailleur, de tout le pays, de la chaumière au
» palais, de la lande aride aux montsetaux plaines fertiles, monte une
» longueet puissanterumeur : c'est la France quitravaille.
» Unpeuple quia pu donner l'exemple d'unetelle vitalité et d'une telle
» foi dans sa destinée, n'est pas, quoi qu'on en dise, un peuple servile,
» en dégénérescence. Sa dernière cartouche n'est pasencorebrûlée. » On parle beaucoup du « Miracle français », entendant en cela l'œuvre
d'une force mystérieuse et surnaturelle, agissanten faveur de la France
dansla guerreactuelle.
1.—Je rencontrai à ceCongrès, où il représentait la Suéde,M. le colonel Victor Balck, de
l'armée suédoise,aujourd'hui général. Il nousrévéla lesprincipes de la Méthode de gymnas¬
tiquedeLing. Fortementimpressionnépar ce qu'il m'avaitappris,j'en informai leMinistre de
l'Instructionpublique.Ilme chargea demission scientifique,l'annéesuivante,pouraller étudier
surplace même,àl'Institut centralroyal degymnastique, à Stockholm, laméthode deLing.
Leroi OscarII m'ouvrit les portes de toutes les casernes et detousles établissements d'ins¬
tructionpublique duroyaume;je poursuivis ma missiondansd'excellentesconditions de docu¬
mentation, de Lund à Lulea, de la Scanie à la Laponie. Ayant trouvé la véritééducative physiqueenSuède, jela proclamedepuis, et depuis, ayant constatéquecettevérité est maltraitée
par designorants etdes arrivistes, je la défends. Quelquesamitiés sesontretirées; d'autres,
parcontre,ont étéplus fortement soudées.
Jeremercie ici M. ElieRabier, alors Directeur de l'Enseignementsecondairequi me désigna
pour cettemission, dubien qu'il m'ape'rmis de faire à ma Patrie,par la vulgarisation d'une
méthode éducativequi,disciplinant les muscles, discipline la pensée, et à laquelle larace suédoisedoit.sa régénération.Puisse la France, dans laTâche dedemain, imiter laSuède.
Dr Ph. Tissié.
5 —
Le miracle estdans la volonté de vivre, dans la liberté par le travail,
aveclapuissance du souvenir faite de l'émotivité même de larace. Ce
miraclea étéaccompli quotidiennement pendant quarante-quatreannées; il a été fait de labeur et de dignité, depuis l'heure douloureuse, jamais oubliée, de lasignature du traité de Francfort, que la France n'a jamais accepté,pasplusquel'Allemagne,d'ailleurs, carcelle-ci s'étaitjugée égale¬
mentlésée par lamodicitédu tribut de guerre qu'elle nous avait imposé.
C'est pourquoi pendant quarante-quatre années l'Allemagneet la France
ont été surle pied de guerre, avec des alternatives diverses.
Ces quarante-quatre années comprennent trois périodes, pendant les¬
quelles s'agrège et se cimente en profondeur, lentement et puissamment
le « blocspiritualiste » français, qui résistera plus tard au choc énorme
du « bloc matérialiste» allemand, lui aussi lentement et puissamment
cimenté pour écraser laFrance, àl'heure dite.
Lapremière période, celle de la Revanche, s'étend de 1871 à 1890; elle
fut celle du patriotisme ardent, de l'éclosion des œuvres de relèvement,
avecceluide l'Arméeet de l'Instructionpublique; celle des pensées etdes
actes généreux, celle de lafoi dans les destinées immuablesde la Patrie; l'âmefrançaise se révéladans LaFille de Roland.
Ladeuxième période, celle du Doute,parréaction dunon pouvoir immé¬
diat, s'étend de1890 à 1905; elle fut celle de lalassitude de l'àquoi bon ?
dujem'en fichisme, avecla génération de la guerre, génération née fati¬
guéequi, n'ayant pas souffert directement, sepencha sur son moi arri¬
viste,fait d'égoïsme débrouillard. L'âme française se révéla alors dans le naturalisme, lepessimismedécadent,etla chansonrosse avecl'apologie du ruisseau, mais cette apologie mêmen'était qu'un cri de douleur, un appel
de la foi en de meilleures destinées. Lefrançais sehâtait de rire pour ne pas pleurer, mais il était croyant quand même; ainsi, dans un souffle d'espérance, qui annoncela troisièmepériode, meurtle Grelotteux :
Bonsoir la soc' ..., mon vieuxAlphonse,
I'vautp't-êt' mieuxqu' çasoyla fin; Ici-bas, quoiqu'j'étais?ungonse...
Là-hautj' seraipe't-êt'un séraphin1.
La troisième période, celle de laFoi, s'étend de 1905 à 1914. Une réac¬
tion seproduit. L'âme française a vibré ànouveau avec Cyrano de Rer-
gerac,L'Aiglon et Chantecler; elle seressaisit, bien que désorientée par le souci de sa défense etcelui du pacifisme.L'Allemagne joue double jeu.
Nullementpsychologue, mais possédantun flair supérieur de policier,elle pénètre dans notre intimité parl'espionnage organisé et conscient. Elle
nevoit denotreâmequeles dehors menteurs; elle la juge prêteà toutes les compromissions, et pendant qu'elle s'arme, tendant tous ses efforts
versla guerre, en vue de l'attaque brusquée,elle joue hypocritement du pacifisme dans lafraternité humaine. Elle trouve pour la seconder des espritsnaïvement confiants, dont l'honnêteté mêmeétaitunegarantiepour elle etun malheur pour nous ; des rhéteurs illuminéssegrisant de mots,
nonmoins sincères maisdangereuxpourlaFrance; des arrivistes orgueil¬
leux et débrouillards, peut-être sincères, mais dévoyés par leur orgueil
même ; des traîtresaussiqui vendirent les secretsde la défense nationale.
Elle provoque des actes de brigandage, elle poursuit une campagne de
presse de diffamation en se servant de nos discordes; elle les étale au monde en des commentaires hypocrites. Cette nation qui prétend être
1. —Aristide Bruant :Dans la Rue. Le Grelotteux.— Paris,Aristide Bruant, auteur- éditeur, 1890.
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au-dessus de tout et qui vit au-dessous detout: sous la terre avec les tranchées; sousles nuages avec les Zeppelins; sous l'eau avec les sous-
marins, qui prend saprincipale nourrituresouslaterre aveclapomme de terre, etses plaisirs même Unter den Linden« Sous les Tilleuls » ; cette nationa hypocritement joué endessous aveclepacifisme. L'âme française qui vit au-dessus de tout,toujours plus haut, confiante etignorantle mal,
crut enlaloyauté de l'adversaire. Mais subitement rappelée aux réalités
en 1905, avec la mise en demeure d'avoir à sacrifier son Ministre des Affaires
Étrangères,
M. Delcassé; et à se taire devant l'insulte de Guil¬laume II à Tanger;puisen1911,avecle coup d'Agadir,laFrancese cabra.
D'ailleurs, depuis de longues années, les éducateurs de la jeunesse, qui
luttaient contrele pessimismeetle pacifisme, constataient latransforma¬
tion des nouvelles générations qu'ils avaient poussé vers les exercices physiques, leurdonnant ainsi la force d'action dans l'effort utileet viril.
La Caserne, avec le service militaire obligatoire pour tous, a été surtout la grande école dupatriotisme d'oùestsortie la France nouvelle. Et voici que tout à coup l'Allemagne déclare la guerre. Jugeant le moment venu, elle foule aux pieds le pacifisme etles traités. Orgueilleuse, elle pénètre follement, en attaque brusquée, en Belgique. Un homme l'arrête, le défen¬
seurdeLiège. Premier et mortel échec! Dès cette heure même, elle est battue. Sa psychologie rudimentaire n'a calculé qu'avec lamatière etnon avec l'esprit. Ayant déclanchélecouteau de la guillotine qui devait nous couper le cou, une écharde dans la rainure, un rien, arrête sa chute au
départ même, et le couteau ne tombe pas. Les rôles sont changés; le
condamné pousse maintenant l'exécuteur desbasses œuvres sur laplan¬
che; encore un effort et elle bascule. Justice vaêtre faite.
Tous ces éléments réunis, tous ces efforts groupés, toutes ces aspira¬
tions associées,toutes ces volontés tendues vers un même but pendant quarante-quatre années constituent le « Miracle français ». Toutes ces forces vont faciliter la Tâche de demain.
— III —
L'EFFORT UTILE
LaTâche de demain sera ce que les français quisebattent et quivain¬
crontvoudront ce qu'elle soit. Eux seuls sontnos maîtres, eux seuls qui défendent laPatrie, qui luttentet qui souffrent, qui jaugentet qui jugent
les hommes et les choses à leur juste valeur, eux seuls auront voix au
chapitre, eux seuls auront le droit d'imposer leur volonté parce qu'eux
seuls sont vraiment la Nationet les premiers à savoir ce qu'il faut faire après qu'ils auront refoulé l'envahisseur. Il est évident que nos héros
— et tous les français qui se battent sont des héros — ont une menta¬
lité différente des rêveurs humanitaires,des coupeurs de filen quatre,des
arrivistes débrouillards, des sectaires intransigeants, des hâbleurs, des esthètes, des amorphes veules de l'avant-guerre.
Frôlantlamort àchaque instant,ilsapprécient d'autant mieuxla valeur de la vie; ils la voudrontutile et féconde, heureuse etnoble, car s'ilsse battent si ardemment c'est moins poureux que pour assurer unelongue période de paix à leurs enfants et à leurs petits-enfants. Ils voudront la famille reconstituée surdes bases meilleures, avec plus de justiceetde bien-être.
En religion, ils imposeront la tolérance, laissant chaque conscience
libre desemettre enrègle avec elle-même par les moyens qu'elle seule peutjuger bons àsonégard.
Ayantvu mourir dansun même enthousiasme pour la cause sainte de la Patrie qu'ils défendaient les représentants des diverses confessions religieuses ou des écoles philosophiques, depuis les croyants qui, tel ce
catholique convaincu, s'offrantenholocauste expiatoire, jusqu'àce«poilu»
nouveauLa Tour d'Auvergne, annonçant l'ennemi et se faisant tuer par les siens dans unjuron; ils seront tolérants. L'émotivité religieuses'atté¬
nuera et les français, dont les cœurs se sont soudés entre eux dans les tranchées, considéreront comme une mauvaise action de les déssouder pour rompre « l'union sacrée» quileur a donné la victoire.
Gommeauxpremierstemps du christianisme, les cérémonies religieuses
se donnent tantôt dans leschamps, dans les cimetières, dans les églises détruites, dans les carrières,nouvelles catacombes ! Du sang des blessés
et des morts montevers le ciel, en un saint sacrifice à la Patrie, l'hymne
d'une rédemptionnon seulement nationale, mais sociale et humaine. Et
tous les peuples de la terre tendent leurs mains, car le Droit jugule la
Force.
Paixaux hommes d'actionetde bonne volonté !
Ayant payé largement de leur personnedansunecommunion confiante,
les chefs qui aiment leurs hommes, et les hommes qui respectent leurs
chefsen toute affectiondévouée, constitueront l'armée dedemain,celle qui
avanceravictorieuse dans la voie des réformes sociales, après avoirfixé la victoire etvaincu l'ennemi de lapaix.
Ayant faitacted'abnégation, de patience, decourage, de bonne humeur,
de volonté, de ténacité, de réflexion, d'endurance, ils combattront l'égoïsme, l'impatience, la lâcheté, le pessimisme, la veulerie, l'incons¬
tance, l'impulsion, lafaiblesse, d'où qu'elles viennent, du sectarisme poli¬
tiqueou religieux,oudu patronat etde la clientèle des arrivistes débrouil¬
lards.
Ils verrontla vie de plus haut,par ses grands sommets et non parles
sombres vallées, où comme dans des lieux pestilentiels, où l'air et la lumière fontdéfaut, grouillent des êtresd'obscurité et de venin.
En politique, les français de demain aéreront la Maison de France, ayant combattu côté à côté pourla Patrie, pour laRégion, pourla Cité,
pour le Foyer, ils se rappelleront aumomentdu vote que la main qui glisse le bulletin dans l'urne apressé sur la gâchette du fusil, qu'ellea
indiqué l'attaque, qu'elle a pansé des plaies, relevé des blessés, soutenu des mourants. Ils demanderont des résultats; ils ne se paieront plus de mots, ni de promesses creuses, ni de discours à périodes; ils réclameront
des faits et du silence comme dans les tranchées. Ils imposeront la méthode, carils auront constaté que lavictoire ne s'acquiert que par la méthode, etqu'elle ne se laisse plus violenter aujourd'hui par un jeune
officier de fortune. Ils auront vuleurs chefs calculer leurs gestes; à leur tour, ils calculeront les leurs dans les nouvelles batailles de la vie.
Ayant constaté que la force de l'ennemi lui venait de son esprit de
méthode etd'organisation, ils demanderont quechaque chose soit mise à
sa place et méthodiquement organisée. Gomme leurs camaradeset alliés
les anglais; comme le haut commandement auquel ils obéissent à l'heure
actuelle etdont ils constatentles meilleurs effets, ilsmettront l'homme le meilleur à la meilleureplace; ils neselaisserontplus leurrer parles mots ni berner parlesgestes de débi'ouillards aigrefins et verbeux; ils n'accor¬
deront leur confiance qu'aux hommes compétents et pratiques, pour le plus rapide relèvement de la race et de la fortune publique.
En économie sociale, lefrançais de demain voudra organiser letra-
— 8 —
vail par l'application de méthodes sûres qui lui permettront de fournir un rendement maximum avecle moins depertepossible. Ildélaisseralesrêve¬
ries pacifistes outrancières pour ne voir que la réalité des faits; il cher¬
chera à étendre le domaine desonaction mondiale,sans toutefois léser les justes intérêts de ses voisins continentaux. Ayant conquis la force morale
et la force physique, il pourra défendre d'autant mieux ses droits, sans violenter ceuxdes autres. IL accordera aux affaires industrielles etcom¬
merciales laplace qu'elles doivent occuper dans une nation bien orga¬
nisée ; il demandera à l'Ecole de former non des rhéteurs, mais des hommes d'action pratique par de meilleures méthodes d'éducation. Il réclameral'application d'une hygiène sociale mieux comprise auFoyer, à l'Ecole, à la Cité, avec l'habitation à bonmarché, laguerre à l'alcoolisme
sous toutes ses formes, à la tuberculose, à la syphilis, aux maladies contagieuses, avec,surtout,leplus grand etlemeilleur développementdu corps humain,moteur de vie nationale,parune méthode rationnelled'édu¬
cation physique; ici il mettra fin aux stériles discussions en créant des responsabilités compétentes etagissantes. Ilimposera ainsi la victoire de la santé publiquenon seulementchez les hommes déjà forts,mais surtout chez les faibles, àtous les âges et dans les deuxsexes. Il voudra devenir meilleur et plus fort par lui-même etpar ses enfants. Il élargira le cercle de famille, sachant, pour l'avoir constaté sur lefront, que les nations ne
sontfortes que par la qualité etle nombre de leurs défenseurs. Possédant des colonies, il les rendra prospères par sesenfants mêmes, rendus plus
nombreux et plus hardis dans leurs entreprises; ainsi le nombre des fonctionnaires, peurétribués, diminuera pour unnombre plus restreint et mieux payé, qui travaillera davantage. Car la loi de lapaix, après celle
de la guerre, sera toujours celle dutravail dans l'effort utile, sans cesse
renouvelé, etpour celaencore le français de demain demanderala consti¬
tution de machines humaines à rendement multiple et prolongé et ici
encoreil réclameral'application d'une meilleure éducation physique.
Enexpansionmondiale, le français de demain,sachantqu'il possède
un empire colonial immense et considérant la mappemonde se dira : Le rail etle paquebot sontles deux grands agents de l'expansion mondiale; d'où nécessité d'augmenter lenombre de kilomètres des rails etlenombre des flottes. Or la sphère terrestre estdivisée endeux grandes expansions longitudinales entourées parlesocéans : l'Afrique etl'Amérique, etenune
expansion transversale : l'Europe et l'Asie, avec un continent isolé dans les mers : l'Océanie. Sur ces cinq parties du monde, trois ne peuventêtre abordées que par la mer : l'Afrique, l'Amérique et l'Océanie, et n'être mises encontact entre elles ou avec les deux autres, l'Europe etl'Asie,
que par le paquebot auquel troispassages permettentdecontournertrans¬
versalement laterre : Suez, Gibraltar et Panama. Sur les deux autres, l'Europeetl'Asie, saufpour l'Angleterre qui estisolée,le rail peut courir
indéfiniment et sanssolution de continuité de Brest àVladivostok.Le rail estsupérieur au paquebot dansles échanges mondiaux parcequ'il permet des transports plus nombreuxetplus rapides avec moins d'aléas. Dès lors pourquoine paslui donner la place d'honneurmondiale qui lui revient de
droit. La guerre actuelle estla guerre du rail.
Puisque le sous-marin a acquiset acquerra unevaleur combative avec
laquelle il faudra de plus en plus compter, pourquoi ne pas essayer de
lui échapperen passantau-dessous de lui, puisqu'il détruit le paquebot,
enpassant soussaquille? Pourquoi ne pas utiliser le rail du nord de l'Ecosse et del'Irlande,du nord de laNorvège etde laSuède jusqu'au sud
del'Afrique ? Descaps Duncansby etMalin, ducapNord etd'Haparanda jusqu'au cap de Bonne-Espérance en creusant des tunnels sous le Sund,
sous le Grand et le Petit Belt, sous le canal du Nord, sous le Pas-de- Calais,groupantainsi l'Europe du Nord pour aboutir parle rail jusqu'à Tarifa, puisque cinq tunnels ou passages sont ouverts sur l'Espagne à
travers les Pyrénées ? Un autre tunnel unirait Tarifa à Kasr-es-Saglia.
Ainsi, du Maroc, le rail vainqueur s'allongerait sur l'Afrique, du Nord
au Sud, parallèlement au rail qui court déjà du Cap au Caire, celui-ci écoulant les marchandises venant de l'Asie etdel'Europe Orientale.
Dès lors le rail conquerrait commercialement trois continents: l'Europe,
l'Asie etl'Afrique, sans solutionde continuité. Une marchandise partirait du Cap Nordpour arriver sans transbordement au Cap de Bonne-Espé¬
rance; et de Belfast, de Wick, de Tromsô, d'Ofotenfiordetd'Haparanda
par le raccordement des deux réseaux ferrés suédois etrusse au moyen du pontjetésurle Tornealf, auquelontravailleen cemoment,pourarriver
directementàVladivostok.
Dans cette môme poussée,laneutralisation des Dardanelles doitassurer un débouché à l'Asie par la Russie, et Odessa devenir le Hambourg
slave; laMéditerranée possède ainsi deux portes d'entréesde l'Orient sur
l'Occident, avec le Bosphore et le canal de Suez. Elle sert de passage au
paquebot qui contourne la terre par Suez, Gibraltar et Panama.
Toutes les nations riveraines de la Méditerranée peuvent devenir des entrepôts pour les échanges mondiaux. La question qui se résout en ce momentsurles champs de bataille du nord de la France, de laBelgique
et dans les Dardanelles est, avant tout, une question méditerranéenne.
C'est pour posséder la Méditerranée que l'Allemagne et l'Autriche se sontunies afin de constituer le bloc central divisantl'Europeparle milieu,
de laBaltique à la Méditerranée. Mais ce bloc, le bloc du paquebot, est limité par ces deux mers, alors que le bloc du rail n'a pas de limite puisque le rail peut aller, sans transbordement, de Tromsô et Haparanda jusqu'à Capetown. Ainsi les grands courantshumains mondiauxpeuvent s'établir par leraildu Nord au Sud pour l'Europe et l'Afrique, dans le
fuseau longitudinal occidental de l'Europe; et par le paquebot dans le
courant transversal de l'Orient à l'Occident : l'Asie, l'Europe et l'Amé¬
rique.
L'alliance des peuples Scandinaves vient de boucher la mer Baltique
avecle Sund, le grand Belt, le petit Belt, le Cattegat et la Skager-Rak; d'autrepart, le Danemark devantrentrer,après la défaite de l'Allemagne,
dans ses anciennes possessions du Slesvig-Holstein, le canal de Kiel lui reviendra.
Dès lors,l'Allemagne, isolée au Nord età l'Ouest—l'île d'Héligoland
étant priseparl'Angleterre —- nepeut trouver de sortie dans la Méditer¬
ranée que grâce àl'Autriche avec le Trentin, Trieste, Fiume, Pola, mais ici encore, ilfaut compter avec l'Italie qui réclame ces possessions et qui peutisoler également l'Allemagne et l'Autriche dans le Sud comme les États Scandinaves les isolent dans le Nord. Le bloc central des deux nations germaniques, qui fut l'œuvre de Bismark, va être disloqué et écrasé, au Nordpar les Scandinaves, à l'Est par les Slaves, au Sud par les latins, à l'Ouest par les latins et les Anglo-Saxons. Étant ainsi mis dans l'impossibilité d'agir, ilne nuira plusà la paix mondiale. Maintenu
par ces quatre forces, il devient un facteur de travail et de paix après
avoir étépendant un demi-siècleun facteur de guerre.
Enclavée comme elle l'est sur terre, l'Allemagne ne peut vivre et se
développer que par le paquebot, d'où la puissance de Hambourg; son avenir estdonc surles mers ; elle n'en possède pas, elle en cherche, elle
en cherchera toujours. Elle s'est annexéle Slesvig-Holsteinafin depercer le canal de Kiel; elle a envahi la Belgique pour posséder Anvers; elle
(*)
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lutte dans les Flandrespouratteindre Calais. Le paquebot concurrent est
son ennemi, qu'il soit anglais, français, belge ou autre. Il faut donc opposer le rail mondial au paquebot allemand, et vaincre celui-ci par celui-là. Onne peut songer à tuerl'Allemagne; elle adroit à la vie comme toutesles autres nations. Dans sa brutalité orgueilleuse,elle n'a considéré quelaforce bestiale; cette force estvaincue; elle se redresse; il faut la capter etla draineréconomiquement par le rail.
Pourcela, les frontières de l'Allemagneactuelle doiventêtre modifiéesde telle façon que le fuseau de la ligne des rails de Strasbourg à Wismar
constitue une zoneneutre.
Les diplomates auront dès lors à envisager l'établissement de cette neutralité, après avoir rendu à la France età laBelgique leurs frontières
naturelles duRhin, et auDanemark le Slevisg-Holstein jusqu'au canal de Kielqui serait neutralisé. Cet Etat neutre serait chargé d'assurer l'indé¬
pendance du transitdelaligne ferrée Cap Nord-Cap Bonne Espérance. Il pourrait être constitué par leHanovre, le Mecklembourg, l'Oldenbourg,
laWestphalie, le Brunswick, leHesse-Nassau, d'après uneligne idéale de frontière Ouest allant de Strasbourg à Wismar,parDarmstadt,Francfort- sur-Mein, Cassel, Brunswick, Schwerin.
La neutralité de cet État, garde-barrière mondial,serait assurée par toutes les puissances intéressées au trafic, de la Suède àla Colonie du Cap. Essen, aujourd'hui principe de mortavec ses usinesà canons devien¬
drait principe devie avec sesmêmes bâtiments transformés en entrepôts
demarchandises.Essen deviendrait aussiunentrepôtmondialsurleslignes ferrées terrestres Nord-Sud et Ouest-Est, et un grand débouché pour
l'Allemagne. A l'hégémonie germanique succéderait ainsi l'hégémonie
humaine dans le Droit dominant la Force.
Un tel avenirne peut être assuré que par lavaleur même du rendement desraces et des peuples, c'est-à-direpar la valeur de la quantité et de la qualité dufacteur humain. La France doit s'appliquer à cette Tâche de demain par un essor plus grand donné à la repopulation, pour la quan¬
tité; etpar une meilleurehygiène sociale, pour la qualité. Constituer des machines humaines par une éducation physique méthodiquement appli¬
quée etprovoquer unenatalitéplus grande par une action sociale orga¬
nisée,telles sont les deuxquestions que nous allons envisager.
— IV —
REPOPULATION ET COOPÉRATIVE FAMILIALE
L'Académie des Sciences morales etpolitiques vient, après une longue
discussion surles moyens de rendre à la France sa vitalité normale, sa santé physique etmorale, d'adopter lesvœux suivants :
1° Que le passage dans la territoriale, dans la dernière classe appelée à combattre, puis la libération définitive, soit avancé pour les pères de familles nombreuses,et au contraire retardépour les célibatairesetles hommes mariés
sans enfant ;
2° Que l'assistance obligatoire etles allocationsdel'Étatsoient de préférence
réservées auxpères defamille;
3° Que l'assistance auxfamillesnombreuses récemment créée soit élargieet appliquée dèsle troisième enfant;
4° Que, dans la révision des lois électorales, il soit attribué un plus grand
nombre de suffragesaux chefs de famille en tenant compte du nombre des enfants ;
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Au point devue de lanatalité : Considérant que sadiminutionn'estpas due seulement à des causes économiques, mais aussi à des causes mora¬
les, l'Académiea adopté les vœuxsuivants :
5° Que l'impulsion laplus vive soit donnéeaux Œuvres quiontpourbut de préserverla moralité de la jeunesse, la stabilité de la famille, lafacilité du mariage... ;
_ 6° Que toutes les forces religieuses, intellectuelles ou morales : Églises, Écoles, Sociétés d'Éducation populaire, combattent par une propagande éner¬
giquele fléausocial quimenace l'existencemême de la nation.
La Tâche de demain est lourde et complexe. L'Académie des Sciences morales et politiques s'y applique dès aujourd'hui, sa collaboration est
précieuse. Mais est-cebienposerla question que d'en rechercher la solu¬
tiondans lapartie militaire du problème ? Tout fait prévoir, après cette guerre, une période de paix s'étendant sur delonguesannées, car si nous nous battons en cemomentavec tant de courage, de foi et de ténacité, c'est pour assurerun long régime de paixen faveurde nos fils et de nos arrièrepetits-fils. Les moyens indiqués par lepassage dans la territoriale
sont des moyens de fortune répondant aux besoins de l'heure présente,
maisnon de celle de demain. La question, si complexe, de la dépopula¬
tion, a d'autres solutions que celle du service militaire diminué pour les
territoriaux pères de familles nombreuses et augmenté pour les céliba¬
taires et les hommes mariés sansenfants.
La véritablecause de la dépopulation est l'égoïsme avec la recherche duplus grand plaisir dans le moindre effort; avec la peur dela perte du
bien-être diminué en raison du nombre d'enfants à élever; la fatigue morale, atténuant les nobles émotions de lapaternité et de la maternité; la recherche d'émotions d'un ordre inférieur égoïste en dehors du foyer,
dans la rue, à l'assommoir, au café, au cercle, dans les divers lieux de plaisiroùle « moi » égoïste s'affirme,s'entraîneet se satisfaitenéloignant systématiquement lescauses quigênent son plaisir. La recherche du plus grand avantage, larestriction dans l'acte générateurest un des premiers facteurs de bien-être égoïste. Cetterecherche a été encouragéeet soutenue par une littérature spéciale exaltant le moi égoïste dans la formule :
« Vivresavie !» LesJurys, dans certains départements, acquittent régu¬
lièrement les crimes d'avortement par un humanitarisme déliquescent ou par unégoïsme systématique. Le besoin de jouirvite et bien a déplacé
l'axe de vie de laNation, etprogressivement la natalité abaissé.
La volontépouvant éloignerde la table familiale des êtres gênants, on
neles appellepas au banquet delavie. La peur du lendemain est l'une des principales causes de la dépopulation. Cettepeur, on l'éprouve aussi
pourl'enfant auquel on veut assurer le maximum de bien-êtrecomme on cherche à se l'assurer à soi-même. Ce maximum dépend, d'après des
calculs erronés, du plus petit nombre des compétiteurs, les générateurs
donnentaufils aîné le moins de frères et de sœurs afin qu'il puisse jouir
le plus desrentesqu'ils lui laisseront.
Eloigner cette peur égoïste en assurantun lendemainégalement égoïste,
telle est laquestion préalable à résoudre. Dès lors, le problème doit être envisagé d'après les tendancesmêmes del'égoïsme humain, en traitant le mal par le mal, par vaccin de virus atténué, car l'égoïsme débrouillard quipousseà la restriction, à la tricherie et à l'avortement est un virus social.
Les multiples moyens préconisés ou appliqués jusqu'à ce jour en vue de provoquer uneplus grande natalitén'ont pas réussi. Pourtant jamais
floraison d'œuvres socialesprovocatrices de bien-être et de repopulation