L’ÉTUDE DES DISTRIBUTIONS DE FRÉQUENCES
EN VUE DE DÉCELER LA PRÉSENCE DE GÈNES
A EFFET IMPORTANT
P. MÉRAT
Station centrale de
Génétique
animale,Centre national de Recherches
zootechniques,
78 -Jouy-en-Josas
Institut national de la Recherche
agronomique
INTRODUCTION
Dans
plusieurs
cas, des chercheurs ont montré l’existence d’un ou dequelques gènes
à effetprépondérant,
dans des caractèresauparavant
considérés commepoly- géniques (W RI G H T,
ig5o ; THODAYetBOAa!, 19 6 1 ; S PI CKETT, ig63).
Ceci a pu être réalisé chez ladrosophile grâce
auxgènes
marqueursrépartis
sur tous les chromo-somes.
Pour des
espèces
moins bien connues, on nedispose
pas de méthodespermettant
de déceler une telle situation.CASTRE (ig2i),
DEMPSTER et SNYDER(ig5o),
WRIGHT(
1950
)
ont estimé dans deshypothèses
restrictives un nombre minimum de loci en cause, cequi
nerépond
donc pas à laquestion
que nous nous posons.Seules,
à notreconnaissance,
les considérations émises par ROBERTSON(ig6i, 19 6 4 ) suggèrent
unetelle
méthode, reposant
sur la mise en oeuvred’expériences
de sélection sur un cer-tain nombre de
générations.
Aussi nous a-t-il paru intéressant de chercher dans une autre
direction,
baséesur l’étude des distributions de
fréquences
à l’intérieur de familles ou engénéral
degroupes
génétiquement
distincts.I. -
1/EFFET
DE LASÉGRÉGATION
DEGÈNES MAJEURS
SUR LA FORME DES DISTRIBUTIONS
Nous raisonnerons sur les
paramètres
des distributionsthéoriques,
dansl’hypo-
thèse où il ne se pose pas de
questions
d’échelle liées à la nature même du caractèreenregistré,
telles que limitesupérieure
ou inférieureimposées
ou corrélation entremoyenne et
variance,
etoù,
d’autrepart,
les facteurs nongénétiques
de variation sont nombreux etrépartis
au hasard entre les différentes familles ou groupes com-parés.
a)
Unehétérogénéité
des variances intra-familles dans unepopulation panmic- tique peut provenir
de laségrégation
degènes
dans certaines familles et pas dansd’autres,
mais ellepeut
aussi avoir d’autres causes(répartition variable,
d’une famille àl’autre,
d’allèles de « sensibilité » à des fluctuationsd’origine
nongénique,
ou effetsmaternels influant sur la variance des
descendants).
De toute
façon,
nous avons vérifié surl’exemple
degènes
à effetégal
et additifque le test de cette
hétérogénéité
nepermet
pas de discriminer entrel’hypothèse
d’un
petit
nombre degènes
en cause et celle d’un nombre modérémentgrand.
Sonintérêt est donc limité.
b) L’étude
de la forme des distributionsintra-groupes paraît susceptible d’ap- porter
des indicesplus
intéressants.En l’absence de
questions d’échelle,
unehétérogénéité
de la forme des distribu- tions doit recevoir sonexplication propre.
Nous nousplaçons
dans le cas où ces ques- tions ne seposent
pas àpremière
vue, etoù,
deplus,
les distributions observées sontsensiblement normales dans certaines familles ou groupes
génétiques ayant,
dans leurensemble,
même intervalle de variation que les autres. Unproblème
d’échellepeut alors,
selon toutevraisemblance,
être éliminé.Le coefficient de
symétrie (K!NDA!.!&dquo; 1959 ) peut
être rendu non nul par laségrégation,
parexemple,
d’ungène
dominant à effetimportant (ségrégation 3/ i) ;
mais le même résultat
pourrait
se concevoir avec despolygènes
influant sur le « tam-ponnement
» d’uneperformance
dans une direction seulement.Par contre, le coefficient Y2de kurt03is
(KE NDA LL, i 959 )
ne devrait pas s’écarter de la valeur o dans des groupesparticuliers
si despolygènes
sontpartout
en cause, des facteurs de variationmultiples,
dont aucun n’estprépondérant, produisant
unedistribution normale. Pour des différences
polygéniques
de sensibilité aumilieu,
elles tendraient à rendre y,positif (MÉ RA T, zg6 7 ).
Quant
à l’existence degènes
dont l’effet propre serait deproduire
des distribu-tions
aplaties
ou au contraireleptokurtiques,
il semble difficile à concevoirqu’elle
soit un
phénomène répandu.
Au
contraire,
laségrégation
degènes
à effetimportant peut, elle, produire
desdistributions de forme
aplatie (platykurtiques).
On est tenté de penser
qu’une
telleségrégation
doit se refléter par une distribu- tion àplusieurs
modes.Or,
il est facile de montrer que, dans le cas d’unmélange
enproportion égale
de deuxpopulations
normales de mêmevariance,
la distribution résultante ne devient bimodale que si la différence des moyennes de ces deux popu- lations atteint une valeursupérieure
à 2écarts-types. Sinon,
la distribution résul- tante est seulement «trop aplatie » (coefficient
y,négatif).
Dans le cas
général,
considéronsplusieurs populations
normales de varianceunité,
de moyennes ml, m2’ ...mélangées
dans desproportions p l; P 2 ,
...En
prenant
pourorigine
la moyenne de lapopulation résultante,
le coefficientd’aplatissement
y, de cettepopulation
sera dusigne
deSi l’on détaille
d’après
les distributionscomposantes
et pose x’i = xi - mi, i étant l’indice de l’une de cesdistributions,
on aCompte
tenu de ce que les distributions élémentaires sont normales de varianceunité,
donc queE(x’<)
= oE(x’i)
= i,E(x’!)
= o,E(x’!)
= 3, laquantité
étudiée
équivaut
àet l’on montre
qu’elle
doitgénéralement
êtrenégative.
On le
vérifie,
parexemple,
pour deux distributionsmélangées
enproportion égale,
ou enproportion 3/I ,
ou pour trois distributionsmélangées
dans laproportion I/2/I.
La valeur absolue du coefficient y, diminue assez vite
lorsque
croît le nombrede
gènes
en cause.En fin de
compte,
laprésence,
seulement dans certainesfamilles,
ou groupesgénétiquement individualisés,
d’une distributionaplatie suggère
avec une forte vraisemblance laségrégation
dans ces groupes d’unpetit
nombre de loci à effetimportant.
On ne voitguère,
sous leshypothèses
que nous avonsdéfinies,
d’autresfacteurs
susceptibles
d’aboutir à ce résultat.Dans ces mêmes groupes, on devrait observer une variance
phénotypique plus
élevée.
II. - TESTS
PROPOSÉS
POUR LAPRÉSENCE
DEGÈNES
A EFFET
PRÉPONDÉRANT
SUR UNCARACTÈRE QUANTITATIF a)
Dans unecomparaison
entre deuxpopulations
distinctes A et B et leurs croisementsF l et F 2 ,
si cespopulations
diffèrent par unpetit
nombre degènes
« im-portants
u pour uncaractère,
le croisement de retourF!
X A ouF i
X Bprésentera
une
ségrégation
de cesgènes.
Enconséquence,
un échantillon suffisant de ce croise- ment, élevé dans les mêmes conditions que leslignées parentes,
devraprésenter,
outre une variance
phénotypique plus élevée,
un coefficientd’aplatissement g 2 négatif.
Le test que nous
suggérons
est donc lacomparaison
des coefficients g2(S N E DE -
cox,
1959 )
dans ces croisements de retour et leslignées parentes.
b)
Lors de lacomparaison
entre familles à l’intérieur d’unepopulation panmic- tique,
le test del’homogénéité
des coefficients g2 observés sera souventimpossible,
car leur distribution n’est normale que pour des effectifs relativement élevés
(K EN -
D ALL,
I959) !
On
pourrait,
àdéfaut,
utiliser le test de GEARY( I g 35 ).
Mais comme, dans
l’hypothèse
degènes majeurs,
les famillesprésentant
uneségrégation
pour cesgènes
auront une distributionplus
variable en mêmetemps
qu’aplatie,
ilparaît naturel
de comparer les coefficients g2 obtenus dans l’ensembledes familles à
plus grande
et dans l’ensemble à celles àplus petite
variance observée( 1 ) (à
supposer que cette dernière se soit révéléehétérogène),
ces deux groupes étant délimités arbitrairement.Par cette
séparation
des familles à variance observéegrande
oupetite,
onrisque,
ou d’avoir dans chacune des deux
catégories
unmélange
depopulations
à variance« vraie
» différente,
ou,inversement,
un échantillon de familles à variance observéeplus homogène qu’un
échantillon « au hasard ».Cependant,
l’une ou l’autre de ces éventualités nerisque
pas de rendrenégatif
le coefficient de « kurtosis », car, d’une
part,
onpeut
montrerqu’un mélange
de dis-tributions de variance « vraie >· différente doit le rendre
positif,
del’autre,
la cova- riance entre ce coefficient et la variance observée dans un échantillon est nulle.Ce test
permettra
donc de concluresi,
dans les familles à variance vraie laplus grande, l’espérance mathématique de g 2
ne diffère pas de celle des autres familles.En
conclusion,
les testsproposés
nousparaissent pouvoir apporter,
sur l’exis-tence de
gènes
« à effetimportant
», desprésomptions
sérieuses.Leur sensiblité est a
Priori
relativementfaible,
mais lacontrepartie
est lagénéralité
de leur
emploi.
On
peut
penser à les utiliserpréalablement
avantqu’une
confirmationpuisse
être donnée par une
expérience
de sélections’inspirant
des considérations de ROBERT-SON.
Un
exposé comportant
des démonstrationsplus
détaillées de nosconclusions,
et leur
application
à des donnéesexpérimentales
survolailles,
serapublié prochaine-
ment.
Reçu
pourpublication
en octobre 1967.SUMMARY
A STUDY ON FREQUENCY DISTRIBUTIONS IN ORDER TO TEST FOR THE PRESENCE OF GENES WITH AN IMPORTANT EFFECT
A method for the detection of genes with an
important
effect for aquantitative
trait in a ran-dombred
population
issuggested
as follows. It ispossible
to compare the coefficients of « kurtosis » between families in which the variance observed was thehigher
and families in which it was thelower, after
having
tested for theheterogeneity
of these variances.This
comparison
of « kurtosis » can also be used with « back crosses» compared
to theparental populations
bred in the same conditions.RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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