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TRIBUNAL DE COMMERCE DE BRUXELLES 17 OCTOBRE 2007

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T R I B U N A L D E C O M M E RC E D E B R U X E L L E S 17 O C T O B R E 2007

DROITS INTELLECTUELS

Marque – Marque Benelux – Etendue de la protection – Marque renommée – Risque de préjudice – Signe similaire – Confusion – Dommages et intérêts

Le terme “spa” en français, néerlandais et même anglais ne désigne pas des produits cosmétiques. S’agissant de la jux- taposition des termes “Asia Spa”, il existe un écart percep- tible par rapport à une éventuelle description du produit cosmétique. Ce signe est utilisé comme marque.

Pour qu’il y ait atteinte à une marque renommée, il faut et il suffit que le degré de similitude entre la marque renommée et le signe ait pour effet que le public concerné établisse un lien entre le signe et la marque. Une différence entre les produits sur lesquels le signe se trouve et ceux pour lesquels la renommée de la marque existe est sans incidence. Un sim- ple risque de porter préjudice à la renommée de la marque invoquée, tant qu’il est prévisible, suffit pour constater l’atteinte.

Un risque de confusion indirecte existe lorsque le public Benelux ne peut se forger la certitude qu’il n’existe pas de lien entre le produit portant le signe incriminé et la mar- que.

INTELLECTUELE RECHTEN

Merk – Beneluxmerk – Beschermingsomvang – Bekend merk – Mogelijke shade – Overeenstemmend teken – Verwarring – Schadevergoeding

De term “spa” in het Frans, Nederlands en zelfs het Engels duidt niet op cosmetica. Wat de nevenstelling van de woor- den “Asia Spa” betreft, bestaat er een merkbaar verschil met een eventuele beschrijving van een cosmeticaproduct. Dit teken wordt als merk gebruikt.

Om van inbreuk te kunnen spreken, is het nodig maar ook voldoende dat de mate van overeenstemming tussen het bekende merk en het teken tot gevolg heeft dat het betrokken publiek een verband maakt tussen het teken en het merk. Het is niet van belang of er een verschil bestaat tussen de waren waarop het teken afgebeeld staat en de waren waarvoor de bekendheid van het merk bestaat. Alleen al het bestaan van een gevaar om afbreuk te doen aan de bekendheid van het ingeroepen merk, voor zover dit gevaar te voorzien is, vol- staat om de inbreuk vast te stellen.

Er is sprake van een onrechtstreeks verwarringsgevaar in geval het Benelux publiek er zich niet van kan vergewissen dat er geen verband bestaat tussen het product dat het gewraakte teken draagt en het merk.

Spa Monopole/Henkel

Siég.: Lewalle (juge, président), Hislaire et Van den Mersch (juges consulaires) Pl.: Mes L. de Brouwer, E. Cornu et B. Vandermeulen, S. Flecijn

(...)

I. Faits et rappel de procédure

1. La demanderesse s’identifie comme la SA Spa Monopole Compagnie Fermière des eaux et bains de Spa, constituée en 1921.

Elle expose qu’elle a, dès sa création, reçu de la ville de Spa, l’exclusivité de l’exploitation des eaux de la commune de Spa et de l’établissement thermal de la ville. Elle assure depuis lors la production et la commercialisation exclusive des eaux minérales provenant des sources situées sur le territoire de la commune, sous la marque SPA et ses marques dérivées.

Elle commercialise ses produits non seulement au Benelux, mais encore dans d’autres territoires de la Communauté européenne.

À côté de cette activité principale, la demanderesse a tou- jours poursuivi l’exploitation des thermes de Spa, sous l’appellation “les Thermes de Spa”.

Elle a également développé sous la marque “Spa” ou sous la

marque “les Thermes de Spa” une gamme de produits cos- métiques. Elle expose avoir octroyé des licences d’exploita- tion de sa marque “Spa” à d’autres sociétés, telles que Elisa- beth Arden Co, Yves Rocher ou Sothys. Elle a en outre déve- loppé des produits qu’elle a commercialisés en direct sous la marque “Spa” et sous la marque “les Thermes de Spa”.

2. La défenderesse, Henkel KGA se présente comme société multinationale de droit allemand, fondée il y a 129 ans et exerçant ses activités dans plus de 120 pays.

Elle expose, quant à elle, qu’elle opère dans trois secteurs stratégiques qu’elle nomme “Home Care”, “Personal Care” et “Adhesives, Sealants and Surface Treatement”.

Elle possède de nombreuses marques mondialement com- mercialisées, et notamment la marque FA, offrant des pro- duits de soins pour le corps, dont certains font l’objet du litige soumis au tribunal.

Elle déposa une marque communautaire “Fa Spa” dans le courant de l’année 2002, qui fut radiée pour le Benelux sur protestation de la demanderesse.

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En avril 2006 cependant, la défenderesse a lancé dans le réseau de grande distribution à travers le Benelux, une nou- velle gamme de produits sous l’appellation “Asia Spa” com- portant gel de douche, de bain et déodorant.

3. La demanderesse, pour défendre ses activités et les pro- duits qu’elle commercialise, est titulaire de plusieurs enre- gistrements Benelux:

– marque verbale “Spa” enregistrée sous le n° 389.230, déposée le 21 février 1983 pour des produits de la classe 32;

– marque verbale “Spa” enregistrée sous le n° 499.046 dépo- sée le 3 juillet 1991 pour des produits de classe 3;

– marque verbale “Spa” enregistrée sous le n° 372.307 dépo- sée le 11 mars 1981 pour des produits de classe 3;

– marque figurative “les Thermes de Spa” enregistrée sous le n° 466.130 déposée le 22 juin 1989 pour des produits de classe 42;

– marque verbale “les Thermes de Spa” enregistrée sous le n° 501.661 déposée le 14 août 1991 pour des produits de classe 3.

Ayant eu connaissance du lancement des produits de la défenderesse, la demanderesse la mit immédiatement en demeure de retirer les produits de la marque “FA” commer- cialisés sous le dénomination “Asia Spa” et de cesser ses campagnes publicitaires et de promotion au motif que ses droits sur les marques “Spa” et “les Thermes de Spa” tant en classe 32 et 44 (ancienne classe 42) qu’en classe 3 étaient préjudiciés.

La défenderesse n’ayant pas obtempéré totalement à sa demande, – en ce qu’elle cessa uniquement la compagne publicitaire télévisée et les campagnes de promotion (pré- sentoirs publicitaires dans les grandes surfaces notamment) et poursuivit la commercialisation des produits litigieux –, la demanderesse lança la citation ouvrant la présente instance.

II. Demandes

La demanderesse postule à l’égard de la défenderesse, en ter- mes de conclusions additionnelles de synthèse:

– l’interdiction de tout usage au Benelux du signe “Asia Spa” ou de tout autre signe ressemblant à la marque “Spa”

sous peine d’astreinte de €10.000 par usage qui intervien- drait en contrariété du jugement à intervenir dans les 8 jours de sa signification, chaque produit ou chaque publicité pou- vant constituer un fait d’usage distinct;

– le retrait de tout produit revêtu du signe “Asia Spa” com- mercialisé au Benelux, sous peine d’astreinte de €5.000 par jour auquel il ne serait pas satisfait au jugement à intervenir dans les 8 jours de sa signification;

– la condamnation à des dommages et intérêts évalués à titre provisionnel à €75.000 majorés des frais de défense évalués à titre provisionnel à €5.000;

– la cession de bénéfices réalisés en commercialisant les pro- duits cosmétiques sous le signe “Asia Spa”;

– la désignation d’un expert en vue de déterminer le bénéfice réalisé par la vente des produits litigieux au Benelux;

– la publication aux frais de la défenderesse du jugement à intervenir dans deux quotidiens de langue française et deux de langue néerlandaise;

– la condamnation aux dépens de l’instance;

– le bénéfice du caractère exécutoire par provision du juge- ment à intervenir nonobstant tout recours et sans caution ni cantonnement.

La défenderesse, quant à elle, conclut à titre principal au non-fondement de la demande, à titre subsidiaire, conteste sa mauvaise foi et conclut au non-fondement des demandes d’exécution provisoire, des demandes d’indemnités pour mauvaise foi et pour contribution aux frais de défense, la demande de publication et de retrait des produits litigieux. À titre infiniment subsidiaire, elle postule un délai de 6 mois pour se conformer à l’injonction de retrait et sollicite que les astreintes soient limitées à €500.

III. Discussion

a. Fondement légal des demandes

La demanderesse fonde doublement sa demande d’interdic- tion d’usage du signe “Asia Spa” sur la Convention Benelux ratifiée par une loi du 22 mars 2006 et plus particulièrement les articles suivants:

– 2.20, 1., c) en fonction de la protection des marques renom- mées “Spa” en classe 32 (eaux minérales) et “les Thermes de Spa” en classe 42 (établissements de type thermal);

– 2.20, 1., b) en fonction de la protection des marques “Spa”

et “les Thermes de Spa” en classe 3 (cosmétiques).

Cet article 2.20, 1. dispose:

Étendue de la protection.

1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Sans préjudice de l’application éventuelle du droit commun en matière de responsabilité civile, le droit exclusif à la marque permet au titulaire d’interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement:

a. (...)

b. de faire usage dans la vie des affaires, d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des pro- duits ou services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque;

c. de faire usage dans la vie des affaires, d’un signe identi- que ou similaire à la marque pour des produits ou services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque cette marque jouit d’une renommée à l’intérieur du territoire Benelux et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.

La demanderesse tend d’abord à démontrer que par l’utilisa- tion du signe “Asia Spa”, la défenderesse tire profit de ses marques renommées “Spa” et “les Thermes de Spa” en

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classe 32 et 44 soit l’application de l’article 2.20, 1., c), avant de démontrer que l’utilisation de ce signe crée, au Benelux, un risque de confusion avec ces mêmes marques en classe 3, c’est-à-dire pour les cosmétiques, – application de l’article 2.20, 1., b).

b. Atteinte aux marques renommées “Spa” et “les Thermes de Spa” par le signe “Asia Spa”: application de l’article 2.20, 1., c) de la Convention Benelux

Le tribunal va d’abord vérifier si le signe “Asia Spa” est un signe à usage de marque permettant de distinguer le produit d’autres produits, ou un terme descriptif comme le prétend la défenderesse.

Ensuite le tribunal examinera si les marques “Spa” et “les Thermes de Spa” sont effectivement distinctives et renom- mées en classe 32 et 44.

Il vérifiera, le cas échéant, si l’usage sans juste motif de ces marques crée ou peut créer un profit indu dans le chef de la défenderesse ou en tout cas porte préjudice aux marques de la demanderesse.

• Le signe “Asia Spa” est-il une marque ou un terme descriptif?

L’article 2.1. de la Convention Benelux définit la marque de la façon suivante:

“1. Sont considérés comme marques individuelles les déno- minations, dessins, empreintes, cachets, lettres, chiffres, for- mes de produits ou de conditionnement et tous autres signes susceptibles d’une représentation graphique servant à dis- tinguer les produits ou services d’une entreprise.”

La défenderesse a expliqué à l’audience et dans ses conclu- sions, que le signe “Asia Spa” est le nom de la gamme de produits (“baseline”) servant à la distinguer d’autres pro- duits de la même marque “FA”. Cependant la marque “FA”

couvrant de nombreux autres produits, c’est bien la conjonc- tion de la marque “FA” et du signe “Asia Spa” qui distingue ces produits des produits d’autres marques.

Le tribunal constate, en outre, qu’il ne peut s’agir d’une

“information descriptive de certaines caractéristiques du produit” de la marque FA, comme le soutient la défende- resse dans ses conclusions, car la description du produit ressort des termes “shower cream” et “soymilk & cherry blossom” de même que des éléments repris au dos du pro- duit et qu’il ne fait pas de doute que ces produits sont inu- tilisables dans un “spa”, – entendu au sens du “bain bul- les”, ou “jacuzzi” –, s’agissant d’un déodorant ou d’un savon.

Le tribunal relève que le signe “Asia Spa” ne décrit nulle- ment le produit, puisqu’il faudrait alors considérer que le terme “Spa” qu’il contient, décrit les produits cosmétiques de la défenderesse, soit, en l’espèce, un gel douche, de bain et un déodorant.

Or tant dans l’importante littérature déposée par la défende- resse que dans l’encyclopédie en ligne “Wikipedia” en ses différentes versions linguistiques ou les dictionnaires classi- ques de langue anglaise, française ou néerlandaise, le terme

“spa” désigne tout autre chose que des produits cosmétiques:

“bassin ou minipiscine munie d’hydrojets et dont l’eau est en bouillonnement continu” (Wikipedia en langue fran- çaise).

L’imposante jurisprudence de l’OHMI concernant la marque

“Spa” déposée par la demanderesse et un arrêt récent de la cour d’appel de Paris (4ème chambre) du 20 janvier 2006 (Ing.-Cons. 2006/2, p. 201) sont formels sur ce point: le terme “spa” en français, néerlandais et même anglais ne désigne pas des produits cosmétiques.

Il reste important en outre, – vu le fait que la présente action concerne la protection de marques Benelux –, de souligner que les langues courantes du territoire Benelux sont le fran- çais, le néerlandais et l’allemand et en aucune façon l’anglais, même s’il faut admettre sa généralisation comme langue véhiculaire.

En tout état de cause, même en langue anglaise, la défende- resse ne démontre pas que le terme “spa” servirait de terme générique pouvant décrire un produit cosmétique. Tous les exemples apportés par la défenderesse dans l’importante lit- térature déposée, démontrent au contraire l’utilisation du terme “spa” dans son acception anglaise de “bain” ou “com- plexe thermal” selon la définition du Larousse anglais/fran- çais citée par la défenderesse, ou, – dans une acception plus large et qui provient d’un effet de mode (comme les termes

“thalasso” ou “wellness” cités par ces revues ou extraits de sites internet) –, de “centre prodiguant des services de soins”.

Ce terme n’est donc pas générique dans la catégorie en cause des produits cosmétiques.

En outre, le signe “Asia Spa” est formé de deux vocables anglais qui, s’il s’agissait vraiment d’une description du pro- duit en langue anglaise devrait s’écrire “Asian Spa” s’agis- sant de l’adjectif “asiatique” décrivant le substantif “spa”.

Les nombreuses publicités déposées par la défenderesse pour les hôtels et centres de cures et de remise en forme, utilisent presque exclusivement les termes “Asian Spa” sauf à titre de dénomination (par exemple le nom de l’hôtel ou d’un magazine).

Comme l’a souligné la Cour de justice dans son arrêt “Baby- dry” (20 septembre 2001), “un éventuel caractère descriptif doit être constaté non seulement pour chacun des termes pris séparément mais également pour l’ensemble qu’ils compo- sent. Tout écart perceptible dans la formulation du syn- tagme proposé à l’enregistrement par rapport à la termino- logie employée, dans le langage courant de la catégorie de consommateurs concernée, pour désigner le produit ou le service ou leurs caractéristiques essentielles est propre à

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donner à ce syntagme un caractère distinctif lui permettant d’être enregistré comme marque” (le tribunal souligne).

La juxtaposition des deux termes “Asia” et “Spa” ont été uti- lisés par la défenderesse pour leur consonance particulière, et il existe donc un écart perceptible dans la formulation employée, même pour le public Benelux, entre une éven- tuelle description du produit (dont le tribunal a relevé que ce n’était pas le cas) et la marque “Asia Spa” de la défende- resse.

Les campagnes publicitaires de la défenderesse ont d’ailleurs mis en exergue le nom “Asia Spa” (cf. les bons publicitaires produits par les parties, et les photos des pré- sentoirs lors du lancement des produits dans les grandes sur- faces), laissant au second plan la marque “FA”, ce qui con- firme si besoin en était encore qu’il ne s’agit pas d’un des- criptif du produit mais d’une (sous)-marque de la défende- resse.

Il faut donc conclure que le signe “Asia Spa” est bien utilisé comme marque par la défenderesse, et que cette utilisation s’oppose aux droits dont la demanderesse est titulaire.

• Caractère distinctif et renommée des marques “Spa” et

“les Thermes de Spa”

Le pouvoir distinctif d’une marque a été défini par la Cour de justice des Communautés européennes comme une “apti- tude plus ou moins grande de la marque à identifier les pro- duits ou les services pour lesquels elle a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à dis- tinguer ces produits et services de ceux d’autres entreprises”

(notamment C.J.C.E., C-342/97, Lloyd, Ing.-Cons. 1999, p. 350).

En vertu des critères de spécialité et de territorialité consa- crés par la Convention de Paris et utilisés par la C.J.C.E.

pour s’assurer de ce pouvoir distinctif (B. VAN REEPINGHEN

et E. CORNU, “Chronique de jurisprudence. Droits intellec- tuels (1997-2004)”, J.T. 2004, n° 6160-40, pp. 897 et s.), il faut considérer le pouvoir distinctif des marques “Spa” et

“les Thermes de Spa” pour en classes 32 et 44 (et ensuite 3 au point ci-après) pour lesquelles elles ont été enregistrées pour le seul territoire Benelux.

Concernant la renommée, il faut entendre que la marque

“doit être connue d’une partie significative du public con- cerné par les produits et services couverts par elle”

(C.J.C.E. 14 septembre 1999, Chevy, Ing.-Cons. 1999, p. 555).

Il a été jugé à de très nombreuses reprises que les marques

“Spa” et “les Thermes de Spa” ont un pouvoir distinctif fort et une renommée en classes 32 et 44, sans que cette jurispru- dence soit contestée par la défenderesse (qui a d’ailleurs admis à l’audience la renommée de la demanderesse en matière d’eaux minérales au Benelux).

La situation telle que décrite par ces décisions n’a pas évolué

en défaveur de la demanderesse et le tribunal considère comme assise la renommée des deux marques de la deman- deresse en classes 32 et 44.

En outre, le fait que la marque “Asia Spa” se trouve sur des produits cosmétiques alors que la renommée existe pour des eaux et des stations thermales est sans incidence: il faut et il suffit que “le degré de similitude entre la marque renommée et le signe ait pour effet que le public concerné (établisse) un lien entre le signe et la marque” (C.J.C.E. 23 octobre 2003, Adidas/Fitnessworld Trading, Ing.-Cons. 2003, p. 155).

En l’espèce, le signe “Asia Spa” est suffisamment proche de la marque renommée “Spa” et même de la marque “les Ther- mes de Spa”, puisque le vocable phare est le mot “Spa” et non le terme “Asia” (voir en ce sens Comm. Bruxelles 19 décembre 2003, Spa Monopole/Helena Rubinstein, Ing.- Cons. 2003, n° 4, p. 359; Bruxelles 7 septembre 2006, Swift/

Swiftpay, Ing.-Cons. 2007, p. 24).

Quant au lien entre “le signe et la marque”, le tribunal souli- gne que des entreprises de cosmétiques, telles que Yves Rocher ou Sothys, ont investi dans des licences auprès de la demanderesse pour être autorisées à apposer la marque

“Spa” de la demanderesse sur leurs produits.

Ces entreprises espèrent donc que le public fasse le lien entre leurs produits et la marque renommée de la demanderesse.

Le marketing d’Yves Rocher et de Sothys notamment (pièce I, farde IV du dossier de la demanderesse), – que ce soit par leurs emballages ou leurs publicités –, démontrent l’accent mis sur la marque “Spa” et son association à leurs propres marques.

Nier cet état de fait revient à nier l’existence même des licen- ces accordées.

• Usage sans juste motif tirant indûment profit de la renommée ou du pouvoir distinctif de la marque ou lui portant préjudice

L’argument de la défenderesse reposant sur un usage du signe au motif que le terme “spa” serait générique et descrip- tif en matière de cosmétique en anglais (et serait dès lors un juste motif), a déjà été écarté par le tribunal lorsqu’il s’est penché sur le sens du terme “spa” en français, néerlandais et anglais.

Cet usage sans juste motif porte ou peut porter préjudice à la renommée de la marque. Il a été reconnu qu’un simple ris- que, tant qu’il était prévisible, suffisait pour l’application de l’article 2.20, 1., c) (B. VAN REEPINGHEN et E. CORNU, o.c., point II.2.f et jurisprudence citée).

En effet, la Convention Benelux à l’article 2.20, 1., c) vise à protéger la marque renommée de l’atteinte à sa fonction publicitaire, et au risque de dilution de son pouvoir attractif (P. DELSAUX, Initiation aux droits intellectuels, Éd. CUP, 2003, vol. 61, pp. 211 et s.).

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Or l’utilisation du signe “Asia Spa” peut entraîner ce risque de dilution, de banalisation des marques de la demanderesse, puisque le public Benelux se voit confronté à des cosméti- ques portant, d’une part, la marque “Spa” appartenant à la demanderesse, associée au nom des porteurs de licences, tels que Yves Rocher ou Sothys (et contenant de l’eau de Spa ou des minéraux contenus dans cette eau), et, d’autre part, le signe “Spa” associé à la marque “Fa”, sans pour autant que le vocable “spa” soit identique dans les deux cas.

En outre, la défenderesse peut tirer un profit indu en jouant sur la renommée des marques de la demanderesse, même si

“FA” est une marque connue notoirement (en ce sens Ver- sailles 5 avril 2007, Givenchy).

Le tribunal conclut donc à l’application de l’article 2.20, 1., c) au cas d’espèce.

c. Atteinte aux marques distinctives “Spa” et “les Thermes de Spa” en classe 3 par le signe “Asia Spa”: application de l’article 2.20, 1., b) de la Convention Benelux

Les critères de la protection prévue à l’article 2.20, 1., b) de la Convention Benelux sont plus stricts que ceux prévus par l’article 2.20, 1., c).

La demanderesse fondant sa demande sur les deux bases juridiques, non à titre subsidiaire, mais bien à titre complé- mentaire, tendant ainsi à défendre ses marques en classe 3 également, il est nécessaire d’examiner plus précisément l’applicabilité de la protection de l’article 2.20, 1., b) de la Convention Benelux.

Il s’agit ici de s’assurer que les conditions de ressemblance entre le signe et la marque de même que la similitude entre les produits sont avérées, ainsi que le risque de confusion, directe ou indirecte.

• Pourvoir distinctif des marques en classe 3

Le caractère distinctif, – au sens entendu de “l’aptitude plus ou moins grande de la marque à identifier les produits pour lesquels elle a été enregistrée comme provenant d’une entre- prise déterminée” (arrêt Lloyd cité ci-avant) –, des marques

“Spa”, et dans une moindre mesure “les Thermes de Spa”, est important dans la classe des cosmétiques, notamment, du fait d’un lien connu du grand public entre les eaux minérales et les produits cosmétiques (pour ne citer que Vichy ou Vittel).

La grande renommée de Spa au Benelux suggère naturelle- ment au public cible en matière de cosmétiques d’identifier le signe “Spa” qu’il voit sur un produit cosmétique à la mar- que de la demanderesse.

La jurisprudence citée par la demanderesse a d’ailleurs reconnu ce caractère distinctif de la marque “Spa” dans les cosmétiques, puisqu’elle a rejeté l’utilisation, dans ce domaine, de marques utilisant le vocable “Spa” par des tiers.

La défenderesse conteste ce pouvoir distinctif fort des mar-

ques de la demanderesse en classe 3, du fait de l’évolution du terme “spa”, sans pour autant démontrer que ce pouvoir aurait diminué au Benelux.

La défenderesse tente de se fonder sur une partie de la juris- prudence de l’OHMI qui concerne la demanderesse mais celle-ci a envisagé le pouvoir distinctif des marques de la demanderesse pour des produits d’autres classes que celle des cosmétiques.

Cette jurisprudence ne peut servir à la défenderesse pour étayer sa thèse.

Elle plaide que la marque existe toujours bien, elle en recon- naît ainsi le caractère distinctif, mais prétend en même temps, qu’une partie de la marque “Spa” serait devenue générique.

Elle n’attaque donc pas la marque en classe 3 qui s’impose donc comme telle et peut prétendre à être protégée.

Quant à l’importance du pouvoir distinctif des marques

“Spa” et “les Thermes de Spa”, le tribunal constate qu’il faut encore tenir compte de l’existence des licences octroyées par la demanderesse, ce que la défenderesse passe sous silence.

En effet, le pouvoir distinctif des marques de la demande- resse est renforcé par l’utilisation de la marque “Spa” dans des cosmétiques commercialisés par Yves Rocher et Sothys sur le territoire Benelux.

• Identité entre le signe “Asia Spa” et les marques “Spa” et

“les Thermes de Spa”

Le tribunal a déjà accueilli ce critère au point b) et s’y réfère entièrement.

• Similitude entre les produits Cette similitude se vérifie par : – une impression d’ensemble;

– une ressemblance (conceptuelle ou visuelle);

– pour le consommateur moyen au Benelux des produits cos- métiques.

S’agissant de produits cosmétiques dans les deux cas, sur lesquels est apposé le signe “Spa”, il est avéré que le public moyen du Benelux pourra voir une similitude entre les pro- duits commercialisés par des licenciés de la demanderesse et ceux de la défenderesse.

• Risque de confusion entre le signe “Asia Spa” et les marques “Spa” et “les Thermes de Spa”

Il existe un risque de confusion indirecte, – entendu comme la possibilité que le public Benelux considère que le produit

“FA Asia Spa” ait été développé et commercialisé par des entreprises économiquement liées –.

Le risque de confusion indirect existe puisque le public Benelux, aussi averti soit-il de la langue anglaise, ne peut se

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forger la certitude qu’il n’existe pas de lien entre le produit et la marque de la demanderesse.

Il ne faut pas perdre de vue que le public Benelux connaît les produits des licenciés de la demanderesse et/ou reconnaît le lien naturel entre cosmétiques et eaux minérales.

d. Existence et évaluation du dommage de la demanderesse Outre l’application de l’article 1382 du Code civil, la Con- vention Benelux a prévu à l’article 2.21. le dédommagement complet du titulaire de la marque.

Le dommage dont se prévaut la demanderesse est double:

– préjudice aux marques renommées de la demanderesse par risque de dilution de leur pouvoir distinctif;

– préjudice commercial pour la demanderesse et ses licen- ciés lié à l’existence de marques parasitaires.

Le tribunal prononce l’interdiction de l’usage du signe “Asia Spa”, sous astreinte, précisée au dispositif ci-après, et ordonne le retrait des produits du réseau de distribution Benelux.

Un délai de trois mois à dater de la signification du jugement est accordé à la défenderesse pour faire retirer les produits du réseau de distribution du Benelux après quoi une astreinte, précisée au dispositif ci-après, sera due par jour de retard.

Le tribunal condamne dès à présent la défenderesse au paye- ment de €1 à titre provisionnel pour dommages et intérêts et pour frais de défense.

Ceux-ci étant évalués ex æquo et bono, sans justification des montants sollicités, une réouverture des débats s’impose pour permettre à la demanderesse d’apporter les éléments d’évaluation de ses demandes.

La demanderesse entend également faire reconnaître la mau- vaise foi de la défenderesse du fait qu’elle avait déposé en 2002 une marque “Fa Spa” ensuite retirée pour le Benelux.

Cependant, il lui appartient en sa qualité de demanderesse de démontrer la mauvaise foi de la partie défenderesse, ce qu’elle ne fait pas. La marque “Fa Spa” et l’appellation “Fa”

– “Asia Spa” ne sont pas similaires au point que l’utilisation de “Asia Spa” puisse constituer une preuve de la mauvaise foi de la défenderesse en 2006.

Les mesures spécifiques de publication dans des journaux nationaux, de même que la cession du bénéfice du produit ne peuvent dès lors être accueillies.

Quant à la demande d’exécution provisoire, la défenderesse a précisé elle-même à l’audience que la durée de vie de ses produits était très courte.

Permettre à la défenderesse de poursuivre la commercialisa- tion de produits initiée en avril 2006 (et poursuivre son enri- chissement jusqu’à la fin de durée de vie des produits) laisse survivre et s’alourdir le dommage de la demanderesse, alors qu’il a été reconnu que ces produits nuisaient à ses marques.

Il y a donc lieu d’autoriser l’exécution provisoire du présent jugement.

Par ces motifs,

Le tribunal statuant contradictoirement, Déclare la demande recevable et fondée.

Interdit à Henkel KGA l’utilisation sur toute publicité, – chaque publicité utilisant le signe “Asia Spa” étant considé- rée comme un fait distinct d’usage, – du signe “Asia Spa”

dans les huit jours à dater de la signification du jugement, sous peine d’astreinte de €5.000 par usage du signe.

Ordonne à Henkel KGA de retirer à ses frais exclusifs les produits portant le signe “Asia Spa” des réseaux de distribu- tion du Benelux dans un délai de trois mois à dater de la signification du présent jugement, sous peine d’une astreinte de €5.000 par jour de retard à défaut de respecter cette injonction.

Passé un délai de trois mois à dater de la signification du jugement, interdit à Henkel KGA l’utilisation du signe “Asia Spa” sur tout produit, le cas échéant sous peine d’astreinte de

€50 par produit utilisant le signe “Asia Spa”.

Condamne Henkel KGA au paiement de dommages et inté- rêts au profit de la demanderesse, réduits à une somme pro- visionnelle de €1 dans l’attente des justificatifs de la deman- deresse.

Condamne Henkel KGA au paiement des frais de défense à hauteur d’une somme provisionnelle de €1 dans l’attente des justificatifs de la demanderesse.

Ordonne la réouverture des débats aux fins mentionnées ci- avant à la date du 13 février 2008 devant la 7ème chambre – salle B à 10 heures;

Réserve à statuer sur les dépens;

Rejette le surplus des demandes comme non fondées;

Autorise l’exécution provisoire du présent jugement.

(...)

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