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Un éclectisme assumé. Entretien avec Denis-Constant Martin. Entretien réalisé à Paris le 13 juin 2016

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Anciennement Cahiers de musiques traditionnelles

 

30 | 2017 Perspectives

Un éclectisme assumé. Entretien avec Denis- Constant Martin

Entretien réalisé à Paris le 13 juin 2016 Emmanuelle Olivier et Denis-Constant Martin

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/ethnomusicologie/2689 ISSN : 2235-7688

Éditeur

ADEM - Ateliers d’ethnomusicologie Édition imprimée

Date de publication : 10 décembre 2017 Pagination : 191-215

ISBN : 978-2-88474-471-3 ISSN : 1662-372X Référence électronique

Emmanuelle Olivier et Denis-Constant Martin, « Un éclectisme assumé. Entretien avec Denis-Constant Martin », Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 30 | 2017, mis en ligne le 10 décembre 2019, consulté le 04 juin 2020. URL : http://journals.openedition.org/ethnomusicologie/2689

Article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle.

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irecteur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques, Denis-Constant Martin a travaillé pendant près de quarante ans au Centre de recherches internationales (CERI, Sciences-Po Paris – CNRS), avant d’être rattaché au Laboratoire « Les Afrique dans le monde » de Sciences-Po Bordeaux.

Au regard de cette courte vignette biographique, on peut se demander pourquoi proposer l’entretien d’un politologue, si talentueux soit-il, dans une revue d’ethnomusicologie. D’abord parce que Denis-Constant Martin n’est pas un politologue, ou pas seulement ! Ses travaux, qui défient toute tentative d’assi- gnation à une discipline unique, questionnent plutôt les représentations sociales du politique, dans toute leur complexité. La musique y a constitué très tôt, et tout au long de son parcours scientifique, un objet privilégié d’investigations et de réflexions, ou plus exactement l’un de ces « objets politiques non identifiés » qu’il avait rassemblés dans un ouvrage collectif éponyme paru en 2002. Ensuite, parce que Denis-Constant Martin a été l’instigateur, au début des années 1990, d’un tournant épistémologique majeur dans l’ethnomusicologie française, qui s’est alors ouverte aux mondes contemporains, à travers l’étude des musiques popu- laires, de la world music, voire tout simplement des musiques « à la mode ».

Sans penser qu’« une vie vécue peut se confondre avec une vie racontée » (Fabre et al. 2010 : 18), cet entretien nous invite à entrer dans un parcours intel- lectuel fait de rencontres, de questionnements et de choix, mais aussi d’une part de hasard et d’imprévisibilité inhérents à toute démarche scientifique. Du reggae au jazz en passant par les musiques des coloureds du Cap, des ouvrages scien- tifiques aux chroniques dans des magazines spécialisés, des terrains ethnogra- phiques aux cours-séminaires, se dessine l’image d’un chercheur toujours curieux et passionné. Bref, « in-discipliné » !

E. O.

Un éclectisme assumé

Entretien avec Denis-Constant Martin

par Emmanuelle Olivier 1

1 Entretien réalisé à Paris le 13 juin 2016.

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De Jean-Sébastien Bach au reggae en passant par le jazz : effets du hasard et déformation professionnelle

Toi qui as une formation de politologue, qui as été chercheur et enseignant à Sciences Po, qu’est-ce qui t’a conduit à t’intéresser à la musique ?

J’ai commencé par faire du journalisme musical, que j’ai poursuivi jusqu’à très récemment. De 1968 à 2016, j’ai écrit très régulièrement des chroniques musicales dans des magazines spécialisés ou bien d’information générale. En 1971, quand je rencontre Simha Arom, mon expérience de la musique se résume ainsi à une col- laboration à Jazz Magazine, pour lequel travaillaient des gens qui avaient un grand talent d’écriture sur la musique. La rencontre avec Simha Arom me fait réaliser que je peux avoir un dialogue fructueux avec les musicologues et les ethnomusicologues.

Comment te vient ce goût pour le jazz ?

DCM : Je ne me souviens plus bien. Mon père fabriquait des orgues électro- niques à sonorité classique 2 et j’ai grandi avec Jean-Sébastien Bach dans les oreilles. Quand j’ai eu 12-13 ans, j’ai entendu d’autres genres de musique à la

Fig. 1. Avec Marie-Christine Martin et les Cape Traditional Singers, Bordeaux, 2004.

2 Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Constant_Martin et « Versailles : orgues et cloches », émission En direct de…, 3 janvier 1957 : http://www.ina.fr/video/CPF86609297

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radio. Dans mes souvenirs les plus anciens, il y a le Ray Charles de « What’d I say » et « I got a woman », il y a aussi le Sidney Bechet de « Petite fleur », évidemment.

Ensuite, j’ai découvert Duke Ellington. Un de mes beaux-frères était musicien amateur, ancien batteur, pianiste, organiste, passionné de jazz et il a conforté mon intérêt pour cette musique. J’ai commencé à lire des revues spécialisées et des ouvrages pour m’instruire sur l’ensemble des musiques afro-américaines : le jazz, le blues, les musiques religieuses, etc. Et, à partir de la fin 1968, j’ai commencé à collaborer à diverses publications en tant que chroniqueur de jazz.

Tu as cette seconde vie, en quelque sorte, de chroniqueur de jazz.

Mais comment as-tu construit la musique comme objet scientifique ? Si je ne me trompe pas, ton premier ouvrage porte sur le reggae et tu le publies sous un pseudonyme en 1982.

Oui, mais le manuscrit initial date de 1978-79. Il a été publié en feuilleton dans Jazz Magazine ; un peu plus tard, en 1981-82, un collaborateur de la revue qui lançait une collection de musique chez Parenthèses, éditeur basé près de Marseille, m’a proposé de publier ce feuilleton en livre, et j’ai rédigé une préface originale, un peu décalée par rapport au corps de l’ouvrage, puisque je théori- sais, en quelque sorte a posteriori, l’approche que j’ai employée pour analyser le reggae (Constant 1982). Pourquoi avoir choisi d’écrire sur le reggae ? Par suite de la combinaison du hasard et d’une sorte de déformation profession- nelle. L’effet du hasard, c’est que le rédacteur en chef de Jazz Magazine, Philippe Carles, connaissait mon intérêt pour les musiques des Antilles en général.

A cette époque, dans la presse ou les bacs des disquaires, la catégorie reggae n’existait quasiment pas et l’on n’avait pas encore inventé la catégorie « musiques du monde ». Les services de presse des compagnies phonographiques qui com- mençaient à publier des disques de reggae en France les envoyaient aux maga- zines de jazz, notamment à Jazz magazine. Au fur et à mesure, une pile de 33 tours s’est accumulée dans les bureaux de la revue et un jour Philippe Carles m’a demandé : « Tu ne pourrais pas faire quelque chose de ça ? » J’ai pris la pile, et c’est là que la déformation professionnelle intervient. Que faire d’une telle pile de disques ? Je ne peux me contenter d’écrire de simples comptes rendus d’au- dition, comme pour les disques de jazz habituellement chroniqués. J’adopte une approche plus analytique pour essayer de comprendre ce que signifie le reggae par rapport à la société jamaïcaine, comment cette production musicale origi- nale s’insère dans une évolution historique, politique et sociale. Je fais ce que je sais faire professionnellement : je plonge dans les catalogues de la bibliothèque, je sors tous les articles et les ouvrages qui peuvent m’éclairer sur la Jamaïque.

J’ai la chance de travailler à Sciences Po, qui abrite une des meilleures biblio- thèques de sciences humaines de France et peut-être d’Europe : on y trouve des revues et des ouvrages publiés aux Antilles, notamment en Jamaïque, toutes

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sortes de textes portant sur les Caraïbes. Je vais passer six mois, peut-être un an, à dévorer cette littérature et à essayer de saisir comment ce que j’entends sur les disques peut être rapporté à ce que je lis dans les textes, avec quand même le parti pris – et c’est là l’influence des musicologues, notamment de Simha Arom – de partir de la musique, et non des paroles des chansons. Car l’essentiel de ce qui avait été écrit sur le reggae jusqu’alors relevait d’une glose sur les textes, accompagnée de notations socio-historiques véhiculant souvent des mythes qui idéalisaient le reggae comme musique de révolte et de libération.

Le corpus que j’ai n’est certes pas rigoureusement constitué puisqu’il rassemble les seuls exemplaires de presse distribués en France. Mais, ce corpus – qui s’avérera ensuite relativement représentatif – indique que ce qui domine dans le reggae, comme dans toutes les chansons populaires à travers le monde, c’est la chanson d’amour. Il comprend quelques pièces à tonalité politique ou sociale, quelques chansons à tonalité religieuse rastafarienne qui, d’ailleurs, se confondent souvent avec les premières. Il n’est donc pas possible de construire une étude du reggae sur le mythe d’une musique dominée par la contestation politique et sociale. Il est indispensable de repartir de la musique pour envisager ensuite ce que disent les paroles et découvrir comment cette musique se rac- croche à une situation historique particulière.

La musique comme non-objet des sciences politiques Ce travail sur le reggae s’inscrit-il dans les projets de recherche que tu développes alors à Sciences Po ?

Pas immédiatement, parce que je me censure. J’avais le sentiment, peut-être un peu exagéré mais pas totalement infondé, que si je présentais cette enquête dans le cadre de mon activité officielle à Sciences Po, elle ne serait pas bien acceptée. Je l’ai réalisée en dehors de mes heures de travail, si tant est que ça ait du sens dans nos métiers, tout en poursuivant mes recherches plus « norma- lement » politologiques. L’essentiel du premier manuscrit a été écrit le soir entre 19h et 22h et pendant les week-ends. Et je l’ai signé d’un pseudonyme, complè- tement transparent évidemment puisque c’est mon prénom. Quand le texte a été publié en feuilletons dans Jazz Magazine, il n’a suscité aucun intérêt parmi mes collègues. En revanche, quand le livre est sorti, il a davantage attiré l’attention. Le directeur du laboratoire où je travaillais, le CERI, l’a considéré de façon positive.

A partir de ce moment-là, je me suis libéré de mon autocensure et, par la suite, j’ai présenté mes travaux sur la musique comme partie intégrante de mon activité de chercheur rémunéré par la Fondation nationale des sciences politiques.

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Est-ce à dire qu’au début des années 1980 dans les sciences politiques, la musique était un objet illégitime ?

C’était plutôt un non-objet. Il n’y avait pratiquement aucune recherche sur la musique en sciences politiques, en tout cas en France. On pouvait trouver quelques textes sur la chanson ou l’opéra, écrits soit par des musicologues au sens conventionnel, soit par des journalistes, mais ils traitaient surtout de leur histoire ou de leurs paroles. Il faudrait revérifier dans les bibliographies, mais hon- nêtement, je pense qu’il n’y avait pas grand-chose.

Ce que je trouve intéressant dans ton parcours intellectuel, c’est que d’un côté tu es politologue…

En fait, je me suis toujours considéré comme sociologue : après mon diplôme de Sciences Po, j’ai été formé par Georges Balandier qui a dirigé mes thèses de 3e cycle et d’Etat. Pour moi, la « science politique » est une discipline qui se définit par son objet, le pouvoir, mais n’a qu’une faible autonomie du point de vue des méthodes. Elle recourt à l’histoire, à la sociologie, à l’anthropologie, à la psycho-sociologie, à l’économie… C’est à la fois la faiblesse et l’intérêt de cette discipline : elle se situe au croisement de toutes les disciplines des sciences humaines. Cela est d’autant plus flagrant lorsqu’on étudie, comme je l’ai fait, les sociétés africaines : la recherche doit impérativement être multidisciplinaire.

Fig. 2. Avec Simha et Sonia Arom, Paris, CERI, 2010.

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Formes simples et analyse complexe

Dans le champ de l’ethnomusicologie française, tes travaux ont été pion- niers. Dans les années 1980-1990, travailler sur les musiques populaires, les musiques de masse, les musiques commerciales, la world music était quelque chose de terriblement exotique en ethnomusicologie. Aujourd’hui, la plupart des étudiants travaillent sur ces objets.

Je m’y suis intéressé justement parce que je n’avais pas les a priori des eth- nomusicologues d’alors, et que j’abordai ces musiques d’un point de vue plus sociologique. Le blues, qu’est-ce que c’est ? Douze mesures et une succession d’accords I-IV-V-I. Avec ces 12 mesures, I-IV-V-I, quelle palette d’expressions, de nuances ! Les formes supposées simples peuvent se révéler beaucoup plus complexes si on emploie les outils adéquats pour atteindre leur complexité.

Quand on accepte que des musiques aussi simples en apparence que le blues (qui peuvent être interprétées dans une très grande palette de styles) recèlent cette complexité, cette richesse de nuances, cette puissance émotionnelle, cela entraîne que la même complexité doit se retrouver dans le reggae, les musiques afro-cubaines sénégalaises, et plus tard dans le mbalax, dans ce qu’on appelle la rumba congolaise, etc. Je sais aussi d’oreille que les musiques de Martinique et de Guadeloupe – de Guadeloupe en particulier parce que je les ai davantage écoutées – sont extrêmement riches ; je ne suis pas capable de l’analyser, mais je suis capable de le percevoir. Je sais qu’elles méritent d’être étudiées sérieu- sement. Ce genre d’intuition peut être l’aiguillon d’entreprises de recherche.

Je me suis posé la question du fil conducteur entre les différentes musiques sur lesquelles tu as travaillé. Sans chercher à reconstruire ton parcours en lui donnant une cohérence a posteriori, je crois qu’au-delà d’une part de hasard dans la rencontre que tu as eue avec certaines musiques ou certaines personnes, quelque chose les lie entre elles.

S’il y a un fil conducteur, c’est la question suivante : comment peut-on analyser les rapports qu’entretiennent les musiques dites « populaires » – mais pour éviter les ambiguïtés de la catégorie « musique populaire », j’ai préféré parler de « musique de diffusion commerciale » ou de « musique de masse », en empruntant cette der- nière notion à l’historien Jean-François Sirinelli (Sirinelli & Roux 2002) – avec les sociétés dans lesquelles elles s’épanouissent ? Comment construire analy- tiquement ce rapport et, notamment, comment parvenir à découvrir, à analyser les représentations du pouvoir véhiculées par des phénomènes musicaux ? Cela implique que j’envisage la matière musicale au sens étroit du terme, mais aussi les paroles, les conditions de production et la réception. Ma seconde préoccupa- tion est d’ordre essentiellement méthodologique ; elle s’est imposée à partir du

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moment où j’ai découvert la tripartition proposée par Jean Molino et Jean-Jaques Nattiez (voir Molino 1975, 2009 ; Nattiez 1975), à l’occasion du travail sur le reggae : la musique jamaïcaine fournit le prétexte d’une première tentative pour appliquer la tripartition à un genre de musique « populaire ». La difficulté est de réaliser le programme complet qu’exigerait une analyse tripartite intégrale. Cela relève pour moi d’un idéal, qui n’a que rarement, voire jamais, été réalisé 3. En ce qui me concerne, j’ai essayé de m’en inspirer sans jamais pouvoir la réaliser com- plètement. Certaines de mes recherches relèvent plus de la mise en rapport des conditions de production et de l’analyse de l’objet musical ; d’autres mettent plus l’accent sur la réception musicale. Dans ce que j’ai fait, c’est peut-être le petit ouvrage sur la rappeuse Diam’s qui s’en approche le plus (Martin et al. 2010). Il y manque toutefois une étude sociologiquement rigoureuse de la réception, qui est compensée par une analyse de forums Internet. Dans les recherches que j’ai entreprises au Cap, en Afrique du Sud, depuis 1992, j’ai dû combiner l’histoire, l’enquête socio-anthropologique par entretien non-directif, l’observation (non par- ticipante) et, dans certains cas, l’analyse de forums Internet. Le travail sur Diam’s et sur les polyphonies des Malay Choirs du Cap a confirmé l’importance de la place qu’ont pris aujourd’hui les forums Internet de commentaires et de dialogues (Gaulier, Martin 2017). Leur utilisation pose des problèmes méthodologiques, des problèmes de représentativité, mais ils constituent une source très intéressante et qui peut parfois compenser l’impossibilité de conduire des enquêtes.

L’objet musical comme forme symbolique

Quand, pour reprendre Edouard Glissant, tu travailles la musique comme

« poétique de la Relation », quand tu analyses la musique et les musiciens dans leur capacité d’action sur le politique, sur la société, ne vas-tu pas au- delà de la tripartition ? La tripartition centre son paradigme sur la matière musicale. Quand tu fais une analyse anthropologique, sociologique, polito- logique de la musique, je trouve que tu vas au-delà.

Pour moi, en tant que sociologue, la tripartition n’est pas une fin mais un moyen pour tenter de répondre aux questions que je pose à la musique à propos du pou- voir. Ce qui me paraît très important dans ce qu’a théorisé Jean-Jacques Nattiez, c’est la définition de la musique comme forme symbolique. Cela implique qu’il y ait à la fois des symboles émis et des symboles décodés, décryptés et ceci de multiples manières. Ce qui m’intéresse plus particulièrement dans la symbolique musicale, c’est qu’elle suggère, dans le domaine où je travaille, une interrogation :

3 La thèse de Panagiota Anagnostou (2012) est un des exemples les plus poussés de l’utilisation de l’analyse tripartite pour l’étude d’un genre populaire.

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l’analyse des symboliques musicales permet-elle de trouver des traces de repré- sentations sociales du politique ?

Il y a certes la musique comme symbolique qui permet de conduire à des représentations du social, du politique, etc. Mais il y a aussi la musique dans sa capacité à transformer la société.

En fait, je ne pense pas que la musique elle-même, la matière musicale, l’objet musical, ait la capacité ou le pouvoir de transformer quoi que ce soit. C’est la façon dont cette matière musicale est reçue et interprétée par les auditeurs qui peut éventuellement peser sur la transformation des représentations sociales, et à partir de là, combinée à d’autres facteurs, favoriser le passage à l’acte politique.

J’essaie de dire les choses de manière nuancée, car il n’y a aucun automatisme, aucun mécanisme dans ce processus. Tout repose sur des relations symboliques qui sont, la plupart du temps, passablement insaisissables, intangibles et fugaces.

Cela pose des problèmes importants quand on travaille sur la musique et l’émo- tion. Quand on parle de la capacité de la musique à émouvoir de sorte qu’elle suscite un passage à l’acte politique, quand on parle d’émotions dans cette pers- pective-là, comment définit-on l’émotion ? Quelles sont la puissance et la durabilité des émotions 4 ? Qu’est-ce qui va faire qu’une émotion suscitée par la musique à un moment donné, dans des conditions particulières, sera suffisamment intense et durable pour provoquer une « prise de conscience », puis un passage à l’acte ? Qu’est-ce qui fait que lorsqu’on sort d’un concert avec les larmes aux yeux, dix minutes après tout peut être oublié autour d’un verre ? Ou bien que le lendemain matin, au réveil, on se dit : « Bon dieu, ce n’est pas possible, il faut faire quelque chose » ? C’est un vrai problème qui, je crois, ne peut être affronté sans passer par une investigation socio-anthropologique comprenant une véritable enquête de réception. A mon avis, seuls les entretiens non directifs permettent d’avancer dans cette direction. Une leçon que j’ai tirée de mon travail au Cap, c’est qu’à partir d’entretiens non directifs, et souvent d’entretiens non directifs de groupe, on par- vient à aller beaucoup plus loin dans la compréhension de la relation entre un phé- nomène musical et des représentations de la société en général. Au cours de mes enquêtes sur le carnaval du nouvel an (Martin 1999a et b), à partir de 1994 (quand furent organisées les premières élections au suffrage universel), je demandais au début des entretiens : « Pour vous, que signifie ce carnaval ? » Au bout d’un quart d’heure environ, la conversation débouchait sur l’Afrique du Sud en général, la place qu’y occupent ceux qui étaient classés coloureds pendant l’apartheid (et qui constituent la très grande majorité des participants aux troupes de carnaval et aux Malay Choirs), et les anxiétés suscitées par les changements en cours. J’ai réutilisé

4 Ces questions sont notamment abordées dans la thèse d’Armelle Gaulier (2014) ; voir en particulier :

« 3e partie, La réception du groupe Zebda ».

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cette méthode ultérieurement lors de mes enquêtes sur les répertoires des Malay Choirs, avec les mêmes résultats. Je pense que cette technique est fertile : elle permet effectivement d’accéder à des traces, des éléments de représentations sociales. Ensuite, si l’on combine une analyse symbolique qui produit une interpré- tation cultivée, nourrie d’histoire et de tout ce qu’on peut apprendre sur l’environ- nement social et musical de cette musique, mais une interprétation qui demeure unilatérale – celle de l’observateur-analyste qui a tendance à s’appuyer sur ses connaissances et sa compréhension personnelle du matériel symbolique – si l’on combine cette analyse symbolique aux résultats d’une enquête par entretiens non directifs, on n’aboutit pas immanquablement à une connaissance précise et com- plète des représentations sociales, mais on se donne la possibilité de recomposer des éléments de représentations sociales, notamment de représentations sociales du politique, ainsi que – et c’est lié au politique évidemment – de représentations sociales des identités, de soi et des autres, dans une situation donnée.

Décrypter les complexités

Ce qui me frappe dans ton travail, c’est le soin que tu as mis à décrypter ces complexités. A ne pas rester dans les relations univoques, à montrer toutes les ambivalences, les ambiguïtés, toutes les tensions entre les diffé- rentes formes de discours, pour parvenir à comprendre la complexité des situations historiques, politiques, sociales. En outre, tu t’intéresses très tôt aux phénomènes d’émergence, de création, de circulation des musiques : autant de sujets qui sont très actuels, et que tu travailles depuis une tren- taine d’années déjà.

Concernant les phénomènes d’émergence, j’ai commencé par m’intéresser au jazz au moment où l’on découvrait en Europe le free jazz. Je me suis trouvé confronté à un phénomène classique : l’apparition d’un style nouveau qui, pourtant, ne sor- tait pas de rien. Je me suis donc intéressé tout autant à ce qui apparaissait dans des circonstances historiques particulières, dans des formes musicales originales qu’à ce qui l’avait précédé et nourri. Le free jazz devenait alors un objet d’étude véritablement passionnant. Le premier article que j’ai publié en 1970 et qui propo- sait une tentative de sociologie de la musique, portait précisément sur le free jazz (Constant 1970). J’étais motivé par la curiosité : comment penser un phénomène musical en termes d’émergence ? Et par le souhait de nuancer la manière dont étaient à l’époque compris les rapports entre ce style et les combats des Afro- Américains aux Etats-Unis, trop simpliste à mon goût et méthodologiquement discutable. Des textes comme ceux de Philippe Carles et Jean-Louis Comolli (2000 [1971]), de LeRoi Jones (1999 [1963]) ou Frank Kofsky (1970) posent que le free jazz est lié au Black Power parce que ce sont deux phénomènes

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concomitants et que certains musiciens sont aussi militants. Mais une analyse des concomitances ne dit rien des relations de causalité. En outre, on ne peut pas s’appuyer uniquement sur des déclarations d’intention de musiciens ou sur les titres de leurs créations ; ils expriment un point de vue qui doit être pris en compte dans l’analyse, mais qui ne fournit pas la clef de compréhension des réactions des auditeurs. A l’époque, ce type de réflexion n’était pas toujours très bien com- pris, il semblait un peu trop alambiqué. En ce qui concerne les ambiguïtés et les ambivalences, il y a eu pour moi deux éléments essentiels : l’un fut le travail mené dans le cadre d’une thèse de 3e cycle commune (un héritage peu exploité de mai 1968) avec Tatiana Yannopoulos – la collègue du CERI avec qui j’ai vraiment appris mon métier sur le tas – qui, outre qu’elle est une grande connaisseuse du rébétiko, avait à côté de son travail de chercheuse une pratique de psychothéra- peute et de psychanalyste. Elle m’a fait prendre conscience de l’importance des ambivalences, des ambiguïtés, des significations complexes, des contradictions, y compris dans le champ politique où l’on a souvent tendance à tout dichotomiser en oppositions tranchées. Par ailleurs, ces deux notions renvoient aussi à l’anthro- pologie, et notamment à l’anthropologie de Georges Balandier, du Balandier qui a écrit L’ Afrique ambiguë (1957), puis l’Anthropologie politique (1967), une réflexion sur la nature essentiellement ambiguë du pouvoir. J’avais donc toutes les raisons de considérer qu’il fallait s’intéresser à ces notions, peut-être finalement davan- tage l’ambivalence venue de la psychanalyse et de la psychologie que l’ambiguïté mise en évidence par les anthropologues. Trente ans plus tard, je lis Nathalie Heinich (1998), qui elle aussi insiste sur l’ambivalence. En fin de compte, à la lec- ture des ethnomusicologues, je finis par réaliser une sorte d’évidence : la musique est l’un des moyens de communication, l’un des moyens expressifs les plus aptes à véhiculer les hésitations, les balancements et les sentiments contraires. Là où, notamment dans le domaine politique, le discours ordinaire est un discours contraint, dans un langage qui n’admet pas l’émission simultanée de contradic- tions, la musique peut y parvenir, justement parce que c’est un système symbo- lique à plusieurs niveaux, qui combine, dans le même temps, plusieurs moyens d’expressions potentiels (mélodie, harmonie, rythme, etc.). Le reggae fournit un extraordinaire terrain pour tester ces hypothèses sur la capacité de la musique à mettre en jeu dans le même temps des équivoques : d’un côté, on entendait dans les paroles de certaines chansons et à propos de cette musique toutes sortes de discours sur l’anti-Babylone, l’anti-américanisme, et on percevait à la base de cette musique une pulsation profondément enracinée dans l’histoire des polyrythmies jamaïcaines. Et d’un autre côté, le contour mélodique, les harmo- nies et d’autres traits signalaient une attirance profonde pour les Etats-Unis. Ce n’est donc pas un hasard si, sur la plupart de ses enregistrements, Bob Marley est accompagné par un guitariste étatsunien. Voilà : ambiguïtés, ambivalences, contradictions me semblent devoir être au cœur de toutes les analyses socio- politiques que l’on peut faire sur la musique.

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« Pour moi la création est toujours un mystère »

Tu as aussi abordé très tôt les phénomènes de circulation, d’appropriation, de transformation, de resémantisation de la musique.

Les circulations transatlantiques… J’avais en quelque sorte l’avantage de m’inté- resser au jazz et de travailler sur des sociétés africaines, même si ce n’était pas des sociétés atlantiques. Pour mes recherches de politologie, j’ai été conduit à lire des travaux sur diverses sociétés d’Afrique et sur l’ensemble du continent.

Certains collègues, parmi lesquels des Afro-américains, écrivaient sur le jazz mais connaissaient mal l’Afrique ou se satisfaisaient de mythes forgés sur l’his- toire des sociétés africaines et leurs musiques. J’avais acquis les moyens, un petit peu plus que d’autres, d’essayer de construire les relations qui rattachaient les sociétés afro-américaines et leurs musiques à celles d’Afrique, de penser, même sur le mode de l’hypothèse, la dialectique des héritages et de la création créole, ce pour quoi, à partir des années 1990, je tirai d’Edouard Glissant des idées particulièrement stimulantes (Martin 1991b et 2011c). En ce qui concerne la thématique de l’appropriation, on revient à la question de la demande comme motivation : si j’ai travaillé cette question – en partie à cause de toi ! – c’est parce que cette notion est apparue, dans le cours des débats qui se sont développés au sein du projet ANR GLOBAMUS 5 et que je me trouvais confronté au Cap à des pratiques musicales où l’appropriation était au cœur de la création. J’ai donc essayé de réfléchir là-dessus (Martin 2014b).

En relisant la plupart de tes travaux depuis la fin des années 1980, la notion de création musicale y est aussi très présente.

Pour moi, la création est toujours un mystère. Les conditions de la création, la définition même de la création demeurent des questions irrésolues. Encore une fois, mon intérêt pour la création est venu de façon logique, dans la mesure où je me suis intéressé à des phénomènes qui relevaient de l’invention de genres ou de styles musicaux originaux. Il y eut le free jazz, puis le reggae ; dans ces deux cas, une interrogation s’impose : comment comprendre quelque chose qui appa- raît sinon comme une rupture, à tout le moins comme une évolution très marquée par rapport à ce qui se faisait précédemment ? Comment s’est construit le reggae par rapport à la musique qui se faisait en Jamaïque à la fin des années 1950 et au début des années 1960 ? On peut retracer une évolution, qui s’étale sur presque une décennie. Même chose pour le bebop et le free jazz : ce ne sont pas

5 Projet « Création musicale, circulation et marché d’identités en contexte global » retenu par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) dans

son appel à programme « La Création : Acteurs, Objets, Contextes » (2008) et coordonné par Emmanuelle Olivier (CNRS) de 2009 à 2013.

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des innovations qui se produisent du jour au lendemain, mais il y a un moment donné où l’on peut dire rétrospectivement : « Voilà, quelque chose a changé ». Un certain nombre de paramètres fondamentaux ont été transformés et, d’ailleurs, la musique va être nommée différemment ; dans des cas comme ceux-ci, la ques- tion de la nomination est très importante. Plus tard, on peut considérer ces chan- gements comme « création », mais cela n’éclaircit pas véritablement, en tout cas en ce qui me concerne, le mystère de ce que c’est.

Tu t’es trouvé confronté à des musiques dont tu pouvais observer les pro- cessus de genèse et de transformation, mais tu ne penses pas que c’est un processus inhérent à toute musique ?

Oui, évidemment ! En même temps que tu le disais, j’étais en train de penser que finalement, les musicologues qui s’intéressent aux musiques européennes dites

« classiques » étaient confrontés exactement aux mêmes problèmes avec l’appa- rition du dodécaphonisme et du sérialisme dans les années 1920-30, et ensuite avec les musiques électroacoustiques. Même chose avec Elvis Presley : avec le rock américain, quelque chose de nouveau apparaît ; avec le tango en Argentine,

Fig. 3. Avec Georges Balandier, Paris, CERI, 2010.

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le samba au Brésil, les musiques de danse urbaines africaines dont témoignent les premiers enregistrements faits en Afrique du Sud dans les années 1920-30, au Ghana à la fin des années 1930, au Congo et dans bien d’autres pays pendant les années 1950. Et je suppose qu’en Inde, en Chine ou au Japon, on trouverait beaucoup de phénomènes similaires.

De la même manière qu’au Cap au XVIIe siècle, la rencontre entre les  populations locales, les blancs et les esclaves venus d’ailleurs pro- duit une musique inédite.

Oui, mais la documentation ne nous permet pas de saisir véritablement l’émer- gence de cette musique avant la fin du XIXe siècle, même si on sait que le pro- cessus a commencé depuis longtemps. C’est la même chose pour les musiques afro-chrétiennes des Etats-Unis, parce que les premiers documents dont nous disposons sur ce sujet datent, à quelques exceptions près, de la guerre de Sécession ; ils signalent avec beaucoup de retard un phénomène qui s’est amorcé bien avant. Aujourd’hui les choses sont différentes, dans la mesure où pratique- ment tout est enregistré et circule dans l’immédiat. Nous disposons donc d’autres moyens pour travailler. Mais, pour étudier les processus de création à l’œuvre dans des musiques qui ont cette profondeur historique, nous sommes dépen- dants d’une documentation datée, partielle et souvent partiale, qui est rarement rigoureuse sur le plan musical. La plupart du temps, il s’agit de comptes rendus écrits. Certains toutefois sont extraordinaires, comme les quelques notations du secrétaire de Vasco De Gama rédigées après avoir entendu pour la première fois des musiciens khoikhoi dans la région du Cap (Peres 1945 : 8-9) ou comme la préface au volume de collecte de musique des anciens esclaves publié après la guerre de Sécession (Allen et al. 1951 [1867]). Des documents comme ceux-là, sont, si l’on peut dire, miraculeux. Mais il n’en existe pas beaucoup…

« Il n’y a d’authentique que la rencontre » On est loin de la notion d’« authenticité »,

ou des oppositions tradition/changement.

David Coplan, dans son livre sur la musique sud-africaine In Township Tonight (1992 [1985]), cite Charles Joyner qui définit la tradition en termes de « structures établies de créativité » (Joyner 1975). Mon interlocuteur privilégié, qui est devenu un très bon ami au Cap, le chef de chœur et compositeur Anwar Gambeno pro- clame : « La tradition c’est ce que je fais ». Tradition, c’est un mot que l’on plaque la plupart du temps sur des pratiques à des fins plus ou moins idéologiques. Toutes les musiques et toutes les pratiques humaines sont en évolution permanente.

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Antoine Hennion (2007) a démontré de manière convaincante que le « baroque » est un langage contemporain. Prendre ce que l’on qualifie aujourd’hui d’interpré- tations baroques pour des restitutions, des reconstitutions de ce qui se jouait au XVIIe et XVIIIe siècles, est une erreur : ces interprétations sont certes fon- dées sur une certaine connaissance de ce qui se faisait autrefois, mais elles sont conçues aujourd’hui pour un public contemporain. L’ authenticité… J’allais dire : il n’y a d’authentique que la rencontre. Cette idée renvoie aux travaux des anthro- pologues, au Jean-Loup Amselle des Logiques métisses (1990) qui a mis dans une forme très claire et très pédagogique ce que beaucoup d’anthropologues avaient constaté depuis longtemps.

Ceci dit, Jean-Loup Amselle est revenu plus tard sur la notion de « métissage ».

Oui, mais je trouve Logiques métisses plus stimulant que Branchements (2015).

Surtout si ce livre est associé aux écrits d’Edouard Glissant. Ceci dit, la notion de branchement n’est pas inintéressante, elle évoque aussi pour moi la « bifurcation » de Michel Serres (1982 ; voir aussi Serres 2015). De toute manière, je considère que ces idées se complètent, se renforcent. L’historien Serge Gruzinski a égale- ment travaillé ces notions : il a montré ce qu’a produit l’interaction entre formes esthétiques coloniales et autochtones au Mexique et comment des formes créoles ont en retour influencé des esthétiques européennes (Gruzinski 1999).

L’« authenticité » n’est pas un concept scientifique. Ce sont le divers, le multiple, le métissage qui sont à la source de toutes les productions humaines ; il reste à explorer plus avant comment ils engendrent la création…

Je partage complètement ta pensée, mais tu sais bien que l’UNESCO a fait son commerce de la notion d’authenticité et qu’elle est aujourd’hui généralement acceptée.

Oui, mais si tu reviens à la dimension idéologique de cette notion, tu réalises qu’elle est utilisée par des entrepreneurs politiques pour justifier des droits, qui par ailleurs sont peut-être des droits légitimes. C’est notamment au Brésil que ce mouvement a pris une importance énorme, dans les revendications de droit à la terre portées par des communautés autochtones, alors même que le terme de communauté pose déjà énormément de problèmes (Mattos 2003 ; Mattos

& Abreu 2005, 2007). En outre, les textes de l’UNESCO portent sur les droits des peuples premiers, alors que la catégorie de « peuple premier » est tout aussi trouble, comme le confirment les recherches de paléoanthropologie les plus récentes. Mais ces mots ont un avantage : parce qu’ils simplifient des phéno- mènes extraordinairement complexes, ils deviennent opérationnels, utilisables par des entrepreneurs politiques, notamment ceux qui cherchent à fabriquer des

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« identités » à base de « roman national » (Martin dir. 2010). L’ « identité française » brandie au cours de la campagne pour l’élection présidentielle de 2017 ne veut strictement rien dire ; c’est, comme aurait dit Edouard Glissant (1997), une « iden- tité racine-unique » que démentent tous les travaux historiques, à commencer par ceux de Fernand Braudel dont l’ouvrage sur l’identité française affirmait qu’elle est : « le résultat vivant de ce que l’interminable passé a déposé patiem- ment par couches successives […] un résidu, un amalgame, des additions, des mélanges » (1986 : 17).

Les cours-séminaires : une expérience d’écriture collective A côté de tes recherches, tu t’es aussi consacré à l’enseignement.

J’ai mené plusieurs types d’enseignement : j’ai enseigné à Sciences Po Paris, à Sciences Po Bordeaux et au département de musique de l’Université Paris 8. Je pense que les étudiants qui ont suivi les cours et les séminaires que j’ai faits, pour les échos que j’en ai eus, en gardent plutôt de bons souvenirs. En revanche, ce qui m’attriste est que les doctorants que j’ai formés à Paris 8 et à Sciences Po Bordeaux, ceux qui sont les plus proches du travail que je souhaitais faire et inciter à faire, ont énormément de difficultés à trouver un emploi stable : je les ai trop encouragés à être non-conformistes et, surtout, à être trans- ou

Fig. 5. Avec Didier Levallet, Paris, CERI, 2010.

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multidisciplinaires quand les commissions de recrutement du CNRS ou de l’Uni- versité sont toujours organisées par disciplines cloisonnées. Il y a une disso- nance prononcée entre l’impératif de multidisciplinarité prôné par les autorités, du ministère aux directions des instituts de recherche et des universités, et la réa- lité des recrutements, dissonance rendue plus dramatique encore par la pénurie de postes offerts ; je crains qu’il n’y ait en France aujourd’hui un conservatisme institutionnel perpétuant un conservatisme intellectuel qui n’est plus le fait des chercheurs actifs, ou en tout cas plus le fait des jeunes générations.

J’aimerais que tu me parles de ton expérience d’enseignement autour de l’ouvrage sur Diam’s (Martin et al. 2010). Un tel projet : associer ses étudiants à l’écriture d’un ouvrage, est plutôt rare.

Ce que j’ai systématiquement fait fut de transformer mes cours en cours-sémi- naires qui incluaient, même à Sciences Po Paris, des travaux de recherche des étudiants. Ils ne pouvaient évidemment consacrer qu’un temps limité à ces recherches, mais, comme ils venaient présenter leur travail devant leurs cama- rades, cela engendrait une dynamique qui aboutissait souvent à des textes remarquables sur des sujets auxquels je n’aurais pas pensé ; c’était très stimu- lant, autant pour les étudiants que pour moi. Vers le milieu des années 2000, à Paris 8, je me suis demandé s’il ne serait pas encore plus intéressant, au lieu d’avoir des travaux éparpillés, même s’ils étaient souvent de bonne qualité, d’essayer de construire un projet commun avec tous les participants au cours. Il s’est trouvé qu’en 2006, le CD de Diam’s, Dans ma bulle, a été annoncé dans la presse comme le plus fort chiffre de ventes de tous les enregistrements publiés cette année-là, comme une production ayant rencontré un succès exceptionnel.

Je me suis demandé pourquoi ce CD avait si bien marché ; comment il avait résonné avec l’évolution de la société française ; ce qu’il signifiait par rapport à son état en 2006. J’ai alors proposé aux étudiants de construire un petit projet de recherche autour de ces questions. Ils ont accepté et se sont répartis en plusieurs groupes de travail : sur la musique, sur les paroles, sur la biographie de Diam’s, sur Diam’s dans le rap français. Au bout du compte, ils rédigèrent plusieurs mini-mémoires, chacun de la taille d’un article universitaire. Deux m’ont semblé tout à fait excellents, et j’ai pensé qu’ils pourraient être publiés, d’autant plus que les travaux sérieux sur le rap n’étaient pas légion. Le chapitre d’analyse musicale a été rédigé par quatre étudiants absolument remarquables, dont le compositeur musique contemporaine argentin Mariano Fernandez, très féru de nouvelles technologies musicales, et la chanteuse Zulma Ramírez, qui a fait partie de l’ensemble Accentus de Laurence Equilbey. Ces étudiants étaient hyper-quali- fiés, hyper-compétents et enthousiasmés à l’idée de travailler sur le rap. L’ analyse musicale qu’ils ont proposée était passionnante. Un autre groupe qui avait une formation plus littéraire a étudié les paroles et produit également un excellent

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texte. J’ai demandé à ces étudiants s’ils étaient d’accord pour que j’essaie de faire une publication autour de leurs textes. Une fois qu’ils ont accepté, j’ai retra- vaillé, en les réécrivant juste un tout petit peu, ces deux mémoires, analyse musi- cale et analyse des textes, puis j’ai mis de la « sauce » historique et théorique autour. J’ai fait une incursion sur des forums Internet pour tenter d’y trouver des éléments d’analyse de réception. Mais le publier n’a pas été si facile. Un premier éditeur qui l’avait quasi-commandé l’a trouvé trop peu « grand public » ; il escomp- tait sans doute un texte plus « people » sur Diam’s. Celui qui l’a finalement édité s’est heurté à des obstacles juridiques dont l’interdiction d’utiliser « Diam’s » dans le titre, car c’est une marque déposée. Donc, le nom de Diam’s n’est pas apparu dans le titre et le livre ne s’est évidemment pas bien vendu. Je pense que les co- auteurs étudiants ont été un peu déçus. Enfin, ce qui me gêne énormément, c’est qu’il a été écrit par sept auteurs mais que les recensions ou les bibliographies le présentent souvent sous mon seul nom ; ce n’est pas normal, mais je n’ai aucune maîtrise là-dessus.

Le « métissage originel »

Pour terminer, ce qui m’a marqué dans ton parcours intellectuel, ce sont les rencontres que tu as faites, qui t’ont nourri, et dont tu reconnais toujours l’apport à ta propre réflexion.

Ça, c’est le métissage originel ! Nous sommes dans des métiers de forma- tion permanente, d’inter-fécondation. Nous sommes constamment enrichis par les rencontres que nous faisons et les débats qu’elles occasionnent. Au fil de mon parcours, des enseignants de Sciences Po, Tatiana Yannopoulos, Georges Balandier, Simha Arom, Edouard Glissant, des collègues du CERI, du laboratoire LAM de Bordeaux, de Paris 8, de la SFE, d’Afrique du Sud, les étudiants auxquels j’ai eu la chance d’enseigner en diverses institutions, tous ont joué un rôle déter- minant en m’aidant à organiser, à clarifier les questions que je me posais et en me fournissant des outils très divers, mais efficaces, pour essayer d’y répondre.

Comme tu le sais, je ne suis pas musicologue, je n’ai pas de formation musi- cale, je suis incapable de faire une transcription. A plusieurs reprises, mon travail sociologique a eu besoin de s’appuyer sur des analyses musicales que je ne pouvais pas faire et j’ai eu la chance de pouvoir compter sur des amis qui soit, comme Simha Arom très fréquemment, m’ont donné des indications importantes, soit ont accepté de travailler avec moi : Didier Levallet, les étudiants de Paris 8 et, plus récemment, Armelle Gaulier.

Ce qui m’a aussi frappé en relisant tes textes, c’est la grande curiosité et la grande liberté que tu as eues et entretenues sans cesse.

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La curiosité, oui. Si on fait de la psychanalyse sauvage, tout le travail de mon père a été de comprendre comment était constitué un son, et comment on pou- vait reconstituer un son acoustique avec des moyens électroniques. Tout ce qu’a fait mon père, dans le domaine de la musique ou de l’image, lui qui par ailleurs était extrêmement conservateur dans d’autres domaines, témoigne d’une curio- sité vraiment extraordinaire. L’ avènement du transistor, le perfectionnement des semi-conducteurs ont révolutionné son travail. Pendant mon enfance et mon ado- lescence, j’ai entendu mon père parler de ses recherches ; je pense que nous, les enfants, n’y comprenions rien ! Tout petit, j’ai entendu parler de « diviseurs de fréquences » mais il n’y a pas très longtemps que je vois à peu près ce que ça veut dire. Les harmoniques, je ne savais pas ce que c’était. La manière dont j’ai conduit mon travail a été inconsciemment influencée par la personnalité de mon père, par ce qu’il était et par ce qu’il a fait.

Je trouve que ta curiosité t’a permis de repousser les limites disciplinaires, et de gagner une grande liberté intellectuelle.

J’assume un éclectisme, dans le sens classique, au moins à titre de projet, sans être sûr de l’avoir réalisé : emprunts de ce qui est stimulant dans différents sys- tèmes pour les fondre en un tout cohérent. Je suis foncièrement in-discipliné.

Du non-conformisme ?

Oui, c’est un peu du même ordre. Quand tu faisais Sciences Po dans les années 1960, tu avais une extraordinaire liberté pour choisir des enseignements qui par- taient un peu dans toutes les directions, à la fois sur le plan des thématiques, sur le plan des approches, voire de l’idéologie. J’ai suivi une formation qui n’était pas cloisonnée sur le plan disciplinaire : des cours de sciences politiques intitulés comme tels, des cours d’histoire avec des historiens remarquables ; de géogra- phie la première année, ce qui s’appelait l’année préparatoire, avec un géographe extraordinaire, Pierre Georges ; de droit constitutionnel avec le doyen Vedel ; d’histoire des idées avec Jean Touchard, qui était absolument fabuleux ; et puis des cours plus « exotiques » sur les sociétés africaines et les sociétés d’Amérique latine, sur le Vietnam, avec Jean Lacouture. En trois ans, on pouvait accéder à des enseignements et à des enseignants fantastiques, sans aucune contrainte disciplinaire. C’était très enrichissant. Ensuite, j’ai travaillé pour mes thèses avec Georges Balandier. J’ai été recruté par le CERI de Sciences Po : il rassemblait des chercheurs travaillant sur toutes les régions du monde et, spontanément, tu te trouvais dans un milieu comparatiste, même si tu ne faisais pas de com- paraisons formelles ; ils venaient de disciplines différentes : histoire, économie, politologie, et souvent, quelle qu’ait été leur formation, ils avaient une sensibilité anthropologique et sociologique, et c’est toujours le cas aujourd’hui. Les groupes

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de travail à l’intérieur du CERI étaient extrêmement féconds. Au bout du compte, je n’ai appris la notion de discipline – au sens d’ensembles de connaissances et de méthodes cloisonnés, pas au sens moral bien entendu – ni au cours de ma formation initiale, ni dans les centres où j’ai travaillé ; cette in-discipline a sans doute prospéré sur un terrain favorable, mais le résultat en a été que je suis parvenu à faire le type de recherches que je souhaitais et que mes tentatives transdisciplinaires ont été acceptées, surtout à partir des années 1980, quand mon travail sur la musique a été reconnu comme légitime. Ceci dit, j’ai toujours pris soin de continuer à m’investir dans des projets qui relevaient purement de la sociologie politique et ne traitaient pas de musique, mais ils ont indéniablement enrichi ce que j’entreprenais par ailleurs en sociologie de la musique. Ainsi, une bonne partie du travail que j’ai réalisé sur musique et identité (Martin 2012a), sur les musiques et le carnaval du Cap (Martin 1999a et b, 2013, 2017), a tiré avan- tage de recherches sur l’identité en politique qui ne comportaient rien de musical (Martin dir. 1994 et 2010). Tout s’est complété.

Tu as fait énormément de terrains, au Cameroun, au Kenya, en Tanzanie, en Afrique du Sud, dans les Antilles ; la somme de tes écrits, en français et en anglais, des textes académiques comme des articles dans des revues plus grand public, est impressionnante. Tu as participé à la réalisation et réalisé des films documentaires, des disques…

Ma mère était fille de marin pêcheur ; elle racontait le périple autour du monde de son père (que je n’ai pas connu), second sur un cargo à voile ; elle entretenait des rêves de voyages et m’emmenait voir les séances de cinéma « Connaissance du monde ». Mon père avait dans son bureau un planisphère sur lequel il plan- tait des punaises de couleur pour indiquer où il avait installé des orgues et des cloches électroniques. Tous deux, chacun à sa façon, m’ont ouvert les yeux, et les oreilles, sur le monde. En outre, ma mère n’est allée à l’école que jusqu’au certificat d’étude ; après, elle a dû carder des matelas avec sa mère, parce qu’il n’y avait pas d’argent pour lui permettre de continuer à étudier. Elle s’est intellec- tuellement formée toute seule, et très solidement, en conservant un sens moral assez rigide. Elle avait un répertoire de maximes qui lui venaient de sa famille à elle, de sa grand-mère, et qui revenaient comme des ritournelles. Elle les profé- rait moitié sérieusement, moitié en plaisantant : ainsi, à nous les gosses, quand nous étions contents d’avoir fait quelque chose et que nous étions un peu fiers de nous, elle disait : « T’as fait qu’ton d’voir et bien p’titement ». C’est un peu ça la morale de mon histoire…

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1991 L’ Amérique de Mingus, musique et politique : les «Fables of Faubus» de Charles Mingus. Paris : P.O.L. (avec Didier Levallet).

1992 La découverte des cultures politiques, esquisse d’une approche comparatiste à partir des expériences africaines. Paris : Fondation nationale des sciences politiques, Centre de recherches internationales (Cahiers du CERI 2). Disponible en ligne à : http://www.sciencespo.fr/ceri/sites/sciencespo.fr.ceri/files/cahier02.pdf 1996 Les démocraties antillaises en crise. Paris : Karthala (avec Fred Constant).

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2002 La France du jazz, musique, modernité et identité dans la première moitié du XXe siècle. Marseille : Parenthèses (avec Olivier Roueff).

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2010 Quand le rap sort de sa bulle, sociologie politique d’un succès populaire. Paris : Mélanie Seteun/IRMA, 2010 (avec Laura Brunon, Mariano Fernandez, Soizic Forgeon, Frédéric Hervé, Pélagie Mirand et Zulma Ramirez).

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2015 L’enquête en ethnomusicologie, Préparation, terrain, analyse. Paris : Vrin (avec Simha Arom).

2017 Cape Town Harmonies : Memory, Humour & Resilience. Somerset West : African Minds (avec Armelle Gaulier).

Direction d’ouvrages et de revues

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1984 « Images de la diaspora noire », Politique africaine 15.

1988 Tanzanie : Vingt ans après Arusha. Pau : Université de Pau, Centre de recherche et d’étude sur les pays d’Afrique orientale (avec François Constantin).

1989 Tanzanie, l’Ujamaa face aux réalités. Paris : Editions recherches sur les civilisations (avec Hermann Batibo).

1991 Les Afriques politiques. Paris : La Découverte (Avec Christian Coulon).

1992 Sortir de l’apartheid ? Bruxelles : Complexe, collection Espace International.

1994 Cartes d’identité, comment dit-on «nous» en politique. Paris : Presses de la Fondation nationale des sciences politiques.

1998 Les nouveaux langages du politique en Afrique orientale. Paris : Karthala.

2002 Sur la piste des OPNI (Objets politiques non identifiés). Paris : Karthala.

2010 L’identité en jeux, pouvoirs, identifications, mobilisations. Paris : CERI/Karthala.

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1971 « L’unité africaine face au pouvoir blanc », in Jean Meyriat, dir. : L’univers politique 1970. Paris : Editions Mazarine (avec Tatiana Yannopoulos).

1972a « Domination et composition en Afrique : le Conseil de l’Entente et la Communauté est-africaine face à eux-mêmes et face aux Grands », Revue algérienne des sciences juridiques, économiques et politiques I (avec Tatiana Yannopoulos).

1972b « Régimes militaires et classes sociales en Afrique noire : une hypothèse », Revue française de science politique, 22/4 (avec Tatiana Yannopoulos).

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1986 « Par-delà le boubou et la cravate, pour une sociologie de l’innovation politique en Afrique noire », Revue canadienne des études africaines 20/1 : 4-35.

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Références

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