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La musique comme anthropologie. Entretien avec Denis Laborde

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Anciennement Cahiers de musiques traditionnelles

 

29 | 2016

Ethnomusicologie appliquée

La musique comme anthropologie. Entretien avec Denis Laborde

Talia Bachir-Loopuyt et Denis Laborde

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/ethnomusicologie/2598 ISSN : 2235-7688

Éditeur

ADEM - Ateliers d’ethnomusicologie Édition imprimée

Date de publication : 31 décembre 2016 Pagination : 193-213

ISBN : 978-2-88474-388-4 ISSN : 1662-372X Référence électronique

Talia Bachir-Loopuyt et Denis Laborde, « La musique comme anthropologie. Entretien avec Denis Laborde », Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 29 | 2016, mis en ligne le 31 décembre 2018, consulté le 10 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ethnomusicologie/2598

Article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle.

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J’

ai connu Denis Laborde en 2005, au retour d’un séjour d’études en Turquie qui m’avait décidée à m’orienter vers un master « Musique » de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales. Dans son séminaire d’alors, il n’était point question de musique ottomane, mais de Steve Reich, de l’enquête Fortoul, de l’Unesco et des musiques du monde, de procédures d’arraisonnement graphique et d’ontologies musiciennes, ainsi que d’une liste toujours plus longue d’ouvrages de référence invitant à replacer l’étude de la musique dans le périmètre plus large des sciences humaines et sociales. Dans les onze années qui ont suivi, j’ai eu la chance de le côtoyer régulièrement comme doctorante et comme monitrice apprenant à ses côtés l’art d’enseigner, puis comme collègue. Comme beaucoup d’autres, j’ai grandement bénéficié – et bénéficie encore – de la riche émulation qu’il a su créer autour de lui en réunissant de brillants étudiants, chercheurs et acteurs culturels dans des séminaires, des universités d’été franco-allemandes et des programmes de recherche interdisciplinaires ; dans des enquêtes collectives et partenariats (avec Villes des Musiques du Monde, la fondation Royaumont, le projet DEMOS…) menant à la création de l’IRMM (Institut de Recherche sur les Musiques du Monde) ; dans des débats et tables rondes où il officie comme un modérateur hors pair faisant dialoguer militants, artistes et préfets de police…

Il n’est pas encore l’heure d’écrire l’histoire de ces rencontres et des vocations qu’elles ont suscitées ; mais peut-être pourrons-nous alors trouver dans les classiques de l’anthropologie des éléments d’explication au mystère de ce per- sonnage exigeant et souriant que certains d’entre nous continuent d’appeler

« Monsieur le Professeur Laborde » et que je n’ai pour ma part encore pas réussi à cesser de vouvoyer.

T.B.L.

La musique comme anthropologie

Entretien avec Denis Laborde

Talia Bachir-Loopuyt

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Vous avez grandi au Pays Basque. Pouvez-vous évoquer ce que fut ce pays de votre enfance ?

J’ai grandi dans un périmètre étriqué face à l’Atlantique. Au nord, la forêt ; à l’est, la montagne ; au sud, Franco. J’ai grandi ici, à « Bayonne, ville parfaite : fluviale, aérée d’entours sonores et cependant ville enfermée, ville romanesque », comme dit Roland Barthes de sa ville dans son autobiographie.

Mon Pays Basque n’avait de basque que le nom. La langue me fut interdite.

Ma grand-mère paternelle la parlait avec sa famille, avec ses amis, mais pas avec moi. Les maîtres d’école lui avaient enseigné à coups de bâton que parler deux langues crée une sorte de paralysie cognitive, et qu’il lui fallait renoncer au basque.

Elle renonça. Mon père renonça. Et la langue fit repli dans le registre de l’intime.

Inaccessible pour moi. Côté maternel, c’était différent. Ma mère était secrétaire.

Elle avait un goût immodéré pour la belle graphie et la correction orthographique, en français. Transcrire et corriger, c’était son existence. Des deux côtés, on était artisan, et même charpentier. Depuis le XIXe siècle, chez moi, on est charpentier.

Mon enfance fut donc celle des copeaux de bois, des épures au cordex, et de la fascination pour ces mots qui restent dans ma mémoire sans que je sache à quoi ils renvoient : enture, arbalétrier, échantignole…

Fig. 1. Denis Laborde, Abbaye de Royaumont, 20 juin 2015. Photo Choukhri Dje.

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Vous n’êtes pourtant devenu ni charpentier, ni professeur de français…

Comment en êtes-vous venu à la musique ?

C’est un bricolage existentiel. À Bayonne, on naît crampons aux pieds et ballon de rugby en main. À 4 ans, je reçois mon premier maillot de rugby de l’Aviron Bayonnais. Mon père entraînait l’équipe du club. Mon destin est tracé, je m’en- traîne tous les jours. À 7 ans, je prends la carte du club voisin, l’Anglet Olympique où mon père vient de créer l’une des premières écoles de rugby du pays. Mais des problèmes cardiaques m’obligent à raccrocher les crampons, provisoirement.

Me voici en panne de lien social.

Or, dans l’atelier de charpente de mon grand-père maternel qui jouxte notre maison se trouve un piano droit, celui de l’adolescence de ma mère. Je me glisse souvent derrière les madriers pour jouer des sons au hasard pendant que mon grand-père actionne raboteuses et machines de découpe. Jouer des sons sans entendre produit une sensation captivante, une sensation magique que je retrouverais bien des années plus tard en dirigeant les Crystal Psalms d’Alvin Curran à la Maison de la Radio 1. J’imagine que les interprètes du Helikopter- Streichquartett de Stockhausen connaissent une sensation similaire. Et voilà le bricolage : des crampons hors d’usage, un piano disponible, des mercredis libres… Ma mère me conduit chez son ancienne professeure, Mlle Lavielle, figure tutélaire de la rue de Lormand, aussi ancienne que le cœur médiéval de la ville.

Celle-ci m’envoie au conservatoire dans la classe de Françoise Cartier, qui vient d’arriver ici. Le conservatoire va devenir ma seconde maison.

Peu d’ethnomusicologues parlent de leur passage au conservatoire

comme d’un moment épanouissant… Quel est alors pour vous ce bonheur du conservatoire ?

J’y rencontre une magnifique émulation. Ceux qui ont trois ou quatre ans de plus que moi entendent dédier leur vie à la musique. Dans ce recoin de monde, cela crée une connivence très singulière. Katia et Marielle Labèque viennent de mon- trer le chemin, les pianistes que je côtoie travaillent avec leur mère, Ada Labèque, qui deviendra plus tard ma professeure. Il y a Yves Rault, qui part à New-York étu- dier à la Juilliard School, remporte le Concours de Sydney, enregistre les Sonates de Schumann avec Raphaël Oleg chez Harmonia Mundi, puis disparaît, beau- coup trop tôt. Il y a Philippe Biros, qui le suit à New-York et remporte le concours Hugo Wolf de Stuttgart. Il y aussi Olivier Léger. Je me souviens encore des trilles de l’opus 111 à Pleyel pour son Prix du CNSM… Par la suite, il a viré au jazz.

Il y a mon ami Guy Teston, qui a eu un parcours vraiment extraordinaire, à la

1 Alvin Curran : Crystal Psalms. San Francisco : New Albion Records NA 067, 1988.

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fois concertiste (un récital des 24 études de Chopin : son rêve !) et maître en Qi gong, formé à l’Institut Xin’an de l’Université de Shanghai. Il y a enfin le violoniste Roland Daugareil, qui est en avance sur nous tous. Il passe au CNSM, remporte tous les prix internationaux et joue en soliste avec Pierre Boulez, Zubin Mehta, Sir Georg Solti, Seiji Ozawa, Herbert von Karajan… Il m’accueillera chez lui lorsque mon tour sera venu d’étudier au CNSM. Aujourd’hui, il est violon solo à l’Orchestre de Paris, enseigne au CNSM et joue avec Lang Lang… Imaginons ces musiciens entre 15 et 20 ans au moment des choix de vie, et nous obtenons une photo sen- sible de ce que fut mon univers musical dans ce conservatoire de Bayonne qui venait de s’installer dans l’ancien séminaire, sur les hauteurs de la ville.

Très vite, la figure canonique d’un solfège hérité du XIXe siècle me prend sous sa coupe. Mlle Sourdez me prépare au concours du CNSM de Paris. J’entre dans cette classe qu’on appelle de « solfège spécialisé ». Un prix du CNSM à 15 ans, je rentre à Bayonne, poursuis ma scolarité, passe le bac suivi d’une prépa scientifique mal gérée, et retour au CNSM avec Jean-Claude Raynaud (har- monie), Jean-Claude Henry (contrepoint), Jean-Paul Holstein (fugue). Deux ren- contres vont me marquer durablement : Odette Gartenlaub, toujours au CNSM, et Michel Corboz, au Conservatoire de Genève.

Odette Gartenlaub vient d’ouvrir une classe de préparation au CA de Formation Musicale. C’est une première dans le monde académique. C’est l’époque des grands débats qui cherchent à remplacer le solfège par la formation musicale. Ça s’agite au Ministère. Marc Bleuze est de connivence avec Odette Gartenlaub ; il porte la réforme en s’appuyant sur elle, mais il y a aussi les inspec- teurs trublions, artistes, comme Jacques Rebotier, qui préside le jury du concours d’entrée et avec qui une forme d’amitié va naître. Odette Gartenlaub, c’est l’élec- trochoc. La sensation d’être au cœur de la musique, dans les arcanes du son.

Cette femme si frêle est un puits de science musicienne. Nous avons deux jour- nées entières de cours par semaine, elle compose tout son matériau de cours…

et dans tous les styles imaginables. C’est une pianiste hors du commun, d’une gentillesse et d’une exigence qui nous transportent ailleurs en nous obligeant à sortir le meilleur de nous-mêmes. Elle a laissé une trace durable sur chacun de nous. Je passe mon CA, enseigne donc la formation musicale au Conservatoire National de Région d’Amiens.

Dans les même temps, je fais les voyages à Genève, place Neuve, pour travailler la direction de chœur avec Michel Corboz. C’est un homme d’un autre temps, au charisme très exceptionnel. Il ne sait pas exactement ce qu’il fait mais la question importe peu. Bien plus tard, j’ai compris les vertus de l’analyse de Marcel Mauss : quand j’essaie, aujourd’hui encore, de me représenter une situa- tion d’imitation prestigieuse, c’est à ma relation avec Michel Corboz que je pense.

Elle s’est construite sur le mode « peu importe ce que je dis, regardez ce que je suis et faites pareil en étant vous-mêmes ». Il parvint à construire sa carrière sans jamais théoriser ses choix stylistiques et c’est extraordinaire. Il nous disait :

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« Mais si, écoutez William Christie, vous verrez qu’on fait un peu pareil ». À ceci près qu’il jouait à 440 sur des instruments modernes avec l’Orchestre de Paris…

pas vraiment l’esthétique des Arts Florissants à 415 ! Mais cela lui importait peu, il habitait la musique, il l’incarnait même, et n’avait pas besoin de théoriser pour transmettre. C’était de l’émotion à l’état pur. Alors j’ai transposé cet état d’esprit dans les ensembles vocaux que j’ai pu diriger par la suite…

Quelles ont été vos expériences marquantes en tant que chef de chœur ?

J’ai dirigé des ensembles vocaux au Conservatoire à Rayonnement Régional (CRR) de Cergy-Pontoise où j’ai enseigné pendant une quinzaine d’années. J’ai aussi été à la tête de l’ensemble Territoires, avec qui j’ai enregistré Alvin Curran et créé des œuvres de Felix Ibarrondo et du jeune Ramon Lazkano.

Une expérience fondatrice fut celle des ateliers de chant choral que le Centre Acanthes de Claude Samuel consacra, en 1985, à Iannis Xenakis.

Pendant 15 jours à Aix-en-Provence, puis 15 jours à Delphes, en alternance avec James Wood, j’ai dirigé les œuvres vocales de Xenakis avec, en guise de choristes, les étudiants inscrits aux ateliers d’instruments. C’est d’ailleurs là que j’ai fait la connaissance de François Picard qui participait aux ateliers d’analyse de Rudolf Frisius, professeur Tournesol de l’analyse de la musique contempo- raine, qui enseignait à Karlsruhe et était d’une rare aménité. Xenakis venait écouter l’atelier vocal, il critiquait, conseillait, marquait sa bienveillance. Il y avait ses amis de toujours, Claude et Mireille Helffer, que j’ai rencontrés pour la pre- mière fois à cette occasion. Claude Helffer me fascinait. Voilà un ancien élève de l’École Polytechnique, résistant dans le Vercors, qui a appris le piano avec Robert Casadesus et décide à l’âge adulte de quitter la carrière d’ingénieur pour embrasser celle de pianiste, qui joue en virtuose les pièces du répertoire contem- porain inaccessibles au commun de pianistes et qui se lève dès l’aube au Centre Culturel Européen de Delphes, rejoint son piano face à la baie vitrée donnant sur le golfe de Corinthe, se lance pendant une heure dans des exercices pianistiques les plus inintéressants (façon Hanon, Czerny ou Brahms) et me dit : « C’est une grande expérience de délier la mécanique digitale quand le soleil se lève ! ». Nous sommes devenus assez proches à ce moment-là.

En 1987 (ce sont des dates que l’on n’oublie pas), j’ai dirigé les répétitions du Tryptique de Dido Lykoudis au Centre Pompidou dans le cadre du Festival d’Automne. Xenakis avait accepté que l’on reprenne ses Pléiades, Sylvio Gualda pilotait le groupe de percussions éponyme (il y avait Eve Payeur, Claire Talibart…), je m’occupais de la voix. Bref, j’étais totalement immergé dans ce monde musical.

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Et vous êtes finalement devenu ethnologue… Quelle était votre posture d’enquête quand vous avez commencé à travailler sur les bertsulari ?

Je n’en avais pas. Là encore, c’est du bricolage. Si je séquentialise, il y a d’abord la découverte de l’ethnomusicologie avec Maguy Andral et surtout avec Jacques Cheyronnaud, puis la formation d’un projet avec Jean Haritschelhar, qui dirigeait alors le Musée Basque à Bayonne, et la rencontre avec un improvisateur hors- norme, Fermin Mihura.

Chaque mardi, je venais assister au séminaire de Maguy Andral aux ATP.

Au fur et à mesure des années, ma présence se fit plus régulière. Par imprégna- tion plus que par dessein, j’acquis une certaine familiarité avec les grands thèmes d’une ethnomusicologie classique orientée vers l’analyse de corpus et la conser- vation muséographique (impossible d’oublier que nous étions dans un musée).

Ce n’était pas ce que je recherchais. L’attention prêtée à la pratique musicienne m’intéressait davantage que la spécification ad infinitum des normes d’analyse.

C’est donc avec une grande naïveté que je me suis lancé dans une enquête sur le bertsularisme en Pays Basque. Pas de stratégie d’analyse, donc, mais j’étais imprégné de deux supports bibliographiques : le recueil des Problèmes d’ethnomusicologie, de Constantin Brăiloiu, que je connaissais par cœur – c’était avant le bel hommage de Laurent Aubert (2009) – et deux articles indépassés de Jacques Cheyronnaud : l’un de 1983 « Au pays de saint Junien, la Pernette en ballade », l’autre de 1981 « Sur l’air d’un cantique de pèlerinage ». Ces deux der- niers textes publiés dans Ethnologie française allaient s’avérer cruciaux pour mon étude, mais pour le moment, c’était la conversion à la cause des offensés et des humiliés de l’histoire qui me tenait lieu de principe épistémique.

Et donc, si vous séquentialisez, nous en arrivons au second moment : celui de la rencontre avec Jacques Cheyronnaud.

Lorsque l’on avançait dans le ténébreux couloir du neuvième étage du Musée national des ATP, en lisière du Bois de Boulogne, le premier bureau que l’on ren- contrait, à droite, était celui de Jacques Cheyronnaud. Cheyronnaud prend la direc- tion du département d’ethnomusicologie en 1987. Il le rebaptise Département de la musique. Maguy Andral ne vient plus que rarement. Une bourse doctorale du CNRS me permet de prendre congé du Conservatoire. À partir de là, ce seront des échanges quotidiens avec Jacques Cheyronnaud. C’est un puits de science, d’une exigence rarement rencontrée et d’une grande perspicacité, qui s’est doté d’une impressionnante culture scientifique et qui possède une grande ouverture d’esprit. Il a aussi l’intransigeance caractéristique des esprits au-dessus de la norme. Jacques Cheyronnaud est un incroyable pédagogue. À partir de 1987, il anime un séminaire qui est un grand moment de la vie de l’institution. Beaucoup de ceux qui aujourd’hui ont des responsabilités dans le monde des musiques du

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monde sont passés par ce séminaire hors du commun (Lothaire Mabru, Jaume Ayats, Éric Montbel, Marlène Belly…). Cheyronnaud est de très loin le meilleur enseignant que j’aie rencontré. Il va chercher des questionnements en lisière des interrogations qui nous sont familières et il construit une heuristique qui nous fait nous étonner de n’y avoir pas pensé plus tôt : frustrant, et captivant. Je me souviens d’une exégèse de l’Eloge de la variante de Bernard Cerquiglini dans laquelle il traçait un lien avec le folklore musical. Nous étions tous fascinés. Un grand silence suivit la séance qui se tenait dans l’amphithéâtre au dernier étage du Musée des ATP. J’ai gardé les notes de tous ses cours, et j’ai beaucoup regretté qu’il quitte Paris pour Marseille. Mais à la réflexion, je me dis que ce n’est pas pour rien qu’est apparue à Marseille une nouvelle « École » : il a formé avec Jean-Louis Fabiani et Emmanuel Pedler ces chercheurs qui sont devenus aujourd’hui des références, Olivier Roueff, Anthony Pecqueux, Karim Hammou, Jean-Christophe Sevin…

Mais peut-être puis-je revenir sur l’ambiance singulière du Musée des ATP dans ces années : une institution que j’ai connue perpétuellement en crise.

Ma vie aux ATP se déroule au neuvième étage. Ce neuvième étage comprend deux ailes : est, ouest. Côté est, l’aile est vouée tout entière au département de la musique : bureaux, collections (manuscrits, disques, phonogrammes d’en- quête), salle de consultation, fichiers, local technique avec ses imposantes tables de mixage et ses instruments sophistiqués d’ingénierie acoustique. Côté ouest, l’aile abrite les bureaux de quelques chercheurs récemment promus au CNRS, qui viennent d’intégrer le Centre d’Ethnologie Française que dirige Martine Segalen. Elisabeth Claverie est là pour quelques mois encore, elle pose les bases de deux chantiers qui vont l’occuper dans les dix années à venir : l’un sur le culte marial, l’autre sur la forme affaire. Béatrix Le Wita travaille déjà à la réédition de son best-seller, Ni vue, ni connue (1988) sans assumer tout à fait le succès que lui vaut cet ouvrage qui s’installe comme une référence dans le paysage des publications ethnologiques. Gérard Collomb vient de publier Du bon Usage de la montagne (1989), il dirige la rédaction de la revue Ethnologie française, hébergée elle aussi dans cette partie de l’étage et chacun tire profit de sa capacité hors du commun à relire un manuscrit pour solliciter un avis éclairé, capter un conseil bibliographique, chercher une clarté d’expression qui se dérobe parfois… Jacques Cheyronnaud, lui, développe son histoire de la for- mation d’un secteur « musique de tradition orale » dans l’espace muséographique français. Il vient de publier ses Mémoires en recueil (1986). Cette proximité topo- logique, ainsi que la proximité générationnelle et les relations amicales qu’entre- tiennent entre eux ces chercheurs soucieux d’œuvrer à un renouvellement des thématiques liées à l’ethnologie de la France créent une émulation stimulante et une belle atmosphère de travail. C’est par ce biais que se fait mon intégration dans cet éclectique cénacle de rivalités amicales qui fait du métier d’ethnologue un art de vivre. Après ma thèse de doctorat (1993), Gérard Collomb me sollicite

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pour lui succéder à la direction de la rédaction de la revue Ethnologie française que préside Jean Cuisenier. J’y resterai pendant cinq ans avant de passer le relais à Jean-François Gossiaux.

Et donc, pour en revenir au bricolage : comment avez vous mené votre enquête sur les bertsulari ?

Lorsque je suis arrivé aux ATP, mon projet était de faire une monographie des pratiques musiciennes dans les trois villages de Sare, Ascain et Saint-Pée, sur la Nivelle en amont de Saint-Jean-de-Luz. Avec Martine mon épouse, nous avons donc commencé à enquêter d’une manière systématique. C’étaient mes pre- mières expériences de terrain : énorme. Un jour, en passant par Ascain, nous rencontrons Mihura, et là, c’est la fascination. Mihura est bertsulari. Il est, littéra- lement, « faiseur de vers » (bertsu-l-ari). Il improvise des vers (bertsu) sur l’air de chansons que tout le monde connaît. C’est de l’improvisation sur timbre. Mais je ne suis pas linguiste. Comment donc étudier ces poèmes ? « En vous concen- trant sur la musique », me dit Maguy Andral. C’était vraiment contre-intuitif : pour- quoi étudier la musique alors que ce sont les poèmes qui sont improvisés et pas la musique ? « Justement, parce que personne ne pense à étudier les modifica- tions qui se produisent dans la mélodie et qui traduisent bien davantage le méca- nisme cognitif que ce que vous pouvez analyser dans le texte ». Cette remarque eut un effet déclencheur : d’une part, elle rendait le projet légitime à mes yeux ; d’autre part, elle me réconciliait avec le projet d’enquête ethnomusicologique…

J’abandonne alors la monographie de la vallée et je me concentre sur l’art de ce bertsulari en m’intéressant, par l’analyse musicale, au processus de production des énoncés plus qu’aux énoncés produits. Peu à peu, mon intérêt va se déplacer de l’analyse de contenu vers l’action située. Et je découvre ainsi que cet art de l’improvisation est en réalité un art de la mémoire.

Mais en travaillant sur les bertsulari, vous avez bien dû aussi vous intéresser aux textes, à la langue, à ceux qui la parlent et l’investissent d’une certaine valeur…

Oui, bien sûr. Difficile de faire abstraction des contenus. Les analyses de contenu ne sont pas évacuées puisque la fabrication d’un « sens commun » est la force de cette pratique poétique d’oralité. Dans ses Paroles païennes (1986), Nicole Belmont a écrit sur ce thème des pages indépassables. Mais mon attention se focalise alors moins sur ce qui est dit que sur la façon de créer la possibilité de dire… et de mettre en œuvre cette création. C’est un essai (désespéré parfois) qui consiste à suspendre le moment de l’improvisation pour en comprendre la fabrication dans l’interaction. Ce type d’attention que l’on prête à l’objet permet de se centrer sur le mécanisme cognitif, d’une part, et sur la co-construction avec un

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public, d’autre part. Cela m’a permis d’apercevoir que le public n’est pas le simple spectateur, mais qu’il est auteur à part entière de l’improvisation. Je suis arrivé à cela en comparant les deux bertsulari : Mihura, qui était un novice passionné, et Amuriza, un expert qui a plusieurs fois remporté le championnat d’improvisa- tion du Pays Basque. Sa force venait, précisément, de sa capacité à transformer les attitudes du public en ressources pour l’improvisation. Ce sont les fameuses affordances d’action de James Gibson. Mais c’est plus tard que j’entrerai dans cet univers de la psychologie, des ethnométhodologues et des chantres de l’ac- tion située (dans la suite des travaux de Lucy Suchman) : lorsque je fréquenterai de façon assidue le séminaire qu’animent à l’EHESS Louis Quéré et Michel de Fornel. Ce fut un grand moment de mon itinéraire intellectuel. Il y avait là des débats passionnés. Nous étions peu nombreux, dix les jours d’affluence, mais il y avait là Daniel Cefaï, Dany Trom, Albert Ogien… C’est d’ailleurs par Albert Ogien que j’ai rencontré David Sudnow et ses jazz making hands (Sudnow 1978).

Cette ouverture à la pragmatique a été un moment fort de mon itinéraire intellec- tuel. Il m’a déporté, en quelque sorte du côté de la sociologie en alimentant les échanges que j’ai pu avoir par la suite avec des sociologues : Antoine Hennion bien sûr, mais aussi Bruno Latour, Jean-Louis Fabiani, Francis Chateauraynaud, Emmanuel Pedler, Bénédicte Zimmermann et, dans la jeune génération, ceux de l’École de Marseille dont j’ai parlé tout à l’heure…

Vos travaux ne se sont pas cantonnés au domaine basque. Vous avez ensuite poursuivi une réflexion sur l’enseignement de la musique

(Laborde 1998), mené des travaux autour du cas « Jean-Sébastien Bach », de la constitution des savoirs ethnomusicologiques, de la world music…

Entre ethnomusicologie, anthropologie, histoire – où vous situez-vous ? Du côté de l’anthropologie de la musique, si l’on veut bien considérer par là une attitude de connaissance plus qu’un corps de doctrine. C’est en tout cas le message que je reçois de Alan P. Merriam et, plus récemment, de chercheurs comme Timothy Rice ou Bruno Nettl. Cette attitude de connaissance intègre dans une même analyse la connaissance produite et les outils mis en œuvre pour la produire. Elle prête attention à l’institution des catégories plus qu’aux catégories instituées. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les institutions qui m’ont accueillies sont le CNRS et l’EHESS. Ce sont deux institutions qui s’efforcent de dépasser les clivages et les combats liés aux cartographies disciplinaires. Dans le Raisonnement sociologique (1991), Jean-Claude Passeron opère une disjonc- tion entre forme disciplinaire (caractérisée par des particularités rhétoriques, des rites, des héros et des paradigmes) et configuration épistémologique unitaire (ce qu’il appelle « les sciences historiques »). Cette disjonction lui permet d’introduire à l’idée que savoir et discipline sont des entités distinctes. Et cette distinction permet de mettre l’accent sur le problème de l’improductivité disciplinaire, en

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tant qu’elle lie des savoirs à des configurations institutionnelles qui ne sont pas nécessairement appropriées. De ce point de vue, le cas de l’ethnomusicologie me semble assez emblématique : elle peine à s’installer durablement dans le pay- sage contemporain de la production du savoir scientifique et des territoires aca- démiques. Cela vient de ce que les disciplines qui se pensent de cette façon, comme le suggère Jean-Louis Fabiani (1986), sont plutôt « du côté du savoir déjà fait que du savoir en train de se faire ».

J’aimerais que vous reveniez sur votre travail sur Jean-Sébastien Bach et les « affaires » de blasphème. Y a-t-il quelque chose de spécifique qui se joue ici autour de « la musique » ?

Alors ça, c’est ma rencontre avec Jeanne Favret-Saada. Au seuil des années 90, le séminaire qu’elle dirigeait à l’École Pratique des Hautes Études est devenu le cœur d’une réflexion partagée sur la notion de blasphème. Nous étions partis d’une lecture critique du livre d’Evelyne Larguèche, L’Effet injure (1983). Evelyne Larguèche était là, il y a eu des séances magnifiques, d’une grande violence parfois mais toujours légitime, et orientée vers les arguments. La salle de La Sorbonne était comble à chaque séminaire du mercredi matin. Le séminaire était co-animé par Philippe Roussin, Jacques Cheyronnaud et Elisabeth Claverie, l’his- torien Olivier Christin venait aussi régulièrement, Gérard Lenclud aussi… Nous avions consacré un numéro d’Ethnologie française à l’outrage (Cheyronnaud &

al. 1992) et nous prenions appui sur ce numéro pour amplifier la réflexion col- lective et construire une casuistique du blasphème. Jeanne Favret-Saada tra- vaillait sur l’affaire Rushdie, Elisabeth Claverie se tournait vers les Lumières, Voltaire, l’affaire Calas et celle du Chevalier de la Barre pour tester la construc- tion sociale de la forme « affaire », Philippe Roussin s’attachait en spécialiste de littérature à la question de la critique et de la diffamation chez Pierre Bayle, Jacques Cheyronnaud prêtait attention aux formes de la raillerie et du « sacré à plaisanterie ». En somme, des cas très divers et apparemment sans lien les uns avec les autres. C’est ce qui était fascinant dans ce moment fort de production collective de pensée.

Pour ma part, et après bien des tâtonnements, je décidai de m’emparer de la Passion selon Saint Matthieu de Bach envisagée sous la description « blas- phème ». Et je mis ainsi le doigt sur un gisement dont je n’avais pas soupçonné la richesse. Car dans la Passion, le blasphème joue à deux niveaux. Le premier, c’est celui qui vaut à Jésus sa condamnation : Jésus est condamné à mort pour avoir blasphémé en se disant Dieu. Le second niveau, c’est celui qui vaut à Bach sa condamnation : en élaborant une grammaire musicale du blasphème, il opa- cifie le discours évangélique, en mettant en scène les paroles du Christ, il rend la musique prégnante sur les paroles et détourne les fidèles de la prière. Il sera donc sanctionné méthodiquement par le consistoire et par le conseil communal

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pour avoir en réalité composé un opéra, c’est-à-dire une œuvre qui appartient à la catégorie des Werke der Finsternis, les « œuvres des ténèbres ».

Donc rien ne se joue « autour » de la musique, tout se joue « dans » la musique, par elle, c’est-à-dire dans l’action musicienne. C’est un cas extrême- ment intéressant dans lequel nous pouvons apercevoir le caractère indissociable d’une analyse de contenu et d’une analyse contextuelle. Une analyse musi- cale de la Passion (je parle de la version de 1729, puisque c’est celle qui sert de référence) conduit à apercevoir, par exemple, que Bach fait chanter le mot Gotteslästerung (blasphème) sur un intervalle de quinte diminuée – le fameux dia- bolus in musica – pour montrer que ce n’est pas Jésus qui blasphème mais ceux qui l’accusent car Jésus, lui, disait vrai. Elle fait apercevoir que, dans les chœurs de foule (la turba), Bach module sans cesse alors qu’il s’était engagé par contrat à ne pas moduler pour maintenir un cadre acoustique qui favorise la prière et ne déchaîne pas les passions. Elle fait apercevoir que la distribution des rôles obéit à une rhétorique des représentations des voix. Et l’on glisse peu à peu de l’analyse du contenu vers une analyse de la performance, c’est-à-dire de la construction sociale de cette Passion dans l’univers acoustique du culte, sans que l’on sache vraiment à quel endroit placer le curseur entre l’intérieur et l’extérieur.

Cette recherche m’a mené à Göttingen, grâce à Olivier Christin qui était lui-même en poste là-bas et qui m’a présenté au directeur de la Mission Historique Française en Allemagne, Patrice Veit. Cette rencontre allait changer le cours de mon existence intellectuelle, c’était le début d’un long compagnonnage avec des historiens ouverts eux-mêmes à l’interdisciplinarité : Patrice Veit bien sûr, mais aussi Pierre Monnet, Christophe Duhamelle, et cette fascinante équipe du Max Planck Institut für Geschichte qui a porté le mouvement de l’Alltagsgeschichte et de la revue Historische Anthropologie : Alf Lüdtke, qui est devenu un ami très proche et dont les travaux m’ont beaucoup inspiré – notamment son intraduisible notion d’Eigensinn 2 – mais aussi Hans Medick, Jürgen Schlumbohm, Hans Erich Bödeker… Je suis resté à Göttingen pendant quatre années, de 1999 à 2003, et j’ai eu des relations de travail quotidiennes avec ces chercheurs exceptionnels.

À Göttingen, j’ai pu inviter Paul Veyne, Jean-Claude Passeron, mais aussi Jean- Claude Schmitt, Jacques Revel (qui a composé une précieuse préface au recueil d’articles d’Alf Lüdtke que j’ai publiés chez L’Harmattan [2000]), Anne-Christine Taylor, Jean-Jacques Glassner, Michel de Fornel, Gérard Lenclud, Ruwen Ogien ou Dan Sperber, et croiser des chercheurs nord-américains avec lesquels le com- pagnonnage s’est poursuivi par la suite : Alain Voizard, Michael Herzfeld…

Mais Göttingen était aussi le siège du Johann Sebastian Bach Institut qui travaillait à établir la Neue Bach Ausgabe (la deuxième édition critique des œuvres de Jean-Sébastien Bach) pour les éditions Bärenreiter. Ce fut l’occasion

2 Eigensinn : caprice, bizarrerie, entêtement, obstination (n.d.l.r.).

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d’un autre compagnonnage amical avec Klaus Hofmann, qui dirigeait l’institut et venait de signer l’édition critique de l’Art de la Fugue : un monde fascinant où je me rendais régulièrement pour travailler sur la Passion selon Saint Matthieu en bénéficiant d’informations de première main.

Si je fais retour sur cette période, c’est donc un temps où « la musique » est pour moi bornée par ces deux instituts qui se côtoient dans la même rue. Dans le haut de la rue, « la musique » se concentre dans le travail prosopographique et la quête philologique du détail ; dans le bas, elle se trouve dans les interac- tions sociales que les historiens déchiffrent dans les archives dans lesquelles ils portent leur fish eye térébrant. Je vais chaque jour de l’un à l’autre, et je deviens une sorte de trait d’union entre ces deux mondes qui s’ignorent. Et je puise dans ces allers et retours l’aliment d’une démarche analytique pragmatique et située qui ne renonce pas à la compétence musicienne pour comprendre ce qui se joue dans ces interactions.

Dans le contexte d’un institut historique tourné vers la coopération inter- disciplinaire, je n’ai à aucun moment ressenti le fait de me situer à la marge.

Certes, il y avait la question des corpus : chacun restait maître de son domaine de spécialité, mais j’ai pu mesurer le chemin que les historiens avaient fait vers l’eth- nologie et vice versa. Un héritage de l’École des Annales, évidemment, mais aussi une empreinte assez forte d’une tradition de pensée qui s’était incarnée – et qui s’incarne toujours – dans l’EHESS.

Alors, en un sens j’étais préparé à ce type d’ouverture, et la plongée chez les historiens de Göttingen aura été un prolongement, une manière d’affiner des outils de recherche en prenant en compte les compétences environnantes.

D’ailleurs Patrice Veit se tenait lui-même au confluent de bien des traditions de pensée, en histoire comme en musicologie mais dans tous les cas, le fait de poser le social au premier plan a permis le dialogue et l’élaboration d’une perspective qui déplace les questions ordinaires centrées sur les répertoires et les filiations, pour interroger les modalités de l’engagement dans l’action. C’est ainsi que je me suis plongé avec ces nouveaux outils dans le Halbwachs de la Mémoire des Musiciens (1939), mais aussi dans l’œuvre de Georg Simmel ou dans le Making Music Together d’Alfred Schütz (1976). Dans tous les cas, l’action musicienne passait au premier plan devant le contenu musical.

Une attitude de connaissance s’est construite de cette manière, par le fait de travailler au quotidien avec des chercheurs qui comptent parmi les meil- leurs de leur propre discipline. C’est la magie des instituts à l’étranger. Lorsque je suis arrivé à Berlin en 2008, j’ai pu mettre en place un séminaire « Musique et sciences sociales » grâce à la confiance de Jean-Louis Fabiani, qui enseignait à l’Université Humboldt, et au compagnonnage intellectuel avec Étienne François, que je connaissais depuis mes travaux sur Bach. L’énergie incommensurable déployée par Pascale Laborier a permis au Centre Marc Bloch de déménager dans des locaux de la Humboldt Universität. À son arrivée en 2009, Patrice Veit

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opère un tour de magie. Il consacre tout son temps à ce Centre situé à l’angle de la Friedrichstraße et de la LeipzigerStraße, au centre de Berlin. Il impulse à son tour un dynamisme tel que le Centre Marc Bloch triple sa surface et ses effectifs et devient en 2011, un An-Institut de l’Université Humboldt, un Institut auprès de l’Université Humboldt.

Cette énergie institutionnelle a incité chacun de ceux qui se sont trouvés impliqués dans ces projets à argumenter et à mettre en œuvre une pratique inter- disciplinaire de la recherche. Pour moi, il y a eu deux choses importantes à ce moment-là. D’une part, le séminaire « Musique et Sciences Sociales » a pris une ampleur considérable dès lors que Patrice Veit est venu à Berlin. Nous avons animé ensemble ce séminaire pendant trois ans, et ce furent trois années d’un partage intense, d’autant que de jeunes doctorants ont participé à cette aven- ture et l’ont fait en s’impliquant avec beaucoup d’énergie et de perspicacité. Je pense au colloque que vous avez organisé vous-même dans ce contexte avec Sara Iglesias, Anna Langenbruch et Gesa zur Nieden sur le thème « musiques, contextes, savoirs » (Bachir-Loopuyt & al. 2012). C’est typiquement le genre de projet que nous cherchions à valoriser : c’était pour nous une manière de passer le relais à une jeune génération brillante de spécialistes des études musicales.

Enseigner la pluridisciplinarité est l’une des missions du Centre Marc Bloch.

Mais une autre rencontre s’est avérée importante à ce moment-là : ma rencontre avec Raimund Vogels (grâce à vous, Talia) et aussi avec Philip Bohlman. Raimund Vogels enseigne l’ethnomusicologie à la Hochschule für Theater und Musik de Hanovre, il a créé le Center for World Music de Hildesheim.

Philip Bohlman enseigne à l’université de Chicago, mais il est très souvent en Allemagne, dont il a fait une partie de son terrain d’ethnomusicologue. Avec eux, et avec l’appui de Wolfgang Kaschuba à la Humboldt, nous avons créé en 2010 la première Université d’été franco-allemande sur les musiques du monde.

Cette université d’été a permis de créer un élan. Elle est annuelle. Nous sommes chaque fois une trentaine (dix enseignants et une vingtaine de doctorants) sur des thèmes qui posent la musique au centre, mais d’une manière telle que les interrogations que l’on porte sur elle permettent de construire cet espace épis- témique unifié cher à Passeron tout en autorisant une multiplication des points de vue qui ne met pas en cause l’unicité de l’objet. Il y a ainsi des ethnomusico- logues, mais aussi des musicologues, des historiens, des philosophes, des socio- logues, des architectes et des urbanistes qui se joignent régulièrement à cette aventure réunissant des doctorants du monde entier et d’une douzaine de natio- nalités différentes. Quand tant de jeunes chercheurs viennent du monde entier, cela permet de relativiser nos débats sur la notion de « musiques du monde »…

J’ai l’intuition que ce qui se passe là est assez exceptionnel, j’essaie de m’inspirer de l’université franco-allemande que Michael Werner et son équipe du CIERA avaient lancée au Moulin d’Andé, et qui a lieu désormais chaque année à la fin de l’été. D’ailleurs, Michael Werner est aussi un fidèle de nos Universités d’été.

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Michael est un bâtisseur, un savant, un chercheur hors du commun, une rapidité d’esprit que je ne connais que de lui seul, un défricheur de thématiques nouvelles, et une personne d’une rare générosité. Si la figure de l’ange n’a pas tout à fait disparu de nos univers de culture, alors je dirais que Michael Werner est pour moi un ange.

Depuis quelques années, vous animez à l’EHESS un séminaire intitulé

« Création musicale, world music, diversité culturelle ».

Pouvez vous en décrire les objets et l’esprit ?

En un sens, c’est la suite de l’aventure berlinoise. Ce séminaire porte sur les musiques du monde mais s’efforce chaque année de proposer un éclairage dis- tinct sur ces questions : la question de la création, la question de la descrip- tion, de l’urbanisme, des festivals… Le séminaire traverse les thèmes que nous traitons aussi dans l’université d’été de Biarritz dont il constitue un prolonge- ment. L’enseignement occupe une part considérable de mon activité. Je tiens pour très important le fait de pouvoir forger des intelligences sur ces théma- tiques qui nous occupent. Dans la mesure où elles concernent la musique, elles paraissent annexes. On peut s’en désoler. Pour ma part, je considère que c’est un grand avantage.

En effet, dans l’espace cadastré des disciplines académiques, la musique est réduite à une condition ancillaire. La place qu’elle occupe dans les institu- tions de recherche est en proportion inverse de la place qu’elle occupe dans les sociétés contemporaines. Cela permet d’innover dans les manières de se saisir de la musique et de tenter d’envisager des protocoles d’enquête qui entrent en dialogue avec des domaines jugés autrement sérieux (la santé, le droit, l’immi- gration), des domaines qui se trouvent lestés de tous les préjugés. C’est la raison pour laquelle ce séminaire de l’EHESS n’est pas un séminaire d’enseignement à proprement parler, c’est un séminaire de recherche. Nous réfléchissons ensemble, et avec nos invités, à des façons innovantes de chercher ensemble.

C’est dans cet esprit que l’EHESS a signé une convention avec la Fondation Royaumont. C’est un outil magnifique et un emblème de la collabora- tion entre le monde de la recherche et le monde de la fabrique de l’art. Je me suis engagé dans ce partenariat sur la base d’un dialogue avec Frédéric Deval, chantre des musiques transculturelles et qui a su inventer à Royaumont un programme unique de création sur la base d’une mise en commun d’initiatives portées par des artistes venus d’horizons divers invités en résidence. Frédéric Deval voulait absolu- ment avoir un retour sur cette action très singulière. Il a permis à des étudiants de l’EHESS qu’ils viennent observer ces temps de la création en commun à la condi- tion qu’ils produisent une analyse de ces moments de coopération musicienne. La disparition de Frédéric au mois de mars 2016 laisse un grand vide, de ce point de vue, car il était lui-même un point de jonction de tous ces mondes.

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Alors, évidemment, il y a un risque à s’engager dans autant de directions distinctes, le risque de la dispersion. La mesure de ce risque nous a conduits à créer voici deux ans avec Emmanuelle Olivier un atelier de lecture de textes d’ethnomusicologie à fréquence mensuelle, lui aussi. Nous mettons à profit cet espace de lecture et de critique constructive pour examiner ensemble des textes de l’ethnomusicologie, de l’anthropologie de la musique ou de la sociologie. C’est un séminaire suivi par des étudiants qui viennent d’horizons différents. Certains viennent relire en commun tel ou tel texte qu’ils connaissent déjà bien, d’autres viennent se forger une culture générale dans le domaine de l’ethnomusicologie.

Mais c’est chaque fois un moment très dense qui nous permet de renouer avec certains fondamentaux de la recherche ethnomusicologique. C’est dans cet esprit aussi que je m’investis dans ces journées doctorales que nous avons montées avec François Picard, Susanne Fürniss et Luc Charles-Dominique, à son initiative et qui se déroule à la rentrée à Paris.

Vous présidez depuis quelques années une association de jeunes chercheurs, l’IRMM (Institut de Recherche sur les Musiques du Monde). Pouvez-vous raconter comment est né ce collectif et quelles sont ses activités ?

Je dois dire que le séminaire « Création musicale, world music, diversité cultu- relle » de l’EHESS a été le lieu d’une alchimie assez imprévue. Vous le savez bien pour l’avoir codirigé avec moi lors de votre stage d’agrégation. Il y avait (et il y a toujours) des normaliens qui descendent de la rue d’Ulm, des étudiants qui ont traversé les océans pour nous rejoindre (près de 60 % de mes étudiants viennent d’Amérique latine ou d’autres pays d’Europe), quelques étudiants (peu) qui ont suivi la voie « normale » des études universitaires, des opérateurs culturels qui viennent puiser des ressources pour mieux analyser leur propre pratique et des musiciens de haut niveau déjà engagés eux-mêmes dans le circuit international des musiques du monde. Cela donne une ambiance très singulière. Ce « monde des musiques du monde » que nous nous efforçons de rendre intelligible est en réalité avec moi dans ce séminaire. C’est fascinant.

Mais cela a une conséquence très pratique : le type de réflexion que nous menons est très lié à ce que certaines parmi ces étudiantes ont tenu à appeler recherche-action. D’ailleurs quelques-unes d’entre elles ont proposé un séminaire qui eut un succès important sur ce thème : Laura Jouve-Villard, Lucia Campos, Emilia Chamone. C’est une constante de nos recherches : l’étude des faits de musique ne peut se construire d’une manière pertinente qu’en dialogue perma- nent avec ceux qui fabriquent ce monde que nous tentons d’expliquer.

C’est à partir de ce postulat que nous avons eu l’idée de fédérer nos énergies pour aller plus facilement à la rencontre de ce monde des musiques du monde. L’Institut de Recherche sur les Musiques du Monde est une association

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Loi 1901 dont le siège est à Aubervilliers, grâce au partenariat que nous avons noué avec Kamel Dafri et le festival Villes des Musiques du Monde qu’il dirige.

C’est un outil précieux qui nous permet de lancer des actions diverses avec une relative souplesse. Avec les étudiants issus de l’EHESS, mais aussi des étu- diants et des professionnels issus d’autres univers, nous avons pu répondre à des demandes d’expertises émanant de festivals (Villes des Musiques du Monde à Aubervilliers, Werkstatt der Kulturen à Berlin) ou d’institutions culturelles (Philharmonie de Paris, le CentQuatre, le projet Demos, le Collectif Musiques &

Danses du Monde en Ile-de-France…). L’IRMM a donc une fonction d’expertise et de conseil.

Vous êtes revenu vous installer en 2014 à Bayonne, vous y avez monté un festival, une association, un ethnopôle, un groupe de recherche interna- tional… Est-il possible de faire tout cela si loin de Paris ?

C’est aussi venu de l’Institut de Recherche sur les Musiques du Monde et du groupe d’étudiants. En 2014, à l’issue de l’Université d’été franco-allemande qui se déroulait à Biarritz, nous avons imaginé un festival Haizebegi, Musikaren Munduak/les mondes de la musique, à Bayonne. Haizebegi, en langue basque, signifie « le regard du vent ». Ce fut un partenariat entre le CNRS, l’EHESS, la Ville

Fig. 2. Restitution du rapport sur le projet Demos, Philharmonie de Paris, janvier 2015.

Maxime Le Calvé, Abderraouf Ouertani, Julie Oleksiak, Léa Roger, Denis Laborde, Gilles Delebarre, Lucille Lisack, Claire Clouet, Otavio Menezes, Marta Amico, Paulo Marcelino.

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de Bayonne, le cinéma L’Atalante et le Musée basque. L’élément déclencheur a été l’implication de Françoise Degeorges dans l’IRMM et l’intérêt de Radio France, qui a relayé ce festival qui a grandi très vite grâce à la conjonction de ces multiples facteurs : des étudiants et de jeunes chercheurs qui veulent partager leur engagement dans la recherche, des artistes qui rencontrent un public, une collectivité locale soucieuse d’ouvrir les horizons de pensée et d’émotion, et une salle de cinéma Art et Essai qui a une posture canonique en Aquitaine et qui a su comprendre d’emblée les enjeux de société liés à la musique. À cela s’ajoute un réseau d’entreprises locales impliquées dans le festival. Par leur engagement dans ce partenariat, les entreprises affirment la place de la culture comme lien social et comme construction collective d’un destin partagé. Autour d’un projet ouvert sur les cultures du monde et enraciné localement, nous cherchons à construire une communauté de valeurs en rappelant que la recherche d’excellence, le sou- tien à l’innovation sociale et le partage sont un enjeu capital du monde que nous construisons. Là, la démarche de l’Institut est une démarche volontariste.

Ce fut une première étape. Maintenant, je travaille avec d’autres parte- naires de la région à la création d’une structure de recherche à Bayonne où l’on retrouvera à la fois des ethnomusicologues, des sociologues, des artistes en rési- dence, des psychologues mobilisés autour de la question de la musicothérapie, des spécialistes de neurosciences. La question des mobilisations émotionnelles en situation d’altérité culturelle est au centre de ce projet qui est ouvert à tous.

Alors, évidemment, c’est une gageure, il n’y a pas en France cette culture des petites unités. Mais j’ai été durablement influencé par mon expérience alle- mande. Après tout, quarante-quatre chercheurs ont eu leur Prix Nobel alors qu’ils travaillaient dans un institut de recherche à Göttingen, une ville de dimension comparable à l’agglomération de Bayonne ! …

Références AUBERT Laurent, dir.

2009 Mémoire vive. Hommages à Constantin Brăiloiu. Collection Tabou. Genève : MEG/

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1986 Mémoires en recueils. Jalons pour une histoire des collectes musicales en terrain français. Montpellier : Office Départemental d’Action Culturelle.

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Articles

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1994 « Des Passions de l’âme au discours de la musique », Terrain 22 : 79-92.

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1997 « Les Sirènes de la World Music », in Anciennes nations, nouveaux réseaux, Cahiers de Médiologie 3 : 243-250.

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Enregistrement CD

1988 Alvin Curran, Crystal Psalms. San Francisco : New Albion Records, NA 067 (direction d’orchestre).

Références

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