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Edouard Naville
PITTARD, Eugène
PITTARD, Eugène. Edouard Naville. Archives suisses d'anthropologie générale , 1928, vol.
5, no. 1, p. 105-108
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:111485
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Ton-re V. No
r,
rgz8.Edouard Naville
L'Institut
suisse d'Anthropologie générale, dont Edouard Naville était le Président, a fait, à la mort de cet illustre égyptologue, une perte considé- rable. Et c'est avec un sentiment de tristesse profonde que j'écris ces quelqueslignes
à la
mémoire d'un homme vénéré.En r.gr.z, Edouard Naville, nommé Président d'Honneur du r4-e Congrès
international d'Anthropologie et d'Archéologie préhistorique, s'était imrné- diatement intéressé
à la
créationde I'Institut
suisse d'Anthropologie générale. Je me rappelle les conversations quej'ai
eues avec lui à ce sujet.II
avait compris,Iui qui
était spécialisé jusqu'alors dans l'Egyptologie pure, f intérêt considérable que pouvait présenter, pourla
Suisse, un organisme scientifiquequi
aurait pourbut
d'intensifier les recherchesd'Anthropologie physique,
de
Préhistoire, d'Ethnographie dans notrepays.
La fondation de
l'Institut
comportait la création des présentes Archiaes.Jusqu'alo1s les anthropologistes suisses étaient obligés de publier la plupart
de leurs travaux: ceux qui écrivent en allemand dans les revues germaniques, ceux qui écrivent en français généralement dans les revues de Paris, ce qui rendait f inventaire des travaux suisses particulièrement difÊcile. Avec un éfu.n dont je lui suis encore aujourd'hui reconnaissant, Edouard $aville,
sans une critique, contribua de toutes ses forces à la création de l'Institut.
Il
aurait aimé, au surplus, quela
haute influence scientif.que et morale dontiI
disposait put être largement encore utilisée en faveur de l'enseigne- ment des sciences anthropologiques.A
ce moment-làla
chaire d'Anthro- pologie de l'Université de Genève n'existait pas encore.Edouard Naville était né à Genève en 1844. Au cours de ses études à
Berlin
il fut
l'élève de Lepsius etil
en devint, pendant de longues années, comme l'héritier scientificlue.De bonne heure notre illustre concitoyen se rendit en Egypte. I1 en rapporta très vite des documents qui lui permirent d'aborder un des chapitres alors les moins connus de l'Egyptologie, celui de la mythologie des anciens
habitants de la Vallée du Nil.
ro6 NÉCRoLoGIES
En r87o
il
publie les < Textes relatils au mythe d.'Horusl.
Quelques années plus tardil
écrit un nouvel ouvrage sur les Litanies d,u sol,ei,l,.Ce n'est pas
la
placeici
de remettre en mémoire f immense activité égyptologique d'Edouard Naville. Mais ce qu'ily
a lieu de rappeler c'est qu'en parcourant la liste de ses mémoires on voit que, parmi les préoccu- pations de cet csprit d'élitc, l'anthropologie et l'ethnographie ne furent pas délaissées. Naville trouvait dans cette science des éléments explicatifs de ses propres découvertes. Dans cette Revue même, Navilie a publié plusieurs mémoires: <Le passage d,e I,a pierre au métal en Egypter, TomeI,
p.S+;<Les d,essirts d,es aases prékistoriques égyptiens >, Tome
II, p.77;
<(Jne stèIelunéraire d.u Mwsée d.e Bâte>, Tome
III,
p. 2oo; un nouveau mémoire sur<Les dessins d,es aases préhistoriques égyptiens>, Tome
IY, p.
tg7.Je tiens également à rappeler que Ie premier fascicule d.e nos Archives commence paï une < adresse au lecteur > d'Edouard Naville, d.ans laquelle
iI
expliquaitla
raison dela
fondation dela
nouvelle Revue, constatant l'obligation qu'avaient les sciences anthropologiques d'avoir un nouveau porte-parole. I1y
exptiquait queI'Institut
suisse d'Anthropologie, fondé sur le principe dela
solidarité'des sciences qui ontl'Homme pour objet, devait pouvoir faire entendre sa voix.Il
écrivait: <Onvoit
donc que cejournal représente avant tout un principe et nous espérons que la variété des sujets traités déjà dans le premier numéro servira à montrer quelle est l'idée mère qu'il inspire. Le voyageur qui décrit en détail et avec conscience ce qu'il a sous les yeux, dans tel pays éloigné ou peu fréquenté, ne se doute pas quel secours inespéré
il
peut parfois apporter à I'archéologue qui est arrêté par une cérémonie ou même par un mot dontil
ne comprend pasle sens. S'agit-il des institutions politiques, ou des rapports sociaux, c'est peut-être la coutume d'un peuple encore enfant qui apportera la lumière sur leurs origines. T.'esprit humain est le même partout, et dans des régions
fort
éloignéesil
peut avoir pris spontanément des cheminstout à
fait analogues. C'est 1à ce que nous voudrions faire comprendre dans la revue dont nous ofirons au public le premier nûméro.,Edouard Naville avait été nommé professeur extraordinaire d'Egypto- logie à l'Université de Genève en r89r. En rgoz sa chaire fut transformée.
Elle porta
le titre
d'Archéologieet
d'Egyptologie.L'Institut de
France (Académie des Inscriptionset
Belles-Lettres) I'avait désigné comme mcmbre correspondant en 1873. 11lui
décerna letitre
d'Associé en r9o8.Dans ses tLeurières arrnée Ed,ouarcl Naville avait consacré une partie
de son activité à des recherches bibliques. De ces ttavaux sortirent deux ouvragés dont
l'un
au moins se raPproche de nos proprês disciplines:<Arckeol'ogy
ol
the OId' Testancent), paru en r9r3, et <The textol
tke Ol'd'Testament), païu en 1916.
A l'heuie oir Naville fêta son Bome anniversaire, ses collègues de la F'aculté des Lettres et ses amis scientifiques
lui
adressèrent un message oir onlit
entre autres les lignes suivantes: <Tous nous savons la grandeur de votre æuvre. Depuis de nombreuses années, vos fouilles, vos descriptions et vos interprétations des monuments égyptiens ont apporté une lumière nouvelle sur le vieux passé de la vallée du
Nil
et suf l'histoire de l'Hnma.nité en général. >Ce message de sympathie, Naville qui n'aimait pas
le
faste, voulut le recevoir en tout petit comité, et ce fut le Doyen de la Faculté des Lettres, M. Victor Martin, MM. les professeurs Paul Oltramare et Eugène Pittard qui lelui
apportèrent.Je voudrais rappeler un souvenir qui, à mes yeux, marçlue bien Ia qualité intellectuelle de notre ancien Président. Tout à l'heure
j'ai dit
qu'il avait été un élève de Lepsius. On sait que le célèbre égyptologue allemand n'a jamais voulu reconnaître la réalité des silex paléolithiques égyptiens. A iaséance de clôture du XIVe Congrès d'Anthropologie et d'Archéologie pré- historiques, Edouard Naville, Président d'Honneur
du
Congrès, rappela qu'il avait été en 1869, au moment de l'ouverture du canal de Suez, le témoind.e la découverte, par Lenormant et Hamy, d'un atelier de silex taillés sur la crête séparant la yallée de Biban el Molouk du cirque de rochers au fond duquel est bâti le temple de Dar el Bahari. Il rappela que Lepsius
-
Marietteausi;i
-
ne voulut jamais admettre l'existence de cet âge de la pierre taillée en Egypteet il
ajouta <...et
aujourd'hui, après de longues années, son élève préside la séance de clôture d'un congrès d'archéologie préhistorique >.Dans la suite de son discours
-
je le relève, parce qu'il émane d'un homme dont la culture intellectuelle était purement classitlue-
Edouard Navilleajoutait: < j'estime que l'anthropologie préhistorique nous amène forcément
à
modifier nos méthodes, parce qu'elle élargit beaucoup notre horizon..' L'idée si répandue encore, il y a peu d'années, qu'il n'existait dans l'antiquité que des Grecs et des Barbares, vous l'avez bannie de la science.Il
ajoutait:Vous voyez, Messieurs, ce que
je
pense dela
révolution que les études préhistoriques ont apportée dans nos méthodes. Je ne sais si vous trouvez queje
vous ai suffrsamment rendu justice, veuillez vous rappeler quel a été mon point de départ... r;ro8 NÉCRoLoGIES
Une telle déclaration, montrant avec un tel éclat; les résultats'de l'archéo-, logie préhistorique, n'est elle pas toute à la louange de celui'qui
l'a
pro- noncée ?Edouard Naville est mort à 8z ans. Quelques semaines avânt sa fui je
l'ai vu
parun
bel après-midi d'automne, étend.u sur une chaise-longue devantle
panorama incomparablequi,
de Malagny, s'éfend jusqu'auxr grandes Alpes;Il
me parla encore des Archùtes, du désir qu'il avait de les,voir continuer leur chemin. Son nom reste associé à la,réapparition de notqe Revue.
Edouard Naville s'est endormi pour toujours, chargé d.'honneurs.
Il
Iaisse à ceux qui l'ont connu le souvenir d'un savant illustre, d'un patriote sincère et dévoué, d'un homme qui a toujours essayé de faire le bien.
Eugène Prrrenn.