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Médicaments synthétiques
CHERBULIEZ, Emile
CHERBULIEZ, Emile. Médicaments synthétiques. Comptes rendus des séances de la Section des sciences naturelles et mathématiques , 1947, no. 2, p. 7-11
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http://archive-ouverte.unige.ch/unige:108185
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Médicaments synthétiques
par
E. CHERBULIEZ
Prolesseur à Ia Faculttë cles Sciences de l'Universitë de Genève Sëarrce cltt 28 ianvier 1947
Le
problème des médicaments synthétiques constitue une page intéressante dansIe chapitre des
contributionsde
la.tri-i. à l'art
de guérir. Cornment les médicaments synthéti- ques ont-ils été trouvés ?L,es découvertes faites dans ce domaine peuvent être classées dans trois catégories qui constituent à peu près autant d'étapes dans le développement de
ia
biochimie moderne.Un
certainïo*bre
de médicaments synthétiques doiventIeur
origineà
des observations fortuitesqui ont
amené ladécouveite
de
propriétés pharmacologiques intéressantes et imprévuesde
cêrtains corps. Signalons,-
à titre
d'exemple, l'aÀtifébrine (acétanilide dés chimistes, formuleI) dont
lespropriétés fébrifuges
ont
été découvertesà Ia suite
d'uneàdministation de ce produit, faite par
erreur. Raisonnant errsuirepar
analogie, les chimistesont
prêparé, dcs produits de constltution semblable (par exemple phénacetine,II)
qui sesont effectivement trouvés doués de propriétés pharmacologi- ques analogues à celles du produit
primitif.
Nous voyons ainsi,.
d.rrirr.r"les débuts de ce^que I'on- pourrait a-ppeler-un empi- risme systématique dans lequeJon
attribueà
certains groupe- ments atomiques des propriétés non seulement chimiques, mais encore pharmacologiques déterminées.C'est
en
procédantpar
empirisme systématiquequ'on
aensuite réalisé
de
très grands progrès. Partant d'une hypo- thèse établie quelquefoissur
des bases très fragiles, certains auteurs se sont astrcintsà
de patients travaux dans lesquelsils ont modifié systématiquement la structure de certains corps chimiques pour tâcher de découvrir utre substance ayaltt les
propriZtés pharmacologiques souhaitées.
Un
desplus
beaux-8-
exemples en est constitué par Ia découverte de I'arsphénamine par .Ehrlich
et
ses collaborateurs.Voici
l'idée directrice qui inspira ces travaux. Ehrlicha
admis quel'on
pourrair, dans les molécules organiques, distinguer un groupemènr appelé parlui
o haptophore,,,
canctérisépar
sa faculté de se ômbinerà
certains groupementsdits
chémorécepteurs des tissns d'un animal supérieur ou des cellules d'un microorganisme parasi- tant_ l'animal en question. Ayant constaté d'aurrepart
que les combinaisons de l'arsenic étaient très toxiquespoui
le microbe causede la
syphilis,Ehrlich
s'est appliquéà faire
varier systématiquementla
forme de molécules organiques cians les-quelles l'arsenic se
trouvait Iié
directementà dis
atomes decarbone.
Une
longue sériede
recherchesdont
l'étendue èstcaracr.érisée
par le fait
quele produit
donnant satisfaction portait le No 6o6,lui
a. permis de faire la synthèse de I'arsphé- namine(III)
qui possède une action toxique exrrêmement mar- quée pour le microorganisme visé,tout
èn étant relativement inoffensive pour l'animal supérieur er pour l'homme. Les com- binaisons organiques de l'arsenic ont d'ailleurs, par des recher- chesdu
même ordre,fourni
encore d'aurresproduits
fort intéressants, tels quele
stovarsol(IV)
deM.
Fourneau, rrèsutile
pour
combattre les infections microbiennesdu
rracrusdigestif ;..de mème dans le domaine des combinaisons organo- mercurielles des recherches semblables ont conduit à
la
décou- verte du merfen (borate basique de phénylmercure) er du mer- curochrome(un
colorant mercurié)qui
se sont révélés être d'excellents agents désinfectants.On en
vint
finalement à une étude plus rationnelle, impli- quant l'étude directe des phénomènes Eiochimiqures.On
côm- mença par étudier les principes actifs que nous porlvons rrouver dansla
nature.Leur
constirurion chimique unefois
établie, on essaya de disséquer. en quelque sorte ces substances en pré- parant par voie synthétique des corps qui se distinguaient par certaines particulariiés de leur consrirlrrion de la môlécule pri- mitive clontils
reproduisaienrpar
ailleurs d'aurres aspecti dela
constitution. C'esr ainsi què l'étude sysrémariqu.-d.
duits synthétiques, analogues
à la
cocaine(V) par ..ràin,
pro- groupements déterrninés, permit de constater que, cequi
sem-t
l
-9-
ble
ètre essentielpour l'effet
anesthésiantlocal
de cet alca-loide, c'est l'association d'une fonction ester de l'acide ben- zoique arrec une fonction amino et une fonction alcool. C'est
,
ainsl queM.
Fourneau notamment préparala
stov4ïne(VI) qui
esi une cocaïne déjà très simplifiée; et un
corps aussrsimple que l'anesthésine
(VII) a
dé:1à des propriétés anesthé- siantes locales associéesà
une toxicité très faible, cequi
enr'end I'emploi
tout à fait
intéressant dans beaucoup de cas'Si
cestralaux
s'inspirent d'une connaissance approfondie dela
composition des substances actives,ils
n'impliquent toute-fois
encore aucunenotion sur leur
mode d'actionin
airto'C'est en approchant l'étude de ce mode d'action que
la
bio- chimie-oâêrtt.'est
entrain
de réaliser de très grands progrès.Il y a
une quinzaine d'annéeson
découvrit quela
sulfani- lamide(VIII)
possèdeun
pouvoir bastériostatique remarqua- ble vis-à-vis de toute une série de microorganismes, dont cer- tains sont pathogènes. Or, deptris r94o, on sait que cette action inhibitrice- delJ multiplication
des microorganismes résulted'un
antagonisme biochimique entrela
sulfanilamideet
sesdérivés
et
une substance extrêmement simple, l'acide para- aminobenzoique(IX) qui
estun
facteur de croissance préci- sément pour de nombrèux microorganismes. En inspectant les formulei de ces deux substances,on
constate qu'elles présen-tent
indiscutablement une très grande analogie,Pour
inter- préterce
phénomèncd'inhibition de
croissance,on a
émisl'hypothèse
-Ùn
suivante :.
facteurde
croissance >> est évidemmenttrn
produitclui doit intervenir dans
certains processus enzymatiques' eisentiels au développement normal d'un organisme déterminé.Sans savoir exactement quel est le mode d'action d'un facteur de croissance,
on peut
supposer raisonnablementqu'il
agit comme' constituant d'un groupement enzymatique résultant dc son association avec un substratum protéique, association qui, on le sait inaintenant, constitue le type des ferments. Si main- i:enant nous offrons à un organisme vivant non pas son facteurde
croissance normal, mais une molécule très semblable, Je phénomène suivant peut se produire:
grâceà
sa ressemblanceàu facteur de croissance,
le
produitoffert à la
place pourrâ.'-,.,':'
-IO-
i
:
:
!
i
I
I
1'
s'additionner
au
substratum protéique spécifique, mais alors cette combinaison dans laquellele
véritable facteur de crois- sance se trouve remplacé par quelque chose de différent n'aûra plus l'eff.et enzymatique normal; il
en résultera unç sorte de blocage d'une fonctian enzymatique déterminée, ce qrri se tra- duira par un arrêt de croissance ou de multiflication, c'est-à- dire précisément I'effet bactériostatique. Pour rappeler I'irnag.e classique du rôle des ferments, quel'on
a comparésà
une cléqui doit
avoir une forme très exactement définiepour
faire marcher une serrure compliquée,on pourrait dire que
la substance antagoniste au facteur de croissance est comme une fausse clé assez bien imitée pour entrer dansla
serrure, maistrop
dissemblable dela
bonne clé pour pouvoir rourner danscette serrure
;
mais unefois
que la- fausse clé est introduite clansla
serrure, ellela
bloque, en rendant impossible l'intro- duction dela
bonne clé. En s'inspiranr de cei considérations, on a effectivement constaté qu'il était possible, pour toute une série de vitamines, de préparer des corps de synthèse, ne sedistinguant de ces vitamines dans
leur
constitution que par certaines particularités, et qui possèdent effectivement un pou-\.roir antagoniste marqué. Ces constatations offrent de grandes possibilités
pour la
synthèse rationnelle de corps qui -auront une action inhibitrice spécifique marquée pour cerrains orga- nismes,tour
en étantiout à fait
inôffensifspour
d'autrËs ; et c'est en somme précisément ce qu'on demandeà
un médi- cament quidoit
respecter les fonctions de l'organisme atteinr d'une maladie infectieuse, tout en entrayantla
multiplication, c'est-à-dire la vie de I'organisme infectant. Les travaux récentsont
montré toutefois quési
beaucoup d'observations concor- dent ayec cette interprétation un peu- simpliste du phénomène de l'antagonisme,il y a
cependant nombre d'autrés observa-tions
qui, pour le
moment,ne
rentrent pas dans ce cadre.Mais
ces résultats paradoxatrxne
sonr que l'expression del'état
encore extrêmement rudimentaire de nos connaissancespour la plupart des processus enzymariques. Seule une connais- sance précise de ces derniers permemra
à
la chimie de fournir àla
médecine des médicamenis synthétiques parfaits.F. lI -
NH-C0CH3
I
NII-C0OI{3
I
As_
I I
Às
NHz
Sulfanilamido VIII Antifébrine
I
OH
0-c2H5
IPhénacél.ine
II
Arsphénamine ITI
NH-CQCH3
cnl
osHa Stovarsol
Iv
CHz
[*,,
Stovaine (base)
YI
cHs-cH-cH-
c00rrl I cur-N cH-oco
cHz ltl
.cH-cHz
.
Cocaine.v
NHu
I
CsHs Anesthésine
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o0H
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I
CH cz [Is
I
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I
N
I
CHe NHu
NHz
Acide para- aminobenzoTque