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Abus sexuels dans l’enfance : intérêt de leur diagnostic pour la compréhension et la prise en charge des troubles sexuels, ano-rectaux et

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Abus sexuels dans l’enfance : intérêt de leur diagnostic pour la compréhension et la prise en charge des troubles sexuels, ano-rectaux et

vésico-sphinctériens

Childhood sexual abuse: How important is the diagnosis to understand and manage sexual, anorectal and lower urinary tract symptoms

F. Cour

a,∗

, G. Robain

b

, B. Claudon

b

, E. Chartier-Kästler

c

aServiced’urologie,universitédeVersailles—Saint-Quentin-en-Yvelines,hôpitalFoch, 40,rueWorth,92150Suresnes,France

bServicedemédecinephysiqueetderéadaptationfonctionnelle,hôpitalRothschild,AP—HP, 5,rueSanterre,75571Pariscedex12,France

cServiced’urologie,facultédemédecineParisVI,CHUPitié-Salpêtrière,AP—HP, 47-83,boulevarddel’Hôpital,75651Pariscedex13,France

Rec¸ule13octobre2012;acceptéle15octobre2012

MOTSCLÉS Abussexuel; Enfance; Dysfonction sexuelle;

Symptômesdubas appareilurinaire; Douleurspelviennes; Intestinirritable; Anisme

Résumé

Objectif.—Comprendreetsavoirprendreenchargelesconséquencesdesantécédentsd’abus sexuelsdansl’enfancesurlesfonctionssexuelle,ano-rectaleetvésico-sphinctérienne.

Matérieletméthodes.—RevuedesarticlespubliésdanslabasededonnéesMedline,sélection- nésselonleurpertinencescientifique,etdesrecommandationspubliéessurlesujet,avecune réflexionàpartirdenotrepropreexpérienceclinique.

Résultats.—Desantécédentsd’abussexuelssontfréquemmentretrouvéslorsdel’évaluation destroublesdubasappareilurinaire.Danscecontexte,l’incontinenceurinaired’effortisolée estrarementencausemaisellepeutyêtreassociéepourdesraisons épidémiologiques.La dysurieavecurgenturieest lesymptôme alléguéleplusfréquemmentretrouvé. L’existence concomitante de troubles ano-rectaux, de douleurs pelviennes ou d’un trouble sexuel, en

CetarticlefaitpartieintégranteduRapport«MédecineSexuelle»du106econgrèsdel’Associationfranc¸aised’urologie rédigésousladirectiondeFlorenceCour,StéphaneDroupyetFranc¸oisGiuliano.

Auteurcorrespondant.

Adressee-mail:f.cour@hopital-foch.org(F.Cour).

1166-7087/$seefrontmatter©2012ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés.

http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2012.10.010

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particulierunedyspareunie,doitfaireévoquerdesantécédentsd’abussexuelsetinduireun interrogatoirespécifique.Malgrélafréquencedecesantécédents,quiseraientretrouvésselon lesétudeschez12à33%desfemmeset8à16%deshommes,trèspeudepraticiens,quelle quesoitleurspécialité,lesrecherchenten routine.Ilest importantquelepraticiensache diagnostiquerl’existenced’abussexuels,enparticulierlorsquelesymptômeallégué parles patientsn’apastrouvéderéponse,malgréunbilanurologiqueexhaustif.Lapénibilitéinvoquée parlespatientslorsdel’examenclinique etl’échecdestraitementsdepremièreintention doiventfaireposerlaquestion,sil’interrogatoireinitiall’avaitomise.

Conclusion.—Desmodalitésd’entretienmaîtrisées,reproductibles,sontaccessiblesàtoutpra- ticien s’intéressant aux troublesfonctionnels périnéaux, pour un bénéfice entemps et en efficacitédanslapriseencharge decespatients,évitant ainsila surenchèred’examenset lamultiplicationdeconsultationsinutiles.L’intérêtd’uneapprochediagnostiqueetthérapeu- tiquemultidisciplinaireestaupremierplan,associant unepriseenchargepsychologiqueet éventuellementunerééducationpérinéale. Cetteorientation multidisciplinairedes patients estlargementconseillée.

©2012ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés.

KEYWORDS Sexualabuse;

Childhood;

Sexualdysfunction;

Lowerurinarytract symptoms;

Pelvicpain;

Irritablebowel;

Anismus

Summary

Objective.—Tounderstandandmanagethesequelsofchildhoodsexualabuseonsexual,ano- rectalandlowerurinarytractfunctions.

Materialandmethods.—ReviewofarticlespublishedintheMedlinedatabase,selectedaccor- dingtotheirscientificrelevanceandpublishedguidelinesonthissubjecttogetherwithourown experience.

Results.—Ahistoryofsexualabuseisfrequentlyfoundwhenassessingdysfunctionorsymptoms ofthelowerurinarytract.Inthiscontext,urinarystressincontinenceisrarelyinvolvedbutit canbelinkedbyepidemiologicalfactors.Dysuriawithurgencyisthemostfrequentexpressed symptom. Whenassociatedwith anorectaldisordersandpelvic painorasexual disorderin particulardyspareunia,asexualabuseshouldbeevokedandspecificquestionsaskedtothe patient. Although thesesymptoms arefrequently encounteredin 12to 33%ofwomen, and 8to16%ofmen, fewpractitioners,whatever their speciality askaboutthem asroutine.It isimportant thatthe physiciandiagnosethe existenceof sexualabuse, inparticular when thesymptomsmentioned bythe patientarenot conclusive,inspiteofthoroughurological assessment.Patientsfindingtheinitialexaminationdifficultandpainfulandthefailureofthe initialtreatmentshouldleadtoquestionsconcerningabuse,ifneglectedbytheinitialmedical inquiry.

Conclusions.—Cliniciansinvolvedinperinealfunctionalpathologyareable toacquire stan- dardized modalitiesofinquiry aboutchildsexualabuse fora bettertimemanagementand efficacy inthetherapeuticapproach.The interestofamultidisciplinarydiagnosticandthe- rapeutic approach isprimordial,associatingpsychologicaltherapyandif necessaryperineal re-education.Thiscanavoidunnecessarytestsandout-patientvisits.Directingpatientstowards amultidisciplinaryapproachishighlyadvisable.

©2012ElsevierMassonSAS.Allrightsreserved.

Des antécédentsd’abus sexuelsdans l’enfance(ASE) sont souvent cités comme cause de troubles sexuels à l’âge adulte. Leur implication est également possible dans les troublesdubasappareilurinaire(TUBA).Celienestmoins connuetaétémoinsétudiéquepourlestroublesdigestifset lessyndromesdouloureuxpérinéaux.Sibeaucoupd’études sesontintéresséesauxconséquencespsychologiques,appe- léeslesyndromedestresspost-traumatique,peuontabordé lesconséquencesphysiques,symptômespsychosomatiques touchantfréquemmentlarégionpelvi-périnéale.

Définition et prévalence des abus sexuels dans l’enfance

Définition

Lesdéfinitionsdel’abussexueldel’enfantsontcomplexes et non consensuelles [1]. Ces définitions font intervenir la notion d’implication d’enfants ou d’adolescents, dans des actessexuelsen contradictionavec leslois et/ou les tabousdelasociété.Lanotiond’abusimpliquetouteforme

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d’interactionsexuellesouscontrainteentredeuxpersonnes dont une se trouve en position de pouvoir par rapport à l’autre.

L’actesexuelinclut lesformesdecontactsoraux,géni- tal,anal,parousurl’enfant,ouunabusquinecomporte pas de contact mais des éléments d’exhibitionnisme, de voyeurismeoul’utilisation d’enfantsàviséededocument pornographique.

D’unpointdevuelégal,touteatteintesexuellecommise avecviolence, contrainte,menace ousurprise considérée commeuneagressionsexuelle, est passible des tribunaux des instances pénales. Le viol en est la forme majeure, considérécommeuncrime,quiserajugéencourd’assises.

IlestdéfiniparleCodepénalcommeunacte depénétra- tionsexuelle,sans distinctionniselon lesexe del’auteur ducrime oudelavictime,niselonlanaturedel’acte(la pénétrationpeutêtregénitale,analeouorale).

Lanotion d’abussexuelestdonclarge etrecouvredes entités dont on peut penser qu’elles n’ont pas le même degrédegravité,notammentavecousanspénétration[2], perpétréspardesétrangersoudesmembresdelafamille.

C’estunedesdifficultésdel’interprétationdesétudes.

En 2002, Oberg et al., dans une grande étude épidé- miologiquesur1355femmessuédoises, ontdéfinilesabus sexuelscomme«desactesousituations forcéesayantété perc¸ues commesexuelles, avec11actes différents, allant del’obligationd’exhibitionnismepersonnelàlapénétration vaginale»[3].

Sil’abusextrafamilialestsouventunique,pouvantaller de l’exhibitionnisme au viol avec violence, l’inceste lui, répétitif,marqueraprofondémentl’évolutionpsychiquede l’enfant.

Prévalence

Seloncesdéfinitions,l’existenced’unabus sexuelconcer- nerait 12à 33% des filles et 8à 16% des garc¸ons à l’âge de18ans[4—7].Ilsemblequelesvariationsdeprévalence retrouvéesdanslalittérature(de8à33%)soientessentiel- lementlefaitdedifférencesdanslasélectiondescohortes étudiées, de la nature des questions posées, de la faci- litéà yrépondre,etsurtout deladéfinitiondes abus.La prévalenceplusfaiblechezl’hommepeutêtredueaufait quelesétudesépidémiologiquessontplusnombreuseschez lafemme.S’agissantdedonnéesuniquementdéclaratives, celles-cipeuventêtresous-estiméesdanslesdeuxsexes:

• uneétudesuisse[7],réaliséeauprèsde1116adolescents de13à17ansscolarisés,arapportéque33,8%desfilles et10,9%desgarc¸onsavaientunantécédentd’aumoins un abus sexuel. La prévalence des abus sexuels avec contactphysiqueétaitde20,4%chezlesfillesetde3,3% chezlesgarc¸ons.Laprévalencedesabusayantcomporté n’importequelleformedepénétrationétaitde5,6%chez lesfillesetde1,1%chezlesgarc¸ons;

• en France, dans l’enquête CSF, sur le comportement sexuel des Franc¸ais [8], menée en 2006auprès d’un échantillon aléatoire de la population âgée de 18à 69ans par entretien téléphonique, sur 6824femmes et 5540hommes,16%desfemmeset5%deshommesdécla- raientavoirsubidesrapportsforcésoudestentativesde rapportsforcésaucoursdeleurvie(Tableau1).

Tableau1 Taux d’agressions sexuelles au cours de la vieparâgeetsexe(%).

Âgeàl’enquête Tentativesde rapportsforcés

Rapports forcés

Femmes Hommes Femmes Hommes

18—19 18,4 4,5 4,4 1,4

20—24 9,8 2,7 6,0 1,9

25—34 10,9 2,4 8,4 18

35—39 11,5 3,8 7,8 1,8

40—49 8,6 4,1 9,1 2,1

50—59 8,9 2,0 5,4 0,8

60—69 5,9 2,6 3,2 1,3

Ensemble 9,1 3,0 6,8 1,5

Source:enquêteCSF2006,Inserm/Ined.

Note: effectifsdefemmes etd’hommesde18à69ansinter- rogés:5762et4641.Lecture:parmilesfemmesâgéesde25à 34ans,10,9%ontsubidestentativesderapportsforcés[8].

Toutesgénérationsconfondues,59%desfemmeset67% deshommesontindiquédespremiersrapportsforcésouten- tativesquisesontproduitsmajoritairementavant18ans[9].

Lesdeuxtiers oules troisquarts des viols,suivant les enquêtes,sedéroulentdansdescerclesd’interconnaissance affectiveourelationnelle:cesontlesviols«familiauxélar- gis» (viols commis par des pères [10], des beaux-pères, d’autresascendants,descollatéraux,desconjointsoudes

«amisdelafamille»)quiviennentlargemententête,sui- vis pardes viols commis pardes copains oudes amis des victimes, par des voisins ou bien encore, à une échelle deplus basse intensitérelationnelle, pardes relationsou des connaissances, du voisinage ouprofessionnelles. Dans l’enquêteCSFde2006,lesfemmesquiontconnuunépisode deviolencesexuelleavant 18ansincriminaientprincipale- mentleurpère, beau-pèreouunepersonnedelafamille, puis des personnes connues d’elles (31%), les agresseurs inconnusrestantuneminorité(17%)[9].Cesontd’ailleurs lesdéclarations d’agressionsperpétréespar lepère ou le beau-père,ouunhommedelaparenté,quiconnaissentla plusforteaugmentationentrelesenquêtesde2000et2006.

Les chiffres de prévalence sont quasiment identiques quellequesoitlacatégoriesocio-professionnelledupère,la prévalencelaplusélevéede10%ayantétérapportéechez lesfillesdecadre.

Danstoutescesenquêtes,leschiffressontàprendreavec unecertaineprécaution,car,s’agissantd’unsujetdifficile àexprimer,notammentlorsquelapersonneresponsablefait partieducerclefamilialproche,lasous-déclarationestpos- sible.Ainsi,dansl’enquêteCSFde2006,àlaquestion«En avez-vousparléàquelqu’un?»,46%desfemmeset62%des hommesayantsubil’undecesactesdisaientn’enavoirparlé àpersonneavantl’enquête[9].

C’estdanslagénérationlaplusancienne(lesfemmesde 60à69ans,etleshommesde50à69ans)quelespersonnes enavaientlemoinsparléàquelqu’un(respectivement,33et 30%). En revanche,dans lesplus jeunes générations, par exemple chez lesfemmes de18à 24ans, 71% enavaient déjàparlé,cequiindiqueunemodificationdelasensibilité,

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sansdouteliéeauxcampagnesd’informationetauxmesures prisescontrelaviolencefaitesauxfemmes[8].

Lesabussexuelssonttrès fréquentsdanslapopulation générale et doivent rendre prudente l’interprétation des antécédentsdecetypedans lesétudesincriminantl’abus commeintervenantdanslagenèsed’unsymptômephysique oupsychique.Enpratiqueclinique,ilestimportantdedif- férencier:

• les abus survenusà l’âge adultedeceux survenusdans l’enfance;

• lesabusuniquesourépétés;

• lesabusausenslarge(comprenantlessimplesexhibition- nismesouattouchementsisolés)desviolsetdesincestes;

• les abus sexuelsisolés ouassociés à des violencesphy- siqueset/oupsychologiques[6].

Conséquences des abus sexuels

Les ASE exposent à des troubles fonctionnels, en parti- culier dans les sphères impliquées, génitale, ano-rectale et urinaire. Si le retentissement possible sur la sexualité à l’âge adulte d’un enfant ayant été abusé sexuelle- ment est bien connu des praticiens, de même que le lien avec certains troubles ano-rectaux et syndromes douloureux pelvi-périnéaux, les troubles du bas appareil urinaire font moins souvent évoquer spontanément un ASE.

Les dysfonctions sexuelles

LesASEpeuvententraînerdesdysfonctionssexuellesàl’âge adulte. Ce lien avait étémis enévidence dans l’enquête épidémiologiquedeLaumannetal.en1999[11].Ellessont sous-tenduesparl’anxiétéetlestresspost-traumatique.

Au maximum, c’est l’aversion sexuelle, véritable pho- bie de tout contact physique susceptible d’aboutir à une activité sexuelle, quelle qu’elle soit, avec parfois de véritables crises de panique [12]. Kinzl et al. [13]

ont rapporté qu’il y avait une diminution du désir et des fantasmessexuels chezdenombreuses femmes ayant été abusées sexuellement dans l’enfance, allant parfois jusqu’àl’aversionsexuelle.Souvent,ledysfonctionnement sexuel n’est pas lié au partenaire actuel mais est la conséquencedelaréminiscencederelationstraumatiques antérieures[14].

Endehorsdecescasextrêmes,lesdysfonctionssexuelles féminineslesplusfréquentessontlestroublesdel’orgasme, rapportésdanstouslestypesd’abusdansl’étudesuédoise deObergetal.Encasdepénétrationoudefellationforcée, les troubles du désir étaientégalement souventassociés, demêmequelevaginisme.Quatre-vingt-unpourcentdes patientesayantétéabuséesplusd’unefoisprésentaientau moinsuntrouble[3,15].

Lapatienteabuséedéveloppefréquemmentdesschémas anticipatoiresnégatifsautourdelasexualité.Celaaétémis enévidence dans l’étude de Rellinietal. ayant comparé 48femmesavecASEet48femmessansantécédent,âgéesde 25à35ans,parquestionnairesetparmesuresdepléthysmo- graphievaginalependantuneprojectiond’unfilmérotique: l’anticipationnégativeexistaitquatrefoisplussouventchez lesfemmesavecASEquedanslegroupetémoin[16].

L’image de soi, notamment dans la sphère génitale, est très importante pour la construction de la sexualité féminine [17—19]. Celle-ci est également dépendante de l’environnementfamilial dansl’enfance. Ainsi,untrouble del’attachementpourraêtre àl’origine deproblèmesde communicationultérieurs,notammentdanslecouple[19].

Or,c’estsouventau seindelafamillequ’ontlieulesabus sexuels(incestes).

De fac¸on paradoxale, un sentiment de culpabilité est souventressentiparlafemmeantérieurementabusée,qui l’empêchera de s’épanouir dans sa sexualité future [20].

L’inhibitiondespenséessexuellesspontanéesouinduitesest lerésultatdel’intégrationdetouteactivitésexuellecomme quelquechosedesale,demal[21].

Uneanxiétérésiduelleestunfacteurensoidetroubles dudésir etde l’orgasme [22]. Les patientes ayant euun ASEdécriventunepeurdel’intimité,despenséesintrusives angoissantes,aveccommeconséquencesunerelationmoins satisfaisanteavecleurpartenaireetunemoinsbonnesatis- factionsexuelleglobale[23].Uneétuderécentearapporté quelesfemmesayanteudesASEavaientdesniveauxplus élevésdesouffranceautourdelasexualité,mêmedansun contexte de bon fonctionnementsexuel parrapport à un groupetémoinn’ayantpaseud’abus[24].

Dessymptômesprétextes,commeunedyspareunie,des troubles du bas appareil urinaire et ano-rectaux servent en fait de «paravent» et sont souvent des solutions d’évitementpouruneactivitésexuelle.

Chez l’homme, où le lien entre ASE et dysfonctions sexuellesaétébeaucoupmoinsétudiédanslalittérature,a étérapportéunrisqueaugmentéd’éjaculationprématurée etdetroubledudésir[25].

Symptômes somatiques

Endehorsdesdysfonctionnementssexuels,leliendecau- salitéentreASE,certainssymptômessomatiquesdigestifs, avant tout ano-rectaux, mais également urinaires, ainsi qu’aveclessyndromesdouloureuxpelvi-périnéaux,estépi- démiologiquementévoqué:

• Scarinci et al. [26] ont rapporté que des ASE entraî- naient chez l’adulte une très mauvaise aptitude à se défendre des agressions, qu’elles soient liées à une maladie physique ou au stress, ainsi qu’une fragi- lité psychologique. Il existe chez les patients ayant eu des ASE une plus grande sensibilité à la douleur par modification de l’intégration centrale de celle-ci, avec survenue fréquente de syndromes douloureux de tous types, d’incapacité fonctionnelle importante et d’hyperconsommationmédicamenteuse;

• Friedriech et al. [27] ont comparé une population de 252enfants (detroisà12ans),chezlesquels onretrou- vaitlanotiond’abusdegravitévariable,àunepopulation témoinde847enfantsn’ayantpaseud’ASE.Auseindes groupescomparables(familial,éducation,âge,sexe),les fillesâgéesdetroisàsixansetlesgarc¸onsâgésdeseptà 12ansaumomentdel’abussexuelavaientunplusgrand nombre de symptômes somatiques. L’existence de ces symptômesparaissaitenrelationdirecteaveclagravité del’abusetlenombred’agresseurs.Lessymptômesrap- portésavec unedifférencestatistiquementsignificative parrapportaugroupetémoinétaientparordrecroissant:

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vomissements, maux d’estomacs, céphalées, nausées, douleursetsurtoutl’item«maladeencasdetristesseou d’épisodes émotifs». Ainsi, lesenfants victimes d’abus sexuels avaient des plaintes somatiques subjectives de fac¸onplusfréquente.

Abussexuelsettroublesano-rectaux

Ilyauraittroisàquatrefoisplusd’ASEchezlespatientspré- sentant des troubles digestifs fonctionnelsque chezceux qui ont une pathologie organique [28]: Drossman [28] a rapportélepremierlaprévalence élevéedesASEchezles patientsprésentant destroubles fonctionnelsintestinaux: 44%auraienteudesantécédentsd’attouchementssexuels, demenacedevioloudeviol.

Devroede[29] avaitmis enévidenceun lien entredes ASE,unefragilitépsychologiqueinduiteetl’existenced’une constipation:20%desenfantsayantunASEavaientconsulté pourdesdouleursabdominalesouuneconstipation.

Laconstipation,ladiarrhéeetsurtoutl’anismesemblent dominerlesmanifestationscliniques.

Lesyndromedel’intestinirritable

Laconnaissanced’une prévalence élevéedusyndromede l’intestinirritable(SII)danscettepopulationaétédécrite depuisdenombreuses années.Walkeretal. [30],surune petitecohorte,ontrapportéquelaprévalenced’ASEchez lespatientsayantunSIIétaittrèsélevéeparrapportàcelle despatientsprésentantunemaladieintestinaleinflamma- toire(54%versus5%).Dans unelargecohortedepatients présentant des symptômes digestifs, âgés de 30à 49ans, Talleyetal.[31]ontétudiélaprévalencedesASEdansdiffé- rentsgroupes,enfonctiondusymptômeallégué(Tableau2).

Autotal,41%desfemmeset11%deshommesavaientété abusés.

Tableau2 Prévalencedesabussexuelsdansl’enfance (ASE)enfonctiondessymptômesallégués.

Antécédentsd’abus sexuel(%)

Troublesfonctionnelsintestinaux

Avec 43

Sans 20

Dyspepsie

Avec 35

Sans 18

Douleursthoraciquesatypiques

Avec 33

Sans 15

D’aprèsTalleyetal.,1994[31].

Depuis,plusieurstravauxontconfirmélaprévalenceéle- vée des ASE chez les femmes présentant un SII [32—34]

maisaussid’autrestroublesdigestifstelsquel’anisme[35]

oula dyspepsie[36].Très récemment,Bradfordetal.ont rapportédesASEdans31,2%descasparmi294patientspré- sentantunSII(79%defemmes)contre17,9%danslegroupe témoinde435patients(77%defemmes)[37].

L’anisme

La fréquence des abus serait quatrefois plus importante danslestroublesfonctionnelsdistauxquedanslestroubles proximaux.Au premierplanse situel’anisme. Ainsi, pour Leroi et al., parmi 344consultants en gastro-entérologie [38], 40% des patients qui souffraient de troubles diges- tifsd’originebasseavaienteuunASEcontre10%seulement chezceuxquiprésentaient unepathologieorganique.Ces mêmes auteurs [39], en comparantles manométries ano- rectales réalisées chez40femmes ayant des ASE à celles de20femmes sanstroubledigestifdansungroupe témoin etchez31consultantesayantlesmêmessymptômesintes- tinaux maissans ASE, ontrapporté que 39des 40femmes ayanteuunASEavaientunanismecontreseulementsixsur 20danslegroupetémoin.

D’aprèstoutescesétudes,environ30à40%despatients souffrant de troubles gastro-intestinaux auraientsubi des ASE.

Abussexuelsetdouleurspelviennes Chezlafemme

Depuislongtemps,denombreuxauteursontsoulignélerap- port entredouleurs pelviennes chroniques etantécédents d’abus physiques et sexuels [40], ainsi que la fréquence des interventionspelvienneschezces patientes. Dansune étuderétrospectivede100dossiersdepatientesayantsubi unelaparoscopie (50pour douleurspelviennes chroniques, 50pour ligature tubaire), Walker etal. [41] ont rapporté que64%despatientes ayantdesalgiespelviennesavaient eu un ASE contre 23% dans le groupe témoin. Parmi les patientesavecdesalgiespelviennesetunASE,ilyavaitéga- lementuntauxélevédedépression,d’attaquesdepanique, de phobies, de manifestations somatiques autres et une consommationimportantedemédicaments.

Dans l’étude de Kirkengen et al. [42] sur une popula- tionde85consultantesengynécologieinterrogéesparune femmemédecinàlarecherched’ASE,28%rapportaientun tel antécédent. Ce taux était nettement plus élevé chez lespatientesquiprésentaientdesdouleurspelvienneschro- niques(OR:4,0[cl1,0—15,8])etchezcellesquiavaientun passédechirurgiegynécologique(OR:4,1[cl1,0—17,0]).

Lampeetal.,encomparant40femmesayant des dou- leurs pelviennes chroniques à 40femmes présentant des lombalgieschroniques,avecungroupetémoinde22femmes sansdouleur,ontmisenévidenceunecorrélationavecdes ASE uniquement dans le groupe des algiques pelviennes, confirmantdefac¸onlogiquelaprépondérancedesdouleurs pelviennesparrapportauxautressitesdedouleurpossibles chezlesfemmesayanteuunASE[43].

Laprévalence des ASE dans la population des femmes souffrantdesyndromedouloureuxpelvienchroniqueserait de50à65%contre20à25%dansunepopulationdefemmes consultantengynécologie.Seulslesabussexuels«graves», avecpénétration,seraientàl’originedecephénomènede somatisationdouloureux.

Endehorsdesdouleurspelvienneschroniques,larelation entredesASEetl’existenced’unedyspareunieoud’unvagi- nisme,si ellepeut paraîtreévidenteàpremière vue[44], est en fait insuffisamment documentée dans les études, avec une prévalence de cette association très variable seloncelles-ci.Ilsembleraitquebienplusquedufaitd’un

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problèmephysique,cesoitparlebiaisdel’intensitéd’une souffrance psychologique que le lien de causalité existe- rait,defac¸ondifférenteselonlespatientes:ainsi,Leclerc etal.ontrapportéquelespatientesayantfaitelles-mêmes le lien entre leurs antécédentsd’ASE etleur dyspareunie rapportaientunesexualitéplusperturbéequecellesquine l’avaientpasfait[45].

Dans leur revue de littérature, Desrochers et al. [46]

ontmisenévidencedeslimitationsméthodologiquesimpor- tantes dans les différentes études, avec également des facteurspsychologiquesaupremierplan,commel’anxiété, la dépression,le pessimisme, chezles patientes ayant eu desASEetprésentantunedyspareunie,lelienprécisentre ces symptômes psychologiques et le développement etle maintiendeladyspareunieétantinsuffisammentdocumenté [47].Ilenestdemêmedanslevaginisme[48].

Chezl’homme

Si la relation entre syndrome douloureux pelvien et ASE estsouventméthodologiquementmaldocumentéechezla femme,ellel’estencorepluschezl’homme.

Dans l’étude BACH, sur 2301hommes entre 30et 79ans, la prévalence globale du syndrome de prostatite chronique/syndromedouloureux périnéalchronique(pros- tatodynie)étaitde6,5%,plusimportantechezlespatients ayanteudesASE(OR:1,7—3,3)[49].

Abussexuelsetsymptômesdubasappareil urinaire

Les travaux sur le lien entre troubles urinaires et abus sexuelssontassezrécents.

Chezl’enfant

C’est Reinhardtqui,le premier,a établi unlien entreles ASEetlesinfectionsurinairesen1987[50].Chezl’enfant, lestroubleslesplusfréquentsétaientl’énurésie,lesinfec- tionsurinairesetlarétentiond’urine[51,52].Ensuivantune populationd’enfants ayantsubiunASE,Bloom[53]arap- portéque14%desfillesavaientdes troublesmictionnels.

Dansl’étudedeDeLagoetal.,37%defemmesétaientdys- uriquessurunecohortede161patientesayanteudesASE [2]. Defac¸on assezsurprenante, Yilgrim etal., dans une étuderétrospective(huitgarc¸ons,44filles)ayantcomparé les35enfantsabuséssans pénétrationetles17ayantsubi des abusavecpénétration, ontmis enévidencemoins de signes urinaires dans ce dernier groupe (42,9/17,6% pour l’urgenturie,17,1/0%pourl’énurésie)[54].

Le syndromed’Hinmanreprésenteune entitéà part.Il s’agitd’unedyssynergievésico-sphinctériennefonctionnelle responsable d’infectionsurinaires, derésiduchronique et parfoisd’urétéro-hydronéphroseavecinsuffisancerénale.Il estconsidérécommeétantd’originepsychologiqueetpeut être secondaireàun abussexuel [55,56].Enpratique, ce syndromeassocieincontinenceurinaire,dysurie,infections urinairesetparfoisencoprésie,sanscauseorganiqueobjec- tivée.

Chezl’adulte

Tous les types de troubles du bas appareil urinaire sont retrouvésdanslecontexted’ASE:énurésie,infectionsuri- naires,incontinenceurinaire,urgenturietrèsfréquemment, dysurie,rétentionchroniqued’urines.Davilaetal.ontrap- portéque72%des58patientesayanteuunASEavaienteu

des épisodesde fuites, tout mécanisme confondu,contre 22%des51patientesdugroupetémoin[57].L’incontinence urinaired’effort(IUE)isoléeestmoinsfréquemmentretrou- véequelesautressymptômes.

Dans l’étude de Klausner et al. [58], 60femmes sur 121patientesconsécutivesprésentantdesTUBAavaienteu unASE(49,6%)contre28,3%des1298femmessansTUBA.

Chez l’homme, dans l’étude BACH ayant concerné 2301hommesentre30et79ans,letauxdepollakiurieétait augmentéchezlesadultesayanteudesASEabuséssexuel- lementdansl’enfance(OR:1,6—1,9),demêmequeceluide l’urgenturie(OR:2—2,3)[59].

Devant le polymorphisme du tableauclinique, il n’y a quepeud’étudespermettantdesavoirsiuneassociationde symptômesestplusévocatriced’abussexuelsqu’uneautre.

Latriadeurgenturie,nycturie,rétentiond’urinesestlaplus souventcitée.LafréquencedesASEestd’autantplusgrande quelenombredesymptômesalléguésestimportant.

Troubles psychologiques

Unsyndromedépressif,uneanxiétéimportante,soitréac- tionnelle,soitgénéraliséerentrantalorsdanslecadred’une personnalitéanxieuse,sontfréquemmentprésentschezdes patient(e)s ayant eu des ASE [41]. Le lien de causalité est difficile à préciser, du fait des multiples causes pos- siblesdecessymptômes,ilestpeureconnudanslesétudes plus anciennes [60]. Pour Walling etal., sur une cohorte de64femmesprésentantdesalgiespelviennes,l’existence d’un ASE ne serait pas prédictive de la survenue d’une dépression, d’une anxiété ni de phénomènes de somati- sation, alors que les antécédents d’abus avec violences physiquesleseraientpourtouscesparamètres[61].Ainsi, lesASEpourraiententraînerlasurvenuedephénomènesde somatisation essentiellements’ilssont associés àun abus physiquedirect.

Lesétudesplusrécentes,bénéficiantdelaconceptualisa- tiondusyndromedestresspost-traumatique(SSPT),ontmis enévidence,enrevanche,unegrandefréquencedesconsé- quencespsychologiquesàlongtermedesabussexuels.Ainsi, cesantécédentspeuventêtreàl’origined’unvéritableSSPT, avecsoncortèged’anxiété,depenséesnégatives,voirede phobie ou de crises de panique. Ce SSPT a été rapporté chez107patientes (31,3%) sur les 345patientes ayant eu unASE (46,8%) dans une cohorte de 713femmes vuesde fac¸onconsécutivedansuncentreréférentpourlesdouleurs pelviennes[62]. Dans l’étudede Klausner et al.[58], sur les 60adultes ayant eu des ASE et présentant des TUBA, 47avaientdescomorbiditéspsychiatriques,soit78,3%.

Le nombrede patient(e)s présentant des troubles psy- chologiques,enparticulier uneanxiété, paraîtélevédans les populations consultant pour des troubles fonctionnels aussi bienano-rectaux qu’urinaires, des algies pelviennes ouunedysfonctionsexuelle.Lesdonnéesépidémiologiques ontrapporté dans ces mêmes populationsune prévalence élevéed’ASE.

La fréquence réelle ainsi que les formes cliniques des troubles psychologiques en conséquence directe avec ces antécédentsrestentdifficiles à préciser,lesadultes ayant étéabuséssexuellementetsanstroublesfonctionnelsayant étépeuétudiés.Récemment,Talbotetal.ontrapportéque 230femmes (21%) avaienteu des ASEsur unecohorte de

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1100patientesayantconsultédansuncentredepsychiatrie pourdépressionmajeure[63].

Le diagnostic d’antécédents d’abus sexuels : état des lieux

En urologie

Mêmesilesurologuessaventqu’ilpeutyavoiruneassocia- tionentreabussexuelsettroublesurinaires,larecherche d’abussexuelnefaitpaspartie,laplupartdutemps,deleur interrogatoirestandardisé.

Klausner et al.posaient la question de fac¸on claire et directe aux patientes: avez-vous au moins une fois été contrainteàunrapportsexuelnonconsenti?[58].

Bekker etal., ayant demandé aux urologuespar ques- tionnairepostals’ilsrecherchaientdes antécédentsd’ASE chez leurs patientes, ont rapporté que 94,6% d’entre eux n’interrogeaient pas de fac¸on systématique celles- ci sur l’existence de ces antécédents. Le taux de retour de ce questionnaire était de 46% (190urologues sur 405)[64].

Lesraisonsinvoquéesétaientl’absencedeconnaissance surlapriseenchargeultérieure,letempsnécessaireàcet interrogatoire et l’impression de ne pas savoir comment abordercettequestion. Cependant,ces urologuesavaient posélaquestionlorsqu’ilexistaitunedouleurpelviennedans 77,6%descasetchez62%desfemmesayantuneurgenturie et/ouunepollakiurie,c’est-à-diredans lessymptômes les plusfréquemment«sentinelles»d’abussexuels.Ilsn’ont, enrevanche,été recherchésque chez41,4% des femmes venantpour incontinenceetchez29,3% desfemmes pré- sentantdesinfectionsurinairesàrépétition.

Danscettemêmeenquête,68,8%desurologuesavaient déclarérechercher defac¸on systématique unabus sexuel avant de faire un examen clinique. Un interrogatoire ciblé sur les abus sexuels était finalement effectué par la majorité des urologues, mais pas de fac¸on systéma- tique, alorsque la plupartd’entre eux (73,4%) pensaient que 10% de leurs patientes au minimum avaient subi un ASE.

Uneenquêtesimilaireaétéréaliséeauprèsd’infirmières participant à un congrès sur l’incontinence. Le taux de réponse était beaucoup plus bas que chez les urologues.

Une petite minorité d’infirmières (11, 8%) n’avait jamais interrogélesfemmessurleurviesexuelle,6,5%lesinterro- geaientdefac¸on systématique,28%neposaientjamaisla questiond’unabussexuel et3,4%lefaisaientdemanière systématique[65].

On voit donc qu’en présence de troubles urinaires, la questionestloind’êtretoujoursposée.

Cette constatation n’est pas spécifique du milieu uro- logique: elle concerne également la communauté des gynécologuesetdesgastro-entérologues.

En gynécologie

Alorsque les troubles sexuelssont souvent présents chez les femmes ayant été victimes d’ASE, une question à ce propos leur est rarement posée par leur gynécologue.

Dansuneenquêteauprèsdegynécologues,seulement1,3%

d’entreeuxavaientposédesquestionssurlesantécédents sexuelsdeleurpatiente [66].Pourtant,l’intérêtdecette question est bien compris dans cette spécialité et appa- raît depuis longtemps dans des recommandations [67], avec une actualisation récente par un comité spécifique [68]. Malgré la médiatisation et la médicalisation de la sexualité, lesétudes plusrécentes neretrouventpas plus d’enthousiasme à l’interrogatoire des patientes sur leurs problèmessexuelsengénéral(sachantquelaquestionsur les abus est encore plus difficile à poser) ni de la part des gynécologues ni de celle des généralistes: dans une enquêterémunéréeparmail,letauxderéponseétaitseule- mentde8%surlequestionnementsurlasexualitédeleurs patientes[69].

En gastro-entérologie

Une étude récente en gastro-entérologie a rapporté que danslecasspécifiqueduSII,dontonsaitqu’ilestfortement corrélé aux ASE, seulement 50% des gastroentérologues posaientlaquestiondefac¸onsystématique[70].Lesfreins habituellement invoqués,commepour lestroubles dubas appareilurinaire,étaientlesmêmes:letemps,l’inconfort despatient(e)s,lefaitdenepassavoirquoifaireencasde réponsepositive.

Quellequesoitleurspécialité,peudepraticiensposent donclaquestiondel’existenced’ASE.C’estpourtantbienun souhaitdespatientesayantdetelsantécédentsqueleprati- cienabordecesujet.Laplupartdesfemmesn’enparleront pas spontanément, maisattendent en fait qu’uneperche leursoittendue [71,72].Dansunelarge étudescandinave multicentrique sur 3641patientes ayant consulté récem- ment engynécologieetayant réponduà unquestionnaire postal(Norvold AbuseQuestionnaire),33% avaienteu des ASE;92%decelles-cin’enavaientpasparléavecleurpra- ticien[73].

Paradoxalement,lesclinicienssontconscientsdel’utilité et de la nécessité de rechercher des ASE en présence de troubles fonctionnels pelvi-périnéaux, mais les freins sont tels qu’ils ne le font pas en pratique courante [70,74].

Pourquoi faut-il diagnostiquer les antécédents d’abus sexuels ? Fréquence des troubles fonctionnels pelvi-périnéaux induits

LesASEsont trèsfréquents,aussi bienchezl’homme que chezlafemmeettouteslesétudesépidémiologiques,dans différents pays, ont mis en évidence un lien de causa- lité fortentrelestroubles fonctionnelsano-rectaux etdu basappareilurinaire,lesdysfonctionssexuellesetlesASE.

L’urologue estau cœurduproblème, notamment dans sa prise en charge des troubles de la statique pelvienne et dessymptômesvésico-sphinctériens.Parmieux, ladysurie etl’urgenturiesemblentlesplus corrélésauxantécédents d’ASE[52,58,75—77].

L’associationdeplusieurssymptômesdoitêtreundéclic pourposerlaquestion[78].

(8)

Difficulté de l’examen physique urogynécologique

Subirunexamenurogynécologiqueestsouventvécucomme uneépreuvetraumatisantepourun(e)patient(e)ayantdes ASE.L’angoisse peut être au premierplan, notamment si lepraticien estunhomme.Soixante-quatrepour centdes patientes craignaient cet examen et avaient donc arrêté leur prise encharge par peur de celui-cidans l’étude de Mc Gregor et al. [71]. Lorsqu’elles acceptaient l’examen urogynécologique, beaucoup de ces patientes l’avaient ressenti comme physiquement douloureux, avec appari- tion d’émotions négatives et de remémoration stressante [79,80].

Desdifficultéslorsdesexamens,uneangoisseexcessive delapatientedoiventfaireévoquercesantécédents,sile praticien n’y avait pas pensé avant. Dans l’étude hollan- daise de Beck et al., 68,8% des urologues ayant répondu àunquestionnaire parinternet(taux deréponse de46%) s’étaientenquis deces antécédentsjuste avant l’examen urologique[5].

Échec des traitements

Du fait du polymorphisme des troubles induits par les ASE,lestraitementsprescrits peuventêtre multiples,non adaptés et doncinefficaces. Leurobservance est souvent mauvaise,puisqueleproblèmesous-jacentn’estpasabordé etquelapatienten’enadoncpasdebénéfice.Elleaten- danceàmultiplierlesconsultationsetfaittomberalorsle praticiendansunespiraled’examenset/oud’essaisdenom- breux traitements. Enrevanche, lorsqu’une indication de neuromodulation du nerf tibialpostérieur est posée pour untroubleprécis,ilsemblequel’existenced’antécédents d’ASEnediminuepassonefficacité[81].

Intérêt d’une prise en charge adaptée

Unefois lediagnostic d’ASEposé,l’intérêtd’uneprise en chargepsychologiqueestbiendémontré,notammentdans les dysfonctions sexuelles secondaires. Elle a été recom- mandée dans la conférence de consensus de 2004sur les dysfonctions sexuelles [82].Travailler en réseaumultidis- ciplinaire,avectouslesspécialistesimpliqués,ycomprisen rééducationpérinéale,estlaclédecettepriseencharge.

L’intérêtd’unepriseenchargespécifiqueparaîtétabli.

Dans l’étude de Talbot etal. [63], sur les 230femmes ayant des antécédents d’ASE consultant en psychiatrie pour dépression majeure, 70avaient été randomisées en psychothérapie «interpersonnelle», tenant compte de ce problème (n=37) ou en psychothérapie «traditionnelle» (n=33).Lepremiergroupeavait,defac¸onstatistiquement significative,uneréductionplusimportantedessymptômes dépressifs, ainsi que des symptômes liésau syndrome de stresspost-traumatique(SSPT).Enrevanche,l’amélioration dela vierelationnelle ensociété étaitidentique dans les deuxgroupes.

La revue récente de la Cochrane Database [83] a inclus dix études (847enfants). Les thérapies cognitivo- comportementales semblent donner de bons résultats à court terme sur la dépression (diminution moyenne de 1,9points surle Child DepressionInventory), ainsiqu’une

améliorationsurles différenteséchelles évaluant le SSPT etsurl’anxiété,cesaméliorationsrestantcependantmodé- rées,avecunamenuisementpossibledubénéficeàdistance del’arrêtdelathérapie.

En pratique, comment aborder ce problème ?

Unréflexed’interrogatoiresurlapossibilitéd’abussexuels doitsedéclencherdèsquelapatiente(oulepatient)pré- sente des symptômes urinaires nombreux, maisaussi des symptômes sexuels à type de dyspareunie par exemple, et/ou des troubles ano-rectaux, et ce d’autant que les explorationssontnormales.

Onpeut commencerpardesquestionsplus«anodines» sur la sexualité actuelle, porte ouverte vers la sexualité antérieure.

Ilfautsavoirresterneutre,toutencréantunclimatde confiancesansexagérationdanslaconfidentialité.

La peur de réactions imprévisibles de la part de la patiente (du patient) à la question des abus sexuels est unedesraisonsprincipalesinvoquéesparleclinicienpour expliquerlafac¸onunpeubrutaleetpeunaturellederecher- cherceproblème.Enfait,laquestionposéecalmementet avecuneempathiemaîtriséenerencontrepaslaplupartdu tempsd’hostilitédelapartdelapatiente:

• unexempledequestions:

◦ celledel’enquêteCSFde2006[8]:«Aucoursdevotre vie,est-ilarrivé quequelqu’unvousforce,ouessaye devousforcer,àavoirdesrapportssexuels?»,

◦ celles de l’enquête Enveff en 2000 [84], avec une questionprimaire:«Aucoursdevotrevie,dansvotre jeunesse ou à l’âge adulte, est-ce que quelqu’un a essayédevousforcer,sansyparvenir,àavoirdesrap- portssexuels?».

Puis,selonlaréponse,unesecondequestion:«Est-ce quequelqu’unvousaforcé(e)àavoirunrapportsexuel?:

• administrerunautoquestionnaireavantlaconsultationne paraîtpas être unebonnealternative à l’entretien sin- gulieraveclemédecin.Laplupartdesfemmesl’avaient vécud’unefac¸onnégativedansl’enquêtedeElsevier[85].

Enrevanche,ilexistedenombreuxquestionnairesadmi- nistrables,notammentchezl’enfant:ilsévaluent souvent les traumatismes en général, y compris physiques non sexuels,etémotionnels[86].Le plus utiliséen recherche cliniqueestleChildhoodTraumatismQuestionnaire,déve- loppéparBernsteinetal.en1994[87].Ilcomporte60item.

La traduction d’une version courte a été validée dans certains pays [88]. Il y a également le Trauma Symptom ChecklistforChildren(TSCC).Pourévaluerlestroublespsy- chologiqueschezl’enfant,ilexistedeséchellesd’anxiété, de mesure du degré de SSPT ainsi que le Child Depres- sionInventory,pourladépressionetplusspécifiquementle AbuseRelatedShameInventory[89].

Poser la question directement lors de la consultation semble plus efficace pour le diagnostic d’ASE que des autoquestionnaires.Ainsi, surdeuxgroupes de21patients ayant eu des ASE, cinq patients les avaient «avoués» à l’interrogatoiredupraticien, etseulementtroisparauto- questionnaires[90];

(9)

• Unmoment«privilégié»pourquelespatientsseconfient est le bilan urodynamique. Ellsworth et al. [51] ont constaté que c’était fréquemment au cours de celui-ci que la révélation de l’abus avait pu être formulée. Il s’agitlàd’unexamenquitouchel’intimitécorporelledu patient,quinécessiteunepénétrationparunesondeuré- trale et quiprend du temps, temps pendant lequel on pourrarassurerle(a) patient(e)etobtenirsaconfiance.

L’urologue peut également former son équipe paramé- dicale, notammentau cours dubilanurodynamique, au questionnement sur les abus sexuels. La patiente peut être mise en confiance par ce personnelsouvent fémi- nin,toutaulongdecesexamensquilaissentletempsà ladiscussion.

Une fois ces antécédents confirmés, le challenge va être de faire accepter au patient(e) un traitement mul- tidisciplinaire, avec une prise en charge psychologique et/ou rééducative: la fac¸on dont les patient(e)s gèrent leur stress et les stratégies qu’elles(ils) ont développées pour y faire face sont essentielles à la réussite de celle- ci[91].Direaupatient(e)qu’il(elle)peutêtrerevu(e)pour évaluer l’amélioration de ses troubles peut le(la) rassu- rer et lui éviter un sentiment d’abandon par le premier praticien.

Ilsemblequelesvictimesd’abussexuelss’exposentplus à des situations «à risques» dans leur sexualité d’adulte [92,93],maisdenombreusesfemmessanscesantécédents peuventsubirdesabussexuelsàl’âgeadulte:ellesauront souventlamêmeprésentationcliniqueetlediagnosticdoit enêtrefaitdelamêmemanière.

L’enquêteEnveff,en2001,arapportéquesi77%desviols commisparunhommedelafamilleavaienteulieuavantque lesfemmesaient15ans,lesagressionssexuellescommises parunconjointprédominaientaprès18ans[84](Tableau3).

Tableau3 Distribution deladifférenced’âgeentrela victimeetl’agresseur,selonl’âgedesfemmesaumoment duviol.M.Jaspard,pourl’équipeENVEFF.

Âgedesagresseurs Âgedesfemmes

(ans)

Mêmeâge Plusvieux Beaucoup plusvieux

<15 0,0 51,7 48,3

15—17 39,2 25,4 35,4

18—25 33,8 50,2 16

>25 54 38,3 7,6

D’après[84].

Dansl’enquêteCSFde2006[8],lesfemmes deplusde 40ans qui ont eu un premier rapport forcé après 18ans avaientdéclarédans35%descasquel’auteurdel’agression étaitunconjoint ouunpartenaire. Cesactescommis par unconjoint,unpartenaireouunami,étaientleplussou- vent cachés, même auprès de l’entourage proche de la femme.

Dans cette mêmeenquête, 0,44% des femmes avaient subi un rapport sexuel imposé ou une tentative de rapport dans les 12derniers mois, soit entre 50000et

120000femmes[94].Lesviolsrépétés sontàl’origine des mêmes troubles physiques que lespatientes ayant eu des abussexuelsdansl’enfance,etd’unvéritableSSPTavecson cortèged’hyperactiviténeurovégétative(irritabilité...),un retentissementdanslesrelationspersonnellesetprofession- nelles,avecdépressionréactionnellefréquenteetanxiété [95].Cesyndromeestrapporté chez33à83%desfemmes ayantsubidesviolencesconjugales[96].Ilsemblequ’ilsoit plusgraveetplusdurablequandlesviolencessontsexuelles [96,97]. Il existeégalement une altérationde l’image de soi, génératrice de dysfonctions sexuelles [97]. Des dou- leurschroniquesdetouttype,pelviennes,maisaussid’ordre rhumatologique(43,2%),descéphalées...,sontretrouvées chez plus d’un tiers des patientes, sur une cohorte de 292femmesséparéesdepuisenmoyenne20moisduparte- nairequilesavaitabusées[98].

Les examens urogynécologiques sont souvent vécus comme une souffrance, de fac¸on plus importante en cas de SSPT [99]. La difficulté supplémentaire dans la prise en charge sera le degré de victimisation de la patiente, l’emprisepsychologiqueetsocialedupartenairedébordant largement le cadre de la consultation urologique. Seule une infime minorité d’agressions sexuelles fait l’objet de plaintesauprèsdesservicesdejustice.Selonl’enquêteCSF, 50000et120000femmesavaientsubiunrapportforcédans les12derniersmois[94].Seulement9993plaintespourviol ontétédéposéesen2005,soitenviron10%dunombretotal deviolencessexuellessubies[100].

Comment aider le médecin à en parler ? Expériences partagées de plusieurs spécialités médicales

Expérience d’une femme neurologue et médecin de réadaptation fonctionnelle

L’interrogatoire sur les ASE est loin d’être systématique danslecadredessymptômesurinaires.Cesquestionssont posées en présence d’une urgenturie avec ousans fuite, d’unedysurie,d’infectionsurinaires,dedouleurspelviennes inhabituelles. L’association de plusieurs troubles est très évocatriced’ASE.

LaformulationdesquestionssurlesASEestassezstéréo- typéeetlaplus«neutre»possible.

Après l’interrogatoire ou le bilan urodynamique, une phraseassezgénéraleouvresurcesujet:«Lestroublesque vousavezsontassezcomplexes.Ilaétédécritdanslesasso- ciationsdesymptômesurinairescommelesvôtres,queces troublespourraientêtreliésàdesproblèmesdansl’enfance en particulier des chocs psychologiques ou des agressions sexuelles.Est-cequecelavousconcerne?».

Le(la)patient(e)estensuiteinformé(e)ducompterendu final,quiestdictédevantlui(elle),danslequelestcolligé quelaquestion surlesabussexuelsaétéposéeetquela réponseaétéquecelale(la)concernait,nele(la)concernait pas,nele(la)concernaitpasdirectementmaisquelqu’unde safamille...

Iln’estpasrarequelefaitdesignalerl’écrituredansle compte renduentraîneune deuxièmeréaction, différente delapremière.

(10)

Expérience d’un urologue, spécialisé dans la prise en charge des troubles du bas appareil urinaire, quelle qu’en soit l’étiologie

(neurologique ou non)

L’aborddirectenconsultationdelaproblématiquedesabus sexuelsoudesviolencesentoutgenredel’enfance,intra- conjugale,voiredesharcèlementsprivésouprofessionnels etdeleursconséquences,n’estpaschoseaisée.Cetabord peutsefaire,etc’estl’approchequejepréconise,comme unélémentsystématiquedel’interrogatoired’unsymptôme pelvienoudubasappareilurinaire«atypique».

Lesdifficultésrencontréespourunurologuesontdedeux ordres:

• liées au praticien et à ses propres réticences à parler de ces sujets complexes avec une crainte de réaction inappropriée dupatientetparfois desapropremécon- naissancedusujet;

• liéesaupatientetàsapeurderépondreoud’«avouer» une situation restée le plus souvent cachée au plus profond de son subconscient avec cependant l’intime convictionquecertainsévénementspassésméritentcer- tainementd’enparler.

Comme lalittérature lemontre,ces troubles fonction- nelspérinéauxinduitsparunabus sexuelouuneviolence sont fréquents. S’il ne s’agit pas de résumer la prise en charge de la moindre dysurie à cela, il imported’y pen- ser et de le rechercher dans le cadre d’une prise en chargeglobale.Lapremièreconsultationpeut laissersup- posercettesituationparl’atypiedestroubles évoquésou la personnalité dupatient oude la patiente. Laquestion est alors évoquée en appuyant sur le type de troubles objets de la consultation, leur lien connu dans certaines situationsd’abussexuelsetunrappeldelafréquencehis- toriqueoud’actualité de ces troubles. Ensuggérantainsi au patient cette hypothèse, en lui ouvrant la porte de la discussion ou de questions de simple curiosité, il est possible de conclure avant le prochain rendez-vous pour examenclinique ouexplorationcomplémentaire qu’on en reparlera et qu’en tout cas le(a) patient(e) peut se per- mettred’yrevenirsicelaluisemblaitutiledanssonhistoire personnelle.

L’appel à la discussion avec un autre interlocuteur est également évoqué dans le cadre d’une prise en charge multidisciplinaire. Le courrier au correspondant évoque que la question a été soulevée et qu’il pourra en reparler et reprendre ce sujet sous un autre angle d’attaque.

Il importe dans cette situation de bien expliquer que celanepeutavoir aucunlien avecletroubledujour(IUE typique par exemple chezla femme) mais que cela peut avoirunlienouuneinterférenceaveclessuitesopératoires d’unechirurgieoul’explicationd’un oudes échecsthéra- peutiques.Evoquercesujetparaîtd’autantplusimportant quelepatientestenéchecdetraitementspassésetdudia- gnosticdesontrouble.L’argumentaireestalorsencoreplus aisépourvenirposerlaquestionaprèsquelquescirconvolu- tionsoratoirespermettantdeplacerla scènepourmettre àl’aisesurl’usagedecertainsmotsoudel’expressionde sujetstabouspersonnels, familiaux,professionnels...sans

qu’ils’agissedeviolencesoud’abus,l’aveud’unedifficulté à exprimer sa sexualité (hétérosexualité, homosexualité, bisexualité...)peutêtrel’objetdecesmêmestroubles.

Ilestimportant,enrevanche,pourleclinicien,desavoir saisir au vol la moindre allusion à tous ces sujets dans la conversation.Ainsi, il devient possible de proposer au patientderebondirdessusetd’entrerdanscettequestion grâceaupatientlui-même:

«Vous venez de me parler de votre difficulté à uriner lorsquevousétiezadolescentpendantquelquesmois.Vous souvenez-vous s’il y a eu un évènement particulier dans votrevieà cemoment-là?Etiez-vousdanscertainesdiffi- cultésscolaires,affectives...?».

Si le débat sur l’utilité d’aborder ce sujet est parfois évoqué par certains, compte tenu d’une prise en charge difficileultérieure etdu réveilpossible de souvenirsdou- loureuxbienenterrésparlepatient,ilparaîtévidentquele rôledumédecin,quideplusestspécialiste,estdepouvoir assurerunepriseenchargediagnostiqueglobaledusymp- tômeallégué.L’entourage multidisciplinaire,commedans lapriseenchargedeladouleurchronique,estfondamental etdoitêtrepromu(urologue,MPR,gastroentérologue,psy- chologue,neurologue, sexologue...). Cette offre de soins permettraaupatientdetrouverlecheminquiluiparaîtle plusnaturel.

Iln’y a donc pasune fac¸on unique d’aborder ce sujet mais la stratégie proposée est forte d’une expérience acquise sur 20ans de prise en charge de l’urologie fonc- tionnelle.L’aborderimposedepouvoirconsacrerdutemps en consultation au patient, ce qui peut faire proposer de revenir à un moment plus calme de consultation. De même, le personnel paramédical éventuellement présent enconsultation doit avoir rec¸u une information claire lui permettant de s’éclipser discrètement de la pièce pour mettre le patient à l’aise sans témoins auditifs de cette discussion intime. Enfin, il peut être utile de deman- der au patient s’il souhaite qu’il n’y ait aucune mention écrite des détails qu’il a pu fournir dans son dossier.

Ainsi, il n’est pas engagé par une trace qui pourrait le gêner, même si la prise en charge diagnostique se pour- suit en connaissance de cause et avec complicité entre lui-mêmeetl’ensembledesmédecinsdel’équipemultidis- ciplinaire.

Conclusion

Lesantécédentsd’abussexuels,s’ilsparaissentévidentsà rechercherdevantunedysfonction sexuelleféminine,res- tenttrès souvent«oubliés»enpratique quotidiennedans l’exploration des troubles fonctionnels pelvi-périnéaux.

Mêmes’ilssonttrèsfréquents,ilsnesuffisentpaseneux- mêmes à tout expliquer, le caractère multifactoriel de cesdysfonctions étant bienétabli. Une desdifficultés est d’établir un lien de causalité précis entre l’antécédent d’abussexueletlesymptômepsychosomatique. Ilsemble que les patients ayant développé unSSPT soientles plus exposés à ces symptômes. Diagnostiquer ces antécédents permet d’arrêter l’escalade d’examens complémentaires inutiles et d’orienter le (la) patient(e) vers une prise en chargeplusadéquate,enparticulierpsychologique,au-delà dusimpletraitementsymptomatique.

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CEQU’ILFAUTRETENIR:

• Diagnostiquer des antécédents d’abus sexuels chez les patients est recommandé en pratique urogynécologique et gastroentérologique car ils sont fréquents, ils peuvent rendre les examens difficiles et les traitements proposés inefficaces, si ces derniers ont été centrés uniquement sur le(s) symptôme(s) et non sur la cause principale.

Une priseenchargeplus spécifiquepeutainsiêtre proposée.

• Quandpenseràrechercherdesantécédentsd’abus sexuels?

◦ Devant des symptômes urinaires multiples, notammentl’associationurgenturie/dysurie,

◦ Devantdestroublesano-rectaux,enparticulierun anismeouunsyndromedel’intestinirritable,

◦ Encas dedyspareunie, de syndromedouloureux chroniquepelvi-périnéal,

◦ Lorsquelesexamenscliniquessonttrèsdifficiles, générantunegrandeangoisse,

◦ En cas de normalité du bilan et d’échec des traitementsdepremièreintention;

• Un moment «privilégié» pour que les patients se confientestlebilanurodynamique.

• Retrouver unantécédent d’abus sexuel donneune lumièresurdesélémentsdevulnérabilité,maisson existencen’estpasune«explication»univoqueaux différents symptômes, sauf s’il y a un blocage en mémoirequiaunliendirectaveccetévènement.

• Les abus sexuels sont rarement recherchés en pratiqueclinique,quellequesoitlaspécialité.Une desraisonsinvoquéesestlecaractèrechronophage del’interrogatoire:

En réalité, le temps gagné en examens, consultations et traitements inutiles sera largement supérieur à celui passé au diagnostic de tels antécédents,avec un mode de consultation maîtrisé reposant sur des mots simples, donc facilement reproductible.

Déclaration d’intérêts

Lesauteursdéclarentnepasavoirdeconflitsd’intérêtsen relationaveccetarticle.

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