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Les suivis sociosanitaires des personnes présentant un trouble mental sévère et persistant : expérimentation PASSVers à Versailles

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Academic year: 2022

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L’Information psychiatrique 2019 ; 95 (7) : 509-13

Les suivis sociosanitaires des personnes présentant un trouble mental sévère

et persistant : expérimentation PASSVers à Versailles

Nadine Bazin

Psychiatre, chef du service HU de psychiatrie adulte et d’addictologie à Versailles,

Centre hospitalier de Versailles, 177 rue de Versailles,

Le Chesnay cedex, France

Résumé.En s’appuyant sur le rapport publié par le Centre de preuves de psychia- trie et santé mentale, nous avons mis en place un dispositif de suivi sociosanitaire sur notre secteur de psychiatrie. Ce dispositif a été implémenté au sein du CMP, en accueillant trois travailleurs sociaux qui restent rattachés à leur institution d’origine, sociale ou médicosociale. L’impact de ce dispositif est important à la fois pour les patients, pour les soignants et pour les travailleurs sociaux, favorisant le processus de rétablissement et la déstigmatisation à travers un décloisonnement des insti- tutions et un croisement de regards. Il peut facilement être implémenté dans les secteurs en France, vers une amélioration du parcours de vie des patients souffrant de troubles psychiatriques sévères.

Mots clés :rétablissement, déstigmatisation, parcours de soin, pathologie psy- chiatrique, accompagnement, travail social, établissement social et médicosocial

Abstract. Socio-sanitary follow-ups for patients with severe and per- sistent mental illnesses: The PASSVers experiment in Versailles.Based on a report published by the Centre de preuves de Psychiatrie et Santé Mentale (Center for Evidence in Psychiatry and Mental Health), we set up a socio-sanitary follow-up system in our psychiatry sector. This has been implemented within the CMP, invol- ving three social workers who remain attached to their home institution, which is either social or medical-social. This system has had a major impact on patients, caregivers, and social workers, encouraging recovery and destigmatization by decompartmentalizing institutions and enabling the exchange of viewpoints. It can easily be implemented throughout France, improving the life course of patients with severe psychiatric disorders.

Key words:recovery, destigmatization, care pathway, psychiatric pathology, sup- port, social work, social and medical-social establishment

Resumen.Los seguimientos sociosanitarios de las personas con trastorno mental severo y persistente: experimentación PASSVers en Versalles.Con el apoyo del informe publicado por el Centro de Prueba de Psiquiatría y Salud Mental, hemos puesto en marcha un dispositivo de seguimiento sociosanitario en nuestro sector de psiquiatría. Este dispositivo fue implementado dentro del CMP al acoger a tres trabajadores sociales que siguen vinculados con su institución de ori- gen, social o sociomédica. El impacto de este dispositivo es importante a la vez para los pacientes, para los cuidadores y para los trabajadores sociales favoreciéndose así el restablecimiento y la desestigmatización mediante una descompartimenta- ción de las instituciones y un cruce de miradas. Puede fácilmente ser implementado en los sectores en Francia hacia una mejora del recorrido de vida de los pacientes con trastornos psiquiátricos severos.

Palabras claves: restablecimiento, desestigmatización, recorrido de atención, patología psiquiátrica, acompa ˜namiento, trabajo social, establecimiento social y médico social

Le rapport publié par le Centre de preuves de psy- chiatrie et santé mentale (CDPPSM) en 2015 sous le titre Données de preuves en vue d’améliorer le par- cours de soins et de vie des personnes présentant un handicap psychique sous tendu par un trouble schizo- phréniquemontre, avec un fort niveau de preuves issues

de la littérature internationale, que les patients présen- tant des troubles mentaux sévères et persistants (TMSP) bénéficient largement des suivis sociosanitaires à type d’interventions précoces, coordonnées, qui associent un soutien, des prestations sociales et des soins, toujours orientées rétablissement. Par ailleurs, ce rapport met en avant qu’en France, les interventions sociales, médico- sociales et sanitaires sont trop tardives, et que les actions de prévention du handicap psychique ne sont pas assez

doi:10.1684/ipe.2019.1989

Correspondence : N. Bazin

<nbazin@ch-versailles.fr>

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développées [1]. En complément de cet état des lieux, le Centre de preuves fait des préconisations avec des pro- positions concrètes à mettre en place sur les secteurs, visant à l’amélioration de l’offre en France concernant les suivis sociosanitaires.

Notre projet s’appuie très largement sur ce rapport du Centre de preuves.

Les suivis « sociosanitaires » dans le monde

Le suivi sociosanitaire (ou soin communautaire) est un modèle prôné par l’OMS depuis 1995, avec un très haut niveau de preuves [2]. Il repose sur trois principes communs fondamentaux : lecase managementintégré au suivi du patient et assuré le plus souvent de fac¸on col- lective, la multidisciplinarité (coresponsabilité sanitaire et sociale) et le suivi ambulatoire (proche du lieu de vie du patient).

Plusieurs programmes sont issus de ces principes fondateurs. Schématiquement on retrouve :

–le programme PACT (Program of Assertive Commu- nity Treatment) qui est né aux USA, à la fin des années 1960. À cette époque, faisant le constat que les patients rechutaient rapidement à la sortie de l’hospitalisation, les équipes ont décidé de déplacer des moyens de l’hospitalisation vers la communauté et ainsi mis en place des suivis ambulatoires [3] ;

–le programme FACT (Flexive Assertive Community Treatment) mis en place au Pays-Bas en 2007, est devenu là-bas programme prioritaire en 2015 avant d’être dif- fusé en Angleterre, Belgique, Canada, Norvège, Suède [4, 5, 6]. Dans ce modèle, la priorité est mise sur la conti- nuité du suivi par la même équipe, quel que soit l’état clinique du patient (et donc même dans les moments de stabilité et pas seulement les moments de crise) : l’accompagnement s’adapte aux besoins du moment (d’où le terme de flexibilité) ;

–le programme RACT (Ressource-group Assertive Community Treatment) est né en 2012 en Suède [7]. Ce modèle met l’accent sur le rétablissement et l’empowerment : la personne et son entourage font partie intégrante de l’équipe (d’où le terme de groupe ressource).

Le projet PASSVers (Parcours d’accompagnement sociosanitaire

Vers . . . le rétablissement ou Parcours

d’accompagnement sociosanitaire de Versailles)

Ce projet est né à la suite de la publication du rapport du Centre de preuves fin 2015 et a muri au sein du Conseil local en santé mentale (CLSM) des villes de Versailles et du Chesnay.

Il s’est basé sur les préconisations de ce rapport et en particulier sur 3 points :

1. la continuité du suivi social, dès le début des troubles et tout au long du suivi, afin d’accompagner le patient vers la citoyenneté ;

2. la continuité des soins, centrés sur l’ambulatoire, s’ajustant aux besoins de la personne c’est-à-dire pou- vant aller des soins intensifs aux soins de réhabilitation et surtout, des soins qui sont mis au service de la réali- sation du projet de vie de la personne soignée.

3. le case management assuré par une équipe sociosanitaire « de proximité » dans une logique de contractualisation avec la personne (empowerment), avec la mise en place pour chaque personne accompa- gnée, d’une équipe resserrée comprenant la personne accompagnée, ses proches, une infirmière et un tra- vailleur social.

En pratique, nous avons accueilli, au sein du centre médicopsychologique (CMP) de notre secteur à Versailles, trois travailleurs sociaux de proximité, complémentaires dans leurs compétences et leurs réseaux : un du centre communal d’action sociale (CCAS) de la ville de Versailles pour sa proximité géographique, un du Conseil départemental (CD) pour sa légitimité sur le handicap et l’autonomie, et un de l’Œuvre Falret (OF), une association médicosociale largement implémentée sur le département, pour sa connaissance du médicoso- cial.

Nous avons fait le choix que ces trois travailleurs sociaux gardent leur lien fonctionnel avec leur institu- tion de rattachement et qu’ils soient détachés de leur institution sur le CMP. Ce point nous est apparu très important dans notre projet : il signifie que des institu- tions extérieures aux soins, sociales et médicosociales, interviennent avec des soignants dans un univers sani- taire. Il permet à ces institutions, d’aller vers les patients fragiles suivis au CMP (qui n’accèdent que très peu aux dispositifs de droit commun qu’elles proposent) en sachant que l’objectif ici n’est pas que l’institution fasse l’accompagnement au CMP, mais que par l’intermédiaire des travailleurs sociaux, le patient puisse avoir accès à ces institutions, d’abord au CMP puis en ville où elles sont implantées.

Exemple : MlleC, âgée de 33 ans, qui ne parvient pas à refaire sa carte d’identité depuis des années (elle est périmée depuis 20 ans), va pouvoir rencontrer au CMP un travailleur social du CCAS qui connaît la collègue à la mairie qui fait les cartes d’identité, et accompagner la patiente la faire. Le travailleur social de PASSVers ne fait pas la démarche mais accompagne la patiente pour qu’elle la fasse à la mairie comme tout citoyen.

Notre volonté a été d’implémenter cet accompagne- ment sociosanitaire dans une équipe de secteur, au sein d’un CMP, sans créer une nouvelle équipe, dans l’objectif de mieux accompagner les patients suivis au CMP dans leur processus de rétablissement, mais aussi de modi- fier les pratiques professionnelles des soignants du CMP.

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En effet, malgré une culture au CMP très centrée sur la réhabilitation depuis de nombreuses années, nous res- tions avant l’implémentation de PASSVers, une structure très centrée sur les soins et de fait, peu inscrite dans le processus de rétablissement. PASSVers nous a permis d’adopter rapidement une nouvelle posture soignante, plus tournée vers le rétablissement, avec en particulier l’idée que les soins doivent être au service de la réalisa- tion du projet de vie du patient.

Il nous a semblé important de disposer par ailleurs et avant la mise en place de cette expérimentation, au sein de notre secteur, d’une qualité des soins et une diversité de moyens thérapeutiques considérés comme des pré- requis sanitaires indispensables, avec notamment une palette de soins de réhabilitation (remédiation cognitive, EHS, ET. . .), mais aussi une attention particulière à la prescription des psychotropes, une certaine pratique des suivis de crise et une habitude de travail avec les familles.

PASSVers en pratique

Pour des raisons de faisabilité et à des fins d’évaluation du dispositif, nous avons limité les possibi- lités d’accès au suivi PASSVers aux patients atteints de schizophrénie suivis au CMP. Nous avons donc proposé cet accompagnement sociosanitaire systématiquement et progressivement sur un an suivant un ordre aléatoire, à tous les patients atteints de schizophrénie suivis au CMP, quel que soit leur état de santé et quel que soit le stade de la maladie.

Nous avons mis en place pour chaque patient accep- tant ce suivi, une « équipe resserrée »comprenant la personne accompagnée, ses proches s’il le souhaite, une infirmière du CMP et un des trois travailleurs sociaux.

Cette notion d’«équipe resserrée»est centrale dans notre dispositif et essentielle pour son fonctionnement.

En effet,

–elle remet le patient au centre du projet et favorise l’empowerment: il est entouré d’une équipe qui est là pour l’accompagner dans son processus de rétablisse- ment ;

–elle favorise le travail avec les proches, partenaires indispensables dans la prise en charge du patient mais aussi dans la construction de projet de vie : quels que soient les obstacles, les difficultés familiales rencon- trées, elles sont prises en compte et si possible utilisées comme moteur ;

–elle permet un double regard travailleur social/infirmier à la fois pour l’évaluation, la cons- truction du projet, et sa mise en place. Ce binôme permet au patient de s’adresser soit au professionnel du soin, soit au professionnel du social en fonction de sa problématique, et dans tous les cas aux deux car l’un consolide l’autre : nous construisons ensemble un projet social mais sans ignorer ou laisser de côté la

maladie, nous soignons la maladie mais pour construire un projet de vie, et s’insérer dans la société.

Exemple : Mr A, âgé de 62 ans, est suivi au CMP depuis quelques années. Il est stable, compliant, et ne pose pas de difficulté à l’équipe soignante à part une tristesse et un pessimisme résistant. Lorsque nous lui proposons PASSVers, il accepte avec réticence : «pour voir si on peut changer quelque chose à ma vie» mais«je n’ai rien fait de ma vie», ni sur le plan affectif«tout ce que je n’ai pas pu dire à mon père», ni sur le plan professionnel

«tout ce que je n’ai pas fait».

L’évaluation permet de découvrir un homme plein de ressources, passionné d’histoire qui souhaite écrire un livre. . .mais qui rumine sur sa vie« ratée». Lors des entretiens en binôme, monsieur accepte deux proposi- tions : celle du travailleur social qui est de retracer sa vie professionnelle visuellement, comme on fait en his- toire, sous la forme d’une frise chronologique (qui va faire apparaître une vie professionnelle riche) et celle de l’infirmière qui est d’écrire une lettre à son père («c’est écrit et c’est presque comme si c’était dit»). . .Progres- sivement Mr A s’ouvre à nouveau, arrête de ruminer sur sa vie passée et se décide à écrire son livre. . .

Nous avons essayé de structurer le travail de l’équipe resserrée en plusieurs étapes. La première étape est celle de l’élaboration d’un projet de vie. Cette étape est essen- tielle mais difficile pour les personnes accompagnées, surtout celles qui sont depuis longtemps installées dans une vie ritualisée et dans la crainte du changement. C’est pourquoi cette étape peut être très rapide (par exemple cette patiente qui a pour souhait de refaire sa carte d’identité) soit beaucoup plus longue avec nécessité d’utiliser des outils permettant d’ouvrir les horizons des possibles (type Eladeb [Échelles lausannoises d’auto- évaluation des difficultés et des besoins] qui identifie les besoins, et surtout Aeres [auto-évaluation des res- sources] qui identifie les ressources) mais aussi des outils évaluant précisément les freins et les leviers de changement : évaluation cognitive (Échelle d’évaluation des processus du handicap psychique, EPHP, remplie par la famille), de stigmatisation internalisée (Internalized Stigma of Mental Illness, ISMI), échelle de qualité de vie (Schizophrenia Quality of Life Questionnaire Short Form, S-QoL) et de rétablissement (Recovery Assess- ment Scale, RAS).

Pour chaque patient, les outils utilisés permettent au- delà de l’ouverture et de l’évaluation, la mobilisation du patient et/ou de sa famille, favorisent la relation et la cohésion de l’équipe resserrée.

Au terme de cette étape de construction du projet, un

«entretien d’engagement»est organisé avec l’équipe resserrée afin d’acter ensemble le projet et surtout de préciser«qui s’engage à quoi faire»: chaque membre de l’équipe resserrée s’engage (et pas seulement le patient).

Exemple : Le projet de Mr T âgé de 25 ans, est d’avoir son appartement autonome. Lors de l’entretien d’engagement de l’équipe resserrée, la mère s’engage

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à lui apprendre à faire les courses et tenir son bud- get, l’infirmière s’engage à travailler avec lui sur « la relation»et en particulier sur sa capacité à développer des stratégies d’adaptation par rapport à ses difficul- tés d’attribution des intentions à autrui, et le travailleur social s’engage à l’accompagner dans ces démarches auprès de la mairie pour obtenir un logement social. Et le patient s’engage à être actif, à profiter au mieux de ces aides proposées.

La troisième étape consiste à accompagner le projet.

Cette structuration du travail en trois étapes est évi- demment assez artificielle en ce sens qu’elles ne sont pas obligatoires successivement : parfois un projet simple et concret se dessine très vite et l’accompagnement débute très rapidement, quitte à revenir plus tard à une période d’évaluation pour construire un autre projet, ou avan- cer différemment si des difficultés se présentent. Parfois la construction du projet prend plusieurs mois. La sou- plesse de l’équipe et l’adaptation à la personne sont évidemment toujours privilégiées, et la continuité du suivi est assurée quel que soit l’état clinique du patient et/ou sa situation.

Exemple : Mr J, âgé de 20 ans est suivi au CMP depuis un an. Il a pour projet de faire une formation professionnelle et PASSVers l’accompagne vers la mis- sion locale qu’il connaît bien mais où il ne veut plus retourner car « on lui parle mal ». Malheureusement, lors d’un contrôle de police inopiné, la justice découvre qu’il ne respecte pas un contrôle judiciaire et son sursis tombe : il se retrouve incarcéré pour une durée de 2 ans.

Nous décidons de poursuivre l’accompagnement PASS- Vers en détention et de travailler en lien avec leservice pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) vers un aménagement de peine. Rassuré par notre accompagne- ment à la fois sanitaire et social, le juge accepte une mise en semi-liberté et Mr J peut ainsi assurer sa formation.

Bilan après un an de la mise en place du dispositif

Nous accompagnons avec PASSVers à ce jour 63 per- sonnes dont 12«jeunes», dont l’entrée dans la maladie remonte à moins de 5 ans.

Nous avons identifié deux grands profils d’accompagnement qui sont ici schématiquement séparés mais qui, en fait, sont souvent intriqués pour un même patient : ils peuvent être menés simultanément ou successivement

1. Accompagner vers les dispositifs de droits communs (vers le service social du travail ou de la fac, vers la mission locale, CAP emploi, CCAS,

MDPH. . .) ou vers des dispositifs médicosociaux (foyer

d’hébergement, SAVS. . .) pour les patients qui n’y avaient pas accès ou pour ceux dont ce suivi a été inter- rompu ou reste difficile.

2. Travailler sur un projet de vie, c’est-à-dire aider le patient à imaginer (et réaliser) des nouveaux projets de vie, et surtout, mettre du lien entre projet de vie et projet

de soin : mieux identifier les soins nécessaires pour réali- ser plus facilement son projet de vie, et en même temps, donner un sens aux soins pour favoriser l’engagement dans les soins.

Exemple : Mr T est un patient âgé de 28 ans pour lequel le suivi au CMP est difficile depuis plusieurs années : il arrête fréquemment son traitement psy- chotrope et est régulièrement réhospitalisé, en rechute sévère. L’engagement dans les soins n’est pas acquis : il ne voit aucune bonne raison de se soigner.

L’accompagnement sociosanitaire est proposé au patient lors d’une hospitalisation. Il accepte puisqu’on lui propose de l’aider sur la seule chose qui compte à ses yeux : trouver un emploi. Dès sa sortie il accepte les entretiens en binôme infirmier et travailleur social mais « ne veut parler que du travail ». Rapidement, le travailleur social propose d’aller avec lui sur le site de Pôle Emploi et l’aide ainsi à «débloquer » sa situation administrative et assez rapidement, à obtenir l’intégration dans un dispositif d’accompagnement vers l’emploi. Mais lors de ces entretiens et à l’occasion de ce travail sur le site de Pôle Emploi, l’infirmière a remarqué des attitudes d’écoute et le patient a pu lui faire part d’hallucinations résiduelles (dont il n’avait aucunement parlé à ses médecins) et convenir qu’elles étaient gênantes pour remplir les formulaires demandés par Pole Emploi. . .Il accepte d’en parler«en groupe autour d’un jeu de cartes » et s’inscrit au groupe Michaël’s Game à l’hôpital de jour. La participation à ce groupe prend sens pour lui puisque«c’est pour pouvoir trouver un emploi»mais permet un début de prise en charge spécifique indispensable au traitement optimum de sa maladie.

Tous les patients qui ont accepté cet accompagne- ment ont pu en bénéficier, à des degrés bien sûr très variables en fonction des personnes. D’après les pre- miers résultats de notre étude, le profil des patients qui ont refusé d’être inclus dans le dispositif PASSVers, nous disant «ne pas en avoir besoin»,«ne rien vou- loir changer dans leur vie»,«préférer se débrouiller tout seul»sont des patients en moyenne plus âgés (53,6vs 38,8 ans1), moins symptomatiques (PANSS 59vs751), mais qui ont le même handicap (même pourcentage d’AAH et de RQTH). Ces patients qui ont refusé sont réin- terrogés régulièrement par l’équipe et certains intègrent le dispositif plus tardivement, après réflexion.

Les atouts du dispositif

•Pour les patients suivis au CMP, PASSVers permet d’assurer un suivi social :

–précoce : dès le début de la maladie si possible pour maintenir les acquis sociaux (amis, travail, logement, autonomie. . .) plutôt que de les perdre ;

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–pour des patients fragiles, volontiers symptoma- tiques, avec des familles complexes, en souffrance, qui ont peu accès aux dispositifs de droits commun ;

–intense par une grande disponibilité du binôme pour des rendez-vous rapprochés si nécessaires, à des moments clés de la vie des patients (recherche d’emploi, début d’un nouveau travail, déménagement, rechute, réhospitalisation...).

• Pour les professionnels soignants du CMP, PASS- Vers a permis un changement de posture : les soignants ne s’adressent plus seulement au patient mais aussi à la personne, accompagne le projet de soin mais aussi et parallèlement, le projet de vie, l’un au service de l’autre. Les patients du CMP ont perc¸u ce change- ment de posture en disant « on ne m’a jamais parlé comme cela au CMP, comme à une personne»ou «je me mets à pouvoir imaginer ma vie en dehors de la maladie». . .

• Par ailleurs, les professionnels du milieu social venus travailler au CMP ont changé leur regard par rap- port à la maladie mentale, découvert que ces patients étaient«tous différents», avec«des capacités cachées» et«des difficultés cachées». . .Comparant leur exercice de travailleur social dans leur institution (CCAS ou CD), où ils voyaient bien que la personne demandeuse d’aide n’allait pas bien sur le plan psychiatrique, avait tendance soit à ne rien faire pour elle et la renvoyer vers les soins, soit faire comme si tout allait bien et ne pas arriver à avancer. . .D’où ce sentiment de travailler grâce à PASS- Vers, avec une plus grande liberté et une plus grande sécurité, liées au fait que les deux aspects (social et soin) sont pris en considération, discutés et traités conjointe- ment.

En conclusion cette expérimentation s’est révélée très riche et très intéressante pour tous, patients, soignants et travailleurs sociaux. Il nous semble que ce type de dispositif d’accompagnements sociosanitaires est répli- cable dans d’autres secteurs psychiatriques en France, à condition que l’on retienne les éléments clés de ce dispositif qui en font à la fois sa spécificité (en complé- mentarité avec les dispositifs existant) et son efficacité, qui sont au nombre de quatre :

–un dispositif construit au sein d’un CMP, au service des patients sévères et dès le début de la maladie ;

–la notion d’équipe resserrée autour du patient avec ses proches, d’une infirmière et d’un travailleur social ;

–le binôme travailleur social/infirmière qui permet ce double regard indispensable ;

–des travailleurs sociaux qui restent rattachés à leur institution d’origine.

L’implémentation de ce type de pratiques et d’organisation au sein des équipes de secteur doit pouvoir permettre une amélioration notable des par- cours des patients atteints de trouble mental sévère et persistant, par une amélioration de leur état de santé mais aussi une facilitation de leur processus de rétablissement.

Liens d’intérêt les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.

Références

1.Hardy Bayle MC. Données de preuves en vue d’améliorer le par- cours de soins et de vie des personnes présentant un handicap psychique sous tendu par un trouble schizophrénique. Rapport du Centre de preuves de Psychiatrie et Santé Mentale (CDPPSM). Sept 2015.

www.cdppsm.fr/rapport.

2.Santos AB, Henggeler SW, Burns BJ, Arana GW, Meisler N. Research on field-based services: models for reform in the delivery of mental health care to populations with complex clinical problems. Am J Psy- chiatry1995 ; 152 : 1111-23.

3.Scott JE, Dixon LB. Assertive Community Treatment and case mana- gement for schizophrenia. Schizophr Bull1995 ; 21 : 657-68.

4.Van Verdhuizen R, Delespaul P, Kroon H, Mulder N. Flexible ACT et Ressource-group. ACT : different working procedures which can supple- ment and strengthen each other. Clinical Pract Epidemiol Ment Health 2015 ; 27 : 12-5.

5.Nugter MA, Engelsbel F, Bahler M, Keet R, Van Veldhuizen R. Outcome of flexible Assertive Community Treatment (FACT) implementation: a prospective real life study. Community Ment Health2015 ; 52 : 898-907.

6.Firn M, White SJ, Hubbeling D, Jones B. The replacement of asser- tive outreach services by reinforcing local community teams: a four-year observational study. J Ment Health2016 ; 5 : 1-6.

7.Norden T, Malm U, Norlander T. Resource Group Assertive com- munity Treatment (RACT) as a tool of empowerment for clients with severe mental illness: a meta-analysis. Clin Pract Epidemiol Ment Health 2012 ; 8 : 144-51.

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