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Anorexie mentale, grossesse et post-partum Évaluation des perceptions corporelles sur leur propre corps et sur le corps de leur enfant chez les jeunes mères atteintes d'anorexie mentale

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Academic year: 2021

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(1)

UNIVERSITÉ CLERMONT AUVERGNE

UFR DE MÉDECINE ET DES PROFESSIONS PARAMÉDICALES

THÈSE D’EXERCICE pour le

DIPLÔME D’ÉTAT DE DOCTEUR EN MÉDECINE par

CROUZET – TOULEMONDE Alix

Présentée et soutenue publiquement le 4 Décembre 2020

ANOREXIE MENTALE, GROSSESSE ET POST-PARTUM EVALUATION DES PERCEPTIONS CORPORELLES

SUR LEUR PROPRE CORPS ET SUR LE CORPS DE LEUR ENFANT CHEZ LES JEUNES MERES ATTEINTES D’ANOREXIE MENTALE

Directeur de thèse :

Madame VILLEMEYRE PLANE Michèle, Docteur, CHU Clermont-Ferrand (Psychiatrie B)

Président du jury :

Monsieur LLORCA Pierre-Michel, Professeur, UFR de Médecine et des Professions paramédicales de Clermont-Ferrand

Membres du jury :

Monsieur BOIRIE Yves, Professeur, UFR de Médecine et des Professions paramédicales de Clermont-Ferrand

Monsieur GALLOT Denis, Professeur, UFR de Médecine et des Professions paramédicales de Clermont-Ferrand

(2)
(3)

UNIVERSITÉ CLERMONT AUVERGNE

UFR DE MÉDECINE ET DES PROFESSIONS PARAMÉDICALES

THÈSE D’EXERCICE pour le

DIPLÔME D’ÉTAT DE DOCTEUR EN MÉDECINE par

CROUZET – TOULEMONDE Alix

Présentée et soutenue publiquement le 4 Décembre 2020

ANOREXIE MENTALE, GROSSESSE ET POST-PARTUM EVALUATION DES PERCEPTIONS CORPORELLES

SUR LEUR PROPRE CORPS ET SUR LE CORPS DE LEUR ENFANT CHEZ LES JEUNES MERES ATTEINTES D’ANOREXIE MENTALE

Directeur de thèse :

Madame VILLEMEYRE PLANE Michèle, Docteur, CHU Clermont-Ferrand (Psychiatrie B)

Président du jury :

Monsieur LLORCA Pierre-Michel, Professeur, UFR de Médecine et des Professions paramédicales de Clermont-Ferrand

Membres du jury :

Monsieur BOIRIE Yves, Professeur, UFR de Médecine et des Professions paramédicales de Clermont-Ferrand

Monsieur GALLOT Denis, Professeur, UFR de Médecine et des Professions paramédicales de Clermont-Ferrand

(4)

UNIVERSITE CLERMONT AUVERGNE

___________________

PRESIDENTS HONORAIRES UNIVERSITE D’AUVERGNE : JOYON Louis : DOLY Michel : TURPIN Dominique : VEYRE Annie : DULBECCO Philippe : ESCHALIER Alain PRESIDENTS HONORAIRES

UNIVERSITE BLAISE PASCAL

: CABANES Pierre : FONTAINE Jacques : BOUTIN Christian : MONTEIL Jean-Marc : ODOUARD Albert : LAVIGNOTTE Nadine PRESIDENT DE L'UNIVERSITE et

PRESIDENT DU CONSEIL ACADEMIQUE PLENIER PRESIDENT DU CONSEIL ACADEMIQUE RESTREINT VICE-PRESIDENT DU CONSEIL D'ADMINISTRATION VICE-PRESIDENT DE LA COMMISSION DE LA RECHERCHE : BERNARD Mathias : DEQUIEDT Vianney : WILLIAMS Benjamin : HENRARD Pierre VICE PRESIDENTE DE LA COMMISSION DE LA

FORMATION ET DE LA VIE

UNIVERSITAIRE DIRECTEUR GENERAL DES SERVICES

: PEYRARD Françoise : PAQUIS François



UFR DE MEDECINE

ET DES PROFESSIONS PARAMEDICALES

DOYENS HONORAIRES : DETEIX Patrice

: CHAZAL Jean DOYEN

RESPONSABLE ADMINISTRATIVE

: CLAVELOU Pierre : ROBERT Gaëlle

(5)

LISTE DU PERSONNEL ENSEIGNANT

PROFESSEURS HONORAIRES :

MM. BACIN Franck - BEGUE René-Jean - BOUCHER Daniel - BOURGES Michel - BUSSIERE Jean-Louis - CANO Noël - CASSAGNES Jean - CATILINA Pierre - CHABANNES Jacques – CHAZAL Jean - CHIPPONI Jacques - CHOLLET Philippe - COUDERT Jean - DASTUGUE Bernard - DAUPLAT Jacques – DECHELOTTE Pierre - DEMEOCQ François –

DE RIBEROLLES Charles - ESCANDE Georges -Mme FONCK Yvette - MM. GENTOU Claude - GLANDDIER Gérard - Mme GLANDDIER Phyllis – M. JACQUETIN Bernard – Mme LAVARENNE Jeanine - MM. LAVERAN Henri - LESOURD Bruno - LEVAI Jean-Paul - MAGE Gérard - MALPUECH Georges - MARCHEIX Jean-Claude - MICHEL Jean-Luc - MOLINA Claude - MONDIE Jean-Michel - PERI Georges - PETIT Georges - PHILIPPE Pierre - PLAGNE Robert - PLANCHE Roger - PONSONNAILLE Jean - REY Michel - Mme RIGAL Danièle - MM. ROZAN Raymond - SCHOEFFLER Pierre - SIROT Jacques - SOUTEYRAND Pierre - TANGUY Alain - TERVER Sylvain - THIEBLOT Philippe - TOURNILHAC Michel - VANNEUVILLE Guy - VIALLET Jean-François - Mle VEYRE Annie

PROFESSEURS EMERITES :

MM. - BEYTOUT Jean - BOITEUX Jean-Paul - BOMMELAER Gilles - CHAMOUX Alain - DETEIX Patrice – DUBRAY Claude - ESCHALIER Alain - IRTHUM Bernard - KEMENY Louis – LABBE André - Mme LAFEUILLE Hélène – MM. LEMERY Didier - LUSSON Jean-René - RIBAL Jean-Pierre

PROFESSEURS DES UNIVERSITES-PRATICIENS HOSPITALIERS

PROFESSEURS DE CLASSE EXCEPTIONNELLE

M. VAGO Philippe Histologie-Embryologie Cytogénétique M. AUMAITRE Olivier Médecine Interne

M. LABBE André Pédiatrie

M. AVAN Paul Biophysique et Traitement de l'Image

M. DURIF Franck Neurologie

M. BOIRE Jean-Yves Biostatistiques, Informatique Médicale et Technologies de Communication M. BOYER Louis Radiologie et Imagerie Médicale

option Clinique

M. POULY Jean-Luc Gynécologie et Obstétrique M. CANIS Michel Gynécologie-Obstétrique

Mme PENAULT-LLORCA Frédérique Anatomie et Cytologie Pathologiques M. BAZIN Jean-Etienne Anesthésiologie et Réanimation

Chirurgicale

M. BIGNON Yves Jean Cancérologie option Biologique

M. BOIRIE Yves Nutrition Humaine

M. CLAVELOU Pierre Neurologie

(6)

M. GILAIN Laurent O.R.L.

M. LEMAIRE Jean-Jacques Neurochirurgie

M. CAMILLERI Lionel Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire M. DAPOIGNY Michel Gastro-Entérologie

M. LLORCA Pierre-Michel Psychiatrie d’Adultes

M. PEZET Denis Chirurgie Digestive

M. SOUWEINE Bertrand Réanimation Médicale

M. BOISGARD Stéphane Chirurgie Orthopédique et Traumatologie

Mme DUCLOS Martine Physiologie

M. SCHMIDT Jeannot Thérapeutique

M. BERGER Marc Hématologie

M. GARCIER Jean-Marc Anatomie-Radiologie et Imagerie Médicale M. ROSSET Eugénio Chirurgie Vasculaire

M. SOUBRIER Martin Rhumatologie

PROFESSEURS DE 1ère CLASSE

M. CAILLAUD Denis Pneumo-phtisiologie

M. VERRELLE Pierre Radiothérapie option Clinique M. CITRON Bernard Cardiologie et Maladies Vasculaires M. D’INCAN Michel Dermatologie -Vénéréologie Mme JALENQUES Isabelle Psychiatrie d'Adultes Mle BARTHELEMY Isabelle Chirurgie Maxillo-Faciale

M. GERBAUD Laurent Epidémiologie, Economie de la Santé et Prévention

M. TAUVERON Igor Endocrinologie et Maladies Métaboliques

M. MOM Thierry Oto-Rhino-Laryngologie

M. RICHARD Ruddy Physiologie

M. RUIVARD Marc Médecine Interne

M. SAPIN Vincent Biochimie et Biologie Moléculaire M. BAY Jacques-Olivier Cancérologie

M. COUDEYRE Emmanuel Médecine Physique et de Réadaptation Mme GODFRAIND Catherine Anatomie et Cytologie Pathologiques

M. ABERGEL Armando Hépatologie

M. LAURICHESSE Henri Maladies Infectieuses et Tropicales M. TOURNILHAC Olivier Hématologie

M. CHIAMBARETTA Frédéric Ophtalmologie

M. FILAIRE Marc Anatomie – Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire

M. GALLOT Denis Gynécologie-Obstétrique

M. GUY Laurent Urologie

M. TRAORE Ousmane Hygiène Hospitalière

M. ANDRE Marc Médecine Interne

M. BONNET Richard Bactériologie, Virologie

M. CACHIN Florent Biophysique et Médecine Nucléaire

M. COSTES Frédéric Physiologie

M. FUTIER Emmanuel Anesthésiologie-Réanimation Mme HENG Anne-Elisabeth Néphrologie

M. MOTREFF Pascal Cardiologie

Mme PICKERING Gisèle Pharmacologie Clinique M. RABISCHONG Benoît Gynécologie Obstétrique

(7)

PROFESSEURS DE 2ème CLASSE

Mme CREVEAUX Isabelle Biochimie et Biologie Moléculaire

M. FAICT Thierry Médecine Légale et Droit de la Santé

Mme KANOLD LASTAWIECKA Justyna Pédiatrie

M. TCHIRKOV Andréï Cytologie et Histologie

M. CORNELIS François Génétique

M. DESCAMPS Stéphane

Chirurgie Orthopédique et Traumatologique

M. POMEL Christophe Cancérologie – Chirurgie Générale

M. CANAVESE Fédérico Chirurgie Infantile

M. LESENS Olivier Maladies Infectieuses et Tropicales

M. AUTHIER Nicolas Pharmacologie Médicale

M. BROUSSE Georges Psychiatrie Adultes/Addictologie

M. BUC Emmanuel Chirurgie Digestive

M. CHABROT Pascal Radiologie et Imagerie Médicale

M. LAUTRETTE Alexandre Néphrologie Réanimation Médicale M. AZARNOUSH Kasra

Chirurgie Thoracique et Cardiovasculaire Mme BRUGNON Florence

Biologie et Médecine du Développement et de la Reproduction

Mme HENQUELL Cécile Bactériologie Virologie

M. ESCHALIER Romain Cardiologie

M. MERLIN Etienne Pédiatrie

Mme TOURNADRE Anne Rhumatologie

M. DURANDO Xavier Cancérologie

M. DUTHEIL Frédéric Médecine et Santé au Travail

Mme FANTINI Maria Livia Neurologie

M. SAKKA Laurent Anatomie – Neurochirurgie

M. BOURDEL Nicolas Gynécologie-Obstétrique

M. GUIEZE Romain Hématologie

M. POINCLOUX Laurent Gastroentérologie

M. SOUTEYRAND Géraud Cardiologie

M. EVRARD Bertrand Immunologie

M. POIRIER Philippe Parasitologie et Mycologie

PROFESSEURS DES UNIVERSITES

M. CLEMENT Gilles Médecine Générale

Mme MALPUECH-BRUGERE Corinne Nutrition Humaine M. VORILHON Philippe Médecine Générale

(8)

PROFESSEURS ASSOCIES DES UNIVERSITES

Mme BOTTET-MAULOUBIER Anne Médecine Générale

M. CAMBON Benoît Médecine Générale

(9)

9

MAITRES DE CONFERENCES DES UNIVERSITES -

PRATICIENS HOSPITALIERS

MAITRES DE CONFERENCES HORS CLASSE

Mme CHAMBON Martine Bactériologie Virologie Mme BOUTELOUP Corinne Nutrition

MAITRES DE CONFERENCES DE 1ère CLASSE

M. MORVAN Daniel Biophysique et Traitement de l’Image Mle GOUMY Carole Cytologie et Histologie, Cytogénétique Mme FOGLI Anne Biochimie Biologie Moléculaire Mle GOUAS Laetitia Cytologie et Histologie, Cytogénétique M. MARCEAU Geoffroy Biochimie Biologie Moléculaire Mme MINET-QUINARD Régine Biochimie Biologie Moléculaire

M. ROBIN Frédéric Bactériologie

Mle VERONESE Lauren Cytologie et Histologie, Cytogénétique

M. DELMAS Julien Bactériologie

Mle MIRAND Audrey Bactériologie Virologie

M. OUCHCHANE Lemlih Biostatistiques, Informatique Médicale et Technologies de Communication M. LIBERT Frédéric Pharmacologie Médicale

Mle COSTE Karen Pédiatrie

Mle AUMERAN Claire Hygiène Hospitalière

Mme CASSAGNES Lucie Radiologie et Imagerie Médicale M. LEBRETON Aurélien Hématologie

M. BUISSON Anthony Gastroentérologie

MAITRES DE CONFERENCES DE 2ème CLASSE

Mme PONS Hanaë Biologie et Médecine du Développement et de la Reproduction

M. JABAUDON-GANDET Matthieu Anesthésiologie – Réanimation Chirurgicale M. BOUVIER Damien Biochimie et Biologie Moléculaire

M. COLL Guillaume Neurochirurgie

Mme SARRET Catherine Pédiatrie

M. MAQDASY Salwan Endocrinologie, Diabète et Maladies Métaboliques

(10)

MAITRES DE CONFERENCES DES UNIVERSITES

Mme VAURS-BARRIERE Catherine Biochimie Biologie Moléculaire M. BAILLY Jean-Luc Bactériologie Virologie

Mle AUBEL Corinne Oncologie Moléculaire

M. BLANCHON Loïc Biochimie Biologie Moléculaire Mle GUILLET Christelle Nutrition Humaine

M. BIDET Yannick Oncogénétique

M. MARCHAND Fabien Pharmacologie Médicale M. DALMASSO Guillaume Bactériologie

M. SOLER Cédric Biochimie Biologie Moléculaire M. GIRAUDET Fabrice Biophysique et Traitement de l’Image Mme VAILLANT-ROUSSEL Hélène Médecine Générale

Mme LAPORTE Catherine Médecine Générale

M. LOLIGNIER Stéphane Neurosciences – Neuropharmacologie Mme MARTEIL Gaëlle Biologie de la Reproduction

M. PINEL Alexandre Nutrition Humaine

M. PIZON Frank Santé Publique

MAITRES DE CONFERENCES ASSOCIES DES UNIVERSITES

M. BERNARD Pierre Médecine Générale

Mme ESCHALIER Bénédicte Médecine Générale Mme RICHARD Amélie Médecine Générale M. TESSIERES Frédéric Médecine Générale

(11)

« Les malades gardent l’espoir, mais vous (médecins) leur devez l’espérance »

Yves Pélicier

« Guérir parfois, soulager souvent, écouter toujours »

(12)

REMERCIEMENTS

Au président du jury, Monsieur le Professeur Pierre-Michel LLORCA. Vous me faites l’honneur de présider le jury de cette thèse. Je vous témoigne ma profonde gratitude et ma respectueuse reconnaissance.

A Monsieur le Professeur Denis GALLOT. Je vous prie de recevoir mes plus vifs remerciements pour avoir accepté de juger mon travail et m’avoir accueillie au sein de vos services. Veuillez croire en l’expression de ma sincère considération.

A Monsieur le Professeur Yves BOIRIE. Vous me faites l’honneur d’apporter votre expérience à la critique de ce travail en siégeant dans mon jury de thèse. Je vous prie de bien vouloir accepter ma respectueuse considération. A Madame le Docteur Michèle VILLEMEYRE PLANE, ma directrice de thèse. Vous avez accepté de m’accompagner tout au long de ce projet. Je vous remercie pour la confiance que vous m’avez accordée, votre disponibilité, vos riches conseils, et le savoir que vous m’avez transmis.

A Madame le Docteur Amélie DELABAERE. Je vous remercie pour votre implication et votre aide dans mon travail de recherche, ainsi que pour votre accueil chaleureux dans votre unité.

A Madame le Docteur Anne DEBOST LEGRAND. Merci de vous être lancée avec moi dans ce projet, ainsi que pour votre disponibilité, votre investissement, et vos précieuses compétences en méthodologie et statistiques. A Madame le Docteur Anne-Isabelle FAESSEL POCHARD. Mon souhait d’être psychiatre est né grâce à vous. Merci pour votre accompagnement bienveillant.

Aux patients et soignants que j’ai rencontrés, ainsi qu’aux médecins qui m’ont encadrée. Ils m’ont tous beaucoup appris et ont participé à forger le médecin que je suis.

A mes parents, Joël et Bénédicte, soutiens sans faille et guides depuis de nombreuses années. Vous m’avez appris la valeur du travail et le sens des études. Merci pour vos sacrifices, votre dévouement et votre tendresse.

A mes frères et sœur. Merci à toi, Sixtine, d’être juste ce que tu es.

A Paul-Aymé, mon mari. Merci pour ton affection, ton soutien indéfectible, ainsi que pour ta volonté et ton envie de découvrir le monde de la psychiatrie. A Ambroise et Isaure, mes enfants. Merci pour votre présence lumineuse à mes côtés. A « Surprise », qui viendra bientôt agrandir la fratrie.

(13)

T

ABLE DES MATIERES

Liste des tableaux et des figures ... 18

Liste des abréviations ... 19

Introduction ... 21

1. Contexte et généralités autour de l’anorexie mentale ... 23

1.1. Historique ... 23

1.1.1. L’anorexie mystique (IIIe au XVIe siècle) ... 23

1.1.1.1. L’inédie ... 23

1.1.1.2. Les Saintes anorexiques ... 24

1.1.2. L’anorexie médicalisée (XVIe-XVIIIe siècle) ... 25

1.1.3. L’anorexie contemporaine (XIXe siècle à nos jours) ... 26

1.2. Statut nosographique ... 28

1.2.1. Classification CIM-10 ... 28

1.2.2. Classification DSM-5 ... 29

1.2.2.1. Critères DSM-5 de l’anorexie mentale ... 29

1.2.2.2. Types d’anorexie mentale ... 30

1.2.2.3. Sévérité actuelle ... 31

1.2.2.4. Rémission partielle et complète ... 31

1.3. Epidémiologie ... 32

1.3.1. Prévalence ... 33

1.3.2. Incidence ... 34

1.3.3. Evolution et morbidité du trouble ... 35

1.4. Approche psychopathologique : « Devenir une personne, devenir femme et devenir mère » 36 1.4.1. Une problématique identitaire : « Devenir une personne » ... 36

1.4.2. Un refus du corps sexué : « Devenir femme » ... 39

1.4.3. Une pathologie du lien et de la dépendance (séparation-individuation) : « Devenir mère » 40 2. La grossesse chez des patientes souffrant d’anorexie mentale : De la conception au post-partum ... 43

2.1. Prévalence ... 43

(14)

2.2.1. Sexualité ... 44

2.2.1.1. Troubles sexuels ... 44

2.2.1.2. Agressions sexuelles ... 46

2.2.2. Aménorrhée ... 47

2.2.2.1. Définition et prévalence ... 47

2.2.2.2. Mécanisme physiologique de l’aménorrhée ... 48

2.2.2.3. Des déterminants nutritionnels, pondéraux et psychologiques ... 50

2.2.3. Anorexie mentale, infertilité et procréation médicalement assistée ... 51

2.2.3.1. Infertilité ... 51

2.2.3.2. Recours à la procréation médicalement assistée (PMA) ... 53

2.3. Gestation et accouchement : des remaniements psychologiques ... 54

2.3.1. Transparence et gestation psychiques ... 54

2.3.2. Réactivation des préoccupations corporelles et appréhension des transformations du corps 55 2.3.3. Grossesse et insatisfaction corporelle ... 57

2.3.4. Ambivalence et haine vis-à-vis du fœtus ... 61

2.3.5. Identification maternelle : un réaménagement du lien mère-fille ... 66

2.3.6. Conduites alimentaires au cours de la grossesse ... 69

2.4. Morbidité obstétricale ... 70

2.4.1. Hyperémèse gravidique ... 70

2.4.2. Anomalies de fermeture du tube neural ... 72

2.4.3. Pertes fœtales ... 72

2.4.4. Prise de poids maternel au cours de la grossesse ... 73

2.4.5. Prématurité ... 74

2.4.6. Accouchement ... 75

2.4.7. Retard de croissance intra-utérin et hypotrophie à la naissance ... 76

2.4.7.1. Retard de croissance intra-utérin ... 76

2.4.7.2. Hypotrophie à la naissance et autres mensurations ... 76

2.5. Evolution du trouble alimentaire lors du post-partum ... 79

2.5.1. Un post-partum à risque ... 79

2.5.2. La menace d’une dépression du post-partum ... 81

(15)

3. Etude BodyBabe : Evaluation des perceptions corporelles sur leur propre corps et sur le

corps de leur enfant chez les jeunes mères atteintes d’anorexie mentale ... 86

3.1. Contexte ... 86

3.1.1. Etat des connaissances actuelles ... 86

3.1.2. Hypothèses ... 88

3.1.3. Objectifs de l’étude ... 88

3.1.3.1. Objectif principal ... 88

3.1.3.2. Objectifs secondaires ... 89

3.1.4. Informations générales de l’étude ... 89

3.2. Matériels et méthodes ... 91

3.2.1. Type d’étude et qualification ... 91

3.2.2. Population étudiée ... 91

3.2.2.1. Critères d’inclusion ... 91

3.2.2.2. Critères de non inclusion ... 92

3.2.3. Outils utilisés ... 92

3.2.4. Déroulement de l’étude ... 99

3.2.5. Génération et gestion des alertes ... 100

3.2.6. Méthodologie de la recherche ... 101

3.2.7. Critères d’évaluation ... 104

3.2.7.1. Critère d’évaluation principal ... 104

3.2.7.2. Critères d’évaluation secondaires ... 104

3.2.8. Données recueillies ... 104

3.2.8.1. Données source ... 104

3.2.8.2. Mode de circulation des données ... 106

3.2.9. Considérations statistiques ... 107

3.2.9.1. Nombre de sujets à inclure ... 107

3.2.9.2. Analyse de données : généralités ... 107

3.2.9.3. Analyse principale ... 108

3.2.9.4. Analyses secondaires (volet 2) ... 109

3.2.10. Présentation du travail de thèse : analyse préliminaire ... 110

3.3. Résultats ... 111

3.3.1. Diagramme de flux ... 111

(16)

3.3.2.1. Caractéristiques socio-démographiques des mères ... 112

3.3.2.2. Caractéristiques de la grossesse en cours ... 115

3.3.2.3. Caractéristiques des enfants nés ... 117

3.3.3. Evaluation et comparaison des scores des différents questionnaires à J0 et à J15 118 3.3.3.1. Body Shape Questionnaire ... 118

3.3.3.2. Echelle de silhouettes de Stunkard ou FRS (Figure Rating Scale) ... 119

3.3.3.3. Questionnaire Bodybabe ... 119

3.3.3.4. Echelle de silhouettes IBFD (Infant Body Figure Drawings) ... 120

3.3.3.5. EAT (Eating Attitude Test) ... 120

3.3.3.6. Edinburgh Postnatal Depression Scale ... 121

3.4. Discussion ... 123

3.4.1. Résultat principal ... 123

3.4.2. Forces et faiblesses de l’étude ... 123

3.4.2.1. Limites de l’étude ... 123

3.4.2.2. Biais de l’étude ... 126

3.4.2.3. Points forts de l’étude ... 128

3.4.3. Discussion des résultats ... 129

3.4.3.1. Cohérence des caractéristiques de la population étudiée avec la littérature ... 129

3.4.3.2. Perceptions corporelles de la mère sur son propre corps à J0 ... 138

3.4.3.3. Perceptions corporelles de la mère sur le corps de son bébé à J0 ... 139

3.4.3.4. Comportements alimentaires maternels à J0 ... 140

3.4.3.5. Risque de dépression post-natale à J15 ... 141

3.4.4. Perspectives ... 142

3.4.4.1. Perspectives de l’étude ... 142

3.4.4.2. Propositions de prise en charge ... 143

Conclusion ... 146

Références bibliographiques ... 151

Annexes ... 164

Annexe 1 : Diagramme de flux ... 164

Annexe 2 : Tableau de correspondance des scores obtenus aux questionnaires de l’étude 164 Annexe 3 : Tableau de suivi de l’étude ... 164

(17)

Annexe 4.1 : Notice d’information à l’attention de la mère ... 164

Annexe 4.2 : Notice d’information à l’attention du 2E détenteur de l’autorité parentale .... 164

Annexe 5 : Cahiers de questionnaires ... 164

Annexe 5.1 : Cahier de questionnaires J0-J3 ... 164

Annexe 5.2 : Cahier de questionnaires J15 ... 164

Annexe 5.3 : Cahier de questionnaires M9 ... 164

Annexe 6 : Questionnaire SCOFF-F ... 164

Serment d’Hippocrate version longue (Conseil national de l’ordre des médecins) ... 230

(18)

L

ISTE DES TABLEAUX ET DES FIGURES

TABLEAUX

Tableau I: Prise de poids totale recommandée pendant la grossesse ... 74

Tableau II: Catégories de cotation du BSQ ... 93

Tableau III: Caractéristiques socio-démographiques des mères ... 113

Tableau IV: Caractéristiques de la grossesse en cours ... 116

Tableau V: Caractéristiques des enfants nés ... 117

Tableau VI: Evaluation des scores des différents questionnaires à J0 et J15 ... 122

FIGURES Figure 1: Régulation par la leptine de l'axe hypothalamo-hypophyso-gonadique ... 49

Figure 2: Figure Rating Scale (Stunkard) ... 95

(19)

L

ISTE DES ABREVIATIONS

AMP : Assistance Médicale à la Procréation

ANOVA (Analysis of Variance) : test d’Analyse de Variance

APA (American Psychiatric Association) : Association Américaine de Psychiatrie

AUDIPOG : Association des Utilisateurs de Dossiers Informatisés en Pédiatrie, Obstétrique et Gynécologie

BED : Binge Eating Disorder BES : Body Esteem Scale

BSQ : Body Shape Questionnaire CHU : Centre Hospitalier Universitaire

CIM-10 : Classification Internationale des Maladies (10e version) CNIL : Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés CPP : Comité de Protection des Personnes

DSM-5 : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (5e version) EAT-26 : Eating Attitude Test (version à 26 items)

EAT-40 : Eating Attitude Test (version à 40 items) EDI-2 : Eating Disorder Inventory (2e version) EPDS : Edinburgh Post-natal Depression Scale FRS : Figure Rating Scale

FSFI : Female Sexual Function Index

FSH : Follicle Stimulating Hormone ou hormone folliculo-stimulante GnRH : Gonadotropin Releasing Hormon ou gonadolibérine

HAS : Haute Autorité de Santé

(20)

HTA : Hypertension Artérielle IBFD : Infant Body Figure Drawings

ICC (Intraclass Correlation Coefficient) : Coefficient de Corrélation Intraclasse

IMC : Indice de Masse Corporelle ou Indice de Quetelet IMC = poids (kg) / taille2 (m)

IVG : Interruption Volontaire de Grossesse

LH : Luteinizing Hormon ou hormone lutéinisante OMS : Organisation Mondiale de la Santé

PMA : Procréation Médicalement Assistée PMI : Protection Maternelle et Infantile RCIU : Retard de Croissance Intra-Utérin REDCap : Research Electronic Data Capture

RGPD : Règlement Général sur la Protection des Données SA : Semaine d’Aménorrhée

SMR : Standardized Mortality Ratio ou Indice Comparatif de Mortalité T4 : Tétra-iono-thyronine ou thyroxine

(21)

I

NTRODUCTION

L’anorexie mentale s’inscrit dans la famille des troubles du comportement alimentaire (TCA), que la Haute Autorité de Santé (HAS) définit comme des « troubles du comportement visant à contrôler son poids et altérant de façon significative la santé physique comme l’adaptation psychosociale, sans être secondaires à une affection médicale ou à un autre trouble psychiatrique »(1). Les TCA recouvrent principalement trois grands types de comportements pathologiques : l’anorexie mentale, la boulimie, et l’hyperphagie boulimique ou binge eating disorder (BED).

La prise en charge de l’anorexie mentale nécessite d’être spécialisée et multidisciplinaire, du fait des conséquences délétères de cette affection, sur le plan psychiatrique (comorbidités thymiques, anxieuses et addictives, troubles de la personnalité), somatique (entre autres dénutrition, conduites purgatives, atteinte osseuse, répercussion staturo-pubertaire, troubles de la fertilité), et social (isolement social, retentissements sur la sphère familiale, scolaire et professionnelle).

Les TCA, et notamment l’anorexie mentale, concernent fréquemment des adolescentes et jeunes femmes en âge de procréer. Les interactions entre anorexie mentale et grossesse sont importantes mais leurs effets psychiques et obstétricaux sont souvent méconnus. En effet, l’accession à la maternité est un moment capital dans la vie d’une femme, durant lequel elle va connaître de profonds changements physiques et psychologiques, qui risquent d’exacerber la problématique autour des conduites alimentaires, notablement au cours du post-partum. Très peu développées pendant de nombreuses années, les répercussions de la symptomatologie alimentaire maternelle sur l’état

(22)

psychique et somatique du bébé commencent à émerger dans la littérature internationale et apparaissent plutôt alarmantes.

L’objet de ce travail est d’apporter des arguments supplémentaires quant à la nécessité d’un parcours de soins adapté multidisciplinaire au cours de la grossesse et du post-partum pour ces jeunes femmes enceintes souffrant ou ayant souffert d’anorexie mentale au cours de leur vie. Stabiliser au mieux la pathologie maternelle, accompagner ces patientes dans leur maternalité afin de garantir le bon développement psychosomatique du bébé et d’assurer une relation mère-enfant de qualité, telles seraient les missions de la prise en charge.

En premier lieu, nous commencerons cet écrit par préciser la notion d’anorexie mentale, en terme nosographique, clinique, épidémiologique et psychopathologique. Puis, en deuxième partie, nous nous intéresserons aux spécificités de la maternité chez les jeunes femmes avec une anorexie mentale, en étudiant la période de la grossesse et celle du post-partum. Nous balayerons, entre autres, dans ce chapitre la problématique de la féminité et de la fertilité, les remaniements psychiques gravidiques, les complications obstétricales et l’évolution du trouble alimentaire. Par la suite, nous détaillerons en troisième point le travail de recherche qui a été mené dans le cadre de ce projet de thèse. Cette étude observationnelle de catégorie 3 a été menée à la maternité de type III du CHU de Clermont-Ferrand et entreprend d’évaluer les perceptions corporelles sur leur propre corps et sur le corps de leur enfant chez les jeunes mères atteintes d’anorexie mentale. Pour terminer, nous conclurons sur les enjeux de santé publique que soulèvent à la fois les données de la littérature et les résultats de notre étude, ainsi que les perspectives d’action.

(23)

1.

C

ONTEXTE ET GENERALITES AUTOUR DE L

ANOREXIE MENTALE

1.1.

H

ISTORIQUE

1.1.1. L’ANOREXIE MYSTIQUE (IIIE AU XVIE SIECLE)

1.1.1.1. L’INEDIE

Les premières descriptions de comportements d’allure anorectique datent de l’origine du christianisme, notamment parmi les fidèles du monachisme. Les « Pères du Désert », ermites fondateurs de communautés moniales dans le désert égyptien entre le IIIe et le IVe siècle, étaient des fervents pratiquants de l’inédie. Cette abstention totale de nourriture et de boisson pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois s’inscrivait dans un contexte de retraite religieuse, et était associée au silence, à la solitude et à une privation de sommeil. Cet exercice retranscrit par l’Ancien Testament sur un ton louable, incarnait pour ses adeptes la perfection, la pénitence, la réduction de l’emprise des sens et des passions, et la résistance à la concupiscence. Autrement dit, ce « jeûne sec » était ainsi considéré comme un chemin vers le Salut, et comme un moyen de ne pas entraver l’élévation de l’âme vers Dieu.

« Qu'est-ce que le jeûne, sinon l'essence et l'image du ciel ? Le jeûne est le

réconfort de l'âme, la nourriture de l'esprit. Le jeûne est la vie des anges ; le

jeûne est la mort du péché, la destruction des fautes, le remède du salut, la

racine de la grâce, le fondement de la chasteté. » (Ancien Testament, 2e Livre des

(24)

1.1.1.2. LES SAINTES ANOREXIQUES

Plus tard, au Moyen-Âge, alors que le christianisme est bien organisé selon des préceptes religieux, et que la vie religieuse est régie par des règles de tempérance et d’humilité alimentaires, une façon anorectique d’être au monde émerge au XIIe siècle à travers l’essor de la « mystique affective féminine ».

Il s’agit de femmes en union avec Jésus-Christ, conduisant parfois à des phénomènes extraordinaires : visions, locutions, stigmates, etc. Inséparables à la foi, elles sont son aboutissement. Menant une vie sacrificielle consacrée à Dieu, elles élèvent l’humanité et lui ouvre le chemin de la sainteté. Louées et prises comme exemples, elles sont souvent canonisées et honorées.

A travers les œuvres de ces saintes, les historiens ont assimilé leur manière d’être à des traits anorectiques : restrictions alimentaires drastiques, maltraitance à l’égard de leur propre corps, refus de la féminité et de la sexualité(2). Ces comportements, qualifiés de symptômes dans l’anorexie mentale, sont en revanche signe d’une virtuosité spirituelle dans le cas de l’anorexie mystique. La privation de nourriture est fréquemment vue comme un signe incontestable du Divin dans le langage du corps(3). Ces mystiques sont en effet légitimées par le corps ecclésiastique qui propose d’investir Jésus-Christ comme Dieu qui s’est fait homme en aimant et souffrant. La façon anorectique d’être au monde de ces « Saintes anorexiques » apparaît aux yeux des fidèles une voie vers la canonisation et la sainteté.

Sainte Catherine de Sienne (1347-1380), aussi prénommée « Patronne des anorexiques » par le sociologue des religions françaises Jacques Maître(3), se présente comme le prototype de l’anorexique mystique. Souhaitant échapper à la vie conjugale et au mariage que ses parents tentent de lui imposer, Sainte

(25)

Catherine se retire du monde et fait vœu de chasteté. Elle attaque toute manifestation de sa féminité en se coupant les cheveux, et en se flagellant. Par la suite, elle élimine toute nourriture à l’exception du pain, ce qui lui fera perdre plus de la moitié de son poids. Puis, elle éradique toute substance nutritive et toutes boisson. Elle finit par mourir de dénutrition à l’âge de 33 ans en 1380. Vénérée dès son décès, elle est canonisée en 1461, nommée Docteur de l’Eglise en 1970 par le Pape Paul VI, déclarée Sainte Patronne de l’Europe par le Pape Saint Jean-Paul II en 1999, faisant ainsi d’elle une figure marquante du catholicisme médiéval.

1.1.2. L’ANOREXIE MEDICALISEE (XVIE-XVIIIE SIECLE)

Bien qu’Avicenne (980-1037), philosophe et médecin médiéval persan, rapportait déjà un cas clinique d’anorexie mentale dans son encyclopédie médicale intitulée Canon de la médecine(4), il faut attendre l’époque moderne pour que s’impose une vision médicale de l’anorexie mentale.

C’est à Richard Morton, médecin anglais du XVIIe siècle qu’est

attribuée la première description clinique détaillée de l’anorexie mentale, qu’il nomme « phtisie nerveuse ». Dans son ouvrage intitulé Phtisiologie : ou un

traité des consomptions (1689), il détaille le tableau clinique d’une jeune fille

de 20 ans (Miss Duke) et d’un jeune homme de 16 ans. Il énumère certains symptômes comme la perte d’appétit, le refus de s’alimenter, l’hyperactivité physique, l’aménorrhée et la cachexie. Convaincu que cette affection est d’origine nerveuse, il décrit cette maladie comme résultant « d’une altération du principe vital et d’un bouleversement des forces nerveuses »(5).

(26)

De nombreux médecins se livrent également à des descriptions cliniques de cette pathologie, suite à celles de Richard Morton : Robert Whytt (1764), de Volangin (1768), Nadeau (1789), ou encore la description de la jeune Martha Taylor (1667).

1.1.3. L’ANOREXIE CONTEMPORAINE (XIXE SIECLE A NOS JOURS) L’époque contemporaine est marquée par la tentative de la communauté médicale de définir l’anorexie mentale comme une entité clinique et de développer des théories étiopathogèniques.

L’entité diagnostique « anorexie » voit le jour avec Louis-Victor Marcé, dans sa Note sur une forme de délire hypocondriaque consécutive aux

dyspepsies et caractérisée principalement par le refus d’aliments, présentée en

1859 à la Société Médico-psychologique(6). Dans son rapport, le psychiatre français fait de ce syndrome une maladie mentale et non une affection somatique et donne une place fondamentale à la psychopathologie. Il est le premier à envisager l’isolement du milieu familial de ces jeunes filles comme moyen thérapeutique, avant Charcot en 1885.

Charles Lasègue, neuropsychiatre français, et Sir William Gull, médecin anglais à la cour de la reine Victoria, sont considérés comme les « pères fondateurs » de l’anorexie mentale. Qualifiant cette affection d’ « anorexie hystérique » pour Charles Lasègue en 1873 et d’« anorexia nervosa » pour Sir William Gull en 1874(7), ces deux confrères définissent à peu près simultanément le diagnostic d’anorexie mentale sur le plan clinique et psychopathologique. Inscrivant cette pathologie dans le domaine de la pathologie mentale de type « hystérique », Charles Lasègue(8) décrit un

(27)

psychique particulier fait d’inertie, de refus et d’indifférence. La première phase consiste en l’allégation de douleurs gastriques pour justifier la restriction alimentaire. La deuxième phase, dite morale, est associée à de la « perversion mentale » et justifie le terme d’« anorexie hystérique » selon le neuropsychiatre. En effet, cette étape est caractérisée par le paradoxe d’une conduite alimentaire anormale justifiée par un bon état de santé, puisque les douleurs abdominales ont disparu avec l’arrêt de l’alimentation. Enfin, le troisième stade est celui de la cachexie, un état de dénutrition extrême, assorti à une indifférence déconcertante de la patiente vis-à-vis de ses symptômes, à rapprocher de la « belle indifférence » de l’hystérie décrite par Freud(9).

Alors que l’anorexie mentale commence à s’individualiser dans les classifications des troubles mentaux, Morris Simmonds, médecin allemand, avance en 1914 l’idée d’une anorexie d’origine endocrinienne, due à une insuffisance hypophysaire globale, nécessitant un traitement substitutif hormonal.

Ce n’est que depuis la deuxième moitié du XXe siècle, que l’origine

« psychogénétique » de l’anorexie (incluant des théories psychiatriques, psychanalytiques, psychocomportementales, psychosociales, systémiques, neurobiologiques et génétiques) est largement et définitivement adoptée. Les symptômes somatiques, endocriniens et métaboliques sont considérés comme la conséquence de la restriction alimentaire, même si ces modifications physiques semblent susceptibles d’auto-entretenir le trouble anorexique et d’évoluer pour leur propre compte sur un mode aigu ou chronique(10).

(28)

1.2. S

TATUT NOSOGRAPHIQUE

1.2.1. CLASSIFICATION CIM-10

Publiée par l’International Statistical Institute dans un premier temps (1893-1945) puis par l’Organisation Mondiale de la Santé depuis 1945, la Classification Internationale des Maladies (CIM) a pour but de « permettre l’analyse systématique, l’interprétation et la comparaison des données de mortalité et de morbidité recueillies dans différents pays ou régions et à des époques différentes »(11). Elle est utilisée pour le codage des diagnostics et des motifs de recours aux services de santé. Adoptée en 1990 et traduite en 43 langues, la dixième révision de la CIM, appelée CIM-10 ou Classification

Statistique Internationale des Maladies et des Problèmes de Santé Connexes,

est constituée de 3 volumes. Le diagnostic d’anorexie mentale, correspondant au code F50.0, est défini dans le chapitre V « Troubles mentaux et du comportement », et repose sur la présence de chacun des éléments suivants(11) :

A) Poids corporel inférieur à la normale de 15% (perte de poids ou poids normal jamais atteint) ou IMC ≤ 17,5 kg/m2. Chez les patientes prépubères,

prise de poids inférieure à celle qui est escomptée pendant la période de croissance ;

B) La perte de poids est provoquée par le sujet par le biais d’un évitement des « aliments qui font grossir », fréquemment associé à au moins une des manifestations suivantes : des vomissements provoqués, l’utilisation de laxatifs, une pratique excessive d’exercices physiques, l’utilisation de « coupe-faim » ou de diurétiques ;

(29)

C) Une psychopathologie spécifique consistant en une perturbation de l’image du corps associée à l’intrusion d’une idée surinvestie : la peur de grossir. Le sujet s’impose une limite de poids inférieure à la normale, à ne pas dépasser ;

D) Présence d’un trouble endocrinien diffus de l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique avec aménorrhée chez la femme (des saignements vaginaux peuvent toutefois persister sous thérapie hormonale substitutive, le plus souvent dans un but contraceptif), perte d’intérêt sexuel et impuissance chez l’homme. Le trouble peut s’accompagner d’un taux élevé d’hormone de croissance ou de cortisol, de modifications du métabolisme périphérique de l’hormone thyroïdienne et d’anomalies de la sécrétion d’insuline ; E) Quand le trouble débute avant la puberté, les manifestations de cette

dernière sont retardées ou stoppées (arrêt de la croissance ; chez les filles, absence de développement des seins et aménorrhée primaire ; chez les garçons, absence de développement des organes génitaux). Après la guérison, la puberté se déroule souvent normalement ; les règles n’apparaissent toutefois que tardivement.

A noter que la onzième version de la CIM a été achevée en 2018 et est actuellement en cours de traduction.

1.2.2. CLASSIFICATION DSM-5

1.2.2.1. CRITERES DSM-5 DE L’ANOREXIE MENTALE

Publié par l'Association Américaine de Psychiatrie (APA) depuis plus de 60 ans, le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM), est un ouvrage de référence qui propose une classification des troubles mentaux. La

(30)

dernière, et actuelle, version française du DSM, publiée en 2015 et correspondant au DSM-5, définit le diagnostic d’anorexie mentale par trois critères(12) :

A) Restriction des apports énergétiques par rapport aux besoins conduisant à un poids significativement bas compte tenu de l’âge, du sexe, du stade de développement et de la santé physique. Est considéré comme significativement bas un poids inférieur à la norme minimale chez les adultes.

B) Peur intense de prendre du poids ou de devenir gros, ou comportement persistant interférant avec la prise de poids, alors que le poids est significativement bas.

C) Altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps, influence excessive du poids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi, ou manque de reconnaissance persistant de la gravité de la maigreur actuelle.

Le diagnostic d’anorexie mentale est retenu lorsque les trois critères ci-dessus (A, B, C) sont remplis simultanément.

1.2.2.2. TYPES D’ANOREXIE MENTALE

Cette classification(12) distingue deux types d’anorexie mentale :

- anorexie mentale type restrictif : au cours des trois derniers mois, la perte de poids est essentiellement obtenue par le régime, le jeûne et/ou l’exercice physique excessif.

(31)

- anorexie mentale type purgatif : au cours des trois derniers mois, la personne a présenté des accès récurrents de crises d’hyperphagie et/ou a recouru à des vomissements provoqués et/ou à des comportements purgatifs (c’est-à-dire laxatifs, diurétiques, lavements).

1.2.2.3. SEVERITE ACTUELLE

Par ailleurs, le seuil de sévérité doit être spécifié. Chez les adultes, il est établi à partir de l’IMC (Indice de Masse Corporelle) actuel. Les différents degrés de sévérité dérivent des catégories de maigreur de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) pour les adultes(13) :

• Léger : IMC ≥ 17 kg/m²

• Moyen : IMC compris entre 16 et 16,99 kg/m² • Grave : IMC compris entre 15 et 15,99 kg/m² • Extrême : IMC < 15 kg/m²

1.2.2.4. REMISSION PARTIELLE ET COMPLETE

En plus de catégoriser les différents signes cliniques, le DSM-5 intègre une approche plus dimensionnelle en intégrant la notion de « rémission partielle » et « rémission complète » dans sa définition de l’anorexie mentale(12).

Après avoir précédemment rempli tous les critères de l’anorexie mentale (critères A, B, et C), la personne est considérée en rémission partielle si :

(32)

- Le critère A (restriction des apports conduisant à un poids significativement bas) n’est plus rempli depuis une période prolongée.

- Le critère B (peur intense de perdre du poids ou de devenir gros) est toujours présent.

- Le critère C (altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps) est toujours présent.

Après avoir précédemment rempli tous les critères de l’anorexie mentale (critères A, B et C), la personne est considérée en rémission complète si aucun critère diagnostique (A, B et C) n’est plus rempli depuis une période prolongée.

A noter que le DSM-5 ne précise pas la durée des « périodes prolongées » asymptomatiques nécessaires pour parler de rémission, qu’elle soit complète ou partielle. Johana Monthuy-Blanc fixe cette période à 1 mois pour la rémission partielle (critère A) et à 3 mois pour la rémission complète (critères A, B et C)(14). Elle caractérise même la notion de rétablissement, comme correspondant à une durée asymptomatique (critères A, B et C) de 12 mois(14).

1.3.

E

PIDEMIOLOGIE

De nombreux auteurs ont cherché à évaluer des indicateurs épidémiologiques de l’anorexie mentale. L’étude de la littérature retrouve cependant des données hétérogènes. Comme le soulignent Roux et al. (2013)(15) dans leur revue de littérature, les études épidémiologiques se

(33)

Tout d’abord, le diagnostic-même de l’anorexie mentale, porté le plus souvent selon les critères du DSM établi par l’APA. Ces critères ont varié au fil du temps et des versions du DSM. Ainsi dans le DSM-III(16), le seuil de perte de poids correspondant au critère de l’anorexie mentale est une « perte de poids d’au moins 25% du poids initial ». Dans le DSM-III-R(17), une perte de poids conduisant à un « poids de 15% inférieur à la normale » est nécessaire pour le diagnostic. Dans le DSM-IV(18), c’est un « poids inférieur à 85% du poids attendu » qui est retenu. Enfin le DSM-5(12) se satisfait d’un « poids inférieur à la normale ». De plus, ces seuils de poids ne sont pas clairement définis et varient donc selon les auteurs et les études. Pour finir, du fait de la faible fréquence de l’anorexie mentale en population générale, beaucoup d’études élargissent leur recherche aux formes subcliniques ou frustres, définies seulement par la présence de critères atténués. De par cette évolution des critères diagnostiques et leur variabilité d’application, le recueil de données épidémiologiques homogènes n’est pas aisé.

1.3.1. PREVALENCE

La prévalence est le nombre total de cas d'une maladie dans une population spécifique. La prévalence de l’anorexie mentale chez les femmes âgées de 11 à 65 ans dans une population non-clinique varie entre 0 et 2.2%(19). Ce taux varie en fonction des critères diagnostiques utilisés, des méthodes de mesures et de l’âge des sujets étudiés. Dans une étude de la prévalence de l’anorexie mentale dans 6 pays européens (Belgique, France, Allemagne, Italie, Espagne, Pays-Bas), la prévalence « vie entière » de l’anorexie mentale (nombre de cas de la maladie au cours de la vie entière) dans la population féminine est de 0.93% (IC[95%]=0.5-1.6)(20).

(34)

Cependant, l’anorexie mentale serait largement sous-diagnostiquée : environ la moitié des cas ne serait pas détectée et échapperait ainsi au système de soins(19). En prenant en compte les formes « partielles » d’anorexie mentale, la prévalence vie entière de l’anorexie mentale chez les femmes est estimée à près de 5%(21). L’âge moyen de début de l’anorexie mentale se situe entre 14 et 18 ans, selon les différentes études(22).

Chez les hommes, beaucoup moins d’investigations ont été menées. La prévalence vie entière d’une anorexie mentale paraît se situer autour de 0.3%(22). Cependant, elle semble largement sous-détectée. Le ratio hommes/femmes est ainsi évalué entre 1:5 et 1:10.

1.3.2. INCIDENCE

L’incidence correspond au nombre de nouveaux cas d'une maladie pendant une période donnée dans une population spécifique.

Hoek et van Hoeken(23), dans leur revue de littérature (1931-1995), retrouvent une grande variabilité de l’incidence de l’anorexie mentale (0,1 à 12 pour 100.000 personnes par an), du fait de la diversité des échantillons de population utilisés (patients consultant à l’hôpital, patients consultant en médecine de ville, patients recrutés par des enquêtes en population générale, etc.).

Dans une étude finlandaise de grande ampleur, Keski-Rahkonen(19) mesure une incidence annuelle d’anorexie mentale en population générale de 270 pour 100.000 personnes entre 15 et 19 ans. Cette incidence annuelle s’élève à 490 pour 100.000 personnes au sein de cette même population, si on prend en compte les formes « partielles » d’anorexie mentale. Plus de la moitié

(35)

de ces nouvelles patientes ne reçoivent pas de soins pour leur trouble anorexique(22).

L’augmentation de l’incidence de l’anorexie mentale au fil des siècles est un sujet qui divise de nombreux auteurs. Pour Hoek(24), l’Europe a vu augmenter l’incidence d’anorexie mentale au sein des personnes recevant des soins psychiatriques, entre les années 1950 et 1970, avant de se stabiliser après 1970. De la même façon, Bulik et al. (25) constatent une augmentation notable des cas d’anorexie mentale chez les femmes nées après 1945 par rapport à celles nées avant. Comme l’expliquent Roux et al.(15), cette recrudescence de cas lors de cette période pourrait s’expliquer par une meilleure prise de conscience de la pathologie par les patients du fait de la médiatisation des troubles alimentaires et d’une meilleure détection de la part des médecins. L’amélioration du repérage des patients par le corps médical, associée à une augmentation de demande de soins, seraient des éléments plausibles pour justifier la recrudescence des cas d’anorexie mentale lors de la deuxième moitié du XXe siècle.

1.3.3. EVOLUTION ET MORBIDITE DU TROUBLE

La durée moyenne d’évolution de l’anorexie mentale diffère en fonction de la population considérée. Allant de 1,7 ans(22) à 3 ans(20) en moyenne en population générale, elle est presque toujours supérieure à 4 ans(26) en population clinique, dont la sévérité est probablement plus importante.

Dans leur revue de littérature, Roux et al.(15) synthétisent l’évolution des patientes anorexiques ayant été soignées pour leur trouble pendant 4 à 10 ans selon la répartition suivante : 47% de guérison, 34% d’amélioration, 21% de chronicisation et 5% de décès (suicide et dénutrition). Le taux de guérison le

(36)

plus haut est retrouvé dans une étude finlandaise d’une cohorte de jumeaux, atteignant 66,8% après 5 ans de suivi(19).

En termes de symptômes, 60% de ces patientes retrouvent un poids normal, 57% retrouvent des menstruations et 47% voient leur comportement alimentaire se normaliser.

Le taux de mortalité moyen revient autour de 5%, mais il existe de grandes variabilités. Le SMR (Standardized Mortality Ratio), ou Indice Comparatif de Mortalité, est obtenu en calculant pour une sous-population donnée, le rapport entre le nombre de décès observés et le nombre de décès attendus, et permet ainsi de comparer la mortalité de la sous-population étudiée à la mortalité de la population de référence. Dans une cohorte suédoise de 6009 femmes hospitalisées pour anorexie mentale(27), le SMR obtenu est de 6,2 (IC[95%]= 5,5-7,0), toutes causes de mortalité confondues. En d’autres termes, le nombre de décès au sein de cette cohorte de femmes anorexiques est 6 fois plus important que ce qui est attendu. La mortalité apparaît maximale la première année qui suit la première hospitalisation(26). La première cause de décès chez ces patientes est notamment marquée par le suicide, responsable de 20 à 30% des décès(28).

1.4.

A

PPROCHE PSYCHOPATHOLOGIQUE

:

« D

EVENIR UNE PERSONNE

,

DEVENIR FEMME ET DEVENIR MERE

»

1.4.1. UNE PROBLEMATIQUE IDENTITAIRE :« DEVENIR UNE PERSONNE »

La puberté, période de remaniements psychiques et corporels, sources d’anxiété et d’insécurité interne, constitue un terrain à risque pour le développement de l’anorexie mentale. En effet, l’adolescence est une période

(37)

Plaçant la problématique identitaire au cœur de la psychopathologie des TCA, Philippe Jeammet avance que l’interrogation « Qui suis-je ? » est particulièrement prégnante et douloureuse chez les adolescentes anorexiques(29). A travers l’anorexie, l’adolescente trouve le moyen de s’affirmer et de se singulariser. Le trouble alimentaire lui permet de répondre à son mal-être existentiel et devient alors comme une néo-identité, une « identité de substitution », à laquelle l’adolescente anorexique s’agrippe pour ne pas se perdre : « Si je ne suis pas anorexique, qui suis-je ? ». Soulageant son malaise identitaire, l’anorexie permet à la jeune fille de garder le contrôle de sa vie, et de réguler angoisse, émotions, distances relationnelles et affectives par rapport aux autres et à ses parents(29,30), comme le développent Jeammet et Bruch. Cette quête insatiable de la maigreur peut être perçue comme un moyen de résoudre les conflits psychologiques (notamment sociaux et émotionnels)(31), générés par la peur de la maturité, de la sexualité et de l’indépendance inhérente à l’âge adulte(32).

Indispensable à son équilibre psychique car permettant d’expulser ses conflits internes, l’anorexie mentale revêt alors une fonction thérapeutique pour la patiente, la protégeant et lui conférant une identité transitoire et comblante ainsi qu’un pouvoir auprès des autres. Une dimension addictive s’enracine alors dans cette pathologie, dont la jeune fille devient dépendante.

En outre, l’ancrage du sentiment d’existence est avant tout corporel, via l’intégration de l’image du corps et des perceptions corporelles(33).

L’image de soi contribue fortement à la structuration de l’identité et la conscience de soi. Cette absence d’investissement du corps comme élément de soi ne permet pas à la jeune fille anorexique de s’identifier à son propre corps. Ce défaut de conscience corporelle se traduit notamment par un décalage

(38)

important, entre le corps réel et le corps perçu, générant une insatisfaction corporelle. Le corps n’est alors plus attribué à soi, avec des limites floues et perméables entre réalité externe et monde interne(34). Cette difficulté psychique à s’approprier son propre corps, sur le plan perceptif et représentatif, traduit un clivage psyche/soma(35). Hilde Bruch, psychiatre et psychanalyste allemande, avance dès 1973 que l’anorexie mentale est un trouble de l’image du corps provoqué par un déficit de perceptions intéroceptives, c’est-à-dire par une incapacité à reconnaître les sensations et les besoins du corps(30). Ces perturbations intéroceptives, que Bruch juge consécutives à des attitudes pathogènes de la mère lors de la petite enfance en matière de régulation affective, induiraient une fragilité de la délimitation du moi et un défaut de la construction de l'image du corps. Elle rapporte entre autres que les patientes anorexiques ont la perception de ne pas habiter leur corps(36). Ce trouble de l’image du corps, qu’elle pose en 1990 comme une des trois caractéristiques principales de l’anorexie mentale (avec la confusion des sensations corporelles et un sentiment exagéré d’inefficacité), se manifesterait notamment par une perception presque délirante du corps(30,36).

Ce corps persécuteur, scène vivante des transformations pubertaires, devient un corps haï, vide et négligé. La maltraitance que les jeunes filles anorexiques imposent à leur corps vécu comme mauvais et sans identité (amaigrissement, hyperactivité physique, automutilations, absence de soins corporels, etc.) peut ainsi être pensée comme une tentative de réappropriation de ce corps étranger(34). Dans un processus d’auto-sabotage face à un corps qu’elle rejette, elles font l’expérience de nouveaux éprouvés corporels. Ces comportements de maîtrise du corps leur apportent une fausse impression de

(39)

donnent ainsi l’illusion de construire leur identité corporelle propre, en édifiant une conscience corporelle tout en assurant une renarcissisation éphémère et friable(33).

1.4.2. UN REFUS DU CORPS SEXUE :« DEVENIR FEMME »

Beaucoup d’auteurs d’inspiration psychanalytique ou psychodynamique s’accordent à dire que l’anorexie mentale témoigne d’un refus du corps sexué. Cette affection émerge le plus souvent au cours de l’adolescence, théâtre de transformations et d’érotisation du corps, amenant à une sexualisation des relations au monde(37).

Birraux (1990) parle d’une incapacité de l’anorexique à assumer sa féminité au temps de la puberté(38). Les changements corporels amenés par l’adolescence étant source d’angoisse pour la jeune fille anorexique, cette dernière tente alors de les effacer voire même de les dénier(39). En effet, comme le développe Isabelle Nicolas(40), l’accès à la puberté et l’arrivée des menstruations induisent de renoncer à la bisexualité infantile et de ce fait à une position de toute-puissance. Il s’agit d’une acceptation passive, sans possibilité de contrôle, d’une évolution inéluctable vers un devenir femme. Via la restriction alimentaire volontaire, la jeune fille anorexique freine voire stoppe le développement des modifications corporelles et notamment la survenue des caractères sexuels secondaires, mais inhibe également les métamorphoses psychiques adolescentes, rendant la construction de son identité féminine plus complexe, et la maintenant dans une position de petite fille. Comme le soutient Hilde Bruch(30), les anorexiques font de leur corps ce qu’elles ne peuvent pas faire de leur vie : contrôler.

(40)

Comme le souligne Maria Peolidis(41), l’anorexie mentale est ainsi une façon de tenter d’éviter l’entrée dans le processus adolescent. Lorsque l’anorexie a pour visée de rester dans le monde infantile, elle représente une défense à l’investissement de la génitalité et à la découverte de la féminité.

1.4.3. UNE PATHOLOGIE DU LIEN ET DE LA DEPENDANCE (SEPARATION-INDIVIDUATION) :« DEVENIR MERE »

Au-delà de la question de la féminité, c’est la relation mère-fille et toute son ambivalence que l’anorexie mentale met sur le devant de la scène. Cette pathologie stigmatise un dysfonctionnement dans le processus de séparation-individuation au cours des premières années de vie et lors de la puberté. Ainsi, Maurice Corcos qualifie l’anorexie comme une « pathologie de l’organisation de la personnalité et du lien »(34).

Le concept de séparation-individuation, ou l’acquisition progressive du sentiment d’être séparé, a été développé par Mahler (1967) lors de la petite enfance(42), puis repris par Blos (1967) pour l’adolescence(43), qu’il qualifie de « second processus d’individuation ».

Au cours du processus pubertaire se produit une réorganisation psychique majeure marquée notamment par le deuil des objets infantiles et la perte des imagos parentaux idéaux, au profit de la rencontre avec un nouvel objet et de l’investissement de la génitalité. L’enjeu de ces transformations psychiques est d’aboutir à une construction identitaire propre via de nouvelles identifications. Cependant, malgré cette nécessité de se séparer progressivement de ses parents afin de trouver sa singularité, son autonomie et d’aller vers d’autres objets extérieurs, il est nécessaire pour l’adolescent de continuer à se « nourrir » de ses parents pour la construction de son narcissisme

(41)

et le maintien de sa sécurité interne. Ces deux impératifs forment un paradoxe, que Philippe Jeammet résume par la phrase suivante(29) : « ce dont j’ai besoin est ce qui me menace ».

Pour les jeunes filles atteintes d’anorexie mentale, bien souvent carencées dans leur narcissisme et insecure sur le plan affectif, le besoin objectal de se séparer et d’aller vers l’extérieur peut en effet être ressenti comme une menace. En d’autres termes, la dépendance de ces jeunes filles à l’environnement et notamment à ses parents, menace son autonomisation.

Ce conflit psychique se pose alors de manière privilégiée sur le corps de l’adolescente, marquant et figurant l’origine du trouble(44). N’ayant pu ni se nourrir ni s’identifier à sa propre histoire familiale, la jeune fille anorexique se retrouve en situation de carence altérant la construction de son moi corporel et psychique. En proie à des modifications corporelles pubertaires, elle lutte activement contre ces transformations afin de maintenir un corps infantile, indifférencié d’avec celui de la mère, voire même parfois vécu comme une extension ou un morceau du corps maternel(45). Cette stagnation voire régression corporelle chez l’anorexique peut être pensée comme une volonté de préserver un lien privilégié avec la mère en sauvegardant son corps d’enfant, tout en manifestant le désir de se détacher de l’objet maternel menaçant son autonomisation. Les symptômes anorexiques sont ainsi qualifiés par Bruch(30) comme des premières manifestations d’indépendance de la part de la jeune fille. De manière similaire, la recherche de la maigreur chez l’anorexique a, selon elle, pour seul but l’autonomie de la jeune fille. Isabel Frias va même plus loin et pense l’anorexie comme un véritable appel au père, à sa fonction de tiers, en tant qu’outil de régulation de la relation à la mère, et moyen de coupure du lien mère-enfant pour introduire de l’altérité(46).

(42)

Ce fantasme du « corps pour deux » ou du « même corps » dont parlent Corcos et Dupont(44) est illustré par l’aménorrhée, symptôme auparavant considéré comme « cardinal » pour le diagnostic d’anorexie mentale. En effet, les menstruations renvoient à la notion de séparation : séparation d’avec le mari d’une part et séparation d’avec la mère d’autre part. Les règles, symbole de l’accession à un corps sexué adulte, impliquent une séparation d’avec l’objet maternel primaire et la séparation d’avec le corps infantile. L’aménorrhée, c’est-à-dire l’absence de règles, apparaît alors comme un moyen de rester enfant, en maintenant une position de petite fille, mais aussi de refuser la séparation d’avec la mère et la compétition en matière de maternité(47).

Cependant, même si l’aménorrhée apparaît comme un symptôme de lutte active contre la séparation d’avec le corps de l’enfance et d’avec la mère, elle est aussi l’emblème de la stérilité et de la grossesse. Selon Corcos(47), la problématique de l’aménorrhée vient aussi soulever la question de la maternité et de la rivalité avec la mère. Apanage de la grossesse, la perte des menstruations donne ainsi accès au statut de femme enceinte. Corcos analyse l’aménorrhée comme un état de « grossesse morale perpétuelle »(44) chez ces patientes, qui mentionnent des fantasmes de grossesse « en négatif ou en creux ». Il observe à travers le discours de ces femmes des représentations fantasmatiques et oniriques d’enfant mort-né, d’avortement, de grossesse invisible (« en creux »), de grossesse et de procréation interdites, dénotant un lien perturbé au maternel. Ces fantasmes de grossesse cohabitent également avec des fantasmes de stérilité. Ces représentations inconscientes d’être stérile rempliraient la fonction d’être protégée du fantasme d’un risque de grossesse permanente de nature psychique et incestueuse, tout en préservant la mère en lui laissant ses attributs de toute-puissance et de domination(47). Cette rivalité sur la terre de la maternité, comme s’il n’y avait pas de place pour la mère et la

(43)

fille en même temps, est là encore un témoin de l’ambivalence omniprésente dans la relation mère-fille, oscillant entre dépendance et séparation.

2. L

A GROSSESSE CHEZ DES PATIENTES SOUFFRANT D

ANOREXIE MENTALE

:

D

E LA CONCEPTION AU POST

-PARTUM

2.1. P

REVALENCE

De nombreux auteurs ont cherché à connaitre la prévalence de l’anorexie mentale dans la population de femmes enceintes. Hoek et al. (2003)(48) évaluent entre 5 et 10% la prévalence des troubles alimentaires parmi les femmes en âge de procréer. Micali(49) et Easter(50) estiment que 5 à 8% des femmes enceintes présenteraient un trouble du comportement alimentaire (anorexie mentale ou boulimie), chiffres atteignant 15% pour les formes sub-cliniques(51). En effet, sur une cohorte de 12254 femmes enceintes, Micali et al(49) constatent que 4% des femmes présentent un TCA actuel ou passé. De même, Broussard(52) note que les troubles du comportement alimentaire concerneraient 5.9% de la population féminine en âge de procréer.

On citera aussi Eagles et al. (2012)(53), qui se sont intéressés à la grossesse de femmes avec une anorexie actuelle ou passée, et qui qualifient la grossesse de « relativement courante » parmi les femmes souffrant de ce trouble alimentaire.

(44)

2.2.

F

EMINITE ET FERTILITE

2.2.1. SEXUALITE

2.2.1.1. TROUBLES SEXUELS

Les troubles sexuels chez la femme peuvent être classés selon quatre grands groupes :

- Troubles du désir :

• Baisse du désir sexuel : déficience (ou absence) persistante ou répétée de fantaisies imaginatives d'ordre sexuel et de désir d'activité sexuelle.

• Aversion sexuelle: aversion extrême, persistante ou répétée, et évitement de tout (ou presque tout) contact génital avec un partenaire sexuel.

- Troubles de l’excitation :

• Trouble de la lubrification : déficit de lubrification vaginale. - Troubles de l’orgasme :

• Anorgasmie : absence ou retard persistant ou répété de l'orgasme.

- Troubles douloureux :

• Dyspareunie : douleur génitale persistante ou répétée associée aux rapports sexuels.

• Vaginisme : spasme involontaire, répété ou persistant, de la musculature du tiers externe du vagin perturbant les rapports sexuels.

De par les difficultés à accepter et investir la féminité et la sexualisation de leur corps, de nombreuses difficultés sexuelles ont été évoquées chez les

(45)

jeunes femmes atteintes d’anorexie mentale. Dès 1967, Crisp considérait ces patientes comme « sexuellement immatures », et évoluant dans un milieu familial où leurs parents véhiculaient des messages négatifs voire prohibitifs vis-à-vis de la sexualité en général et vis-à-vis de la potentielle sexualité de leur fille (32). Il remarquait déjà que la sexualité était vécue comme « mauvaise » par ces patientes qui, comme le constate Scott en 1987 (54), ont du mal à imaginer que les relations sexuelles puissent être une forme d’épanouissement personnel. Ces jeunes filles sont ainsi beaucoup plus enclines à se livrer à des relations « platoniques » ou épistolaires, où le corps physique n’entre pas en jeu.

Le faible intérêt pour la sexualité chez les personnes anorexiques fait consensus dans la littérature(55).

Sur un échantillon de 44 patientes souffrant d’anorexie mentale, Castellini et al.(56) observent des dysfonctions sexuelles plus importantes chez les femmes souffrant d’anorexie mentale restrictive par rapport aux femmes souffrant d’anorexie mentale purgative et aux femmes du groupe témoin. Ils utilisent le FSFI (Female Sexual Function Index), questionnaire composé de 19 questions abordant 6 domaines différents de la fonction sexuelle (désir, excitation, lubrification, orgasme, satisfaction et douleur). Un score ≤ 26,55/36 indique une dysfonction sexuelle(57). Cette étude affiche un score médian de 4,8 chez les anorexiques restrictives, contre 28,3 chez les anorexiques purgatives et 30,2 dans le groupe contrôle non exposé à des TCA. A noter que les six domaines que le questionnaire explore sont touchés de manière homogène dans cette population. En d’autres termes, il apparaît une grande disparité sur le plan sexuel dans la population des jeunes femmes anorexiques. Les formes

Figure

Figure 1: Régulation par la leptine de l'axe hypothalamo-hypophyso-gonadique  (69)
Tableau II: Catégories de cotation du BSQ
Figure 2: Figure Rating Scale (Stunkard)
Figure 3: Infant Body Figure Drawings
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