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À LA RENCONTRE DE DIONYSOS Au-delà du désir et de l amour

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Academic year: 2022

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Q Questions contemporaines

Q Questions contemporaines

Q Gilbert ANDRIEU

À LA RENCONTRE DE DIONYSOS

Gilbert ANDRIEU

À LA RENCONTRE DE DIONYSOS

À LA RENCONTRE DE DIONYSOS

Le centaure Chiron a préféré la mort à l’immortalité.

L’homme, pour sa part, semble tenir à son intelligence pour combattre la mort. Mais, ne lui donne-t-elle pas une fausse image de lui-même ?

Comme tous les mots, l’amour est essentiellement le fruit de sa pensée. Quand percevra-t-il l’invitation de Dionysos à la dépasser ? Au-delà du désir et de l’amour, même celui du beau tel que Platon nous le fait connaître, ne peut-on pas trouver un amour qu’aucun raisonnement ne peut nous dévoiler ? Ne faut-il pas réapprendre à danser au sens symbolique du terme en écoutant Dionysos, le seul enfant de Zeus à pouvoir nous délivrer de sa tyrannie ?

Gilbert Andrieu, s’éloigne de plus en plus des savoirs, ordinaires ou savants, pour chercher une vérité qu’il ne trouve plus dans les mots.

Professeur d’Université, musicien, passionné de mythologie, adepte de la méditation zen, il veut seulement partager ses expériences personnelles et sa certitude que la matière originelle contient plus d’amour que notre cerveau ne peut en inventer.

Illustration de couverture : Huile sur toile de Sarandis Karavousis (1938-2011)

ISBN : 978-2-343-02893-4 21 €

Questions contemporaines

Q

Questions contemporaines

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Questions contemporaines

Q

Au-delà du désir et de l’amour

Au-delà du désir et de l’amour

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À LA RENCONTRE DE DIONYSOS

AU-DELÀ DU DÉSIR ET DE L’AMOUR

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Questions contemporaines

Collection dirigée par B. Péquignot, D. Rolland et Jean-Paul Chagnollaud

Chômage, exclusion, globalisation… Jamais les « questions contemporaines » n’ont été aussi nombreuses et aussi complexes à appréhender. Le pari de la collection « Questions contemporaines » est d’offrir un espace de réflexion et de débat à tous ceux, chercheurs, militants ou praticiens, qui osent penser autrement, exprimer des idées neuves et ouvrir de nouvelles pistes à la réflexion collective.

Dernières parutions

LUONG Cân-Liêm, Le réfugié climatique. Un défi politique et sanitaire, 2014.

Gilbert CLAVEL, La gouvernance de l’insécurité, 2014.

Djilali BENAMRANE, L’ONU : source ou frein au droit public international ?, 2014.

Mario ZUNINO, Quand le JT de TF1 fait son cinéma, 2013.

Delphine DELLA GASPERA, L’économie moderne au risque de la psychanalyse, pour un développement plus sain, 2013.

Jean–Christophe TORRES, Quelle autonomie pour les établissements scolaires ?, Réflexions sur la liberté pédagogique dans les collèges et les lycées, 2013.

Frédéric JONNET, Officiers : oser la diversité. Pour une recomposition sociale des armées françaises, 2013.

Stéphane CHEVRIER, Gérard DARRIS, Les résidents secondaires à l’âge de la retraite, 2013.

Mohamed Amine BRAHIMI, Réflexion autour d’Alain Badiou et Toni Negri. Pour une sociologie des intellectuels révolutionnaires, 2013.

Alain CHEVARIN, Former sans déformer ni conformer, 2013.

Bruno COQUET, L’Assurance chômage, une politique malmenée, 2013.

Nesmet LAZAR, Peut-on encore sauver la France ?, 2013.

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À LA RENCONTRE DE DIONYSOS

AU-DELÀ DU DÉSIR ET DE L’AMOUR

G ilbert ANDRIEU

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DU MÊME AUTEUR

Aux éditions ACTIO L’homme et la force. 1988.

L’éducation physique ay XXe siècle. 1990.

Enjeux et débats en E.P. 1992.

À propos des finalités de l’éducation physique et sportive. 1994.

La gymnastique au XIXe siècle. 1997.

Du sport aristocratique au sport démocratique. 2002.

Aux PRESSES UNøVERSøTAøRES DE BORDEAUX Force et beauté. Histoire de l’esthétique en éducation physique aux 19ème et 20ème siècles. 1992

Aux éditions L’HARMATTAN

Les Jeux Olympiques un mythe moderne. 2004 Sport et spiritualité. 2009

Sport et conquête de soi. 2009

L’enseignement caché de la mythologie. 2012 Au-delà des mots. 2012

Les demi-dieux. 2013 Œdipe sans complexe. 2013 Le choix d’Ulysse 2013 Au-delà de la pensée. 2013

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PREMIÈRE ILLUSION

L’homme est-il autre chose qu’une illusion ?

Dans Au-delà de la pensée, j’ai déjà soulevé le problème que j’avais amorcé dans Au-delà des mots. Certes, il n’est pas facile d’être aussi catégorique, mais, une fois de plus, je joue avec les mots.

Le poisson qui mène sa vie dans la mer nous apparaît comme un être précis au sein d’un environnement particulier.

Nous lui avons donné un nom générique, mais aussi un nom spécifique qui permet de le distinguer de l’ensemble des poissons tout en l’isolant du reste de son milieu que nous considérons comme naturel. Il nous est alors possible d’imaginer un dedans et un dehors, autrement dit le poisson lui- même, tel que nous pouvons le décomposer, et tout ce qui se trouve autour de lui, l’eau elle-même en particulier. Nous pouvons également noter que ce dedans, et ce dehors ne sont que des images pour isoler le poisson de son milieu, cela d’autant plus que l’eau, son milieu naturel se retrouve aussi bien autour qu’à l’intérieur de lui !

Il en est de même pour l’homme à cette seule différence près que l’élément eau est alors complété par l’air auquel il faudrait ajouter de la terre, car l’homme n’est toujours pas un oiseau. Comme nous l’avons fait avec le poisson, nous pouvons distinguer un dehors et un dedans pour l’homme tout en soulignant que l’air, qui est son environnement naturel, se retrouve aussi bien au dehors qu’au-dedans de son organisme. Il est clair que cette séparation artificielle n’est que le fruit de notre imagination, un artifice pour mieux étudier chacun des deux éléments et, plus encore, leurs interactions. Dedans et dehors ne sont que des artifices. Faut-il oublier qu’il est composé essentiellement d’eau ?

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Il n’est pas habituel de considérer l’homme comme un objet, et pourtant !

Qu’avons-nous fait de mieux pour l’analyser, en connaître ses différentes parties, comprendre comment elles fonctionnent, que ce soit avec les sciences de la vie, que ce soit avec les sciences humaines et tant d’autres sciences qui traquent tout ce qu’il est possible de traduire sous forme de lois, ou ce qui peut leur ressembler. En ce qui concerne l’air, que nous retrouvons au-dehors et au-dedans d’une forme à laquelle nous avons donné le nom d’homme, je me souviens très bien de l’effet Bohr et Haldane qui permet de comprendre comment la respiration intervient pour maintenir la vie à l’intérieur de la forme1.

Comparativement à l’existence de l’homme sur terre, une telle analyse est presque une découverte récente. Il en serait de même de toutes nos explorations à l’intérieur de la forme, explorations qui n’ont pas deux siècles d’âge et ne sont qu’une façon nouvelle de parler de l’homme ou de le montrer2.

Nous avons tendance à oublier qu’hier nous ne savions pas ce que nous comprenons aujourd’hui. Cela devrait juste nous imposer un peu de prudence et surtout un peu plus de modestie dans l’usage de certaines croyances3.

Il est probable que l’homme a utilisé des sons avant d’utiliser des signes et plus encore des mots. Il est probable aussi que l’homme a utilisé des sensations bien avant de pouvoir les exprimer, les partager, du moins avant de les

1 J’avais été impressionné, en tant qu’étudiant, de voir comment l’oxygène et le gaz carbonique interviennent pour réguler la teneur de l’air situé au niveau des alvéoles pulmonaires. J’ai déjà souligné, dans Au-delà de la pensée, combien la transformation du phénomène discontinu de la respiration en phénomène continu était importante pour l’ensemble de notre organisme.

2 Il n’est pas possible en quelques lignes de rappeler tout ce qui a pu être dit ou écrit sur l’homme en tant qu’organisme vivant, doué d’intelligence et relativement maître de son destin ! Il faudrait un livre entier pour voir comment l’image de l’homme a changé, s’est précisée, est devenue dépendante des outils d’observation et de nos idées préconçues !

3 En réalité, toutes nos connaissances deviennent des croyances et il serait dangereux d’opposer, trop vite, les résultats « objectifs » de nos observations et les révélations mystiques ou les doctrines religieuses.

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traduire en mots ou en phrases. Comme tout animal qui s’efforce de survivre dans un monde qui n’est pas toujours accueillant, l’homme a aussi cherché à comprendre les relations de cause à effet qui s’imposaient à lui. De la première pierre taillée aux outils qu’il utilise aujourd’hui, il n’a fait que poursuivre la même progression et notre mémoire, celle de l’espèce, n’a pas conservé de façon claire le souvenir de toutes les difficultés rencontrées, fort heureusement.

Les sciences dites positives comme les sciences expérimentales, n’ont pas toujours existé : ce que nous connaissons de la vie aujourd’hui n’était pas utilisable avant la Révolution de 1789 pour se forger une façon d’être 4!

J’en suis arrivé à penser que l’homme était d’abord un ensemble de mots, ceux qui le définissent bien entendu. Il se connaît à travers un vocabulaire plus ou moins savant, mais est- ce bien de lui dont il parle ? Les psychologues dissertent sur l’image de soi ! En éducation physique, j’ai constaté que très souvent cette image est très pauvre et qu’elle pouvait être précisée, non pas grâce aux mots, mais grâce aux sensations et aux mouvements qui les induisent. Qu’il s’agisse de l’image de l’individu ordinaire ou du champion sportif, elle a une importance plus ou moins grande dans le déroulement de la vie.

Il suffirait de suivre l’entraînement des plongeurs ou des gymnastes pour s’apercevoir qu’il faut des années pour la construire et l’utiliser, très souvent dans un temps excessivement bref et dans un cadre très particulier.

Entre l’image fabriquée avec des mots de tous les jours, une image acquise dès l’enfance par l’intermédiaire de l’hygiène ou des normes comportementales, et l’image du champion, il y a tout un monde d’informations qui peut couper le souffle à qui voudrait les avaler d’un trait. Cela dit, ces images, plus ou moins complexes, ne sont pas encore l’homme en soi, l’homme libre et responsable, l’homme qui dialogue

4 Je reviens souvent sur la façon de concevoir un homme immergé dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Il semble bien que la poussée d’Archimède n’avait alors aucune influence sur le corps humain plongé dans l’eau ! J’en ai traité plus longuement dans L’homme et la force.

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avec sa conscience, l’homme qui utilise deux plans de conscience et peut connaître l’extase en se laissant captiver par une œuvre d’art.

La différence est grande, aussi bien dans sa représentation verbale que dans son expérimentation.

En disant que l’homme est une illusion, je veux souligner que ce que nous sommes dépend très étroitement de tout ce que nous avons vécu, essentiellement ce que nous avons expérimenté avec notre corps, ce que nous avons ressenti, tandis que ce que nous croyons être dépend de ce que nous avons appris intellectuellement, souvent sans dépasser le sens vulgaire des mots5.

Depuis des siècles, disons des millénaires, l’homme s’est enfermé dans une certitude : il est un être pensant ! Il semblerait qu’il existe parce qu’il pense ! J’oserai ajouter qu’il existe essentiellement, parfois exclusivement, à travers ce qu’il pense, ce qui n’est pas tout à fait la même chose ! S’il est certain que l’homme pense, est-il permis d’ajouter qu’il est seul à pouvoir le faire, que la pensée est sa particularité, ce qui signifierait qu’avant d’utiliser des mots, ou des signes, l’homme n’était pas encore un homme ? Si la pensée n’est rien d’autre qu’une articulation entre des mots, les Égyptiens ne pourraient pas être des hommes puisqu’ils ne communiquaient qu’à l’aide de signes ou d’images ! Quand donc les Africains seraient-ils devenus des hommes ? Une telle observation peut donner le vertige. Le mythe de la caverne de Platon ne nous aide pas à franchir l’obstacle en nous entraînant vers l’intelligible6.

Il est certain que l’homme a utilisé son cerveau pour penser bien avant qu’il le gave de mots, et les peintures rupestres montrent qu’il était bien plus qu’un être poursuivi, un animal cherchant à survivre.

5 Vous comprendrez aisément que notre système d’éducation est faussé dès l’origine. En développant l’esprit plus que le corps, en étudiant les matières intellectuelles plus que l’éducation physique, en mémorisant des mots plus que des sensations, nous forgeons une illusion.

6 Comment ne pas réfléchir à certaines parodies comme l’image des Pygmés illustrés par le film Les dieux sont tombés sur la tête ?

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En étudiant la pensée, j’ai dépassé le stade de l’écriture.

L’homme n’est pas seulement un ensemble de mots et nous nous en apercevons tous les jours, non pas dans des comportements dignes des moutons de Panurge, mais dans ceux isolés de quelques individus éveillés. Je crois même qu’un grand nombre d’individus pourraient avoir des comportements éveillés, propres à leur personne, mais ils doutent d’eux-mêmes en se comparant aux autres, en ayant peur de sortir du rang, comme s’ils avaient d’abord appris à marcher avec des militaires !

Probablement parce qu’il avait peur, probablement parce qu’il sentait le besoin d’imposer des normes à des ensembles d’individus toujours plus grands, l’homme a inventé les dieux. Il a inventé une autorité invisible et inatteignable pour dominer les masses, le nombre, pour guider les autres vers un mode de vie qui semblait meilleur à l’élite pensante. Ces dieux ont acquis leur importance bien avant l’invention de l’écriture ce qui laisse supposer qu’ils étaient en rapport étroit avec la nature. De nombreux chercheurs spécialisés l’ont revendiqué et nous aurions envie de les suivre. Le Soleil n’est-il pas encore une divinité qui permet de connaître la vérité chez Platon ? L’étude des mythes nous aide à mieux comprendre cette relation, surtout si nous abandonnons leur dimension extraordinaire pour découvrir un enseignement caché dans le langage symbolique.

Depuis longtemps, je me suis aperçu que le langage symbolique des mythes correspondait à de nombreuses expériences vécues personnellement et qu’il m’était possible de comprendre ce que je vivais en croisant les symboles et mes sensations, qu’elles soient soudaines ou qu’elles soient le fruit de la méditation. J’ai toujours privilégié l’approche sensitive de la vie et c’est peut-être pourquoi je me méfie des mots, comme des discours, qui perdent leur valeur lorsqu’ils ne trouvent pas un écho dans la matière que je suis avant tout.

Une fois encore je vais associer étroitement la réflexion et le symbolisme des mythes pour aller toujours plus loin dans ma quête de vérité.

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Dans Au-delà de la pensée j’ai fait allusion à la danse dionysiaque et j’ai même invité le lecteur à danser sa vie. J’ai alors écrit à la page 247 :

« Si nous refusons la mort d’Héraclès et préférons retrouver l’Amour d’Éros, il ne reste plus qu’à danser. »

J’y reviendrai plus longuement, car cette danse mérite d’être présentée, non pas comme un spectacle de théâtre, mais comme une vérité cachée qui se découvre au plus profond de soi. Je n’oublie pas qu’autrefois le Roi-Soleil dansait au milieu de ses courtisans et qu’il a fini par les regarder danser ce qui fut en quelque sorte l’origine de la dans de théâtre. Danser une pavane ou une sarabande, ce n’est pas danser en répondant à l’appel de Dionysos.

Pour le moment, je tiens à insister sur le fait que l’homme s’est enfermé petit à petit dans les mots qu’il faisait naître pour mieux gérer le présent qu’il croyait lié à sa survie.

Toute la difficulté de mon analyse est contenue dans cette opposition entre une conception objective de l’être qui pense et une conception inqualifiable, pour le moment, de l’être qui se découvre tel qu’il est lorsqu’il ne se pense pas objectivement, ou même mystiquement puisque le langage mystique n’a pas franchi réellement la barrière des mots, en dehors de quelques grands initiés.

En cherchant à se décrire, à se distinguer, à s’identifier, l’homme a fait fausse route ou bien a pris une route qui ne conduit même pas au-delà des mots. Il se connaît par leur intermédiaire et depuis longtemps les mots ont oublié leurs origines, les images qu’ils donnent en se regroupant ne permettant pas de retrouver les sensations qui sont leurs racines.

Ce n’est pas leur multiplication et leur déclinaison qui peuvent nous aider à dépasser ce costume de scène que nous endossons en naissant et que nous abandonnons en mourant. J’ai opposé l’être et le paraître, mais je suis de plus en plus convaincu que cette dualité est sans valeur. L’être que j’opposais au paraître ne conduit pas à la vérité que je cherche parce qu’il n’est qu’une image de lui-même, étant le fruit d’une réflexion. Qui dit réflexion, dit reflet, dit copie, autrement dit construction par notre intelligence d’un individu qui ne peut plus se percevoir

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qu’en se pensant et en se regardant d’une manière ou d’une autre au travers des mots ou des idées.

Comme les mots, la pensée qui les utilise n’est un guide sûr que pour ceux qui se situent au sein d’un monde qu’ils analysent, avant d’en faire une synthèse éphémère qui ne résiste pas à son émiettement. « Être ou ne pas être » n’est pas le vrai problème ou, du moins, il reste celui que nous pose la mort.

C’est parce que l’homme est prisonnier de sa fin qu’il n’arrive pas à saisir d’autres pistes d’observation et d’explication. Il est dominé à tous les sens du terme par sa tête. Si elle lui apporte un certain nombre d’avantages par rapport à d’autres espèces, avantages étroitement liés à sa façon d’organiser sa vie, elle lui enlève la possibilité de se connaître comme ses lointains ancêtres et il est regrettable que sa mémoire n’ait pas retenu certains de leurs enseignements.

Lorsque je dis que l’homme, tel que nous le présentons ordinairement, aussi bien dans les manuels scolaires que dans les discours de tous les jours, est une illusion, ce n’est pas pour valoriser des images plus savantes, ou des révélations officielles. Tout ce que nous sommes capables d’engendrer, en parlant de l’homme, n’est qu’une sorte de robot plus ou moins perfectible, d’objet capable de représenter une partie de la réalité que nous ignorons toujours.

J’y reviendrai assez longuement plus loin, mais je voudrais donner une image de ma pensée, puisqu’il n’est pas possible de faire autrement, c'est-à-dire en parlant ou en écrivant. L’homme véritable n’est pas une simple forme.

L’homme véritable n’est pas ce que nous voyons concrètement, autrement dit une manifestation de la matière. L’homme véritable que nous décrivons n’est qu’un dehors, ou mieux une coquille, un cocon, la peau du Lion de Némée qui deviendra la tunique d’Héraclès. L’homme auquel je pense est à l’intérieur non seulement de cette peau, mais aussi de la chair, il est invisible est c’est pourquoi nous ne pouvons pas le traduire en mots. Il est une force qui anime la chair et donne sa texture à la peau, il ne peut émerger du visible que lorsque ce dernier se

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craquelle, se fissure, semble disparaître sous l’effet d’une implosion.

C’est cette implosion que provoque la danse de Dionysos ! Il faudra revenir sur la personnalité de Dionysos qui naît, la seconde fois, de la cuisse de Zeus et non de sa tête, comme Athéna. Si l’on cherchait un raccourci pour distinguer les deux fils de Zeus, il serait possible de dire que l’un est l’esprit, l’autre la chair, qu’Héraclès est la pensée faite surhomme alors que Dionysos est la matière manifestée sous la forme d’un danseur ou d’un buveur de nectar, ce qui a conduit les Romains à en faire un buveur de vin, en le nommant Bacchus.

En réalité, les hommes ne se sont jamais lassés de s’enivrer de mots, d’entrer en transe superficiellement en meublant le vide avec des sons pour en écouter l’écho.

L’homme n’est souvent qu’un beau parleur qui déguste la musique de ses discours et il a oublié l’origine de la mélodie sans laquelle sa musique ne serait que du bruit conduisant à la guerre7.

J’ai déjà opposé la musique et le bruit, souligné l’importance du silence entre les notes, montré l’effet que peut produire l’étirement d’un son, je voudrais rappeler que l’on peut passer d’un monde à l’autre en s’oubliant entre deux notes. Cet oubli de soi qui accompagne l’oubli de tous nos inventaires et de notre besoin maladif de comparer ce qui est incomparable, comme les œuvres d’art par exemple, est nécessaire pour commencer à percevoir la présence d’un autre que nous ne connaissons pas puisque nous ne l’avons jamais vu. C’est bien ce qui arrive à Narcisse en se voyant, pour la première fois, dans le miroir que lui offre une fontaine d’eau pure. Mais ici, ce n’est pas cet autre idéalisé, comparable à l’âme, que l’on rencontre, c’est l’être en soi, délivré de sa manifestation, c’est l’ombre pour reprendre une image de la mythologie, comme l’ombre d’Achille que rencontre Ulysse en voyageant en Enfer.

7 Je crois que la politique est un monde où des experts en mots, des démagogues de toutes tendances, mettent en scène l’excès pervers de ce que nous prenons pour un progrès humain. Il n’y a pas moins trompeur et destructeur que le langage politique !

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L’homme vrai nous est caché par l’homme qui naît, et qui mourra, par l’homme qui vit et ne sait pas pourquoi, car tout ce qui naît de lui a pour origine sa volonté, une volonté avide de pouvoir, mais incapable de trouver le pourquoi de son existence !

Je reviendrai sur le travail que j’ai pu faire avec Itsuo Tsuda, lorsqu’il dirigeait l’École de la respiration, plus particulièrement sur le mouvement régénérateur. Ce mouvement, qui se situe au plus profond de nous, que nous ne percevons pas ordinairement, cette énergie qui semble sommeiller, et que les danseurs utilisent parfois pour porter leur danse, est probablement le meilleur guide qui soit pour échapper à l’étreinte de la peau et même de la chair8.

L’homme que nous connaissons est prisonnier de sa pensée. J’ai abordé ce problème dans Au-delà de la pensée et ne changerai pas le sens de ma réflexion. Pour découvrir cet autre qui se cache, ou que nous avons enfermé dans nos oubliettes, il faut arrêter de penser, du moins de penser comme nous avons l’habitude de le faire. Que nous soyons vulgaires ou savants, nous construisons, jour après jour, une camisole de force autour de ce que certains appellent le soi et qui n’est qu’une image trompeuse que l’on tente d’opposer au moi. Toutes les présentations de l’homme sont sujettes à falsification, volontaire ou involontaire, et il faut les dépasser pour plonger dans une mer insondable pour nos appareils de mesure. Il est grand temps de revêtir un scaphandre pour descendre dans les profondeurs de la vie.

Autrement dit, ce que nous voyons, en ajoutant souvent que nos sens nous trompent, n’est même pas la partie visible de l’iceberg. Ce n’est que la traduction intellectuelle de nos sens par la pensée et je crois bien qu’il faudrait renverser le discours de Platon lorsqu’il se méfie des fables de toutes sortes et cherche la vérité en la mettant toute nue au soleil9 !

8 Pour ceux qui voudraient connaître le travail de ce maître qui nous a hélas quitté, il existe ses livres qui sont toujours un enseignement que l’on peut considérer comme délivré de tout mysticisme.

9 Ici, il faudrait relire le passage où, dans La république, il critique l’œuvre d’Homère et d’Hésiode lorsqu’il envisage l’éducation des gardiens (Livre II).

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La vérité que je cherche n’est pas l’ombre projetée par le soleil, mais elle n’est pas non plus ce que le soleil nous montre. Il est fortement compréhensible que les premiers hommes aient eu peur de la nuit et donné confiance au jour qui les aidait à survivre. Plus encore, le Soleil leur a communiqué le feu qui réchauffe et qui éclaire la nuit. Il était plus impressionnant de faire intervenir Prométhée dans ce genre de communication non verbale, et les tragiques ont bien compris toute l’importance qu’il y avait à l’opposer à Zeus en refusant de lui communiquer son secret. Prométhée, le dieu qui pense avant, avait barre sur Zeus, comme le diraient des enfants en jouant, il voyait ce que Zeus ne voyait pas ! La mythologie ne fait que théâtraliser ce qui se passe dans la nature, mais la façon de le dire montre souvent ce que les auteurs de mythes s’efforcent d’enseigner.

Non, l’homme, que le soleil éclaire chaque jour, n’est pas mieux représenté par Épiméthée, pense après, que par son frère Prométhée, les deux frères étant le fruit de la pensée des premiers sages. Il fallait bien présenter aux auditeurs des aèdes deux types d’homme opposés, l’un d’eux devant être le modèle de ce qu’ils devaient devenir. N’oublions jamais le pouvoir didactique de la mythologie.

Il faut revenir au plus profond de la caverne, là où les rayons du soleil n’apportent même plus l’ombre de la vie, au plus profond de la nuit, pour que l’être véritable apparaisse. Cet être, sans forme, sans consistance, sans chair et sans peau, est semblable à la nuit et c’est pourquoi l’homme vrai est plus facile à rencontrer dans le sommeil que dans la veille. J’ai même avancé que la mort pouvait être considérée comme la porte donnant accès à ce monde particulier où l’amour originel nous attend pour un mariage symbolique qui n’est autre qu’un retour à l’état de matière originelle et non manifestée.

Comme d’habitude, j’utiliserai la mythologie qui reste pour moi un enseignement caché bien mieux qu’un ensemble de

Notons, tout de même, cette précision : « À proprement parler, repris-je, le vrai mensonge, pour reprendre mon expression de tout à l’heure, c’est l’ignorance qui est dans l’âme de l’homme trompé… » (p.72)

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mensonges. J’ai souvent considéré que l’enseignement consistait à se laisser dévorer par ses élèves, à leur laisser prendre tout ce qu’ils voulaient prendre, parce qu’ils en sentaient le besoin10. Avec la mythologie, je ressens ce besoin de prendre, au fur et à mesure des cheminements de ma pensée, et j’ai même le plaisir de voir que chaque mythe peut recevoir, en permanence, des sens que je ne leur avais pas encore donnés.

Ainsi, je comprends mieux qu’Athéna soit l’enfant préférée de Zeus et qu’elle soit sortie de sa tête tout armée. La connaissance théorique, la pensée, n’est finalement qu’un combat permanent que l’intelligence mène contre la nature et quiconque tient tête à Athéna pourrait bien être pétrifié puisqu’elle a placé le visage de Méduse au centre de son bouclier ! Que dire d’Aphrodite, cette femme facile qui passe son temps à faire l’amour au sens vulgaire du terme ? Que peut-elle contre Psyché, si ce n’est retarder son mariage avec Éros, si l’on en croit Apulée ?

J’utiliserais donc les mythes au meilleur moment pour illustrer mes propos.

Si l’homme, tel que nous le connaissons, tel que nous en parlons est une illusion, il faut sortir de cette illusion et c’est ce que j’ai commencé à faire dans Au-delà de la pensée. Je voudrais poursuivre cette recherche en partant de l’amour tel que nous le pratiquons et peut-être même tel que nous le propose Éros. L’amour est un mot plein de sens et qui s’enracine dans les faits les plus usuels, dans notre vie quotidienne. Je l’ai présenté à partir des propos de Socrate, rapportés par Platon, avant de dépasser l’amour devancé par le désir, comme le soleil est devancé par l’aurore.

10 Puis-je ajouter, non sans nostalgie, que, le temps passant, j’ai rencontré de moins en moins d’étudiants affamés de connaissances !

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DEUXIÈME ILLUSION

Comme la pensée, l’amour, tel que nous l’envisageons habituellement, est aussi une illusion.

Bien entendu, chacun connaît la force de l’amour et les transports qu’il nous impose lorsque nous aimons ou, tout simplement, lorsque nous voulons nous approprier un objet vers lequel nous nous sentons attirés. N’oublions pas qu’aimer c’est connaître une attirance particulière qui n’est pas nécessairement humaine. J’aimais mieux le salé que le sucré autrefois, mais en prenant de l’âge j’ai changé et me sens plus attirés par le sucré.

Cette simple allusion suffit pour éviter de croire que l’amour n’est qu’affaire de sentiments entre un homme et une femme.

L’amour, au sens vulgaire, au sens premier, est bien un rapport qui lie hommes et femmes et qu’Hésiode a représenté par le dieu Éros. Certes, il a fallu attendre quelques siècles pour que l’on trouve, sous la plume de Platon, une distinction entre les différentes manifestations de ce dieu. J’ai rappelé dans Au- delà de la pensée, comment on pouvait progresser de l’amour pour une femme à l’amour pour des idées, mais l’amour que chacun de nous peut idéaliser n’est que peu de choses vis-à-vis de cette attirance qui brise les membres et met en déroute la sagesse.

L’homme ordinaire, celui qui agit et pense après, comme Épiméthée, aime Pandore que Zeus a fait naître pour ravir l’attention des hommes. Elle a été parée pour plaire, elle possède tous les attraits nécessaires pour qu’Épiméthée soit enchaîné lui aussi, pour qu’il oublie les délices du Ciel en sacrifiant sa vie aux délices apparents de la terre partagée. Si, au ciel, les dieux semblent se permettre toutes sortes de plaisirs, y compris ceux de l’homosexualité, sur terre, le rapprochement de l’homme et de la femme est considéré par les inventeurs de mythes comme une obligation et un détournement de l’attention. Comment, en effet, serait-il possible de donner une

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certaine consistance aux quatre premières races d’hommes, si cette association venait à manquer ? Cronos a bien commencé le travail en créant les premiers hommes, mais c’était insuffisant et il passait lui-même son temps à avaler ses propres enfants ! Après la guerre contre les Géants et sa prise de pouvoir sur le ciel et la surface de la Terre, Zeus a donc placé les hommes en face des femmes pour qu’ils fassent des enfants, en épousant Pandore ou en jetant des cailloux symboliques, au temps de Deucalion et de Pyrrha.

Il est clair que la cinquième race, la race de Fer, est la seule qui soit en rapport avec la réalité vécue par Hésiode, et par nous-mêmes ensuite. Les autres races sont des inventions qui tentent de donner du sens à la vie, mais l’amour qui nous enchaîne est bien cette force que connaît concrètement notre race, la cinquième.

Pour que les hommes se multiplient, il fallait que l’amour soit une force commune, qu’il y ait attirance mutuelle, que l’union soit porteuse de fruits.

Nous pouvons penser que cette force est totalement indépendante de notre intelligence et qu’elle en est même le contraire. L’amour qui conduit à l’acte sexuel entre un homme et une femme est un amour totalement animal, un réflexe de la matière qui cherche à se reproduire. L’histoire montre bien que des efforts permanents ont été faits pour que cette force soit domptée par l’esprit et que l’intelligence des hommes se retrouve, en quelque sorte, délivrée de ses effets. L’homme intelligent ne saurait se comporter comme un animal !

Il n’y avait que deux façons de sublimer l’amour : ou bien lui donner toutes les subtilités d’une technique centrée sur la volupté ou bien lui donner de plus en plus de spiritualité, autrement dit lui enlever sa véritable nature.

Je dirai que, dans les deux cas, l’amour est devenu une illusion. En perdant sa véritable nature, sa nature la plus matérielle, il est devenu l’objet de nos pensées, l’une d’elles engendrant la pornographie, qui n’a rien à voir avec l’érotisme, une autre en donnant naissance à une subtile manœuvre de détournement, comme chez Platon par exemple. J’oublie, momentanément et volontairement l’amour du beau qui peut

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conduire à l’extase et l’amour divin qui peut y conduire, lui aussi, mais selon une voie différente.

L’amour bestial, ou animal fut certainement le premier à hanter l’esprit des hommes, et des femmes, bien avant qu’ils ne connaissent l’écriture, ou même la représentation picturale d’un idéal quelconque. Comme les autres animaux, l’homme a perçu le besoin de s’unir à l’être avec lequel il pouvait se reproduire. Je ne pense pas que cet amour ait eu besoin d’une longue méditation pour exister. Or, il est clair que cette forme d’amour, qui répond à une nécessité naturelle, comportait une dose de volupté qui avait pour mérite de la renforcer. Il est plus facile de recommencer un acte qui plaît 11!

C’est certainement la vie en collectivité qui est à l’origine d’une première codification d’une telle union. Je n’ai pas à m’étendre sur ce sujet qui relève davantage de la sociologie que de la réflexion philosophique. L’homme a vite compris les avantages et les inconvénients d’une telle force et c’est probablement pourquoi Platon s’est penché sur un inventaire qu’il place dans la bouche de Socrate, ce dernier ne faisant que rapporter les dires de Diotime, une sorte de prêtresse.

Cela dit, il reste que les écrits de toutes les époques, les textes religieux eux-mêmes, font état de ces deux formes d’amour en distinguant les prostituées dont la beauté est devenue légendaire, et les femmes qui méritent d’être aimées pour peupler la terre d’enfants, certains allant même jusqu’à dissocier le plaisir de la reproduction.

Il semble bien que l’on puisse remonter très loin dans le temps pour rencontrer de belles femmes, dignes de Pandore, dotées de la beauté de la fille de Zeus, et monnayant leurs charmes12. Sans aller jusqu’à la prostitution, il était possible de

11 Dans le film La guerre du feu, nous avons une présentation de cet amour et même de son évolution ! Faut-il rappeler que pendant longtemps seul le diable pouvait passer par-derrière ! Là encore, il y aurait de nombreuses pages à écrire pour décrire cette évolution de l’acte le plus simple qui soit dans la vie animale.

12 Ce n’était certainement pas le cas de Phryné qui était le modèle de Praxitèle et qui, ayant été accusée d’impiété, avait été sauvée par son avocat qui avait

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trouver de belles jeunes filles offrant leur beauté à de jeunes éphèbes pour vivre les plaisirs de Vénus, comme nous le disons toujours. Philostrate nous en parle dans un petit traité intitulé De la gymnastique et distingue nettement les bons athlètes et ceux qui voulaient s’entraîner après une nuit de délices amoureux et ne le méritaient pas13 !

Faut-il préciser que l’accouplement, voulu par Zeus dans la mythologie, a bien pour fonction première le détournement de l’attention et l’abandon d’un effort plus noble que l’enfantement. Reconnaissons, tout simplement, que le plaisir précède, et de loin, la naissance d’un petit d’homme.

Reconnaissons que nos ancêtres n’ont pas eu besoin de guides éclairés pour comprendre qu’il était possible de rechercher le plaisir et non la naissance d’un être nouveau. Corrélativement, il ne pouvait qu’exister une opposition entre ce plaisir particulier et la procréation de l’espèce. Il suffisait enfin de donner à ce plaisir tous les qualificatifs nécessaires pour en faire une erreur monstrueuse, une voie de perdition, une démarche amorale.

Il serait possible d’écrire un livre entier sur cette opposition et de trouver dans les bas fonds de l’Antiquité tous les ustensiles nécessaires à l’exagération de cette beauté qui détourne, de ce plaisir qui enchaîne14. Je crois que l’on ne met pas assez en lumière la différence qu’il peut y avoir entre la beauté des prostituées et celle des sculptures de Praxitèle ou de Phidias. Les sculpteurs de l’Antiquité ont su nous entraîner loin

dévoilé sa beauté. On dit seulement qu’elle était de mœurs légères et qu’elle dérangeait les individus bien pensants de son temps.

13 Je ne peux m’interdire le plaisir de rappeler le roman de Maurice Genevoix : Vaincre à Olympie qui montre bien cette opposition entre la recherche du plaisir et l’acceptation de la souffrance dans l’espoir d’une victoire olympique.

14 Le plus bel exemple mythique de ces créations en faveur du plaisir reste la construction de Dédale en faveur de Pasiphaé et permettant de faire l’amour avec le taureau de Poséidon que son mari n’avait pas sacrifié comme il l’avait promis. Il faudrait reprendre toute l’histoire, traverser le symbole, pour comprendre que le Minotaure est bien le fruit d’un amour bestial, d’un amour qui ne doit pas exister, qui est condamnable et doit être emprisonné.

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du plaisir bestial, loin de la copulation dictée par le plaisir en sublimant la beauté, mais nous y reviendront plus loin. Il existait alors des prothèses de toutes sortes pour paraître et attirer le client. J’ai même lu qu’une prostituée se plaignait et disait à son client qu’elle n’acceptait pas un salaire de professeur de gymnastique ce qui laisserait supposer que la prostitution existait bel et bien et qu’elle mettait en jeu des sommes d’argent comparables à des salaires.

On dit souvent que la prostitution est le plus vieux métier du monde. Le plus important est de comprendre pourquoi. La cause essentielle reste le plaisir qu’une femme peut donner à un homme, un plaisir qui dépasse, on s’en doute, celui que procure une union ordinaire. Qui dit prostitution, dit technique du plaisir et, secondairement, batterie d’interdictions s’efforçant de limiter ce qui peut apparaître comme un fléau.

Pour juger du fléau il faudrait se demander pourquoi et pour qui, en finir avec l’hypocrisie qui domine ce problème dont les racines s’enfoncent dans la nature humaine.

Pour le moment, contentons-nous de comprendre que ce plaisir naturel, développé à l’excès, est comme l’opposé du sport, tel que les premiers défenseurs d’un Olympisme rénové voulaient le développer. Pour Pierre de Coubertin, la volupté que faisait naître le sport était alors la meilleure arme contre les erreurs de jeunesse, plus particulièrement l’attrait de la pornographie. Le plaisir, permis et dominé par le sport, devait devenir une sorte de purification morale, le sport n’était pas un but en soi, mais un outil de reprise en mains, de redressement nécessaire et d’hominisation par le refus d’une jouissance facile15.

Nous retrouvons, mais nous y reviendrons, la distinction entre Héraclès et Dionysos, entre un effort constant pour transcender l’existence par l’intermédiaire du combat, au sens antique du terme, et un effort, encore mal compris aujourd’hui, pour transcender l’existence par l’intermédiaire

15 Il est probable que Pierre de Coubertin n’a pas mesuré la nature de l’obstacle ! Certes le sport peut apporter une certaine volupté, mais je doute qu’elle puisse remplacer celle d’un rapport sexuel si un discours assez persuasif ne l’accompagne pas !

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