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La politique conjoncturelle - 2

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Academic year: 2022

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La politique conjoncturelle - 2

Contents

1 Changement de cap après 2008 : la lutte contre la déflation 3

1.1 La politique monétaire . . . 3

1.1.1 Des politiques conventionnelles réactives mais à l’efficacité limitée . . . 3

1.1.1.1 Un abaissement général des taux d’intérêt pour faire face à la crise. . . 3

1.1.1.2 . . . qui se heurte à un seuil plancher des taux d’intérêt nominaux . . . 3

1.1.1.3 Le recours à des instruments usuels . . . 3

1.1.2 La question des taux d’intérêts négatifs . . . 3

1.1.2.1 Pourquoi des taux d’intérêts négatifs ? . . . 3

1.1.2.2 Les taux négatifs sont-ils une anomalie ? . . . 4

1.1.2.3 Quels effets ? . . . 4

1.1.2.4 Les risques . . . 5

1.1.3 Les politiques monétaires non-conventionnelles avant la crise du COVID-19 . . . 5

1.1.3.1 Le guidage des anticipations . . . 5

1.1.3.2 L’assouplissement quantitatif et qualitatif . . . 5

1.1.4 Les effets et les risques des politiques monétaires non-conventionnelles . . . 6

1.1.4.1 Des effets positifs sur les conditions du financement . . . 6

1.1.4.2 Une mitigation plutôt qu’une relance de l’inflation et de la croissance . . . . 6

1.1.4.3 Les externalités négatives de ces politiques . . . 6

1.1.4.4 L’hypothèse de la stagnation séculaire . . . 7

1.1.5 Peut-on sortir des politiques monétaires non-conventionnelles ? . . . 7

1.1.5.1 Ni trop rapide, ni trop lent . . . 7

1.1.5.2 Une impossible remontée des taux . . . 7

1.1.6 Politique monétaire et stabilité financière . . . 8

1.1.6.1 Une doctrine Greenspan contestable mais compréhensible . . . 8

1.1.6.2 La règle de Tinbergen . . . 8

1.2 La politique budgétaire et l’endettement . . . 8

1.2.1 Comprendre les enjeux de la dette publique . . . 8

1.2.1.1 Les soldes du budget . . . 8

1.2.1.2 La dette publique . . . 9

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1.2.1.3 Une dynamique de la dette publique . . . 10

1.2.1.4 S’endetter en période de croissance et faible taux d’intérêts . . . 10

1.2.1.5 La dette cachée . . . 11

1.2.2 La hausse de l’endettement public et la soutenabilité de la dette . . . 11

1.2.2.1 L’évolution de la dette publique . . . 11

1.2.2.2 La soutenabilité de la dette publique . . . 11

1.2.2.3 L’espace budgétaire . . . 12

1.2.2.4 Les inconvénients d’une dette publique élevée . . . 12

1.2.2.5 L’intérêt de l’ajustement budgétaire . . . 14

1.2.2.6 L’insoutenabilité et le défaut souverain . . . 14

1.2.3 De la relance à des ajustements budgétaires néfaste dans les années 2010 . . . 15

1.2.3.1 Des plans de relance pour faire face à la crise . . . 15

1.2.3.2 Un échec des politiques d’austérité . . . 15

1.2.4 Une revalorisation des politiques budgétaires . . . 15

1.2.4.1 Une nouvelle vue sur la politique budgétaire . . . 15

1.2.4.2 Une ré-impulsion budgétaire dans la deuxième moitié des années 2010 . . . . 16

1.2.4.3 L’intérêt d’un endettement public pour la croissance . . . 16

1.2.5 Dettes publiques et politiques budgétaires à l’heure du COVID . . . 16

1.2.5.1 Une forte augmentation des dépenses publiques et de la dette suite à la crise COVID . . . 16

1.2.5.2 Un contexte persistant de faibles taux d’intérêt réels bénéfique aux finances publiques européennes . . . 17

1.2.5.3 La priorité n’est pas à la réduction de la dette . . . 17

1.3 Le policy-mix aujourd’hui : l’enjeu de la monétisation . . . 18

1.3.1 Une cible d’inflation non-atteinte : des PMNC limitées et un endettement insuffisant . 18 1.3.1.1 Un cible manquée . . . 18

1.3.1.2 Des politiques monétaires non-conventionnelles critiquées qui arrivent à leurs limites . . . 18

1.3.1.3 Des conditions d’endettement favorables, mais toujours un risque . . . 18

1.3.2 Le recours à la monnaie hélicoptère (ou la monétisation de la dette publique) . . . 19

1.3.2.1 Qu’est-ce que la monétisation ou la monnaie-hélicoptère ? . . . 19

1.3.2.2 Une politique nécessaire en situation de stagnation séculaire et de trappe à liquidité . . . 19

1.3.2.3 Le risque de l’inflation . . . 19

1.3.3 Quelles perspectives du policy-mix ? . . . 20

1.3.3.1 Dominance budgétaire ou dominance monétaire ? . . . 20

1.3.3.2 Une réforme pour les Banques centrales ? . . . 20

1.3.3.3 Un nouveau ciblage d’inflation ? . . . 21

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1.3.3.4 Un nouveau cadre budgétaire européen ? . . . 21 1.3.4 Faut-il annuler les dettes du COVID ? . . . 21

1 Changement de cap après 2008 : la lutte contre la déflation

1.1 La politique monétaire

1.1.1 Des politiques conventionnelles réactives mais à l’efficacité limitée 1.1.1.1 Un abaissement général des taux d’intérêt pour faire face à la crise. . .

La politique monétaire expansive des années 2000, et les afflux de liquidités, nourrissent un boom immobilier aux États-Unis. La remontée des taux conduit à un krach, qui débouche sur une crise bancaire en raison de la titrisation (cf. cours sur les crises). Face au manque de liquidité des banques, la plupart des banques centrales abaissent leurs taux directeurs, qui atteignent rapidement la borne zéro.

1.1.1.2 . . . qui se heurte à un seuil plancher des taux d’intérêt nominaux

La Zéro Lower Bound (ou seuil plancher des taux d’intérêt nominaux) décrit le fait que la politique monétaire est contrainte par un taux nominal de 0 % dans sa détermination du taux d’intérêt directeur. Ainsi, une fois ce taux atteint, celle-ci ne peut plus recourir à cet instrument pour mettre en œuvre une politique monétaire expansionniste.

En effet, quand le taux d’intérêt nominal est à zéro, les créditeurs n’acceptent généralement pas de prêter de l’argent à un taux négatif alors qu’ils peuvent simplement détenir celui-ci sous forme de monnaie. Le seuil plancher est un exemple de trappe à liquidité : lorsque le taux d’intérêt est nul, les titres ont le même rendement que la monnaie, tous les agents ont intérêt à la détenir.

Par ailleurs, dans le contexte de crise, le canal du crédit est bloqué en raison de la défiance entre banques (suspicion d’actifs toxiques dans le bilan, donc risque de défaut), et il y a une envolée des coûts de financement sur certains marchés de dette.

1.1.1.3 Le recours à des instruments usuels

De 2008 à 2015, la Banque centrale européenne a privilégié le refinancement des banques sans limite de montant et pour une durée longue via les LTRO (Long term refinancing operations) et ses variations (VLTRO, V pour very, le TLRTRO, T pour targeted).Le cercle des bénéficiaires des opérations de refinancement a été élargi, et la gamme de collatéraux acceptés également.

1.1.2 La question des taux d’intérêts négatifs 1.1.2.1 Pourquoi des taux d’intérêts négatifs ?

Entre 2013 et 2019, la Banque centrale européenne n’arrive pas à atteindre sa cible d’inflation, malgré une politique expansionniste. La décision de la BCE de fixer un taux négatif sur les facilités de dépôts vise à renforcer le caractère expansionniste de la politique monétaire afin de satisfaire son mandat axé sur la stabilité des prix.

Les banques commerciales sont obligées de déposer des réserves obligatoires en monnaie centrale sur leur compte à la Banque centrale. Elles peuvent également déposer des réserves excédentaires dont elles disposent.

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Une fois que l’abaissement des taux directeurs, et donc du taux de réserve obligatoire, a été abaissé à zéro, les Banques centrales peuvent jouer sur les réserves excédentaires des banques commerciales en y appliquant des taux nominaux négatifs. Il y a une double incitation pour les banques : - Acquérir des actifs plus risqués qui sont plus rémunérateurs - Pousser les banques à utiliser leurs réserves pour diminuer leurs taux d’intérêt et accroître leur offre de crédit.

Les taux d’intérêt négatif peuvent être utilisés comme une façon indirecte de déprécier la monnaie (cf. cours taux de change) en limitant les entrées de capitaux découragés par la présence de taux négatifs (c’était la motivation du Danemark en 2012).

1.1.2.2 Les taux négatifs sont-ils une anomalie ?

L’existence de taux d’intérêts réels négatif, en période de forte inflation, n’est pas une anomalie, et c’était souvent le cas pendant les Trente Glorieuses.

L’existence d’un taux nominal négatif indique que des agents sont disposés à recevoir un rendement négatif sur la détention d’un actif. L’incitation à acheter ce type d’actif peut être liée à d’autres motifs que le rendement du titre. En effet, certains titres sont utilisés comme collatéral en garantie des opérations de refinancement et permettent de satisfaire les contraintes réglementaires imposées aux établissements financiers. Enfin, si les investisseurs anticipent une nouvelle baisse des taux d’intérêt – et donc une hausse des prix futurs – il est rationnel d’acheter aujourd’hui ses titres et de les revendre lorsque les taux auront baissé.

Le fait de considérer qu’un taux nominal ne peut être négatif ou du moins qu’il existe une limite à la baisse du taux nominal s’explique par l’existence de monnaie – sous forme de pièces et billets – qui est un actif spécifique ne portant pas d’intérêt. Un arbitrage peut donc toujours être effectué entre les autres actifs et la monnaie, ce qui devrait déterminer une limite « naturelle » en dessous de laquelle les banques commerciales ou les agents concernés par les taux négatifs préféreraient détenir du cash.

Dans ce cas, si les taux d’intérêts nominaux deviennent négatifs, pourquoi les banques commerciales n’échangent pas leurs réserves excédentaires en billets ? En raison de l’existence de coûts de transactions à la détention de cash (cf. tous les films de braquage). L’évaluation du coût d’opportunité de la détention de monnaie, qui détermine la contrainte effective à la baisse pour les taux négatifs, est cependant incertaine.

D’après Cecchetti et Schoenholtz (2016), malgré des taux négatifs, les espèces en circulation n’ont pas augmenté. Cependant, pour Jackson (2015) les différents coûts liés à la détention de monnaie sous forme de pièces et de billets pourraient aller jusqu’à 2 %, valeur qui pourrait constituer une contrainte effective (ELB) pour la baisse des taux. Le coût de stockage devenant inférieur au taux négatif.

Pour Buiter (2009), il existe trois façons de dépasser la contrainte de taux zéro : l’abolition de la monnaie papier et des pièces, l’introduction d’une taxe sur la détention des encaisses ou l’adoption de réformes monétaires conduisant à introduire une nouvelle monnaie qui se substitue à la précédente avec un taux de conversion qui permet d’appliquer un intérêt implicite négatif. Par ailleurs, en période de crise, il existe des phénomènes de « flight to quality » (cf. Frenkel et Froot, 1987) vers des actifs sûrs, au point les agents préfèrent détenir des actifs à intérêt négatifs plutôt que des actifs risqués. En raison de la forte demande, ces actifs sont souvent en pénurie (E. Farhi,The Safe Trap, 2017).

Au-delà de l’arbitrage possible entre la monnaie et les autres actifs, la négativité de certains taux d’intérêt de marché reflète l’ajustement entre la demande et l’offre de fonds prêtables ; la baisse du taux pouvant résulter soit d’une baisse de la demande (et donc moins de besoins de financement), soit à une hausse de l’offre (hausse de l’épargne). La baisse des taux et leur passage en territoire négatif témoignent d’une forte préférence pour la liquidité et la sécurité, et donc un excès d’épargne.

1.1.2.3 Quels effets ?

La transmission des taux d’intérêt négatifs au reste de l’économie rencontre trois limites :

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• les banques commerciales peuvent ne pas répercuter les taux d’intérêts négatifs sur leurs réserves au profit des ménages et des entreprises, surtout si cela réduit leurs marges d’intermédiation

• Si la population ne prend pas en compte le niveau de l’inflation, le taux négatif peut être interprété comme l’attribution au futur d’une valeur négative (l’épargne est rémunérée dans le temps par le taux d’intérêt, donc un taux d’intérêt négatif est une taxe sur le futur), donc au lieu d’inciter à l’emprunt, on inciterait surtout au remboursement immédiat ce qui peut avoir des effets désastreux.

• La préférence pour le cash (cf. au-dessus) Qu’observe-t-on dans les faits ?

Un coût direct sur les banques à relativiser, dans la mesure où seule une part des réserves excédentaires vont être affectées par des taux d’intérêt négatifs (au Japon, seulement 5 % des réserves excédentaires ont des intérêts négatifs).

Pour les ménages et les entreprises, les taux d’intérêt négatifs ont permis d’abaisser les coûts d’emprunt des entreprises et des ménages. D’après Demilrap et al. (2016), une augmentation d’un point de pourcentage des excès de liquidité d’une banque (en pourcentage de ses actifs) conduit à une augmentation de 0,01 point de pourcentage de ses prêts aux ménages et aux sociétés non-financières, ce qui représente environ 20 % du flux moyen mensuel de nouveaux prêts aux ménages et aux sociétés non-financières. De plus, les auteurs soulignent que les taux d’intérêts négatifs n’ont pas eu d’impact sur la rentabilité des banques.

1.1.2.4 Les risques

En incitant les banques à substituer des actifs sûrs aux rendements négatifs par des actifs plus risqués et en facilitant l’octroi de crédit à des agents non-solvables ex ante, la Banque centrale accroît potentiellement le niveau de risque pris par le secteur bancaire, ce qui pourrait à terme poser des problèmes d’instabilité financière. Ces risques sont propres à toute politique monétaire expansionniste. Il y a un arbitrage entre stabilité financière et stabilisation macroéconomique, et plus généralement l’ensemble des mesures non- conventionnelles.

1.1.3 Les politiques monétaires non-conventionnelles avant la crise du COVID-19 1.1.3.1 Le guidage des anticipations

Le guidage des anticipations (ou forward guidance) consiste à communiquer à propos de la politique monétaire future de façon à guider les anticipations du marché. Campbell et al. (2012) distingue le guidage delphique (utilisation de l’effet de l’annonce ou de la prévision d’appliquer une politique) du guidage oydsséen (les ban- ques centrales s’engagent de façon crédible à suivre une règle). Le forward guidance est utilisé principalement pour améliorer les anticipations d’inflation, et soutenir l’activité économique.

1.1.3.2 L’assouplissement quantitatif et qualitatif

L’assouplissement quantitatif (ou quantitativ easing) est une opération d’achat par une Banque centrale de grandes quantités de titres financiers sur le marché secondaire, principalement des obligations. La Banque Centrale achète des titres contre de la monnaie, ce qui accroît la liquidité des banques. Le prix des actifs augmente, sous l’effet de la demande des Banques centrales, ce qui diminue leurs rendements, c’est-à-dire les taux d’intérêts. Les taux d’intérêts plus faibles permettent de faciliter l’accès au crédit des ménages et des entreprises, ce qui permet de relancer l’investissement et la consommation. De plus, le QE renforce les anticipations d’inflation, permet de créer un effet de richesse par l’augmentation du prix des actifs rachetés

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par les Banques centrales, et la baisse du taux d’intérêt permet de renforcer la compétitivité-prix du pays par le canal du taux de change.

L’assouplissement peut être qualitatif : la Banque centrale échange des actifs sûrs contre des actifs risqués des banques commerciales. On parle de « credit easing » pour qualifier l’utilisation conjointe des deux politiques.

La FED commence le QE dès 2008, tandis que la BCE n’a commencé son programme d’achats qu’en 2015.

1.1.4 Les effets et les risques des politiques monétaires non-conventionnelles 1.1.4.1 Des effets positifs sur les conditions du financement

L’objectif du Quantitative Easing a été d’éviter que les contraintes de liquidité sur les banques, pour éviter une restriction du crédit conduisant à un cercle vicieux de la déflation. Le fameux discours de B. Bernanke en 2002 : « Deflation : make sure it dosn’t happen here » préfigure déjà de l’esprit des politiques monétaires conventionnelles, et la volonté d’éviter un retour de la crise de 1929.

Les politiques monétaires non-conventionnelles ont eu un effet positif sur les conditions de financement de l’économie, en augmentant la liquidité bancaire, et en faisant baisser les taux d’intérêts public et privé,notamment à long terme (C. Borio, A. Zbaai, Unconventional monetary policies : a re-appraisal, 2018). Ces mesures ont également conforté les anticipations des agents dans le fait que les Banques centrales vont maintenir une politique de taux zéro encore longtemps, ce qui a augmenté la valeur des obligations.

1.1.4.2 Une mitigation plutôt qu’une relance de l’inflation et de la croissance

Les études se concentrant sur l’impact de Quantitative Easing sur la croissance et l’inflation sont plus rares.

Jusqu’en 2020, les cibles d’inflation n’étaient pas atteintes, et l’inflation récente de 2021 est surtout due à la hausse du prix des matières premières. Le coût de la politique semble donc particulièrement au regard des moyens mis en œuvre. Une étude de la BCE (W. Lemke et al.,Combining Negative Rates, Forward Guidance and Asset Purcharses, 2021) estime que l’inflation en zone euro aurait été plus basse de 0,75 points de pourcentage sans l’ensemble des mesures prises depuis 2013. Pour autant, la politique monétaire ne semble pas avoir retrouver ses canaux traditionnels de transmission après la crise.

Cet effet peut s’expliquer la présence d’une trappe à liquidité, au debt super-cycle, ou encore par la stagnation séculaire. Comme le disait Mario Draghi en 2015, « la politique monétaire ne peut pas tout ».

1.1.4.3 Les externalités négatives de ces politiques

A. Saiki et J. Frost (Does Unconventional Monetary Policy Affect inequality ?, 2014) montrent que le QE a accru les inégalités en favorisant les détenteurs d’actifs (dont les prix augmentent) au détriment de ceux qui n’en possèdent pas.

J. B. Taylor (2009) met en évidence le lien entre la politique monétaire expansionniste menée par la FED au début des années 2000 et la bulle sur le marché immobilier américain. Ces craintes sont r »apparues avec la mis en place des politiques d’assouplissement quantitatif et les montant inédits de liquidité injecté dans les économies, causant une hausse du prix des actifs et des bulles. Il n’y a pas de consensus sur l’impact du QE sur la stabilité financière.

Ces politiques tendent à faire déprécier la monnaie d’économies avancées comme le dollar ou l’euro ce qui a un impact négatif pour les pays en développement (cf. cours SMI).

En raison de l’afflux massif de liquidités, l’économie peut risquer de se zombifier. En effet, la facilitation des conditions de financement permet à des entreprises insolvables de rester sur le marché et ne les incite pas à

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faire des efforts de productivité nécessaires. Les conditions de financement favorables ne font que retarder la faillite éventuelle, et ce, au détriment de la croissance de l’économie.

B. Bernanke (2016) souligne les rendements décroissants de ces politiques : les coûts associés augmentent au fur et à mesure, alors que les bénéfices diminuent.

1.1.4.4 L’hypothèse de la stagnation séculaire

L. Summers (Have we Entered an Age of Secular Stagnation ?, 2015) reprend à son compte la théorie d’Alvin Hansen sur la stagnation séculaire. Il remarque que l’expansion connue avant 2008, en dépit de la formation de la bulle et de la dette des ménages, n’a pas conduit à de surchauffe, ni à des pressions inflationnistes et que le marché du travail n’était pas comparable à ce que l’on pourrait atteindre d’une telle situation macroéconomique. Cet économiste en conclut que nous sommes donc entrés dès les années 1990 dans une période de stagnation séculaire et que l’état normal des économies avancées est dorénavant celui d’une dépression légère, ponctuée par de brefs épisodes de croissance associée à la formation de bulles et aux phénomènes d’endettement qui les accompagne.

La stagnation séculaire paraîtrait caractériser la situation actuelle de nos économies. Ce concept postule l’existence d’une situation dans laquelle la demande agrégée est trop faible pour permettre à l’économie de produire à son plein potentiel, les taux d’intérêts réels trop élevés pour permettre de sortir de cette situation et l’inflation est très faible voire diminue dangereusement. C’est également une situation dans laquelle les Banques centrales ne peuvent plus diminuer leurs taux d’intérêt nominaux pour stimuler la croissance.

Cette situation implique une hausse du chômage de longue durée, une perte d’employabilité des citoyens, une baisse de la productivité du travail et un arrêt du progrès technique, dans un contexte d’appauvrissement des sociétés et des risques de conflits entre les différents groupes de la population.

Pour G. Eggertsson et P. Krugman (2012), c’est un choc de désendettement à la suite d’un retournement du cycle financier, qui fait chuter la demande agrégée. L’existence d’une trappe à liquidité dans ce contexte constitue alors une bonne amorce du cercle vicieux de déflation par la dette. Or, la croissance dépend de plus en plus du cycle financier, et moins de variables réelles (M. Aglietta, 2016). Pour C. Borio (2017), montre que l’on obtient une meilleure estimation de l’écart de production en intégrant comme variables explicatives des indicateurs du cycle financier. En conséquence, durant les phases d’emballement du cycle (boom du crédit, hausse des prix de l’immobilier et des prix d’actifs), le PIB observé s’approche du PIB potentiel.

Lorsque les bulles éclatent, le PIB observé passe en dessous et s’éloigne du PIB potentiel.

1.1.5 Peut-on sortir des politiques monétaires non-conventionnelles ?

Même si le débat sur la sortie des politiques monétaires non-conventionnelles n’est plus réellement d’actualité avec la crise COVID, il est bien de comprendre les enjeux liés à une sortie des PMNC au vu des risques associés.

1.1.5.1 Ni trop rapide, ni trop lent

Une sortie trop lente des politiques monétaires non-conventionnelles peut risquer de créer des bulles finan- cières. Cependant une sortie brutale conduirait à une déstabilisation des marchés financiers, notamment avec des sudden stop dans les pays émergents.

1.1.5.2 Une impossible remontée des taux

D’un pont de vue conjoncturel, la crise du Coronavirus a mis fin au débat sur la remontée des taux d’intérêt.

La BCE a accru ses programmes d’achats d’actifs Pandemic Emergency Purchase, à hauteur de 1850 mil- liards), tout comme la FED.

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D’un point de vue structurel, la stagnation séculaire suppose une tendance à la baisse du taux d’intérêt réel d’équilibre (cf. théorie de Wicksell) en raison de différents facteurs (vieillissement démographique, baisse du rythme du progrès technique, inégalités, excès d’épargne et mondialisation).

Cependant, face aux faibles effets des politiques traditionnelles, d’autres pistes sont envisagées (hélicoptère monétaire, cf. partie suivante).

1.1.6 Politique monétaire et stabilité financière

1.1.6.1 Une doctrine Greenspan contestable mais compréhensible

Les Banques centrales peuvent avoir intérêt à intégrer la stabilité financière dans leurs objectifs finaux, dans la mesure où le taux d’intérêt influence indirectement la stabilité financière, et conduire à des crises. Ainsi, la politique expansionniste japonaise des années 1980 a conduit à un krach immobilier et une longue stagnation de l’économie japonaise. L’explosion de la bulle a plongé le secteur dans une crise bancaire qui a eu un effet très négatif sur le PIB pendant toute une décennie.

Pour autant, la Banque centrale n’a pas d’expertise particulière pour décider si, par exemple, les Banques centrales ne prennent pas la stabilité des prix des actifs comme objectif, mais elles se tiennent prêtent à agir en cas d’explosion d’une bulle, c’est la doctrine Greenspan : les banquiers centraux préfèrent « nettoyer » plutôt que lutter contre la formation des bulles.

Cette doctrine n’est cependant pas satisfaisante, car l’explosion d’une bulle peut pousser l’économie dans une trappe à liquidité déflationniste, empêchant la Banque centrale de remplir l’objectif de stabilité des prix (Japon, zone euro). De plus, c’est l’assouplissement monétaire américain pour faire face à l’explosion de la bulle internet en 2001 qui a posé les jalons de la crise de l’immobilier de 2008.

Aussi, C. Borio (2014) met en évidence le paradoxe de la crédibilité : la stabilité monétaire assure la faiblesse des taux d’intérêt, ce qui développe le crédit et la prise de risque et débouche sur l’instabilité financière.

De plus, dans le cadre du débat sur la stagnation séculaires, on peut considérer que les injections de liquidités ne se traduiront pas par des investissements, mais par une croissance du prix des actifs et accroît le risque de bulle.

Cependant, pour Gruen et al. (2003), le ciblage du prix des actifs peut avoir comme conséquence de déclencher une récession : la baisse des taux d’intérêts stimule en théorie l’activité économique, mais augmente le prix des actifs ce qui nourrit la bulle. À l’inverse la hausse du taux d’intérêt pour diminuer le prix des actifs contraint l’économie.

1.1.6.2 La règle de Tinbergen

La règle de Tinbergen stipule que pour atteindre un objectif précis, il faut avoir recours à un seul instrument.

Et donc qu’à un instrument précis est associé un objectif précis. Pour M. Aglietta (Dette publique et politique monétaire en zone euro, 2014), la stabilité des prix est assurée par les taux d’intérêt court, la stabilité financière par les instruments macroprudentiels (cf. cours marché des capitaux) et la soutenabilité de la dette publique par le bilan de la banque centrale en influençant les taux longs (cf. partie suivante)

1.2 La politique budgétaire et l’endettement

1.2.1 Comprendre les enjeux de la dette publique 1.2.1.1 Les soldes du budget

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Le budget d’une entité publique est un document prévisionnel qui précise l’origine le montant des dépenses ainsi que l’emploi qu’elle compte en faire à travers son programme de dépenses.

Les recettes proviennent de la fiscalité directe et indirecte, des cotisations sociales, des revenus des actifs publics, et de la vente de services publics.

Les dépenses proviennent des activités régaliennes, des services publics, du soutien direct ou indirect à l’économie et à la société, des transferts sociaux et des intérêts sur la dette.

Le solde budgétaire (ou solde financier) des administrations publiques, est la différence entre tous les revenus et toutes les dépenses. S’il est positif, on parle d’excédent budgétaire, s’il est négatif, de déficit budgétaire.

Le solde primaire correspond au solde budgétaire en excluant les intérêts sur la dette.

On peut décomposer le solde budgétaire en deux composantes : le solde conjoncturel et le solde structurel (solde corrigé du cycle). Le solde conjoncturel se définit comme la part du solde budgétaire résultant d’un écart de production (écart du PIB par rapport à son niveau potentiel) à la hausse ou à la baisse. Il se calcule à l’aide d’élasticités des différentes composantes du budget à la conjoncture. Par construction, le solde conjoncturel est équilibré en moyenne sur le cycle d’activité.

À l’inverse, le solde structurel est la part du solde budgétaire non-imputable à la conjoncture. Il traduit l’action volontariste de la puissance publique. Il se définit comme le solde budgétaire correspondant à un écart de production nul (production égale à son niveau potentiel) et se calcule par différence entre le solde budgétaire total et le solde conjoncturel.

Dans les faits, cette décomposition est très difficile à estimer statistiquement.

1.2.1.2 La dette publique

Les dettes publiques (ou dettes souveraines quand les obligations sont émises par les États eux-mêmes) sont des stocks. L’accumulation de dette publique tient au fait que les déficits doivent être financés en empruntant sur le marché ou à travers des prêts des organisations internationales.

Bt=Bt−1+Dt, avec D le déficit et B la dette, et t le période. La dette s’accumule donc au cours du temps.

Il faut distinguer la dette brute de la dette nette. Au Japon, la dette brute en 2019 s’élevait à 237 % du PIB, mais une large partie de la dette est détenue par des agences gouvernementales. La dette dite nette (des actifs publics) est de 154 % du PIB. On utilise le concept de dette brute, car les actifs publics sont rarement liquides.

On peut réécrire l’équation précédente en décomposant le solde financier en solde primaire et intérêts sur la dette : Bt= (1 +i)Bt−1Ptavec P l’excédent primaire. Cette équation montre que la dette augmente si la charge des intérêts dépasse le solde primaire. C’est pourquoi le solde primaire est la variable clé des pays surendettés.

Il y a plusieurs façons de financer un déficit :

• vendre à des investisseurs des titres de créance leur donnant droit, pendant une période de temps donné, à des versements en capital et à des intérêts spécifiés par le contrat de dette associé. Cependant, les administrateurs publics peuvent aussi emprunter auprès de banques ou des organisations internationales comme le FMI.

• Financer les dépenses par une avance de la Banque centrale. La contrepartie de cette monétisation du déficit est une émission monétaire par la Banque centrale. Cette pratique est appelée seigneuriage.

Mais, cela débouche sur des épisodes d’hyperinflation (comme en Amérique Latine).

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1.2.1.3 Une dynamique de la dette publique

Contrairement aux ménages, le secteur public n’a pas besoin de rembourser ses dettes intégralement car il a une durée de vie infinie. La dette est ainsi transmise de génération en génération. Ce n’est pas la valeur nominale de la dette qui compte, mais sa taille en % du PIB, c’est-à-dire la base fiscale globale. Ainsi, un même rythme d’accumulation de la dette n’a pas les mêmes conséquences dans un pays où le PIB nominal croît rapidement, et dans un pays où il stagne.

La croissance du PIB nominal (PIB réel + inflation), qu’elle résulte d’une croissance réelle ou de l’inflation, diminue la charge de la dette accumulée et rend par conséquent les déficits plus soutenables.

L’évolution du taux d’endettement est une course-poursuite entre l’accumulation de la dette (au numérateur) et la croissance du PIB nominal (au dénominateur). Si le déficit financier est inférieur à un seuil qui stabilise la dette, le taux d’endettement diminue : sinon, il augmente. Ce seuil est égal au taux d’endettement multiplié par le taux de croissance nominal. Cette arithmétique explique que le Traité de Maastricht ait été fixé initialement à 60 % du PIB la dette maximum et à 3 % du PIB le déficit maximum. À l’époque du traité (1992), on pensait que le taux de croissance serait en moyenne de 5 % par an (3 % de croissance réelle et 2 % d’inflation) ; le déficit stabilisant de la dette serait alors 5 % fois 60 % du PIB = 3 %.

Le rapport entre déficit financier et PIB n’est cependant pas la meilleure variable pour évaluer la soutenabilité de la dette, car il résulte en partie des paiements d’intérêts, particulièrement dans un pays fortement endetté.

Si les taux d’intérêts augmentent parce que les marchés anticipent que l’État sera insolvable, la charge d’intérêt augmente et le gouvernement risque de perdre le contrôle du déficit financier.

Ce faisant, il est préférable de partir du solde primaire. Toutes choses égales par ailleurs, les déficits primaires et les intérêts sur la dette existante augmentent le taux d’endettement, tandis que les excédents primaires et la croissance du PIB nominal le réduisent.

Lorsque le taux de croissance du PIB nominal est supérieur au taux d’intérêt (ou de façon équivalente, le taux de croissance réel est supérieur au taux d’intérêt réel), un pays peut stabiliser sa dette tout en affichant un déficit primaire (et de manière équivalente, le ratio de dette converge tendanciellement vers zéro lorsque le solde primaire est nul). À l’inverse, lorsque le taux d’intérêt est supérieur au taux de croissance, il faut un excédent primaire pour stabiliser le taux d’endettement : plus l’écart entre le taux d’intérêt et le taux de croissance est important, plus grand doit être l’excédent.

Pour autant, même avec un horizon temporel infini, un État ne peut pas s’endetter sans limite. En effet : - La dette est transmise d’une génération à l’autre et, sauf circonstances exceptionnelles ou accumulation substantielle de capital public socialement profitable, il est difficile de justifier du point de vue de l’équité, de laisser à la génération suivante une dette plus importante que celle dont on a hérité. - Le ratio entre dette et PIB ne peut pas augmenter sans limiter parce que cela impliquerait une hausse insoutenable du revenu national consacré au paiement des intérêts sur la dette. Les impôts sont la contrepartie des services publics, mais une dette trop élevée signifie qu’une part trop importante des impôts est consacrée au paiement des intérêts.

1.2.1.4 S’endetter en période de croissance et faible taux d’intérêts

Les équations d’évolution de la dette aident à comprendre pourquoi la dette est devenue un sujet de préoccu- pation majeure dans la seconde moitié des années 1990 : désinflation, moindre croissance et taux d’intérêts réels élevés. De la même façon, l’environnement sans croissance ni inflation au milieu des années 2010 en dépit de taux d’intérêt très bas a renchéri l’endettement.

Cependant, le contexte de très faible taux d’intérêt qui s’est généralisé à la fin des années 2010 conduit à réexaminer l’orientation des politiques budgétaires. Si le taux d’intérêt réel est durablement inférieur au taux de croissance, les normes d’endettement usuelles perdent leur raison d’être. La dette publique n’a plus de coût budgétaire, à supposer que la baisse des taux soit durable et que les marchés jugent l’endettement soutenable.

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NotonsDtle déficit public primaire (c’est-à-dire hors service de la dette) au cours de l’année t, etBtla dette publique en fin d’année t, tous deux libellés en euro.

On a :

En notant d et b respectivement le déficit primaire et la dette en pourcentage du PIB nominal, le taux de croissance nominale (croissance en volume + inflation), g le taux de croissance réelle, PI le taux d’inflation, et r le taux d’intérêt réel, on a n = g + PI , et r = i – PI. On a :

bt = 1+n1+ibt−1+dt , ce qui revient à dire : btbt−1 = (i−n)bt−1+dt, le taux d’endettement b augmente si le taux d’intérêt est supérieur au taux de croissance du PIB nominal et s’il n’y a pas d’excédent primaire suffisant pour compenser cela.

Le déficit primaire qui permet de stabiliser le ratio de dette publique est doncd= (n−i).b; Un pays dont le taux de croissance dépasse le taux d’intérêt peut afficher un déficit primaire sans pour autant que son taux d’endettement. On écrit souvent n-i en faisant référence à l’écart r-g (taux d’intérêt – taux de croissance).

1.2.1.5 La dette cachée

La définition de la dette publique inclut non seulement les titres publics et les prêts, mais également les engagements hors bilan. Il existe quatre catégories d’engagements hors bilan, hors du bilan du budget, selon leur caractère explicite ou implicite, et le fait d’être ou non liés à un fait déclencheur (engagements directs versus contingents).

• Directs et explicites : retraite des fonctionnaires

• Directs et implicite : dépenses liées à la dépendance

• Contingents et explicite : assurance des dépôts, et garanties publiques

• Contingents et implicites : sauvetage des banques too big to fail, catastrophe naturelle 1.2.2 La hausse de l’endettement public et la soutenabilité de la dette

1.2.2.1 L’évolution de la dette publique Historiquement, les forts niveaux de dette publique était liés aux guerres et aux crises économiques. Entre 1950 et 1980, la forte croissance et les faibles taux d’intérêt ont conduit à une forte croissance de la dette avant de ralentir dans les années 1980-1990 (faible inflation, taux d’intérêts réels élevés). La dette s’est stabilisée, en moyenne, entre 1995 et 2007, avant d’être affectée par la crise de 2008 (forte croissance des dettes publiques), et davantage par la crise du Covid. Comme le note l’OFCE (2021), la hausse de la dette n’est pas nécessairement lié aux crises récentes, mais à une modification de la perception de la politique budgétaire, dans un contexte de faibles taux d’intérêts.

1.2.2.2 La soutenabilité de la dette publique

La soutenabilité ou viabilité budgétaire renvoie aussi à la contrainte budgétaire intertemporelle de l’État : les recettes fiscales anticipées doivent couvrir les déficits primaires anticipés et les intérêts sur la dette existante. Intuitivement, cela signifie que la dette ne peut pas croître plus rapidement que la différence entre le taux d’intérêt réel et le taux de croissance réel de l’économie, ou que la valeur actualisée de toutes les recettes publiques futures doit être au moins égale à la valeur actualisée de toutes les dépenses futures plus la valeur initiale de la dette (condition de transversalité). Cela n’implique pas que le taux d’endettement doit être nul à long terme, il suffit qu’il n’explose pas.

On peut également évaluer la soutenabilité des finances publiques en comparant la pression fiscale globale au taux d’imposition soutenable, défini comme le taux qui assure la soutenabilité de la dette pour des projets données de dépenses publiques, de taux d’intérêt et de croissance. Dans la pratique, il n’y a pas réellement de définition de soutenabilité de la dette, car cela ne peut pas se résumer à un indicateur de soutenabilité, dans la mesure où un niveau de dette considéré comme trop élevé pourra être perçu négativement par les marchés.

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1.2.2.3 L’espace budgétaire

L’espace budgétaire est défini comme la marge dont dispose la puissance publique pour affecter des ressources afin de poursuivre un objectif sans mettre en péril la stabilité financière ou la stabilité de l’économie, issue de leurs capacités historiques à s’endetter et à financer leur dette. Il permet de comparer le niveau de déficit structurel possible pour stimuler la demande agrégée sans pour autant menacer la soutenabilité de long terme de la dette. Ghosh et al . (2013) théorisent cet espace budgétaire en représentant le comportement d’un État endette comme une courbe en S fonction du taux d’endettement et du solde primaire. Les pouvoirs publics ont une marge de manœuvre (= l’espace budgétaire) limitée pour mener une politique d’expansion budgétaire sans risquer une spirale d’endettement insoutenable. Selon eux : - Pour des niveaux d’endettement faibles, le solde primaire ne réagit pas fortement à une hausse du taux d’endettement, car sa soutenabilité n’est pas menacée.

• Pour des niveaux d’endettement élevés, le gouvernement relève le solde primaire des APU en réponse à une hausse de la dette, afin de réduire le déficit. Puis cette réaction s’affaiblit et disparaît. Le solde primaire étant une différence entre ce qui est donné et reçu par une population, ils en déduisent un niveau d’acceptabilité des populations à déterminer. La droite correspond au solde primaire nécessaire pour stabiliser la dette. Lorsque la courbe est en dessous, le taux d’endettement augmente, et au-dessus il diminue. L’espace budgétaire correspondant à l’écart entre le point B et A.

Cette courbe en S permet d’estimer l’espace budgétaire, et donc un niveau d’endettement insoutenable. Il existerait bien un niveau d’endettement maximal à partir duquel la dette est insoutenable. Pour C. Reinhart et K. Rogoff (Growth in a time of debt, 2010), à partir de 90 % du PIB, la dette représente une zone de danger pour les États. Notamment une fois le seuil de 90 % dépassé, la croissance passerait en moyenne de 3 à -0,1 %. Si cette étude a été très critiquée, elle a été conservée par la littérature pour souligner l’existence d’un niveau de dette publique insoutenable. Ce seuil, en temps normal, serait de 170 % du PIB pour la France d’après Ghosh et al. (2013).

1.2.2.4 Les inconvénients d’une dette publique élevée

En temps de paix, trois cas principaux d’endettement :

• si le déficit public est supérieur au déficit qui stabilise la dette

• en cas de récession majeure, ce qui entraîne un effondrement des recettes publiques. En Espagne, les recettes ont soudainement chuté de 40,9 % du PIB en 2007 à 34,8 % en 2009, d’où une hausse de l’endettement

• Si des engagements contingents se matérialisent. Le sauvetage du secteur bancaire en Irlande a fait passer le taux d’endettement du pays de 24 % du PIB à 122 % en 2010.

En temps normaux, une augmentation très importante de la dette publique induit plusieurs risques :

• Perte de marge de manœuvre pour stabiliser la production par la dette. Alors que le lissage de la production au cours du cycle est l’une des principales fonctions de la dette publique (ajustement du niveau d’épargne dans l’économie et la minimisation du coût de financement de dépenses publiques irrégulières, par exemple d’investissement), le recours à la dette pour amortir des chocs sur la production n’est plus possible. Il est fort probable que cette perte de marge de manœuvre soit compensée par une hausse de la taxation ce qui serait relativement néfaste à l’activité économique.

• Une dette publique trop élevée peut conduire à une hausse de la prime de risque en cas de perte de confiance des marchés financiers dans la capacité à rembourser.

• un effet d’éviction de l’investissement privé par le taux d’intérêt

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Figure 1: Espace budgétaire

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• un potentiel effet boule de neige de la dette (ce qui a pu conduire à la crise des dettes souveraines sen zone euro)

• Une dynamique inégalitaire (intergénérationnelle en laissant une dette importante aux prochaines générations, et intragénérationnel avec des transferts indirects des contribuables vers les détenteurs de titres de dette publique).

• Du fait de l’interpénétration entre situation bancaire et dette publique, un endettement excessif entraîne un risque souverain. Un risque de défaut des banques alourdit la dette publique, et un risque de défaut des États fragilise les banques.

1.2.2.5 L’intérêt de l’ajustement budgétaire

Pour A. Alesina et S. Ardagna (2010), l’ajustement budgétaire (la réduction des dépenses publiques et de la dette publique) a des effets favorables à la croissance à long terme et de faibles effets récessifs à court terme.

On parle « d’austérité créatrice » (A. Alesina, 2019). La dette publique n’est pas une stratégie de croissance en raison de l’éviction financière (cf. infra, IS-LM).

En effet, pour ces auteurs, les ménages ont des comportements ricardiens, donc une baisse des dépenses publiques conduit à l’anticipation d’une diminution des impôts ce qui augmente la consommation des ménages et des entreprises, relaçant ainsi l’investissement. De plus, la baisse des taux d’intérêts induite par la réduction de la dette publique (réduction, voire effacement des primes de risque) conduit à stimuler l’investissement privé.

Ils constatent les réussites d’ajustement budgétaires de certains pays dans les années 1990 (Canada, Suède).

Cependant, cet ajustement a été favorisé par un contexte général : la baisse des taux d’intérêts et la stimulation de l’innovation.

Si ces auteurs préconisent de sortir d’une dette excessive par une réduction des dépenses (afin d’accroître les excédents primaires), une réduction de la dette en % du PIB peut également passer par une augmentation de l’inflation, une augmentation de la croissance, le maintien de taux d’intérêts à des niveaux artificiellement bas, ou encore faire défaut sur ses engagements.

1.2.2.6 L’insoutenabilité et le défaut souverain

La solvabilité caractérise une situation où, à un point donné, le gouvernement est capable de remplir toutes ses obligations financières en levant des impôts, en vendant des actifs et en émettant de la dette. Si les ressources existent, mais ne sont pas mobilisable immédiatement, l’État est illiquide : le gouvernement peut se retrouver dans l’incapacité de tenir exactement le calendrier prévu pour ses échéances. Enfin, les finances publiques sont dites insoutenables lorsque sur la base de la politique économique actuelle et des prévisions disponibles, l’évolution anticipée de la dette aboutit inéluctablement à une crise d’insolvabilité. La politique budgétaire peut être insoutenable sans que les problèmes de soutenabilité ne surgissent immédiatement.

Une autre différence majeure entre entités privées et publiques tient aux conséquences de l’insolvabilité.

Lorsqu’une entreprise fait faillite, elle peut être rachetée par un concurrent ou liquidée auquel cas les actifs sont saisis par les créanciers. Un ménage peut de la même façon perdre ses actifs, par exemple sa maison.

Mais dans le cas d’une dette souveraine, il n’y a pas de collatéral : lorsqu’un État fait défaut, ses créanciers ne peuvent rien saisir. L’attitude d’un État endetté vis-à-vis de ses créanciers dépend donc autant de sa disposition à payer que de sa capacité à le faire. Le défaut peut être une décision rationnelle.

Quels sont les coûts et les bénéfices d’un défaut sur la dette ?

Le bénéfice du défaut souverain est l’effacement de la dette et des intérêts correspondants, tandis que les coûts sont d’ordre réputationnel : l’État peut se voir interdire l’accès aux marchés financiers ou du moins devoir payer une prime de risque plus élevée sur ses emprunts futurs puisque les marchés intégreront au prix le risque d’un autre défaut.

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Un pays a en général le choix entre préserver sa réputation au prix de forts coûts économiques, ou la perdre afin d’améliorer sa solvabilité, notamment en demandant une restructuration de sa dette.

Empiriquement, les dommages réputationnels sont limités. D’après Cruces et Trebesch (2013), les gou- vernements retrouvent un accès aux marchés et les écarts de taux futurs sont corrélés à l’ampleur de la restructuration. Ensuite, les allégements dette significatifs ont un effet positif sur la croissance, particulière- ment lorsqu’ils s’accompagnent de réductions dans la valeur faciale de la dette et pas seulement d’une simple réduction dans sa valeur actualisée nette (Reinhart et Trebesch, 2016).

1.2.3 De la relance à des ajustements budgétaires néfaste dans les années 2010 1.2.3.1 Des plans de relance pour faire face à la crise

Les politiques de relance budgétaire aux États-Unis et en Europe s’effectuent dans un contexte favorable : il y a une forte dépendance de la dépense privée au revenu disponible, l’existence de capacités de production inemployées, et une politique monétaire accommodante à la borne zéro (De Long, Summers, Fiscal policy in a depressed economy, 2012), et une volonté d’agir de façon coordonnée de la part des pays du G20. En moyenne, les relances des pays avancés ont représenté près de 3,5 points de PIB. Cependant, le gonflement important des dettes publiques, et la crise des dettes souveraines en Europe a conduit à un passage quasi- généralisé à la consolidation budgétaire à partir de 2011-2013.

1.2.3.2 Un échec des politiques d’austérité

M. Aglietta (Dette publique et politique monétaire dans la zone euro, 2014) considère que la hausse de la dette publique n’était pas dû à un laxisme budgétaire, mais avant tout lié à la crise financière et aux excès de l’endettement privé.

Dans une perspective keynésienne, c’est l’investissement qui crée l’épargne : plus d’investissement permet plus d’activité et de revenus, et ainsi plus de consommation et d’épargne, car la quantité d’épargne augmente avec les revenus. Du fait des effets multiplicateurs, les efforts pour augmenter l’épargne via des politiques de rigueur peuvent ainsi conduire à moins d’épargne agrégée (et donc moins d’investissement) : la baisse de l’activité peut en effet être si forte que l’épargne privé diminue plus que l’épargne publique augmente.

Dans le cas de la Grèce, la rigueur imposée au pays a conduit à un effondrement du PIB réel de 17 % (au lieu des 5,5 % prévus par le FMI) et à une explosion du chômage à 25 %. En vouloir réduire la dette pour améliorer le ratio dette/PIB, on a réduit le PIB encore plus que la dette, aggravant la situation. D’après O.

Blanchard et D. Leigh (Growth forecast errors and fiscal multipliers, 2013), les multiplicateurs budgétaires ont été sous-estimés pendant la crise de 2008.

L’échec des politiques d’austérité tend à souligner l’absence d’éviction financière et de comportements ricar- diens des ménages. Les études empiriques montrent que l’investissement privé augmente lors des politiques de relance et plonge lors des épisodes d’austérité de la demande globale (carnets de commande des entreprises sont le premier déterminant de l’investissement).

F. Geerolf et T. Grejbine (2018) souligne également l’importance des multiplicateurs fiscaux, qui seraient de l’ordre de 2,5 à 3 pour les 35 pays de l’OCDE : à la suite d’une baisse d’impôts d’un point de pourcentage du PIB, au bout de trois ans, le PIB augmente de 2,5 à 3 %.

1.2.4 Une revalorisation des politiques budgétaires 1.2.4.1 Une nouvelle vue sur la politique budgétaire

J. Furman (The New View on Fiscal Policy, 2016) distingue une ancienne vision et une nouvelle vision de la politique budgétaire :

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• L’ancienne vision perçoit la politique budgétaire comme limitée, avec des effets indésirables (éviction de l’investissement privé), faible espace budgétaire, et priorité à l’équilibre des finances publiques à long terme, et la coordination internationale est inutile.

• La nouvelle vision considère que la politique budgétaire peut être très efficace en particulier en cas de crise, plus grand espace budgétaire quand les taux d’intérêts sont fiables, la relance d’une économie peut être combinée avec la consolidation à long terme, et la coordination internationale peut être efficace.

Le paradigme a changé principalement en raison de deux constatations empiriques : l’absence d’effet d’éviction financière et la faiblesse historique des taux d’intérêts réels.

1.2.4.2 Une ré-impulsion budgétaire dans la deuxième moitié des années 2010

Après 2015, et le constat que « la politique monétaire ne peut pas tout », les recommandations de l’OCDE ont révélé ce changement de paradigme, en conseillant aux États-Unis et à l’Europe une politique budgétaire plus active en matière d’investissement public et de soutien à la demande. Cela a pu se concrétiser dans le plan de relance Trump entre 2017 et 2020.

1.2.4.3 L’intérêt d’un endettement public pour la croissance

L’endettement est légitime pour financer certains types de dépenses dans une optique intergénérationnelle.

Pour K. Arrow et al. (1970), financer l’investissement par de l’endettement permet à l’État de répartir le risque financier de chaque projet sur un grand nombre de contribuables, au niveau intergénérationnel. Dans la perspective de la théorie de la croissance endogène (Barro, Romer, Lucas), la politique budgétaire renforce la croissance potentielle lorsqu’elle finance des dépenses qui ont des externalités positives (éducation, santé, infrastructures).

F. Furlanetto et al (2021) ont cherché à quantifier l’importance des effets d’hystérèse dans le cas de l’économie américaine. Les effets d’hystérèse jouent un rôle durable dans la perte de croissance potentielle, ce qui renforce l’intérêt de mener des politiques contra-cycliques. Pour P. Krugman (2020), en situation de faibles taux d’intérêt, il faut une stimulation budgétaire permanente, même quand il n’y a pas de récessions.

1.2.5 Dettes publiques et politiques budgétaires à l’heure du COVID

1.2.5.1 Une forte augmentation des dépenses publiques et de la dette suite à la crise COVID

La crise économique liée au Covid-19 a provoqué un creusement du déficit public. Selon une première estimation, celui-ci a atteint 9,2 % du PIB en 2020 contre 3,1 % en 2019. L’État a augmenté ses dépenses afin de soutenir l’économie pour faire face aux conséquences de la crise. La dette publique est passée de 98,1

% en 2019 à 114,9 % du PIB en 2021 (INSEE, 2021). La hausse de la part de la dette publique rapportée au PIB s’explique également par la diminution du PIB en 2020 du fait de la récession.

La hausse des dépenses a surtout été liée à la volonté de protéger la consommation des ménages et de réduire le risque de faillites d’entreprises illiquides, mais solvables à travers des prêts garantis par l’État (PGE). Le plan Biden (2021) vise à dépenser près de 2 000 milliards de dollar ou l’équivalent de 1 % du PIB chaque année pendant huit ans. Ce plan vise à rénover et à moderniser les infrastructures américaines.

France Stratégie (2021) montre que les dispositifs d’aides aux entreprises ont permis de réduire le nombre de faillites d’entreprises en 2020. Il y a des « faillites manquantes » : sans la crise, il y aurait dû avoir 21 600 faillites d’entreprises en France. Cependant, la reprise des activités économiques et la fin des dispositifs d’aides risquent d’accroître le nombre de faillites. Pour P.-O. Gourinchas et al. (COVID-9 and SMES : a 2021

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«Time Bomb» ?, 2021), les prêts ne sont pas susceptibles de créer des faillites en chaîne ayant l’équivalent d’une bombe à retardement.

En octobre 2021, Jean Castex annonce une politique d’aide de distribution monétaire aux ménages, pour lutter contre l’effet inflationniste de la hausse des matières premières, financée par le budget, portant le déficit à 5 % du PIB pour 2021.

1.2.5.2 Un contexte persistant de faibles taux d’intérêt réels bénéfique aux finances publiques européennes

En 2020, les taux nominaux sans risques sont inférieurs à zéro pour toutes les maturités inférieures à 20 ans, et les taux d’intérêt réels sont donc négatifs. Cette faiblesse des taux est un phénomène mondial qui affecte toutes les classes d’actifs et dont l’origine est bien antérieure aux politiques d’assouplissement quantitatif mises en œuvre par les Banques centrales (O. Jorda et al.,The Rate of Return of Everything, 2019).

Cette chute mondiale du rendements des actifs tient principalement à des facteurs structurels (tradition- nellement associés à la stagnation séculaire) :

• augmentation de l’épargne ne raison de la déformation du partage des revenus en faveurs des entreprises, vieillissement, et à l’échelle internationale accumulation de réserves des pays du Sud

• baisse de la demande d’investissement, sous l’effet de la technologie (plus économe en capital), de la démographie (qui réduit la demande de capital résidentiel) et de la contraction des investissements publics

Ces facteurs sont bien sûrs accentués par les programmes d’assouplissements quantitatifs actuels.

Entre 1999 et 2019, la dette publique agrégée de la zone euro avait plus que doublé, mais la charge d’intérêt avait baissé de 2,5 points de PIB. En France, la baisse des taux a plus que compensé l’augmentation de la dette. De 2009 à 2019, la charge d’intérêt a baissé de 1,1 point de PIB, en dépit d’une hausse sensible du ratio de dette, de 69 % du PIB début 2009 à 98 % début 2019.

Pour O. Blanchard (Public debt and low interest rates, 2019), l’écart entre le taux d’intérêt réel (r) et le taux de croissance nominal (g) est un indicateur de la marge de manœuvre budgétaire et de la soutenabilité du déficit. Le fait est qu’en période de taux nuls, r-g est négatif, ce qui signifie que le coût d’endettement est nul, et que les États peuvent avoir un déficit primaire tout en réduisant leur ratio dette/PIB.

Il souligne que l’accroissement des dépenses publiques depuis les années 1970 ne réduit pas l’espace budgétaire des économies avancées, qui bénéficient d’un taux de financement inférieur à celui de la croissance, et ne menace donc pas la soutenabilité de la trajectoire de la dette. Ainsi, plutôt que de chercher à maintenir un excédent primaire pour stabiliser le ratio Dette publique/PIB, il serait préférable de privilégier sur le long terme les investissements publics de qualité et des réductions d’impôts ciblées, dans un contexte de faibles taux d’intérêts.

1.2.5.3 La priorité n’est pas à la réduction de la dette

P. Martin et al. (Une stratégie face à la crise, 2020) souligne qu’un consensus se dégage sur le fait que la réduction de la dette publique n’est pas une priorité à court terme. La norme de 60 % pour apprécier le niveau d’endettement public est devenue obsolète, et implique une redéfinition du cadre budgétaire européen (cf. cours zone euro).

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1.3 Le policy-mix aujourd’hui : l’enjeu de la monétisation

1.3.1 Une cible d’inflation non-atteinte : des PMNC limitées et un endettement insuffisant 1.3.1.1 Un cible manquée . . .

Une inflation modérée est recherchée par les Banques centrales (objectif de 2 % de la BCE par exemple).

Cependant, depuis la crise de 2008, et en dépit des politiques d’assouplissement quantitatif, les Banques centrales ne parviennent pas à atteindre leurs objectifs en termes d’inflation. La remontée de l’inflation en 2021 est principalement due à une tension sur le marché des matières premières. Pour B. Coeuré : « plus l’inflation faible perdure et plus la crédibilité des Banques centrales risque d’être affectée ».

L’économie mondiale, et en particulier les économies avancées sont soumises à de nombreux facteurs déflation- nistes, en dehors du choc négatif qu’a représenté la crise COVID. L’inflation est restée basse principalement en raison de la conjoncture économique (chômage élevé, faible croissance des salaires), et des facteurs inter- nationaux (faibles prix mondiaux des produits échangeables, prix modéré de l’énergie entre 2015 et 2020).

Pour E. Monnet et D. Puy (2021), depuis 2010, la volatilité moyenne des prix à la consommation dans un pays donné est expliquée à plus de 50 % par la mondialisation. D’après la Banque de France (P. Diev et al., Comment expliquer la faiblesse de l’inflation en zone euro depuis 2013 ?, 2021), près d’un tiers de la faible inflation sur la période 2015-2019 (par rapport à la période 1999-2007) s’explique par un chômage plus élevé.

Si l’inflation a repris depuis septembre 2021, il faut souligner que cette hausse est surtout due à la hausse du prix des matières premières, et non à une réelle reprise de l’activité économique (la forte croissance n’étant qu’un rattrapage de la perte de production).

1.3.1.2 Des politiques monétaires non-conventionnelles critiquées qui arrivent à leurs limites

Les politiques d’assouplissement quantitatif ont pour but de relancer l’inflation (cf. infra). Cependant, il y a trois critiques principales envers ces politiques :

• La hausse du prix des actifs conduit à accroître les inégalités de patrimoine (Bennani et al., 2021)

• Parmi les actifs achetés, une partie est associée à des industries polluantes ce qui encourage ce type d’activité dans un contexte de transition énergétique

• Un risque de dominance budgétaire (situation où la Banque centrale est contrainte par la politique budgétaire en particulier par une dette publique élevée et croissante dans sa capacité à préserver la stabilité des prix, cf. infra). Pour S. Schnabel (The Shadow of Fiscal Dominance, 2020), ce risque n’est pas avéré pour la BCE, mais le maintien d’un fort endettement public tend à accroître la possibilité.

1.3.1.3 Des conditions d’endettement favorables, mais toujours un risque

Si pour O. Blanchard (2019), les conditions d’endettement (r-g négatif) sont favorables, cela n’est pas sans risques. Pour P. Mauro et J. Zhou (2020), r-g < 0 n’est pas une condition suffisante pour assurer la soutenabilité de la dette : historiquement, le coût d’emprunt peut soudainement augmenter avant que les pays n’aient à faire défaut sur leur dette. Enfin, pour W. Lian et al. (2020), l’actuel épisode de r-g négatif pourrait ne pas durer longtemps. En effet, la durée de r-g négatif au XXe siècle, est d’autant plus brève que le niveau initial de dette publique est élevé. Par ailleurs, même en présence de taux nuls, voire négatifs, une remontée rapide des taux suite à une crise de confiance sur les marchés pourrait fortement faire peser le poids du service de la dette. Ainsi, les auteurs plaident pour une politique de monnaie hélicoptère (cf. infra).

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1.3.2 Le recours à la monnaie hélicoptère (ou la monétisation de la dette publique) 1.3.2.1 Qu’est-ce que la monétisation ou la monnaie-hélicoptère ?

V. Sterk et S. Tenreyro (The Transmission of Monetary Policy through Redistribution, 2018) définissent la politique de « monnaie-hélicoptère » (en référence à l’expression de Milton Friedman) comme : « une aug- mentation de l’offre de monnaie qui n’est pas accompagnée d’une augmentation de la détention d’obligations par la Banque centrale mais par un transfert direct à une autorité fiscale ».

Cette politique peut également consister en ce que l’on appelle une monétisation de la dette publique, c’est- à-dire une émission de dette par le gouvernement entièrement financée par la création de monnaie par la banque centrale. En pratique, il n’y a pas de différence entre un transfert effectué par les autorités fiscales à la population et financé par des émissions de dette rachetée par la Banque centrale, et le fait que ce même transfert soit effectué directement par les autorités monétaires en imprimant la quantité de monnaie correspondante.

Notons que si le quantitative easing est une forme de création monétaire, mais comme c’est associé à une dette, le remboursement des obligations à terme conduit à de la destruction monétaire. Une politique de monnaie-hélicoptère ou de « monétisation de la dette » consiste à une création de monnaie sans achats d’actifs en contrepartie.

1.3.2.2 Une politique nécessaire en situation de stagnation séculaire et de trappe à liquidité

J. Gali (The effect of a money-financed fiscal stimulus, 2020) montre, qu’en situation de trappe à liquidité, une politique de monnaie-hélicoptère est plus efficace pour relancer l’inflation et l’activité économique qu’une politique budgétaire expansionniste financée par la dette.

Pour F-O . Biibiie et X. Ragot (Optimal monetary policy and Liquidity with Heterogenous Households, 2021), un transfert monétaire direct aux ménages ayant la propension marginale à consommer la plus élevée est un outil puissant pour relancer l’inflation et l’activité économique, en particulier par rapport à des politiques qui reposent sur des achats de titres financiers. De plus, la possibilité d’arrêter la politique dès que la cible d’inflation est atteinte en fait un outil aux risques limités.

J-B. Michau (Helicopter Drops of Money under Secular Stagnation : From Ponzi to Pigou, 2020) construit un modèle pour comprendre quelle politique économique permet de sortir de la stagnation séculaire (faible demande agrégée, taux d’intérêt réels faibles et politique monétaire à la borne zéro), et dans le cadre d’une cible d’inflation à atteindre (2 % pour la BCE). Il montre qu’une politique de monnaie-hélicoptère a un effet suffisamment important pour sortir une économie de la trappe à liquidité. Cependant, il est possible que l’inflation générée par la politique soit supérieure à la cible, mais c’est la condition nécessaire pour atteindre le plein-emploi.

Cependant, d’après une enquête de l’ING (Helicopter-money : Loved, Not Spent, 2016), un transfert moné- taire aux agents, bien qu’appréciés, serait surtout épargné ou utilisé pour le remboursement de dettes.

Seulement un quart des enquêtés utiliseraient l’argent en grande partie. Ce faisant, le transfert doit être effectué sous la forme d’un chèque perdant de la valeur au cours du temps (taux d’intérêt négatif sur le cash envoyé) pour empêcher la situation de trappe à liquidité (même si ça n’empêcherait pas les gens de l’utiliser pour se désendetter).

1.3.2.3 Le risque de l’inflation

La monétisation de la dette publique est associée à des épisodes de forte inflation (Allemagne en 1923, hyperinflation dans les pays d’Amérique Latine, etc). C’est la fameuse ricardienne : si demain tout le monde se réveille avec deux fois plus d’argent, les prix augmenteront par deux.

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La politique d’envoi de chèques de 1 200 dollars aux citoyens américains de Joe Biden aux États-Unis est susceptible d’avoir un effet inflationniste. Pour L. Ball, G. Gopinath et D. Leigh (US Inflation : Set for Take- off ?, 2021), les modèles utilisés par les économistes d’institutions internationales ainsi que les anticipations des investisseurs de marché font actuellement le constat que l’inflation pourrait atteindre 2,5 à 3 % à la fin de l’année 2021. Pour O. Blanchard (2021), le plan Biden risque de pousser l’économie américaine au-delà de son potentiel de production et de générer des tensions inflationnistes.

Cependant, au niveau européen, la monnaie hélicoptère ne conduirait qu’à une augmentation du bilan de la BCE de 10 % du PIB de la zone euro (contre 60 % pour le quantitative easing ces dernières années) d’après E. Monnet (2021). De plus, pour T. Renault et B. Savatier (2021), un transfert monétaire de 1 % du PIB provoquerait une hausse de 0,5 % de la consommation et de 0,5 point de pourcentage de l’inflation, ce qui permettrait à terme une normalisation de la politique monétaire.

M. Konczal et J. Mason (2021) considèrent qu’une politique monétaire expansionniste pousse les entreprises à davantage investir dans des technologies économes en travail (le prix du capital devenant très faible avec des taux zéro), ce qui contient les pressions inflationnistes en stimulant la productivité.

1.3.3 Quelles perspectives du policy-mix ?

1.3.3.1 Dominance budgétaire ou dominance monétaire ?

Pour T. Sargent et N. Wallace (Some Unpleasant Monetarist Artihmetic, 1980), il existe une arithmétique déplaisante : la croissance des déficits budgétaires conduit in fine à financer ces déficits par la création monétaire, ce qui se traduirait inévitablement par de l’inflation, voire de l’hyperinflation.

O. Blanchard et J. Pisany-Ferry (2019) soulignent qu’une politique d’hélicoptère monétaire conduirait à une confusion entre la politique monétaire et budgétaire, et à une dominance budgétaire. G. Saint-Paul et al. (2021) considèrent que l’indépendance des Banques centrales serait mise à mal par de telles politiques.

Pour le CAE (Que peut encore faire la Banque centrale européenne ?, 2021), une politique d’hélicoptère monétaire rentre dans le cadre du mandat de la BCE, dans la mesure où elle sert à lutter contre l’inflation.

Le transfert monétaire doit être effectué par la Banque centrale européenne dans la mesure où les pays de la zone euro n’ont pas la même capacité à effectuer le transfert, et ont du mal à se coordonner (à la différence des chèques envoyés par le gouvernement américain).

Un nouveau courant de la pensée économique, la Théorie Moderne de la monnaie (S. Kelton,Le mythe du déficit, 2021) considère que la politique monétaire doit se soumettre au service de la politique budgétaire et que la Banque centrale doit acheter de la dette jusqu’à atteindre une situation inflationniste. Pour G. Giraud (L’illusion financière, 2013), la monétisation de la dette doit servir à financer les investissements nécessaires à la transition écologique.

1.3.3.2 Une réforme pour les Banques centrales ?

B. Bernanke (2016) propose d’établir un système au sein duquel la banque centrale peut mener des politiques monétaires et fiscales sans remettre en cause son indépendance. Il suppose par exemple qu’il est possible de créer un régime dans lequel l’autorité fiscale du pays ait un compte spécial auprès de la Banque centrale.

Les banquiers centraux seraient alors les seuls à pouvoir décider quand remplir ce compte et cela sous des limites préalablement fixées.

La Banque centrale ne remplirait ce compte que quand les autorités compétentes des banques centrales décideraient qu’une politique d’hélicoptère monétaire est la seule solution pour faire repartir l’économie de leur pays. Les décideurs nationaux pourraient alors se servir de ces fonds pour mener une politique fiscale expansionniste. Ainsi, la Banque centrale aurait le pouvoir de décider quand cette politique lui paraît nécessaire pour atteindre ses objectifs et elle serait la seule à pouvoir déterminer le montant nécessaire de l’injection de liquidité à effectuer. Cela permettrait de préserver son indépendance tout en conservant l’autorité des gouvernements des pays.

Références

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