FICHE À DÉTACHER
La Lettre du Neurologue • Vol. XX - n° 3 - mars 2016 | 69
f i c h e t e c h n i q u e
Sous la responsabilité de ses auteurs
n° 139
– Quel(s) processus et mécanisme(s) dysfonctionnent ? (tableau II)
Dans le cadre des pathologies dégénératives entraînant des troubles mnésiques au premier plan, c’est l’identification du profil des troubles de la mémoire épisodique qui va orienter le mieux la suite du bilan neuropsychologique, car il contribue à la caractérisation d’un phénotype clinique.
Le test de mémoire épisodique recommandé pour distinguer les 3 étapes de la mémorisation est le RL/RI 16 items (2), qui permet d’isoler un syndrome amnésique de type temporal interne (3).
Ce test a pour spécificité une double procédure de renforcement et de contrôle de l’étape d’encodage dans le but d’optimiser les processus de récupération spontanée, permettant alors une meilleure évaluation des capacités réelles de stockage.
Objectifs de l’évaluation neuropsycho- logique face à une plainte mnésique
L’évaluation neuropsycho- logique permet de mieux comprendre les processus impliqués dans les symptômes cliniques observés chez les patients. Le profil neuropsy- chologique obtenu à l’issue de l’évaluation contribue à la caractérisation du phénotype
clinique. Le phénotype clinique n’est pas un diagnostic, mais il contribue à étayer un diagnostic clinique fondé sur les résultats de l’imagerie cérébrale morphologique et métabolique, et des biomarqueurs.
Face à des plaintes mnésiques, quelle démarche neuropsychologique adopter ?
La mémoire humaine n’est pas unitaire. Elle comprend 5 systèmes mnésiques gérés par différents réseaux neuronaux qui fonctionnent en synergie (1) et dont l’atteinte varie selon les pathologies neurodégénératives.
◆ Comment caractériser les troubles mnésiques sous-jacents ?
– Quel(s) système(s) dysfonctionne(nt) ?
La plainte mnésique peut témoigner d’un dysfonctionnement d’un ou de plusieurs systèmes mnésiques (tableau I).
Phénotypes cliniques des maladies neuro
dégénératives : plainte de mémoire au premier plan
L’algorithme de réflexion du psychologue spécialisé en neuropsychologie
É. Guichart-Gomez*, V. Hahn*
* Psychologues cliniciennes spécialisées en neuropsychologie, unité de neurologie de la mémoire et du langage, hôpital Sainte-Anne, Paris.
J’oublie facilement ce qu’on vient de me dire, j’oublie les rendez-vous, je suis obligé de tout noter, j’oublie les noms de nouvelles personnes, mon entourage me dit que je me répète ou que je pose la même question à plusieurs reprises.
Tableau I. Quels sont les systèmes de mémoire à récupération explicite qui peuvent dysfonctionner ?
Système de mémoire à court terme
(réseau frontopariétal) – Système de mémoire de travail Systèmes de mémoire à long terme
(réseau frontotemporal)
– Système de mémoire épisodique (temporal interne)
– Système de mémoire sémantique (temporal externe) Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
Tableau II. Au sein de ces systèmes mnésiques, quels processus dysfonc- tionnent le plus, quel(s) mécanisme(s) semble(nt) être déficitaire(s) ?
Atteinte du système
de mémoire de travail ? – Administrateur central (gestion exécutive) – Boucle phonologique
(modalité auditivo-verbale)
– Calepin visuo-spatial (modalité visuelle) Atteinte du système de
mémoire épisodique ? – Processus d’encodage
(gestion par la mémoire de travail) – Processus de récupération
(gestion exécutive)
– Processus de stockage-consolidation (système limbique)
Atteinte du système
de mémoire sémantique ? – Récupération au niveau du stock des connaissances (gestion exécutive) – Atteinte du stock des connaissances
(temporal externe)
FICHE À DÉTACHER fiche technique no 139
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➤ Quand le processus de stockage est déficitaire au premier plan (schéma 4).
➤ Quels sont les éventuels retentissements des troubles mnésiques sur l’autonomie ?
Toutes les plaintes mnésiques n’entraînent pas de retentis- sement significatif sur l’autonomie. C’est principalement les troubles mnésiques témoignant d’une atteinte préférentielle des processus de stockage qui retentissent le plus sur l’autonomie.
L’utilisation d’échelles de type IADL est préconisée en pratique
courante. ■
1. Tulving E. Organization of memory: quo vadis? In: Gazzaniga MS (ed). The cognitive neurosciences. Cambridge MA: MIT Press 1995:839-47.
2. Van der Linden M, Adams S. L’évaluation des troubles de la mémoire : présen- tation de 4 tests de mémoire épisodique (avec leur étalonnage). Groupe de Boeck 2004.
3. Sarazin M, Berr C, De Rotrou J et al. Amnestic syndrome of the medial temporal type identifies prodromal AD: a longitudinal study. Neurology 2007;69(19):1859- 67.
Références bibliographiques
• Hahn-Barma V, Guichart-Gomez E. Manuel de neuropsychologie clinique des démences. 1. Troubles mnésiques inauguraux. Paris : Phase 5, 2007.
• Hahn-Barma V, Guichart-Gomez E. Manuel de neuropsychologie clinique des démences. 2. Troubles praxiques, visuospatiaux et visuoperceptifs inauguraux.
Paris : Phase 5, 2009.
• Hahn-Barma V, Guichart-Gomez E. Manuel de neuropsychologie clinique des démences. 3. Troubles de la parole et du langage inauguraux. Paris : Phase 5, 2009.
• Hahn-Barma V, Guichart-Gomez E. Manuel de neuropsychologie clinique des démences. 4. Troubles exécutifs cognitifs et/ou comportementaux inauguraux.
Paris : Phase 5, 2010.
• Hahn-Barma V, Guichart-Gomez E. Synthèse des tests de neuropsychologie clinique des démences. Paris : Phase 5, 2008.
Pour en savoir plus…
Quelles hypothèses diagnostiques ou quels phénotypes cliniques peut-on évoquer à ce stade de l’analyse neuropsychologique fondée sur le profil mnésique au test d’apprentissage verbal RL/RI 16 items ? (schéma 1)
Orientation spécifique du bilan neuro- psychologique après identification du profil mnésique : quels secteurs cognitifs doivent être évalués pour avancer dans la démarche diagnostique ?
➤ Quand le processus d’encodage est déficitaire au premier plan (schéma 2).
➤ Quand le processus de récupération est déficitaire au premier plan (schéma 3).
– Maladie d’Alzheimer (MA) de forme atypique dont le phénotype clinique est caractérisé par :
• une aphasie primaire progressive
• une ACP ou un syndrome de Benson (variante bipariétale)
• une MA à un stade sévère
– Dégénérescence lobaire frontotemporale (DLFT) Troubles de l’encodage
au premier plan au test RL/RI 16 items
Troubles de la récupération au premier plan au test RL/RI 16 items
Troubles du stockage au premier plan au test RL/RI 16 items
– Démence frontotemporale (DFT) – Démence à corps de Lewy (DCL) – Pathologies neurovasculaires
– Pathologies psychiatriques (anxiété, dépression) – MA typique
• dès le stade prodromal
• avec composante cérébrovasculaire
• avec DCL
– Sclérose hippocampique isolée ou associée à une DFT Schéma 1.
Encodage Récupération Stockage
Pathologie impliquée MA atypique phénotype clinique – APP logopénique – ACP ou syndrome de Benson – DLFT
Orientation du bilan neuropsychologique Rechercher les symptômes suivants : – aphasie de type pariétal
– syndrome bipariétal (troubles praxiques, troubles du calcul, troubles visuospatiaux) Schéma 2.
Encodage Récupération Stockage
Pathologies impliquées : – DFT
– DCL
– pathologies neurovasculaires – troubles psychiatriques (anxiété, dépression)
Orientation du bilan neuropsychologique
Rechercher les symptômes suivants : – syndrome dysexécutif – troubles visuospatiaux – fluctuations attentionnelles – troubles de l’humeur et/ou anxiété Schéma 3.
Encodage Récupération Stockage
Orientation du bilan neuropsychologique Rechercher les symptômes suivants : - Syndrome dysexécutif - Troubles socio-émotionnels - Troubles instrumentaux avec exploration plus spécifique du traitement visuo-spatial
- Fluctuations attentionnelles.
Pathologies impliquées – MA typique
• dès le stade prodromal
• avec composante cérébrovasculaire
• avec DCL
– Sclérose hippocampique isolée ou associée à une DFT
Schéma 4.