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Qui l'eût cru ? Qui l'eût dit ?*

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Academic year: 2022

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Correspondances en Onco-Théranostic - Supplément au vol. V - n° 1 - janvier-février-mars 2016 3

É d i t o r i a l

* Dialogue entre Don Rodrigue et Chimène. Acte III, Scène 4, Le Cid, Pierre Corneille.

Qui l’eût cru ? Qui l’eût dit ?*

C’

est par ces interrogations* que le nouveau président de l’Intergroupe francophone de cancérologie thoracique (IFCT), Denis Moro-Sibilot, a ouvert la 7e Journée “Médecine translationnelle et cancer du poumon”.

À quelles nouvelles si inattendues faisait-il allusion ?

Fin décembre 2015, ce fut tout d’abord la publication “accélérée”, dans le Lancet, des résultats de l’essai de phase III MAPS (IFCT-GFPC-0701) démontrant l’amélioration de la survie globale apportée par l’adjonction du bévacizumab au traitement de référence par le “doublet”

cisplatine-pémétrexed (1). Ce fut ensuite, début janvier 2016, la publication, dans ce même Lancet, de l’étude BIOMARQUEURS-France démontrant la faisabilité d’un dépistage de masse des anomalies moléculaires addictives du cancer du poumon et son impact sur la survie globale dès lors que les malades recevaient le traitement adapté (2).

Cet étonnement, chaque année renouvelé depuis 7 ans, illustre bien les évolutions majeures et inattendues observées en oncologie thoracique depuis la naissance de ces journées translationnelles. Cette année encore, les surprises étaient au rendez-vous…

Qui eût cru, l’année dernière, que Jean-Yves Douillard aurait à rapporter l’obtention de 7 nouvelles AMM européennes dans le cancer du poumon ? Le crizotinib a obtenu son AMM pour le traitement en première ligne des malades métastatiques avec réarrangement d’ALK ; dans le même temps, une AMM a été obtenue pour le céritinib (inhibiteur de tyrosine kinase [ITK] d’ALK de deuxième génération) chez ces mêmes malades devenus résistants au crizotinib, et cette molécule est désormais disponible. L’osimertinib (ITK de l’EGFR de troisième génération) a quant à lui reçu une AMM pour le traitement des malades mutés pour l’EGFR, dès lors qu’une mutation T790M de résistance est mise en évidence, et il est également disponible.

Des améliorations ont aussi été observées en deuxième ligne de traitement avec l’adjonction au docétaxel du ramucirumab (anticorps anti-VEGFR2) dans les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) et du nintédanib (petite molécule antiangiogénique multicible) dans les adénocarcinomes. Bien qu’une AMM ait été octroyée aux 2 molécules, le nintédanib n’a pas obtenu son remboursement en France et l’évaluation du ramucirumab est en cours. En ce qui concerne les carcinomes épidermoïdes, une AMM a été accordée au nécitumumab (anticorps anti-EGFR) en association avec le “doublet” cisplatine-gemcitabine en première ligne et à l’afatinib en deuxième ligne. Mais ces molécules atteindront-elles un niveau suffi sant d’amélioration du service médical rendu selon les instances régulatrices françaises pour obtenir leur agrément aux collectivités ? Pour fi nir, c’est l’obtention de l’AMM du nivolumab (anticorps anti-PD-1) pour le traitement de seconde ligne des carcinomes épidermoïdes qui aura le plus marqué cette année sur le plan thérapeutique, dans l’attente de son extension pour les adénocarcinomes.

Qui eût dit, il y a 5 ans, que l’immunothérapie ferait une irruption majeure en cancérologie, en particulier pour le traitement des CBNPC, et ferait l’objet d’un tiers des présentations dans nos réunions scientifi ques ?

Comme l’a rappelé Franck Pagès, les données animales ont démontré le rôle majeur de l’immunité adaptative antitumorale, mais les tentatives de stimulation de la réponse immunitaire ou de vaccination antitumorale, selon des schémas souvent complexes et parfois toxiques, n’ont jamais donné de résultats probants chez l’homme. C’est fi nalement en levant l’anergie induite par les molécules inhibitrices des points de contrôle de l’immunité (ICI) que les résultats les plus spectaculaires ont été obtenus, d’abord dans le mélanome, ensuite

Pr J. Cadranel

Service de pneumologie, Centre expert en oncologie thoracique, hôpital Tenon, AP-HP ; université Pierre-et- Marie-Curie Paris-VI.

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É d i t o r i a l

dans le CBNPC. Cependant, pour que cette voie thérapeutique fonctionne, il est probable qu’un certain nombre de conditions doivent être remplies : 1) l’anergie doit résulter de l’inhibition secondaire d’une réponse immunitaire antitumorale préalable (et non d’un processus oncogénique) ; 2) elle doit être associée à la surexpression des molécules assurant la régulation des points de contrôle immunitaires ciblés (PD-L1, PD-L2, CD80/CD86, etc.) ; 3) la réponse immunitaire ne doit pas avoir été totalement épuisée par la stimulation antigénique tumorale chronique.

Gérard Zalcman a ensuite montré que nous devions penser différemment l’évaluation de ces immuno- thérapies. Celle-ci doit plutôt être fondée sur la notion de durée de la réponse et sur l’induction d’un effet post-traitement prolongé capable d’influer sur la survie globale, comme le montrent bien les résultats des essais de phase III avec le nivolumab (3, 4). Julien Mazières a quant à lui réhabilité l’immunohistochimie (IHC) comme première étape de la sélection des malades candidats à une immunothérapie. À l’exception de l’essai du nivolumab dans les carcinomes épidermoïdes (3), toutes les études démontrent qu’une surexpression de PD-L1 à la surface des cellules tumorales ou immunitaires présentes dans le microenvironnement tumoral permet de sélectionner une population de malades qui bénéficie plus largement de l’immunothérapie.

Il est donc urgent de définir les conditions de réalisation de cette IHC, en précisant les anticorps utilisables, le nombre de lames nécessaires et de cellules présentes sur le prélèvement, la nécessité ou non d’une rebiopsie si le test est négatif, le seuil proposé en fonction de la question posée (valeur prédictive positive

= bénéfice ou valeur prédictive négative = risque), du type histologique de la tumeur ou de l’immunothérapie utilisée… En parallèle, il est important d’évaluer l’intérêt d’autres biomarqueurs utilisant des tests simples orientés sur la réponse immunitaire (présence de lymphocytes infiltrant la tumeur, phénotype ou fonction de ces lymphocytes) ou sur les caractéristiques antigéniques de la tumeur (charge mutationnelle, néo- antigènes, etc.). Pour finir, l’analyse critique de l’essai CheckMate 057 faite par Virginie Westeel nous a confortés quant à la robustesse des résultats obtenus et donc à leur possible reproductibilité en population générale, à condition de respecter les mêmes critères d’éligibilité que ceux utilisés dans l’étude,

et probablement de mieux caractériser les sous-groupes d’intérêt.

Qui eût cru, il y a 10 ans, que nous abandonnerions le séquençage direct de Sanger pour des techniques ciblées plus sensibles et moins coûteuses, puis, plus récemment, pour des techniques de type séquençage massif parallèle (Next-Generation Sequencing [NGS]) ? Ces techniques, comme l’a montré Pierre Laurent-Puig, deviennent compétitives en termes de coût et permettent de rechercher en parallèle, sur de nombreux prélèvements, de multiples altérations géniques. Le pouvoir de résolution du NGS offre la possibilité : de mesurer les altérations d’un très grand nombre de gènes (couverture), ce qui pourrait être intéressant pour évaluer la charge mutationnelle et prédire la réponse aux ICI ; de bénéficier de leur sensibilité (profondeur) jusqu’à une copie de mutation dans le prélèvement, ce qui pourrait être intéressant pour détecter des mécanismes de résistance biologiques avant que survienne la rechute clinique.

Cette sensibilité extrême, comme l’a expliqué Fabrice Barlesi, est à la base de l’utilisation de l’analyse de l’ADN tumoral circulant. Cette approche permet, dans certains cas, de poser un diagnostic de cancer chez un malade qui ne pourrait pas être biopsié. Elle est surtout intéressante pour évaluer, lors de la progression clinique, l’hétérogénéité moléculaire tumorale. En effet, alors qu’une biopsie ne va pouvoir évaluer cette hétérogénéité que localement, l’ADN tumoral circulant intègre les informations issues de l’ensemble des sites en progression.

Ainsi, la mesure quantitative de ces modifications dans le temps permettra de dépister de manière non invasive une rechute infraclinique et surtout d’identifier un mécanisme prédominant de résistance afin d’adapter le traitement en fonction (par exemple, de l’existence ou non de la mutation T790M). Par ailleurs, la question de savoir s’il est utile pour la survie globale de modifier le traitement sur des données biologiques alors que la maladie semble encore contrôlée cliniquement fera certainement l’objet d’essais thérapeutiques dans l’avenir.

Marie-France Mamzer nous a éclairés quant au risque d’une recherche trop exhaustive sur le génome tumoral qui nous obligera à identifier des altérations germinales méconnues du malade, et aux conséquences de ces informations à porter à la connaissance du malade, mais surtout de sa famille.

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éditorial

Qui eût dit, un jour, que nous aurions chaque année à découvrir de nouvelles mutations, de nouveaux réarrangements, mais aussi de nouveaux mécanismes d’addiction oncogénique, comme l’a illustré Marie Wislez avec les mutations dans l’exon 14 du gène c-MET ? En effet, ces mutations, qui sont multiples, concernent non seulement l’exon lui-même mais aussi les introns qui le flanquent. La protéine est modifiée dans sa portion intracellulaire juxtamembranaire, du fait d’un épissage différentiel de l’ARN messager.

Ni l’affinité pour le ligand ni l’activité tyrosine kinase du récepteur ne sont modifiées. En revanche, la protéine est stabilisée à la surface membranaire, ce qui pourrait constituer un nouveau mode d’addiction oncogénique.

La recherche de cette anomalie est en cours de développement sur les plateformes de l’Institut national du cancer. Les conséquences pourraient être importantes, car les tumeurs porteuses de ces anomalies semblent sensibles aux inhibiteurs de c-MET comme le crizotinib.

Qui eût dit, un jour, que nous disposerions de plusieurs molécules ciblées (petites molécules, anticorps) et qu’Alexis Cortot aurait à nous proposer différentes séquences thérapeutiques ou des associations de première ligne pour améliorer le pronostic global de ces maladies avec addictions oncogéniques ?

Qui eût dit, enfin, que nous aurions à changer le titre de cette journée en abordant les autres tumeurs thoraciques comme le mésothéliome ou les tumeurs thymiques avec l’apparition des premiers essais thérapeutiques dédiés que nous a présentés Nicolas Girard ?

Avec sa 7e édition, la Journée “Médecine translationnelle et cancer du poumon” aurait-elle atteint son âge de raison ? À en juger cette année encore par le foisonnement des interrogations, des enthousiasmes partagés et des découvertes chaque fois renouvelées, tout laisse à penser que cette manifestation restera encore quelques années dans sa période de croissance, forte d’un public toujours plus nombreux et d’orateurs tous plus talentueux les uns que les autres.

R é f é r e n c e s b i b l i o g r a p h i q u e s

1. Zalcman G, Mazieres J, Margery J et al.; French Cooperative Thoracic Intergroup (IFCT). Bevacizumab for newly diagnosed pleural mesothelioma in the Mesothelioma Avastin Cisplatin Pemetrexed Study (MAPS): a randomised, controlled, open-label, phase 3 trial.

Lancet 2015 Dec 21 [Epub ahead of print].

2. Barlesi F, Mazieres J, Merlio JP et al. Routine molecular profiling of patients with advanced non-small-cell lung cancer: results of a 1-year nationwide programme of the French Cooperative Thoracic Intergroup (IFCT). Lancet 2016 Jan 14 [Epub ahead of print].

3. Borghaei H, Paz-Ares L, Horn L et al. Nivolumab versus docetaxel in advanced nonsquamous non-small-cell lung cancer. N Engl J Med 2015;373(17):1627-39.

4. Brahmer J, Reckamp KL, Baas P et al. Nivolumab versus docetaxel in advanced squamous-cell non-small-cell lung cancer. N Engl J Med 2015;373(2):123-35.

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