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Oméga-3 et dépression : mythes et réalités

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Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XX - n° 5-6 - mai-juin 2016 132

Oméga-3 et dépression : mythes et réalités

Omega-3 and depression: myths and reality

Jean-Marie Bourre*

* Membre de l’Académie de médecine et de l’Aca-

démie d’agriculture de France ; ancien directeur des unités Inserm de neuro-toxicologie puis de neuro-pharmaco-nutrition.

Auteur de La chrono-ali- mentation du cerveau paru en mars 2016 aux Éditions Odile Jacob .

Poin ts for ts Highligh ts

»

Les oméga-3 impliqués en cas de dépression sont presque exclusivement l’EPA et le DHA. L’apport alimentaire est assuré par les poissons, principalement gras. Les compléments alimentaires et médicaments sont constitués soit de triglycérides, soit d’esters éthyliques.

»

Dans le cadre de la dépression, les oméga-3 ont été largement mis à profi t. Or, les cibles spécifi ques (humeur, tristesse, stress, dépression majeure réelle, etc.) n’ont pas été suffi samment défi nies dans la plupart des études, ce qui explique la diversité des résultats.

»

Ne pas confondre prévention avec traitement soit de symptômes, soit de la maladie elle-même. D’autre part, les oméga-3 augmenteraient l’effi cacité thérapeutique (antidépresseurs, voire antipsychotiques), permettant par exemple d’en diminuer les doses.

»

Certaines formes particulières méritent d’être distinguées : dépression post-partum, dépression de l’enfant, de la personne âgée, infarctus chez les déprimés, tentative de suicide.

»

Selon de nombreuses études, l’absence de résultats de la prise d’oméga-3 est très probablement la conséquence de l’emploi de doses trop faibles, situées en dessous des recommandations nutritionnelles (qui sont de 500 mg pour l’EPA + DHA, soit 250 mg de chaque). Or, de même que dans le domaine cardiovasculaire, les doses exerçant des eff ets pharmacologiques doivent être nettement supérieures.

Mots-clés : Oméga-3 – EPA – DHA – Dépression – Post-partum – Cardiovasculaire – Suicide – Vieillissement.

Omega-3 fatty acids involved in depression are almost exclusively EPA and DHA. Their main dietary source is fi sh, mainly when fatty. Dietary complements and drugs are formed either with triglycerides, or with ethyl-esters.

Under the naming “depression”, omega-3 fatty acids have largely been interested. Unfortunately, the actual targets (humor, stress, sadness, major depression) were not precisely defi ned, explaining the large diversity of the results.

It is important not to confuse prevention and treatment, for either symptoms or disease itself. On the other hand, omega-3 could increase therapeutic effi ciency (antidepressants, even antipsychotics), allowing to reduce doses, for example.

Some clinical specifi c forms have to be distinguished: post- partum depression, child depression, depression for aged people, infarct during depression, suicide attempt.

For many studies, negative results are very probably due to very low doses, below the habitual dietary intake recommendations (500 mg for EPA+DHA, ie 250mg each). Interestingly, in cardiovascular domain, it is known that doses exerting a pharmacological eff ect are largely greater than dietary recommendations.

Keywords : Omega-3 – EPA – DHA – Depression – Postpartum – Cardiovascular – Suicide – Ageing.

du traitement de certaines maladies cardiovasculaires, entre autres. Sans être indispensable, il bénéfi cie de recommandations de consommation ; il a été décou- vert dans le thon. Le dernier de la chaîne, le plus impor- tant, porte le nom d’acide cervonique (DHA, acide docosahexaénoïque), car le cerveau est la structure du monde vivant qui en contient le plus, expliquant pourquoi il a été découvert dans cet organe. L’ALA et le DHA sont nutritionnellement indispensables. La quasi-totalité des publications traitant de la relation entre oméga-3 et dépression font intervenir l’EPA et le DHA.

Quels sont les oméga-3 concernés en nutrition ?

Sur le plan nutritionnel et biochimique, la famille oméga-3 est constituée de 4 éléments principaux.

L’acide alpha-linolénique (ALA) est le précurseur immédiat de l’acide stéaridonique (notamment pré- sent dans l’huile de pépin de cassis). Après lui, dans la chaîne métabolique et chimique, se trouve l’acide timnodonique (ou EPA, acronyme anglo-saxon d’acide eicosapentaénoïque) ; il participe à l’efficacité des huiles de poissons dans le cadre de la prévention et

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Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XX - n° 5-6 - mai-juin 2016 133 se fonde sur un abus de traduction, à travers l’utilisa-

tion du mot anglais “ mood” , qui signifi e “humeur” en français. Mais, chez les Anglo-Saxons, son acception est beaucoup plus vaste : la (vraie) dépression est une

mood disease ”, comme le sont la maladie d’Alzheimer et la schizophrénie. En France, mood ne traduit que l’hu- meur, bonne ou mauvaise. Puisque, il y a une quinzaine d’années, quelques études discernaient déjà l’intérêt des oméga-3 dans la dépression et la maladie d’Alzheimer, quelques bateleurs promoteurs de capsules se sont empressés de passer de la disease mood à la mood, soit la simple humeur, promettant de la rendre meilleure.

L’humeur dépressive englobe un large spectre, de la morosité à la langueur, la nostalgie, le spleen, le cafard, le découragement, jusqu’à l’authentique dépression, état de tristesse pathologique et de douleur morale.

Cette dysphorie s’accompagne d’un sentiment de déva- lorisation de soi-même, de pessimisme, de fatigue et d’inhibition. Dans le langage courant on parle du “moral”

(que l’on “a”, ou pas), qualifi é plus scientifi quement de

“thymie”, d’“aff ect” ; c’est-à-dire un état psychique expri- mant les nuances du désir, du plaisir, de la douleur.

Concernant la relation entre dépression et oméga-3, quelques synthèses sont positives, tandis que les méta-analyses s’avèrent le plus souvent négatives ; ce qui n’est pas inattendu, étant donné l’hétérogénéité des observations prises en compte. En eff et, leur limite est bien connue : recueil d’observations très diff érentes, portant sur des malades manifestant des symptomato- logie distinctes, de sexe et d’âges divers, souff rant ou non d’autres maladies. Autre source de confusion : les oméga-3 sont parfois évalués quantitativement à partir de la consommation de poissons, avec ou sans dosages ; parfois, ce sont les oméga-3 réellement absorbés qui sont dosés ; dans d’autres cas, les eff ets sont mesurés sur des paramètres biologiques (index érythrocytaire oméga-3, lipides sériques). Outre les études épidémio- logiques, écologiques et d’observation, une tentative de traitement peut reposer sur la consommation de poisson (même si, aux États-Unis, seules 3 catégories en sont la plupart du temps répertoriées : le poisson blanc, le poisson bleu et le thon !) ou encore de capsules d’oméga-3. L’huile contenue dans cette dernière est for- mée de triglycérides ou d’esters éthyliques, off rant qui plus est des rapports DHA/EPA très divers, et des doses et durées de traitement très diversifi ées. Pour compli- quer encore les interprétations, les études portent soit

seulement biochimistes, ce qui est contestable pour traiter d’un sujet psychiatrique particulièrement com- plexe. Les nombreux témoignages individuels positifs quant à l’eff et des oméga-3, très médiatisés, résultent probablement d’un eff et placebo des oméga-3, jusqu’à preuve du contraire.

Dépression

La classification des dépressions dans le DSM-IV (en 2013, le DSM-5 a apporté quelques modifi cations, contestées par certains auteurs) distingue, d’une part, les troubles bipolaires et, d’autre part, les troubles dépressifs. Ce sont ces derniers qui font l’objet de cet article. La classifi cation est fonction de la nature et de l’intensité des symptômes. Les troubles dépressifs sont unipolaires et s’identifi ent par une “dépression majeure” (épisode isolé ou récurrent). Cet épisode peut être léger, moyen ou sévère, et peut comporter ou non des caractéristiques psychotiques. Point important, l’épisode dépressif doit toujours être présent, associé à la perte de plaisir ou d’intérêt dans toute activité ; à cela s’ajoutent au moins 3 symptômes parmi une liste de 9 (humeur dépressive, insomnie, modifi cation du poids, du niveau d’activité psychomotrice, réduction de la faculté de concentration, pensées récurrentes de mort ou de suicide, etc.). Cet épisode doit être en rupture avec le style de vie antérieur du patient. Les symptômes doivent se manifester tous les jours, depuis au moins 2 semaines.

Outre une éventuelle prise en charge psychothéra- peutique, à laquelle s’ajoute un traitement par anti- dépresseurs, les oméga-3 auraient leur place parmi les traitements associés ou adjuvants. En février 2016, Medline recensait 813 publications sur le sujet.

Pour ce qui est de la fatigue chronique, les oméga-3 ne semblent pas avoir d’eff ets.

Depuis les années 1990, il a été observé que la dépres- sion se signale par une diminution des taux sanguins d’oméga-3 (et par une augmentation des critères de l’infl ammation) et que sa sévérité est proportionnelle à la réduction des oméga-3 dans les globules rouges.

Même les Inuits ne sont pas épargnés, du fait et en proportion de la perte de leur alimentation tradition- nelle, pas plus que ne le sont les Crétois. La dépression saisonnière (“seasonal aff ective disorder”, SAD) touche

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préférentiellement ceux qui ne consomment que peu d’oméga-3, et les populations non autochtones : en Alaska, les soldats américains venant des autres États sont beaucoup plus touchés, pour des motifs alimen- taires, négligeant mammifères marins, poissons et œufs. En s’appuyant sur le déclaratif (et non sur l’exa- men clinique), la dépression, l’anxiété et l’insomnie apparaissent de façon inversement proportionnelle à la consommation de poisson. En Norvège, la consom- mation d’huile de foie de morue réduit la prévalence de la dépression (de 3,8 à 2,5 % de la population).

La consommation de poisson réduit la prévalence et l’incidence de la dépression ; en combinant les études épidémiologiques, le seuil de vulnérabilité est à 650 mg/jour (1) . Il convient de noter que quelques études mettent en avant la consommation des pois- sons eux-mêmes plutôt que celle de leurs oméga-3, impliquant d’autres nutriments favorables : sélénium, vitamine D, etc.

Curieusement, en cas de dépression majeure, dans l’aire 10 de Brodmann du cortex orbito-frontal, le DHA est réduit de 32 % chez les femmes et de 16 % chez les hommes (2) . L’expression des gènes de synthèse des acides gras poly-insaturés est réduite dans cette région.

Lors de tentatives de traitement, des doses très variables, voire importantes, d’EPA (de 1 à 4 g/j !) ont été proposées, en remplacement du traitement stan- dard (3) . Étant donné la diversité des doses, des rap- ports EPA/DHA et des critères cliniques retenus, il n’est pas possible de conclure. Il n’en reste pas moins vrai que de nombreuses études mettent en évidence une amélioration des symptômes (1) .

Dépression du post-partum

Le “post-partum blues” , bien connu sous le nom de

baby-blues ”, ou encore de “blues du troisième jour”, est concomitant de la montée laiteuse, et aff ecte de nombreuses accouchées. Il survient entre le troisième et le cinquième jour après la naissance, et dure d’une seule journée à une semaine. Il s’agit de dysphorie transi- toire, avec labilité thymique, irritabilité, manifestations anxieuses, plaintes somatiques, troubles du sommeil, sentiment d’incapacité à s’occuper de son enfant. Si les témoignages d’efficacité des oméga-3 existent, ceux-ci n’ont fait l’objet d’aucune étude épidémiolo- gique répondant aux critères actuels. Aujourd’hui, en attendant d’autres études, un eff et placebo n’est pas à exclure. Au-delà d’une durée de 15 jours de “baby-blues” , il s’agit alors d’une véritable dépression.

La classification du DSM-5 modifie la définition, et parle de dépression péri-partum (survenant pendant la grossesse, puis durant les 4 mois suivant l’accouche-

ment). Elle date de 2013, et est donc postérieure aux études citées ci-dessus. C’est pourquoi il conviendrait de préserver dans cette synthèse la classifi cation du DSM-IV. La dépression post-partum, selon le DSM-IV, qui touche entre 10 et 20 % des patientes, survient entre la fi n du deuxième mois et la fi n de la première année de l’enfant. Il existe de multiples facteurs de risque, très divers. La symptomatologie est anxio-dépressive : asthénie, phobies d’impulsion, anhédonie concernant l’enfant, sensation d’incapacité à s’en occuper, irritabilité, plaintes hypochondriaques, troubles du sommeil, etc.

Les oméga-3 semblent avoir apporté la preuve de leur effi cacité (Medline recense 45 publications sur le sujet), notamment grâce à des études écologiques portant sur 21 pays, montrant que l’incidence de la dépression post-partum est inversement propor- tionnelle à la consommation de poissons et de leurs oméga-3 (4) , résultat contesté. En Australie, il a été calculé que chaque augmentation de 1 % du DHA plas- matique s’accompagne d’une réduction de 59 % de la dépression. Un indice oméga-3 (EPA+DHA en pour- centage des acides gras des hématies) bas pendant la grossesse semble être prédictif du risque dépression post-partum.

Les paramètres sériques sont aff ectés après l’accou- chement : par exemple, on observe une diminution du taux de DHA des esters du cholestérol (qui passe de 0,6 à 0,4 %) et des phospholipides (qui passe de 4,2 à 3,1 %). Pour ce qui concerne les tentatives d’in- tervention, les résultats sont très diversifi és : positifs avec plusieurs grammes d’EPA+DHA (5) , négatifs avec seulement 200 mg de DHA, comme avec l’huile de poisson, ou encore positifs, mais avec des résultats divers selon les auteurs. Les doses ineffi caces à visée thérapeutique ont probablement été trop faibles, car de l’ordre de 100 à 300 mg/jour seulement, tout au moins par rapport aux apports nutritionnels conseil- lés (500 mg/jour d’EPA+DHA), sachant qu’en France la consommation réelle n’équivaut qu’à la moitié de ces recommandations, bien que la moyenne cache des variations très importantes selon les régimes alimen- taires et les régions de vie (forte consommation de poisson sur les côtes maritimes et océaniques). Aux États-Unis, la consommation de DHA et d’EPA se situe aux environs de 80 mg/jour chacun.

Ainsi, la consommation d’acides gras oméga-3 (issus des poissons) pendant la grossesse de la mère (6) non seulement améliore sa santé (en prévenant la prématu- rité, le risque d’éclampsie, la dépression post-partum), mais assure de surcroît un meilleur développement neurologique et comportemental du nourrisson ; puis, plus tard, parmi d’autres avantages, améliore le quotient

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Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XX - n° 5-6 - mai-juin 2016 135 Ses contours sont relativement fl ous, et les études peu

nombreuses. Il est donc diffi cile de conclure actuelle- ment. Ainsi, avec des apports de 400 mg/j d’oméga-3, aux Pays-Bas, une réduction de la dépression est obser- vée, mais sans relation avec le risque cardiovasculaire (OR = 0,46). En France, dans l’étude dite “des 3 cités”

(Bordeaux, Dijon, Montpellier), la consommation de poisson (et donc d’oméga-3) réduit le risque de dépres- sion (RR : 0,67) [7] .

Dépression et maladies cardiovasculaires ischémiques

Au-delà de l’impact des facteurs psychologiques sur les maladies somatiques, et réciproquement, la dépres- sion constitue un facteur de risque de maladie cardio- vasculaire (8) . Les 2 pathologies pourraient être en relation, précisément par le biais des oméga-3. Pour ce qui concerne l’infarctus, la recommandation est mon- diale : manger au moins 2 fois par semaine du poisson, dont au moins une fois du poisson gras (sardine, maque- reau, hareng, saumon sauvage), divise par 2 le risque d’infarctus, et jusqu’à 5 celui d’arrêt cardiovasculaire. En pratique alimentaire courante, chaque portion supplé- mentaire de 20 g de poisson par jour (chez les petits consommateurs) diminue le risque cardiovasculaire de 7 % (9) . À ce titre, en prévention secondaire, l’huile de poisson a constitué un médicament remboursé par la Sécurité sociale (remboursement arrêté en 2015, par souci d’économie), l’indication principale en étant la réduction de la triglycéridémie.

La relation (voire la concomitance) entre infarctus et dépression est discutée depuis longtemps, ne serait-ce que par la présence d’un facteur commun en amont : le défi cit en oméga-3. Le coût de santé après un infarctus est augmenté de 41 % chez un patient dépressif (10) . La mortalité après infarctus ou angine de poitrine instable est beaucoup plus élevée chez les déprimés (OR = 3) [11] . En cas d’infarctus, l’EPA, le DHA et le total des oméga-3 sont plus diminués chez les déprimés, alors que le rapport oméga-6/oméga-3 est plus élevé.

Sur une échelle de gravité de la dépression, la morta- lité après un infarctus passe de 2,6 % chez les moins déprimés à 23,3 % chez ceux qui le sont le plus (11) . Il existe manifestement une association entre maladie coronaire ischémique et dépression. Le risque d’infarctus est augmenté chez le déprimé, de même que le risque d’angine de poitrine, qui peut être multiplié par 4 (12) .

traitement de la dépression de l’enfant (6 à 12 ans) [13] . Toutefois, avant que les oméga-3 ne soient acceptés comme traitement de la dépression de l’enfant, de nombreuses recherches et études restent à réaliser.

Suicide

Medline livre 59 publications sur le sujet, quoique seule une petite moitié le concerne directement. Étant donné qu’environ les deux tiers des suicides “aboutis” le sont dès la première tentative, l’étude des survivants n’est que peu informative. Toutefois, une teneur basse en DHA constitue un facteur prédictif de nouvelles tenta- tives (14) . Dans les régions circumpolaires, la perte de l’alimentation traditionnelle augmente la fréquence de la SAD et du suicide. Au Japon, l’OR est de 0,81 chez les forts consommateurs de poisson, quoiqu’une étude montre que seules les femmes très faibles consommatrices de poisson sont à risque. En Finlande, l’OR est de 0,57 (15) . Les militaires américains présentent une incidence de sui- cides 2 fois plus importante que la population générale, ce qui est à mettre en relation avec leur statut déplorable en DHA. En Chine, pays où il n’y a pas de prohibition légale ou religieuse du suicide, une étude a montré que la teneur en EPA des hématies est prédictive du risque de suicide (16) . En conséquence, les oméga-3 seraient intéressants pour prévenir le suicide du déprimé.

Maladie bipolaire : séquences dépressives – autres pathologies

Au mieux, comme traitement adjuvant, les oméga-3 pour- raient réduire les symptômes et diminuer la médication lors de la maladie bipolaire. Mais il s’agit d’un autre sujet.

Dans cet article, l’impact favorable des oméga-3 dans la dépression secondaire à une aff ection organique (aff ec- tions cérébrales, endocrinopathies, sclérose latérale amyotrophique, collagénose, lupus, cancer, maladies infectieuses, etc.) n’a pas été explicitement étudié.

Conclusion

Depuis 10 ans (17) , les résultats se sont précisés, grâce à de nombreuses études. Pour autant, la Cochrane

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Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XX - n° 5-6 - mai-juin 2016 136

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

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R é f é r e n c e s

database reste réservée quant à l’utilisation des oméga-3 dans le traitement de la dépression, mais en ne retenant que 26 études d’intervention : “ At present, we do not have suffi cient high quality evidence to determine the eff ect of n-3 PUFAs as a treatment of major depressive disorder. Our primary analyses suggest a small-to modest, non clinicaly benefi cial eff ect of n-3 PUFAs on depressive symptomatology compared to pacebo” (18).

Il n’est pas encore défi ni si l’EPA agit en tant que pré- curseur du DHA, ou plutôt pour son propre compte, ni si le DHA et l’EPA agissent de concert, ou bien par des mécanismes distincts. Les mécanismes d’action et leurs cibles sont encore relativement mal connus : neuro- transmission (sérotoninergiques, dopaminergiques, GABAergiques et autres), infl ammation, neuroplas- ticité, structure, etc. L’activité anti-infl ammatoire des oméga-3 et l’intervention du rapport oméga-6/oméga-3 font encore l’objet de spéculations, bien que de mul- tiples études aient démontré une corrélation positive entre la sévérité des symptômes de la dépression et l’augmentation du statut infl ammatoire. Or, celle-ci dépend du rapport oméga-6/oméga-3. De plus, l’eff et spécifi que des docosanoïdes, dérivés du DHA, reste à démontrer. Une forme de dépression (IACD : infl amma- tory cytokine-associated depression) a même été isolée.

Pour des motifs économiques, des études prospec- tives d’intervention ne peuvent que diffi cilement être envisagées. Les études de cohortes, prospectives, ainsi que les études cas-témoins sont diffi cilement mises en œuvre ; seules les études écologiques sont aisées.

Qui plus est, les oméga-3 ne sont pas des molécules

brevetables. Quoique cliniquement intéressante, la relation entre dépression et oméga-3 semble très oné- reuse à réaliser, induisant un coût excessif du produit éventuel. En outre, étant donné l’effi cacité grandissante des thérapeutiques, il va devenir diffi cile d’observer un eff et additionnel des oméga-3, comme on le voit déjà dans la sphère cardiovasculaire : les études nouvelles ne montrent plus d’effi cacité, alors même que celles datant de 15 ans en révélaient une. Cela est dû à la prise en charge, notamment par les inhibiteurs de la synthèse du cholestérol. Point intéressant : les patients ne supportant pas ce traitement se voient prescrire avec succès des oméga-3, comme ceux d’il y a 15 ans (19) . Il est clair que les oméga-3 participent à la prévention de la dépression et de ses diverses formes ou consé- quences (suicide, auto-agression). Il semble intéressant de les considérer comme des aides thérapeutiques, améliorant l’efficacité des médicaments (ou rédui- sant leurs quantités effi caces). Ils pourraient s’avérer utiles pour réduire certains symptômes. Actuellement, il semble exagéré de les considérer comme unique agent pharmacologique, d’autant que les doses, les formes moléculaires, les rapports entre les oméga-3 et les durées de traitement sont extrêmement variables selon les auteurs. Il est important de faire la distinction entre traitement (selon les auteurs, les doses vont de 100 mg/jour à 10 g/jour !) et prévention (par les aliments ou les compléments alimentaires). Quoi qu’il en soit, les psychiatres américains proposent une supplémentation systématique de 1 g/jour (EPA + DHA) pour tous les

malades psychiatriques… ■

Références

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