Mécanismes d’assemblage des communautés végétales le long de gradients d’éléments-traces
métalliques en Afrique Centrale
Thèse de Doctorat présentée à l'École Doctorale Biodiversité, Écologie et Évolution de l’Université Libre de Bruxelles afin d’obtenir le grade académique de Docteur en Sciences
Guillaume Delhaye
Composition du jury :
Dr. Elena Kazakou, CEFE, Montpellier Rapportrice
Dr. Sandrine Godefroid, Jardin Botanique de Meise Rapportrice Prof. Thomas Drouet, Université Libre de Bruxelles Président Prof. Patrick Mardulyn, Université Libre de Bruxelles Secrétaire Prof. Pierre Meerts, Université Libre de Bruxelles Promoteur Prof. Grégory Mahy, Gembloux AgroBioTech Co-promoteur
Laboratoire d’Ecologie Végétale et Biogéochimie
2018Résumé
La perte de biodiversité due à la destruction des écosystèmes est un des défis majeurs de notre temps. Dans ce cadre, l‘identification des mécanismes
régissant l’assemblage des communautés de plantes est une étape cruciale pour comprendre leur fonctionnement. L’étude des caractéristiques morpho-
physiologiques des organismes qui influencent leur performance (traits
fonctionnels), permet, en théorie, de comprendre et de mesurer l’amplitude des mécanismes qui déterminent la composition des communautés. L’utilisation de méthodes combinant à la fois cette approche fonctionnelle et une autre basée sur les distances phylogénétiques entre espèces connait un succès croissant. Par ailleurs, l’importance de la variabilité des traits au sein des espèces est de plus en plus mise en avant pour expliquer les interactions entre organismes ainsi qu’avec leur environnement. Bien que l’étude des mécanismes d’assemblage des communautés par l’utilisation des traits fonctionnels soit maintenant populaire en écologie, les communautés de plantes se développant sur des sols enrichis en éléments traces métalliques (ETM) restent quasiment inexplorées de ce point de vue.
Dans la région du Haut-Katanga (sud-est de la République Démocratique du Congo), une anomalie géologique a produit des collines sur lesquelles des gradients naturels en cuivre et en cobalt ont sélectionné une végétation tout à fait originale. De la base au sommet de ces « collines de cuivre », les teneurs en cuivre varient de 10 à plus de 10 000 mg.kg-1 et celles en cobalt de 10 à plus de 1000 mg.kg-1 dans le sol. On observe le long de ces gradients plusieurs
communautés végétales contrastées comprenant plusieurs taxa endémiques.
Cependant, ces écosystèmes sont parmi les plus menacés sur la planète, l’exploitation minière du cuivre et du cobalt détruisant totalement leurs
végétations. Dans cette thèse, j’étudie l’amplitude de la variation fonctionnelle dans ces communautés, les patterns de diversité fonctionnelle et phylogénétique ainsi que les covariations entre traits, sur base de plusieurs indices uni- et multivariés, le long d’un gradient d’ETM. De plus j’évalue la contribution de la variabilité intraspécifique des traits à la variation fonctionnelle des
communautés ainsi que l’importance de la variation populationnelle pour comprendre la variation intraspécifique chez une espèce à large niche.
Le long du gradient d’ETM, on remarque une variation de l’importance des mécanismes d’assemblage : sur les sols pauvres en ETM, une grande diversité de stratégies fonctionnelles permet la coexistence des espèces dans des
conditions de compétition intense pour les ressources. Sur les sols riches en ETM, un filtre environnemental imposé par les particularités édaphiques sélectionne un sous ensemble de valeurs et des combinaisons de traits
fonctionnels permettant la survie dans ces conditions. Bien que la majorité des espèces possède une niche restreinte le long du gradient d’ETM, quelques unes possèdent une large niche réalisée. Celles-ci peuvent montrer des variations importantes de valeurs de traits en réponse au gradient local d’ETM mais également des variations populationnelles. Une part de cette variation intraspécifique pourrait être d’origine génétique, la toxicité du métal
représentant un filtre environnemental puissant, même à courte distance. La mise en place d’expériences de transplantation et l’étude de la diversité
génétique des populations permettraient de confirmer les hypothèses soulevées par ce travail.
Summary
Biodiversity loss due to the destruction of ecosystems is a major challenge of this century. In this context, identifying the set of processes determining the assembly of plant communities is a crucial step towards understanding their functioning. The study of morpho-physiological characteristics influencing organisms’ performances (functional traits) theoretically allows understanding and quantifying the magnitude of these mechanisms determining communities’
composition. The use of methods combining a functional trait approach with another one based on phylogenetic distances between individuals is increasingly popular. Further, traits variation within species was recently demonstrated to play an important role in explaining the relationships between species and with their environment. Although these methods are increasingly used and have brought much knowledge in some ecosystems, plant communities growing on metallic trace elements (MTE) enriched soils are largely understudied from this point of view.
In the south-east of the Democratic Republic of Congo, in the Upper-Katanga, a geological abnormality caused the apparition of about 200 hills on which natural gradients in copper and cobalt selected highly original plant communities. From the bottom to the top of these “Copper Hills”, the soil content in copper ranges from 10 to 10 000 mg.kg-1 and the content in cobalt varies from 10 to more than 1000 mg.kg-1.Several contrasting plant communities occupy different portions of these gradients and contain a varying number of endemic species. However, these ecosystems are among the most threatened in the world due to their destruction by the mining industry. In this dissertation, I study the magnitude of the functional traits variation of these communities, functional and phylogenetic diversity patterns and traits coordination, using several uni-and multivariate indices, along such a MTE gradient. Furthermore, I assess the relative
contribution of intra- and interspecific trait variation to the total community’s trait variation as well as the magnitude of the population level variation to disentangle the origins of the observed species-level patterns in traits in a large niched facultative metallophyte.
Along the MTE gradient, there is a change in the relative contribution of different assembly processes: on MTE poor soils, a large amount of functional strategies allows the coexistence of many species in communities where competition for resources is severe. On MTE enriched soils, an environmental filter due to the high toxicity of the soil, maybe coupled to other factors, selects traits values and combinations that allow individuals’ survival in these
conditions. Although the majority of species encountered along the gradient display a narrow niche along the MTE gradient, some grow on a large variety of
soil conditions and sometimes possess large range of traits values, which co-vary with the copper content in the soil. However, traits values and covariations are sometimes population dependant. Some of this intraspecific variation could have a genetic origin because the high MTE concentration in the soil can represent a stringent selective force on plant populations. Transplant experiments and the study of the genetic diversity of the populations which compose these
communities could confirm the hypotheses suggested in this work.