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Mécanismes écologiques et évolutifs de la variation des communautés debryophytes le long d'un gradient altitudinal.

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Academic year: 2021

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Mécanismes écologiques et évolutifs de la variation des communautés de bryophytes le long d'un gradient altitudinal.

Auteur : Kasprzyk, Thibault

Promoteur(s) : Vanderpoorten, Alain; 3293 Faculté : Faculté des Sciences

Diplôme : Master en biologie des organismes et écologie, à finalité approfondie Année académique : 2019-2020

URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/9827

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Table des matières :

Remerciements page 3

Résumé page 4

Introduction page 5

Matériel et méthodes page 10

2.1 Échantillonnage

2.2 Phylogénie des bryophytes 2.3 Analyses statistiques

Résultats page 24

Discussion page 33

Conclusions et perspectives page 40

Bibliographie page 42

Annexes page 51

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Remerciements

Je souhaite avant toute chose remercier très chaleuresement mon promoteur, Alain Vanderpoorten, sans qui ce mémoire n’aurait pas pu se dérouler dans de si bonnes conditions. Je le remercie en particulier pour sa disponibilité, le temps qu’il a consacré pour me permettre à la fois d’éviter les erreurs, comprendre les concepts mais aussi augmenter la qualité du travail. Ses conseils et son expérience ont été une aide très précieuse que j’ai énormément apprécié.

Je remercie tout aussi chaleuresement Flavien Collart qui m’a transmis les connaissances qu’il avait lui-même acquis pendant son mémoire. Son aide, ses commentaires ainsi que les scripts qu’il a partagé avec moi m’ont permis d’économiser un temps précieux et d’accroître mes compétences.

Il est également important de remercier le jardin alpin « la Thomasia » pour son accueil et le logement pendant l’échantillonnage en Suisse. De même, je remercie le CECI : « Consortium des Equipements de Calcul Intensif en Fédération Wallonie Bruxelles » qui m’ont permis d’utiliser leurs ordinateurs pour certains calculs lourds.

Enfin, je souhaite remercier à la fois l’ensemble de mes relecteurs, en particulier ma petite amie pour leurs remarques et suggestions bienveillantes ainsi que l’ensemble du laboratoire pour la bonne humeur qui y régnait quotidiennement.

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Résumé

Basé sur le concept de niche écologique, le conservatisme de niche peut se définir comme la rétention de traits écologiques liés à la niche au cours du temps. Dans le contexte actuel de changement climatique, l’étude de ce dernier revêt d’une importance supplémentaire par rapport à la question de la capacité des espèces à s’adapter à un environnement changeant. Le présent travail a pour objectif de déterminer si (1) la structuration spatiale des communautés de bryophytes le long d’un gradient altitudinal est liée au conservatisme de niche ou à l’isolement géographique et (2) si la forte différenciation environnementale entre les étages alpins et non-alpins génère une barrière de part et d’autre de laquelle les communautés sont phylogénétiquement très différenciées.

Cette étude a été réalisée dans les Alpes suisses sur base de l’échantillonnage de 301 placettes de 2x2m où 265 espèces y ont été répertoriées. Le turn-over phylogénétique entre les communautés de chaque plot a été calculé à l’aide de l’indice πst. La corrélation entre les πst, les variables environnementales et les distances géographiques a été mesurée à l’aide de tests de Mantel.

Les analyses ont montré un turn-over phylogénétique positif significatif pour les bryophytes significativement corrélé à la variation environnementale. Chez les mousses, mais pas chez les hépatiques, le turn-over était significativement plus grand entre communautés alpines/non-alpines qu’au sein de chacune de ces deux communautés.

Cette étude a permis de montrer l’existence d’une structuration phylogénétique spatiale des communautés de bryophytes corrélée aux conditions climatiques, ce qui permet de conclure au conservatisme de niche phylogénétique.

Ce conservatisme implique que les adaptations écophysiologiques à des facteurs climatiques soient héritables suggèrant que ces adaptations, une fois acquise, soient transmises aux espèces filles.

L’acceptation de cette hypothèse a deux conséquences majeures. D’une part, elle soutient l’application de méthodes et de modélisations basées sur le concept de conservatisme de niche phylogénétique.

D’autre part, elle suggère que les espèces ont une faible capacité d’adaptation à un environnement Mécanismes écologiques et évolutifs de la variation des communautés de bryophytes le long d’un gradient altitudinal.

Promoteur : Alain Vanderpoorten ; Co-promoteur : Antoine Guisan ; Co-encadrant : Flavien Collart.

Département de Biologie, Ecologie et Evolution ; Unité de Biologie de l’Evolution et de la Conservation

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Introduction

La volonté pour les scientifiques de conceptualiser l’environnement dans lequel les espèces se maintiennent conduit Hutchinson à proposer en 1957 le concept de niche écologique (Hutchinson, 1957). Il définit dès lors cette niche comme un hyper-volume où chaque dimension de l'espace représente une ressource ou une condition de l'environnement. Cependant, malgré le fait que le concept d’une héritabilité des caractères spécifiques soit accepté depuis longtemps, l’idée que la niche soit elle-même héritable est bien plus récente et connue sous le nom de « conservatisme de niche ».

Cette notion définie par Harvey & Pagel 1991 (Harvey et al., 1991) s’installe peu à peu dans le paysage de la biologie contemporaine. Basé sur le concept de niche écologique proposé par Hutchinson, le conservatisme de niche peut se définir comme la rétention de traits écologiques liés à la niche au cours du temps (Wiens et al., 2010). Cette théorie a des conséquences majeures en écologie et en biologie évolutive (Donoghue, 2009; Webb et al., 2002; Wiens et al., 2010; Wiens &

Donoghue, 2004). Elle permet notamment d’expliquer l’une des rares lois universelles en écologie : le gradient latitudinal de biodiversité, qui se traduit par l’augmentation de la richesse spécifique des pôles vers l’équateur (Wiens & Donoghue, 2004).

L’apparition de ce gradient est due à la combinaison d’une part, du temps important dont ont bénéficié les espèces tropicales pour se diversifier et d’autre part, à leur cantonnement dans une niche tropicale, les empêchant dans une très large mesure de coloniser un environnement différent (Wiens et al., 2006). Dans l’hypothèse du conservatisme de niche, l’origine de l’augmentation de richesse spécifique vers les tropiques est consécutive au refroidissement progressif de la Terre il y a 34 Ma, connu sous le nom de transition Eocène-Oligocène (EOT) (Liu et al., 2009). Si, dans les tropiques, la continuité climatique aurait permis une diversification des lignées sur de longues périodes géologiques (Kerkhoff et al., 2014), les écosystèmes tempérés et boréaux auraient, quant à eux, été colonisés à partir d’un sous-ensemble réduit de lignées tropicales capables de développer des adaptations au froid (Schubert et al., 2019), la très grosse majorité de ces lignées conservant une niche climatique étroite.

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Dans ce scénario où les lignées tempérées seraient issues de la radiation de quelques lignées d’origine tropicale ayant développé des adaptations au froid (Kerkhoff et al., 2014), il ressort que la distance phylogénétique qui sépare les espèces de deux milieux tempérés est très nettement inférieure à la distance phylogénétique qui sépare les espèces d’un milieu tempéré et d’un milieu tropical. Ce résultat est connu comme étant un turn-over phylogénétique des communautés (Hardy

& Senterre, 2007).

Un turn-over phylogénétique positif indique que la distance phylogénétique moyenne entre les espèces d’une même communauté est plus élevée qu’entre celles de communautés différentes. On parle alors de « clustering » phylogénétique (Hardy et al., 2012). Ce clustering peut résulter de la différenciation des communautés le long d’un gradient environnemental, comme dans le cas d’un conservatisme de niche tropical. Il peut également provenir d’une différenciation de communautés séparées par une barrière physique, résultant dès lors de limites dispersives et non d’une préférence de niche. Dans ce cas, le turn-over phylogénétique n’est donc pas corrélé aux facteurs environnementaux mais à des facteurs associés à la distance et/ou à des barrières géographiques.

L’étude du turn-over phylogénétique des communautés permet ainsi de dissocier les facteurs sélectifs des facteurs neutres dans l’assemblage des communautés (Saladin et al., 2019).

À l’inverse, lorsque le turn-over phylogénétique est négatif, les espèces d’une même communauté sont phylogénétiquement plus éloignées que des espèces de communautés différentes.

On parle dans ce cas d’une « overdispersion » phylogénétique qui est le reflet de processus compétitifs. Les interactions biotiques compétitives sont en effet plus importantes parmi les espèces proches que les espèces éloignées due en partie à une superposition de niches. Cette superposition conduit à une exclusion mutuelle des espèces proches dont les niches sont plus semblables qu’entre espèces éloignées, induisant une « overdispersion » phylogénétique (Cavender-Bares et al., 2006).

Dans le présent travail, nous nous intéresserons plus particulièrement au turn-over phylogénétique le long d’un gradient altitudinal.

Les gradients altitudinaux offrent une cadre idéal pour l’étude de la différenciation des niches et de leur évolution car les conditions environnementales y varient sur de très courtes distances

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(Sanders & Rahbek, 2012). En effet, les gradients altitudinaux de biodiversité montrent une ségrégation très forte des communautés ainsi qu’une diminution globale de la richesse spécifique vers les sommets, qui rappelle le gradient latitudinal mais sur des distances beaucoup plus courtes (Körner, 2000; Stevens, 1992). Dans l’hypothèse du conservatisme de niche, l’adaptation au milieu serait héritable et entraînerait un turn-over phylogénétique des communautés significatif et positif (Wiens et al., 2010).

Toutefois, il a également été suggéré que la ségrégation des communautés le long d’un gradient altitudinal serait indépendante de la ségrégation des niches. La loi de Rapoport prédit que les espèces de haute altitude ont des niches écologiques plus larges que les espèces de basse altitude car en milieu alpin, les espèces sont soumises à de très grandes variations climatiques quotidiennes et saisonnières (Stevens, 1992). Les espèces de haute altitude seraient cantonnées au milieu alpin en raison de leur capacité de compétition plus faible que les espèces de basses altitude (Emerson &

Gillespie, 2008).

La structuration des communautés le long d’un gradient altitudinal peut donc être expliquée par deux processus différents que l’on peut discriminer grâce à la mesure du turn-over phylogénétique. D’une part, dans l’hypothèse d’une répartition due au conservatisme de niche, on s’attend à un turn-over phylogénétique positif et corrélé aux facteurs environnementaux, symbole d’un « clustering » des communautés le long du gradient altitudinal. À l’inverse, si ce turn-over est négatif, alors les communautés sont soumises à une « overdispersion » due à l’influence de la compétition, confirmant la loi de Rapoport (Stevens, 1989).

Dans le contexte actuel de changement du climat mondial, l’étude des communautés alpines est d’un grand intérêt car les écosystèmes alpins ont été identifiés comme étant les plus menacés, tant en termes d’extinction d’espèces que de remplacement de celles-ci (Dullinger et al., 2012;

Thuiller et al., 2005). La « vélocité du changement climatique » (Loarie et al., 2009) décrit la vitesse à laquelle les espèces devraient pouvoir se déplacer pour maintenir leur environnement climatique constant. Or, il apparaît que, si les milieux montagnards sont des zones à faibles vélocités de changement climatique en raison des grandes variations climatiques rencontrées sur de très courtes distances, les espèces montagnardes sont caractérisées par une vitesse de migration en réponse au changement climatique très faible (Chen et al., 2011). S’il apparaît que les communautés 7

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alpines sont soumises à un fort conservatisme de niche, alors elles risquent probablement de disparaître, incapables de suivre le déplacement de leurs niches respectives.

Afin de déterminer l’importance du conservatisme de niche dans la structuration du gradient altitudinal des communautés, le modèle d’intérêt choisi dans le présent travail est celui des bryophytes sensu. lato incluant les mousses, les hépatiques et les anthocérotes. Les bryophytes sont des organismes qualifiés de poïkilohydriques, c’est-à-dire qu’elles n’ont pas la possibilité de réguler leurs entrées et sorties d’eau comme pourrait le réaliser une plante vasculaire (Proctor & Tuba, 2002). De ce fait, les bryophytes sont très sensibles aux variations d’hygrométrie de l’environnement et ont besoin d’un certain seuil d’humidité pour croître. De plus, les bryophytes montrent une très grande résistance au froid et une faible tolérance à la chaleur ce qui en fait des très bons indicateurs des changements climatiques (Gignac, 2001; Tuba et al., 2011).

En plus de leur sensibilité climatique, les bryophytes sont caractérisées par une dispersion véhiculée par des spores et des propagules végétatives (Tiselius et al., 2019). De par leur petite taille propice à la dispersion et leur mise en suspension dans l’air, ces unités de propagation peuvent se disséminer aisément sur de longues distances. En effet, des études expérimentales suggèrent qu’à partir d’une centaine de mètres de la source, la densité des spores n’est plus dépendante de la distance (Lönnell et al., 2012) ce qui indique une absence de limite dispersive à grande échelle.

Enfin, il semble que les bryophytes alpines ne différent pas des bryophytes non-alpines du point de vue des interactions compétitives (Collart et al., 2018).

L’ensemble de ces caractéristiques font des bryophytes un modèle de choix pour tester l’hypothèse d’une répartition expliquée par le conservatisme de niche car elles apparaissent comme fortement influencées par l’environnement et peu par les facteurs géographiques ou biotiques.

Le but de l’étude est de déterminer si la structuration spatiale des communautés de bryophytes le long d’un gradient altitudinal est liée au conservatisme de niche.

On s’attend dans un premier temps à un turn-over positif des communautés de bryophytes, ce qui signifierait la mise en évidence d’un « clustering » phylogénétique spatial, rejettant l’hypothèse

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Dans un second temps, nous déterminerons les facteurs explicatifs du turn-over phylogénétique. Ceux-ci peuvent être sélectifs (conservatisme de niche) ou neutres (limite dispersive). Au vu des grandes capacités dispersives des bryophytes, nous nous attendons à ce que le turn-over phylogénétique soit corrélé à la variation environnementale et pas à la distance géographique (Hypothèse 2).

Dans un troisième temps, nous déterminerons s’il existe en particulier un conservatisme de niche alpin. Dans cette hypothèse, nous nous attendons à ce que le turn-over phylogénétique entre paire de plots alpins/non-alpins soit supérieur à celui obtenu entre paires de plots alpins/alpins et non-alpins/non-alpins (Hypothèse 3).

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Matériel et Méthodes

2.1 Collecte des données :

Les échantillonnages ont été réalisés dans les Alpes vaudoises en Suisse (46°10’ à 46°30’ N ; 6°60’ à 7°10’ E) sur une zone qui s’étend de 375 à 3210 mètres d’altitude et couvre une superficie d’environ 700 km² (figure 1).

Figure 1 : Carte altitudinale de la portion orientale du Canton de Vaud (Suisse) avec la localisation des plots

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Les surfaces à échantillonner de 4m² ont été déterminées selon un processus aléatoire stratifié équilibré qui permet de déterminer l’emplacement des placettes en nombre similaire pour chacun des facteurs de stratification qui sont l’altitude (10 classes de 375 à 3210 mètres), la pente (3 classes : 0-5 %, 2-25 % et >25%) et l’aspect (5 classes : Nord, Est, Sud, Ouest et une classe pour une pente <5%)(Buri et al., 2017; Hirzel & Guisan, 2002; Randin et al., 2006). Ce dispositif mis en place par le projet RechAlp (RechAlp, 2020), permet d’échantillonner un ensemble de milieu ouverts et non boisés.

La localisation des plots à échantillonner a nécessité dans un premier temps une carte de la zone d’étude pour se rapprocher des placettes puis dans un second temps l’usage d’un GPS (Trimble – Geo7X / Trimble Inc., 10368 Westmoor Drive, Westminster, USA) afin de situer précisément ces dernières selon une précision comprise entre 0,1m et 1m. Les coordonnées ainsi que l’altitude et l’identifiant de chaque plot ont été notés afin d’être intégrés dans la base de données. Toutefois, une correction de ces coordonnées a été réalisée grâce au programme inhérent du GPS car des facteurs météorologiques ou de positionnement des différents satellites peuvent biaiser les coordonnées affichées. L’utilisation de cette post-correction permet d’obtenir la valeur réelle de l’imprécision entre le lieu d’échantillonnage et l’emplacement exact du plot. (Trimble, 2004).

L’échantillonnage exhaustif a été réalisé selon une modalité de présence/absence des espèces et concernait les bryophytes sensu lato (i. e. les bryophytes sensu stricto, les hépatiques et les anthocérotes). Des individus de chaque espèce putative ont été récoltés pour une analyse morphologique en laboratoire pour confirmer l’identification. Cette identification a été réalisée à partir d’une flore en ligne des bryophytes de Suisse actuellement en cours d’élaboration (www.swissbryophytes.ch/index.php/ fr / ). Elle offre de précieuses informations sur la distribution des espèces en Suisse mais les traitements taxonomiques sont encore très incomplets. Dès lors, cette base de documentation a été complétée, en fonction des taxons, à l’aide de la flore des mousses d’Italie (Cortini Pedrotti, 2001), du Royaume-Uni et d’Irlande (A J E Smith & Smith, 2004) et de Scandinavie (Nyholm, 1986). Pour les hépatiques, les clés de détermination des hépatiques d’Europe (Schumacker & Vána, 2000) et du Royaume-Uni et d’Irlande (Anthony John Edwin Smith,

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1991) ont été utilisées, accompagnées d’un complément descriptif et illustratif avec la flore des hépatiques de Scandinavie (Damsholt & Pugh, 2002) pour confirmer la détermination. Nous avons également pris en compte des monographies récentes de certains genres dans lesquelles de nouvelles espèces des Alpes ont été décrites ou revues sur base moléculaire et morphologique, notamment dans le complexe de Barbula crocea (Köckinger & Kučera, 2007), Tortella bambergeri (Köckinger &

Hedenäs, 2017) et de Brachythecium cirrosum (Köckinger & Kučera, 2016).

Pour les spécimens de la section ‘Albicans’ du genre Brachythecium, un taxon très représenté dans nos plots mais présentant de grandes difficultés d’identification sur base morphologique (Draper et al., 2014; Hedenäs, 2017), surtout au niveau des spécimens mal développés et en faible quantités dans nos échantillons, nous avons élaboré un protocole de barcoding moléculaire (box 1).

Les résultats de cet échantillonnage, mené pendant 10 jours en septembre 2019, ont été ajoutés à une base de données initiée dans le cadre du mémoire de F. Collart (Collart et al., 2018) constituée de 206 plots. L’ajout des plots échantillonnés lors de ce mémoire porte le nombre de plots échantillonnés au nombre de 301. Cette base de données de 265 espèces (59 espèces d’hépatiques et 206 espèces de mousses) échantillonnées sur ces 301 plots a été utilisée pour réaliser les analyses statistiques.

Les données climatiques et géographiques ont étés fournies par le projet RechAlp et sont constituées respectivement des données de 35 variables environnementales obtenues pour une résolution de 25m² (table 1) et des valeurs de latitude, longitude et altitude pour chacun de nos plots (Buri et al., 2017; Randin et al., 2006, 2009).

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Table 1 : Noms et descriptions des variables climatiques, topographiques et pédologiques à une résolution de 25m disponibles dans les Alpes vaudoises.

Variables climatiques

Noms Description

bio1_tmean_8110 Moyenne des températures moyennes annuelles (de 1981 à 2010) bio10_twarmq_8110 Moyenne des températures moyennes du quadrimestre le plus chaud

(de 1981 à 2010)

bio11_tcoldq_8110 Moyenne des températures moyennes du quadrimestre le plus froid (de 1981 à 2010)

bio12_p_8110 Moyenne des précipitations annuelles (de 1981 à 2010)

bio13_pwet_8110 Moyenne des précipitations du mois le plus pluvieux (de 1981 à 2010)

bio14_pdry_8110 Moyenne des précipitations du mois le plus sec (de 1981 à 2010) bio15_ps_8110 Moyenne du coefficient de variation saisonnier des précipitations (de

1981 à 2010)

bio16_pwetq_8110 Moyenne des précipitations du quadrimestre le plus pluvieux (de 1981 à 2010)

bio17_pdryq_8110 Moyenne des précipitations du quadrimestre le plus sec (de 1981 à 2010)

bio18_pwarmq_8110 Moyenne des précipitations du quadrimestre le plus chaud (de 1981 à 2010)

bio19_pcoldq_8110 Moyenne des précipitations du quadrimestre le plus froid (de 1981 à 2010)

bio2_dr_8110 Moyenne des variations journalières de températures annuelles: Tmax – Tmin (de 1981 à 2010)

bio3_iso_8110 Moyenne des isothermalité moyennes annuelles ((bio2 / bio7)*100) (de 1981 à 2010)

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bio4_ts_8110 Moyenne des écart-types de la température mensuelle moyenne*100 (de 1981 à 2010)

bio5_tmaxw_8110 Moyenne de la température maximale moyenne du mois le plus chaud (de 1981 à 2010)

bio6_tminc_8110 Moyenne de la température maximale moyenne du mois le plus froid (de 1981 à 2010)

bio7_tar_8110 Moyenne des variations de températures annuelles (bio5 – bio6) (de 1981 à 2010)

bio8_twetq_8110 Moyenne de la température moyenne du quadrimestre le plus humide (de 1981 à 2010)

bio9_tdryq_8110 Moyenne de la température moyenne du quadrimestre le plus sec (de 1981 à 2010)

etp.turc_8110Y Moyenne de l’évapotranspiration potentielle annuelle (de 1981 à 2010)

etpi.nc.turc_8110Y Moyenne de l’évapotranspiration potentielle annuelle en prenant en compte la couverture nuageuse (de 1981 à 2010)

gdd0_8110 Moyenne des degrés-jours de croissance1 annuels au-dessus de 0° (de 1981 à 2010)

gdd10_8110 Moyenne des degrés-jours de croissance annuels au-dessus de 10° (de 1981 à 2010)

gdd3_8110 Moyenne des degrés-jours de croissance annuels au-dessus de 3° (de 1981 à 2010)

gdd5_8110 Moyenne des degrés-jours de croissance annuels au-dessus de 5°(de 1981 à 2010)

Rhires-Y-8110 Moyenne des températures annuelles simulées prenant en compte l’élévation (de 1981 à 2010)

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seasonlenght Moyenne du nombre de jours consécutifs où la température minimale est positive (de 1981 à 2010)

seasonlenght.sd Moyenne des écarts-types du nombre de jours consécutifs où la température minimale est positive (de 1981 à 2010)

seasonstart

Moyenne du premier jour de l’année où toutes les températures minimales journalières suivantes sont consécutivement positives (de 1981 à 2010)

seasonstart.sd

Moyenne des écarts-types du premier jour de l’année où toutes les températures minimales journalières suivantes sont consécutivement positives (de 1981 à 2010)

Srad-Y-8110 Moyenne des radiations solaires annuelles reçues downscalées à partir d’une résolution de 1km (de 1981 à 2010)

Srel-Y-8110 Moyenne des radiations solaires annuelles reçues calculées à partir d’une résolution de 2m (de 1981 à 2010)

Tabs-Y-8110 Moyenne des températures moyennes annuelles simulées à partir d’une résolution de 1km (de 1981 à 2010)

Tmax-Y-8110 Moyenne des températures maximales annuelles simulées à partir d’une résolution de 1km (de 1981 à 2010)

Tmin-Y-8110 Moyenne des températures minimales annuelles simulées à partir d’une résolution de 1km (de 1981 à 2010)

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Box 1 : Mise en place d’un protocole de barcoding pour l’identification des échantillons de Brachythecium sect. Albicans dans les Alpes

L’identification formelle de l’espèce à laquelle appartient un individu d’intérêt est d’une importance primordiale dans tout contexte scientifique. Il s’avère néanmoins que les identifications morphologiques soient ardues et incertaines dans certains taxons particuliers.

Les avancées technologiques en matière de séquençage ont permis de développer de nouvelles techniques d’aide à l’identification telles que le « DNA barcoding ».

Cette méthode consiste à identifier un organisme en comparant sa séquence génétique à une base de données de séquences. Cette méthode a été utilisée dans le cadre de ce projet pour l’identification spécifique de tous les individus appartenant au genre Brachytecium sect.

Albicans.

Pour ce faire, il a fallu :

1/ Créer la base de données de référence

2/ Déterminer les amorces adéquates pour une amplification spécifique du locus-cible sur base d’un alignement des séquences existantes.

3/ Séquencer mes fragments d’ADN issus des individus échantillonnés

4/ Comparer les séquences obtenues à la base de données et identifier l’espèce correspondante.

1/ Création de la base de données de référence

Afin de créer la base de données de référence, les séquences nucléotidiques des espèces de Brachytecium sect. Albicans susceptible d’être échantillonnées (B.albicans, B.coruscum, B.glaerosum, B.mildeanum, B.salebrosum et B.turgidum) ont été téléchargées depuis

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transcribed spacer »), 5.8s et ITS2 ont été sélectionnées sur base de leur polymorphisme interspécifique dans le groupe étudié (Draper et al., 2014).

Ces séquences sont ensuite introduites dans le logiciel SeaView 3.2 (Galtier et al., 1996) afin d’être alignées. Cet alignement consiste à placer sur une même position les bases homologues pour chacune des séquences car des « Indel » (Insertion-Deletion) survenus au cours de l’évolution dans certaines lignées entraînent un allongement (insertion) ou un rétrécissement (délétion) des loci étudiés. Ces indels entraînent donc que pour une position donnée, les bases de chaque séquence ne sont plus homologues (Fig 2.1).

Figure 2.1 : Portion de l’ITS1 de Brachytecium spp. Sect. Albicans tel que vue dans le logiciel SeaView avant l’alignement.

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Figure 2.2 : Portion de l’ITS1 de Brachytecium spp. Sect. Albicans tel que vue dans le logiciel SeaView après l’alignement.

2/ Détermination des amorces adéquates pour une amplification génétique

Une fois l’alignement effectué (Fig 2.2), il est possible de déterminer les amorces qui vont servir à l’amplification de l’ADN de nos échantillons. Ces amorces doivent se situer aux extrémités -3’ et -5’ du locus dans une région hautement conservée car cela signifie d’une part que l’amorce pourra être universelle à tous les Brachythecium du groupe étudié mais d’autre part qu’aucune information évolutive (une mutation éventuelle) ne sera perdue car les amorces elles-mêmes ne sont pas amplifiées. Une fois qu’une amorce potentielle de 12-15 bp a été identifiée, ses propriétés ont été testées grâce au logiciel en ligne OligoCalc (http://biotools.nubic.northwestern.edu/OligoCalc.html) afin de déterminer sa température de dénaturation et s’assurer que cette dernière soit comprise dans une gamme de 55 à 65°C.

Il a également été vérifié que ces amorces ne présentent pas de portions auto- complémentaires à leurs extrémités, ce qui présenterait un risque de repli de la molécule sur

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amorces sélectionnées à l’issue de ce processus sont : GCA-GCC-AAC-ACG-CGG-CG et GTC-TGA-TGC-GTG-ACG-CG.

3/ Amplification des fragments d’ADN issus des individus de Brachytecium échantillonnés pendant les missions de terrain.

Les amorces acquises permettent de réaliser une amplification par PCR (« Polymerase Chain Reaction ») des séquences nucléotidiques d’intérêt des individus de Brachytecium échantillonnés lors des missions de terrain. Après une dénaturation de ces séquences (séparation des deux brins d’ADN), les amorces ainsi qu’une polymérase sont adjointes à la solution permettant la polymérisation des brins complémentaires, doublant ainsi la quantité d’ADN. Ces fragments sont à nouveaux dénaturés, puis complémentés grâce à l’appariement des amorces et l’action de la polymérase, doublant à nouveau la quantité d’ADN de chacun de nos individus. Ce cycle est répété pour permettre une augmentation exponentielle de la quantité d’ADN initiale.

4/ Séquençage des fragments et comparaison à la base de données.

L’amplification permet d’obtenir une quantité suffisante de matériel génétique pour réaliser des séquençages afin de pouvoir comparer les séquences nucléotidiques des Brachytecium échantillonnés à la base de données créée précédemment et ainsi déterminer à quelle espèce ceux-ci appartiennent.

19

(21)

2.2 Phylogénie des bryophytes :

Les phylogénies des hépatiques et bryophytes s.s sont issues de (Laenen et al., 2014) et ont été produites dans le cadre du projet « Assembling the Tree of Life ». 303 genres d’hépatiques (84 % de la diversité générique actuelle) ont été séquencés sur 8 Loci issus du génome du plastide (atpB, psbA, psbT, rbcL et rps4), de la mitochondrie (rps3 et nad1) et du noyau (26s). Pour les mousses, 539 genres (64 % de la diversité générique actuelle) ont été séquencés pour les loci rps4 du plastide, nad5 de la mitochondrie et 26s du noyau. Chaque genre était représenté par une seule espèce dans ces échantillonnages.

La création des arbres ultramétriques a nécessité l’usage d’une horloge moléculaire relâchée calibrée à l’aide de 35 espèces de mousses et 25 espèces d’hépatiques fossiles dont les positions phylogénétiques étaient non ambiguës. Cette calibration permet de mesurer les distances entre chaque espèce comme une mesure temporelle (en million d’années).

Les espèces échantillonnées ont été placées aléatoirement dans la phylogénie au sein de leurs genres respectifs grâce au logiciel R version 3,6,2 et du package phytools et à l’aide des clusters du CECI2.

Ce processus a été réalisé à plusieurs reprises pour créer 100 arbres, différant par les relations phylogénétiques entre espèces congénériques et les longueurs de branche à l’intérieur du clade formé par les espèces de chaque genre, afin de prendre en compte l’impact du positionnement des espèces dans leurs genres sur les analyses statistiques. L’ensemble des analyses statistiques présentées ci-après a donc été réalisé pour chacun des 100 arbres ainsi générés de manière à prendre en compte l’incertitude issue du manque de résolution de la phylogénie au niveau des nœuds terminaux.

(22)

2.3 Analyses statistiques :

Calcul du turn-over phylogénétique :

Le turn-over phylogénétique a été déterminé grâce à l’indice πst redéfini par Hardy & Al (Hardy et al., 2012) et initialement proposé par (Hardy & Senterre, 2007). Cet indice est défini ainsi :

(1) πst = 1 – (MPDw/MPDa)

Avec MPDw qui représente la distance phylogénétique moyenne entre deux espèces présentes à l’intérieur d’un même plot et MPDa qui représente la distance phylogénétique moyenne entre deux espèces de plots différents. Ces deux termes sont définis respectivement par les formules (2) et (3) :

(2) MDPw=1/N

k

(

i

j ≠i

δijpikpjk/

i

j ≠i

pikpjk) (3) MDPa=N(N1−1)

k

l ≠ k

(

i

j ≠i

δijpikpjl/

i

j ≠ i

pikpjl)

où N est le nombre total de plots, δij est la distance phylogénétique entre l’espèce i et l’espèce j, pik = 1 si l’espèce i apparaît dans le plot k, sinon pik = 0 ( il en va de même pour pjl pour l’espèce j dans le plot l ).

À partir d’un arbre spécifique, une matrice de valeurs de πst est construite par l’estimation de cet indice pour toutes les paires de plots. Si πst >0, alors il existe un « clustering » phylogénétique et si πst<0, alors on parlera d’une « overdispersion » phylogénétique.

Détermination d’une structuration phylogénétique des communautés.

Afin de déterminer si les communautés sont structurées phylogénétiquement de manière significative, les valeurs des 100 distributions de πst calculées sont comparées chacune à une matrice de πst aléatoire construite en calculant le turn-over phylogénétique à partir d’un arbre dont les espèces ont été aléatoirement permutées au travers de la phylogénie initiale. Des analyses préliminaires ayant rejeté l’homoscédasticité des πst via des tests de Bartlett (p-valeurs toutes

<0,001 ; Annexe 1.1 et 1.2) et la normalité des distributions via des tests de Anderson-Darling (p- 21

(23)

valeur toutes <0,001 ; Annexe 2.1 et 2.2), la comparaison visant à déterminer si la distribution des

πst observés est supérieure à la distribution des πst aléatoires est effectuée grâce à un test non-

paramétrique de Wilcoxon.

Interprétation du turn-over phylogénétique ( πst )

Pour tester l’hypothèse que le turn-over phylogénétique des communautés de bryophytes étudiées est structuré géographiquement, un test de Mantel (Mantel, 1967) est réalisé entre la matrice des valeurs de πst précédemment calculées et une matrice des distances géographiques entre chaque paire de plots (matrice réalisée grâce au package raster).

Un test de Mantel est également effectué entre la matrice des valeurs de πst et une matrice de différences microclimatiques (constituées des valeurs des 35 variables climatiques pour chacun des plots et réalisée grâce au package raster) pour tester l’hypothèse que le turn-over phylogénétique est lié à la variation microclimatique, pointant vers le conservatisme de niche. Afin de synthétiser l’information contenue dans la matrice microclimatique, une Analyse en Composantes Principales (ACP) a été réalisée sur les données centrées-réduites. Le premier axe de cette ACP expliquait 81,92% de la variance totale. La distance euclidienne entre la projection de chaque paire de plots sur cet axe a été calculée et a servi à composer la matrice de distances climatiques (package FactoMineR et factoextra).

Afin de contrôler l’autocorrélation spatiale (similarité environnementale entre plots due à la proximité géographique entre ceux-ci), un test de Mantel partiel est effectué entre la matrice des valeurs de πst et la matrice climatique en retirant la contribution de la distance géographique.

Mise en évidence d’un conservatisme de niche Alpin

Dans un premier temps, pour déterminer s’il existe une différence significative de turn-over phylogénétique en fonction de l’altitude des plots utilisés, les valeurs de πst ont été séparées en trois

(24)

via un test de Kruskall-Wallis. Ces groupes ont été définis en fonction de l’altitude des plots utilisés pour le calcul du πst pairwise. Ainsi on distingue les plots « Alpins » dont l’altitude est supérieure à 2000m et « Non-Alpins » lorsqu’elle est inférieure à ce seuil. Les trois groupes formés sont donc les groupes dits « Alpins/Alpins », « Non-Alpins/Non-Alpins » et « Alpins/Non-Alpins ».

Dans un second temps, afin de mettre en évidence un éventuel conservatisme de niche alpin, chacun des groupes sont comparés deux à deux via des tests de Wilcoxon afin de déterminer lesquels sont significativement supérieurs aux autres. Dans l’hypothèse du conservatisme de niche alpin, on s’attend à ce que les différences de πst dans les comparaisons de communautés alpine/non-alpines soient significativement plus grandes que dans le cas des comparaisons de communautés au sein de l’étage alpin d’une part, et de l’étage non-alpin d’autre part.

23

(25)

Résultats

La distribution des moyennes de πst observés (une moyenne de distribution de πst entre chaque paires de plots pour chacun des 100 arbres sur lesquels les espèces observées dans les plots ont été assignées à leur genre respectif et leurs relations au-sein de ceux-ci randomisées) et des moyennes de πst obtenus après randomisation de la phylogénie (une moyenne de distribution de πst entre chaque paires de plots pour chacun des 100 arbres randomisés) pour les communautés d’hépatiques et de mousses sont respectivement présentées en Fig. 3.1 et 3.2. Les médianes observées sont significativement supérieures aux médianes obtenues après randomisation de la phylogénie. Ainsi, la p-valeur moyenne des 100 tests de Wilcoxon entre la médiane de πst observés et obtenus pour chacune des 100 randomisations de la phylogénie est de 2.3-12 ± 1.39-11 pour les hépatiques et inférieure à 10-16 pour les mousses (Annexe 3). Ces résultats mettent en évidence une structuration phylogénétique significative des communautés.

(26)

Figure 3.1 : Histogramme des moyennes des valeurs du turnover phylogénétique πst entre paires de communautés d’hépatiques relevées dans 301 plots de 2x2m sur un gradient altitudinal dans les Alpes vaudoises. La courbe de droite représente les valeurs observées (une moyenne de distribution de πst entre chaque paire de plots pour chacun des 100 arbres sur lesquels les espèces observées dans les plots ont été assignées à leur genre respectif et leurs relations au-sein de ceux-ci randomisées) et celle de gauche les valeurs obtenues après randomisation de la phylogénie (une moyenne de distribution de πst entre chaque paire de plots pour chacun des 100 arbres randomisés).

Figure 3.2 : Histogramme des moyennes des valeurs du turnover phylogénétique πst entre paires de communautés de mousses relevées dans 301 plots de 2x2m sur un gradient altitudinal dans les Alpes vaudoises. La courbe de droite représente les valeurs observées (une moyenne de distribution de πst entre chaque paire de plots pour chacun des 100 arbres sur lesquels les espèces observées dans les plots ont été assignées à leur genre respectif et leurs relations au-sein de ceux-ci randomisées) et celle de gauche les valeurs obtenues après randomisation de la phylogénie (une moyenne de distribution de πst entre chaque paire de plots pour chacun des 100 arbres randomisés).

25

(27)

Les tests de Mantel et Mantel partiels effectués afin de mesurer la corrélation entre les valeurs de πst observées (pour chacun des 100 arbres sur lesquels les espèces ont été assignées à leur genre respectif et leurs relations au-sein de ceux-ci randomisées) et les matrices de distances environnementales (matrice de distance euclidienne entre les valeurs des projections des plots sur la première composante principale d’une ACP réalisées sur les variables environnementales) et géographiques (matrice de distance géographique entre les plots étudiés) ont révélé des résultats similaires chez les mousses et chez les hépatiques. Chez les hépatiques, les πst se sont révélés significativement corrélés à la distance environnementale dans 80 % des cas. À l’inverse, aucun des tests n’a révélé une corrélation significative entre les πst et la distance géographique. Les tests de Mantel partiels qui quant à eux visaient à tester une corrélation entre les πst et les distances environnementales après avoir retiré la contribution des distances géographiques se sont révélés significatif dans 93 % des cas (Table 2 ; Annexe 4.1)

Table 2 : Résultats des tests de Mantel réalisés entre les valeurs de turn-over phylogénétique (πst) observées entre les communautés d’hépatiques relevées dans 301 plots de 2x2m le long d’un gradient altitudinal dans les Alpes vaudoises et la variation des conditions climatiques (πst/DistEnvi) et géographiques (πst/DistGeo) à fine échelle spatiale et des tests de Mantel partiel entre le turn-over phylogénétique et la variation climatique en contrôlant pour l’auto-corrélation spatiale (πst/DistEnvi-DistGeo). Les résultats présentent la moyenne (et l’écart-type) du coefficient de corrélation obtenu pour chacun des 100 arbres sur lesquels les espèces observées ont été assignées à leur genre respectif et leurs relations au-sein de ceux-ci randomisées.

Hépatiques Tests de Mantel

corrélation moyenne (±écart-type)

corrélation [min - max]

p-valeur moyenne (±ecart-type)

p-valeur [min - max]

πst/DistEnvi 0,137 ± 0,006 0,121 – 0,141 0,043 ± 0,008 0,024 – 0,061 πst/DistGeo 0,067 ± 0,006 0,052 – 0,071 0,139 ± 0,022 0,097 – 0,198 πst/DistEnvi-DistGeo 0,120 ± 0,004 0,110 – 0,122 0,040 ± 0,007 0,024 – 0,064

(28)

Chez les mousses, tous les tests de corrélation entre les valeurs de πst et les distances environnementales ainsi que les distances environnementales exemptes d’influence géographique se sont révélés significatifs. À l’inverse et de manière similaire aux hépatiques, aucun des tests n’a révélé une corrélation significative entre les πst et les distances géographiques (Table 3 ; Annexe 4.2).

Table 3 : Résultats des tests de Mantel réalisés entre les valeurs de turn-over phylogénétique (πst) observées entre les communautés de mousses relevées dans 301 plots de 2x2m le long d’un gradient altitudinal dans les Alpes vaudoises et la variation des conditions climatiques (πst/DistEnvi) et géographiques (πst/DistGeo) à fine échelle spatiale et des tests de Mantel partiel entre le turn-over phylogénétique et la variation climatique en contrôlant pour l’auto-corrélation spatiale (πst/DistEnvi-DistGeo). Les résultats présentent la moyenne (et l’écart-type) du coefficient de corrélation obtenu pour chacun des 100 arbres sur lesquels les espèces observées ont été assignées à leur genre respectif et leurs relations au-sein de ceux-ci randomisées.

Mousses

Tests de Mantel

corrélation moyenne (±écart-type)

corrélation [min - max]

p-valeur moyenne (±écart-type)

p-valeur [min - max]

πst/DistEnvi 0,060 ± 0,002 0,057 – 0,062 0,034 ± 0,006 0,022 – 0,047 πst/DistGeo 0,007 ± 0,002 0,004 – 0,009 0,400 ± 0,025 0,339 – 0,448 πst/DistEnvi-DistGeo 0,067 ± 0,002 0,065 – 0,068 0,024 ± 0,004 0,012 – 0,035

27

(29)

Les tests de Kruskall-Wallis visant à déterminer si les turn-over phylogénétiques moyens (πst) calculés pour chaque groupe de paires de plots (plots tous deux à une altitude supérieure à 2000m, tous deux inférieurs à 2000m ou de part et d’autre de ce seuil ; Table 4) sont différents les uns des autres se sont révélés significatifs (Table 5 ; Annexe 5) et sont représentés Figure 4.

Table 4 : Moyenne du turn-over phylogénétique (πst) et son écart-type en fonction des régions considérées (paires de plots situés à plus de 2000m : Alpin/Alpin ; moins de 2000m : Non-Alpin/Non-Alpin et de part et d’autre : Alpin/Non-Alpin) calculés à partir de 100 arbres phylogénétiques dont les espèces ont été placées aléatoirement au niveau des genres entre communautés d’hépatiques et de mousses relevées dans 301 plots de 2x2m le long d’un gradient altitudinal dans les Alpes vaudoises.

Hépatiques

Régions πst(± écart-type)

Alpin/Alpin -0.004 ± 0.001

Non-Alpin/Non-Alpin 0.049 ± 0.001

Alpin/Non-Alpin 0.043± 0.001

Mousses

Régions πst(± écart-type)

Alpin/Alpin 0,032 ± 0.006e-1

Non-Alpin/Non-Alpin 0.032 ± 0.004e-1

Alpin/Non-Alpin 0.057 ± 0.003e-1

(30)

Table 5 : Comparaison de la médiane du turn-over phylogénétique (πst) à l’aide de tests de Kruskall-Wallis entre communautés d’hépatiques et de mousses relevées dans 301 plots de 2x2m le long d’un gradient altitudinal dans les Alpes vaudoises en fonction du facteur intra (paires de plots tous situés à <2000m et paires de plots tous situés à <2000m) vs inter étages altitudinaux (paires de plots situés à >2000m et

<2000m).

Tests de Kruskall- Wallis

statistique (± écart-type)

statistique [min - max]

p-valeur (± écart-type)

p-valeur [min - max]

Hépatiques 28,05 ± 2,486 22,72 – 33,29 1,648e-06 ± 2,163e-06

5,913e-08 – 1,165e-05

Mousses 138 ± 3,607 125,9 – 144,9 1,606e-29 ±

7,472e-29

3,440e-32 – 4,692e-28

29

(31)
(32)

Figure 4 : Violin-plots représentant la distribution des moyennes du turn-over phylogénétique πst (obtenues pour chacun des 100 arbres sur lesquels les espèces observées ont été assignées à leur genre respectif et leurs relations au-sein de ceux-ci randomisées) et calculées pour 301 plots de 2x2m le long d’un gradient altitudinal dans les Alpes vaudoises en fonction du facteur intra (paires de plots tous situés à <2000m et paires de plots tous situés à <2000m) vs inter étages altitudinaux (paires de plots situés à >2000m et

<2000m) chez les hépatiques (A) et les mousses (B).

Les tests de Wilcoxon réalisés afin de déterminer quels groupes de plots présentent des turn- over phylogénétiques significativement supérieurs aux autres ont permis de conclure que les communautés d’hépatiques du groupe non-alpin (communautés toutes présentes en dessous de 2000m) présentent un turn-over phylogénétique moyen significativement supérieur au groupe alpin (communautés toutes présentes au-dessus de 2000m). Le turn-over calculé entre plots situés de part et d’autre des 2000m (Inter) est significativement supérieur au turn-over intra alpin, mais la différence avec le turn-over moyen entre les plots de l’étage non-alpin n’est pas significative (Table 6

; Annexe 6).

L’analyse des communautés de mousses à l’aide des tests de Wilcoxon a révélé que le turn- over médian entre plots alpins/non-alpins est significativement supérieur au turn-over médian entre plots alpins, qui est lui-même significativement plus grand que le turn-over médian entre plots non- alpins.

31

(33)

Table 6: Comparaison de la médiane du turn-over phylogénétique (πst) entre communautés d’hépatiques (a) et de mousses (b) relevées dans 301 plots de 2x2m le long d’un gradient altitudinal dans les Alpes vaudoises en fonction du facteur intra (paires de plots alpins : <2000m et paires de plots non-alpins : <2000m) vs inter étages altitudinaux (paires de plots situés à >2000m et <2000m).

Hépatiques Tests de Wilcoxon statistique

(± écart-type)

statistique [min - max]

p-valeur (± écart-type)

p-valeur [min - max]

Non-Alpins >

Alpins 375220 ± 2516,555 369189 – 380506 4,605e-05 ± 5,452e-05

2,380e-06 – 3,101e-04 Non-Alpins >

Inter 314985 ± 1110,108 312249 – 317574 0,3898 ± 0,0459 0,287 – 0,506 Inter > Alpins 662069 ± 2339,323 657267 – 666631 1,263e-06

±1,021e-06

1,935e-07 – 4,565e-06

Mousses Tests de Wilcoxon statistique

(± écart-type)

statistique [min - max]

p-valeur (± écart-type)

p-valeur [min - max]

Alpins > Non- Alpins

31730501 ± 67229,09

31497649 – 31839422

1,484e-11 ± 5,990e-11

1,385e-13 – 4,888e-10 Inter > Non-

Alpins

32830843 ± 34622,63

32719446 – 32904859

8,567e-27 ± 2,585e-26

1,505e-28 – 1,615e-25 Inter > Alpins 14660235 ±

21581,54

14616434 – 14711545

1,856e-08 ± 1,432e-08

2,007e-09 – 7,196e-08

(34)

Discussion

Les tests effectués ont permis de vérifier l’hypothèse que le turn-over phylogénétique global (πst) des hépatiques et des mousses est supérieur à l’aléatoire, ce qui signifie qu’il existe une structuration spatiale phylogénétique des communautés de bryophytes sur la zone étudiée (Hardy et al., 2012). De plus, ce turn-over phylogénétique est positif, ce qui confirme l’hypothèse d’un “ clustering ” phylogénétique spatial (Hardy & Senterre, 2007).

Les tests de Mantel destinés à déterminer à quels facteurs cette structuration est corrélée ont révélé que le turn-over phylogénétique des communautés est expliqué par les variables micro- climatiques, indépendamment de toute structuration géographique sous-jacente, vérifiant l’hypothèse d’une répartition des communautés influencée par l’environnement. Ce résultat représente l’une des premières preuves empiriques de la prépondérance de l’environnement dans la structuration phylogénétique des communautés (Saladin et al., 2019; Segovia et al., 2019).

La corrélation entre le turnover phylogénétique et l’environnement, qui traduit le fait que les espèces d’une même niche climatique sont phylogénétiquement plus proches l’une de l’autre que de toute autre espèce d’une autre niche climatique, a d’importantes conséquences écologiques et évolutives. En effet, si le conservatisme de niche phylogénétique chez les bryophytes avait déjà été mis en évidence dans le genre Sphagnum sur base de la présence d’un signal phylogénétique significatif dans l’évolution des niches (Johnson et al., 2015; Piatkowski & Shaw, 2019), le présent travail est, à notre connaissance, le premier à démontrer l’importance de ce mécanisme dans l’assemblage des communautés de bryophytes et contribue à expliquer les mécanismes sous-jacents à un pattern aussi universel que le gradient altitudinal de biodiversité.

La présence d’un conservatisme de niche chez les bryophytes implique que les adaptations écophysiologiques à des facteurs climatiques tels que le froid, la chaleur ou la sécheresse sont héritables et transmissibles. En effet, l’adaptation au milieu alpin et à ses conditions particulières d’ensoleillement et d’humidité a nécessité le développement de mécanismes particuliers de tolérance à la dessication. Ces mécanismes passent par la synthèse de protéines LEA (‘Late Embryogenesis

33

(35)

Abundant) et l’accumulation de sucres solubles qui se combinent pour former des verres biologiques protégeant les structures membranaires de la cristallisation (Vanderpoorten & Goffinet, 2009). Lors de la réhydratation, l’expression d’une autre famille de protéines, les hydrines et les ré-hydrines, augmente également, mais la fonction exacte de ces protéines est encore méconnue. Le caractère héritable de la niche climatique suggère que cette machinerie d’adaptations écophysiologiques complexes, une fois acquise, est transmise aux espèces filles plutôt que ré-acquise indépendamment et aléatoirement dans différentes lignées (Jenkins & Hoffmann, 1999; Wiens et al., 2010).

En particulier, le fait que le turn-over phylogénétique soit, en moyenne, plus important entre paires de plots entre étages altitudinaux (au-dessus ou en-dessous de 2000m) que dans ces étages altitudinaux chez les mousses suggère, en accord avec notre hypothèse initiale, l’existence d’un conservatisme de niche alpin. De surcroît, les tests de Wilcoxon ont révélé que les πst intra-alpin (>2000m) sont significativement supérieurs au πst des étages inférieurs (<2000m) ce qui signifie que le clustering phylogénétique spatial des communautés alpines est plus important que celui des communautés non-alpines. Ce résultat suggère que les milieux alpins exercent une pression de sélection très forte sur l’assemblage des communautés (Guisan & Theurillat, 2000), notamment due à des gradients topographiques complexes et variables (Seastedt et al., 2004). Les espèces se développant dans des habitats exposés tels que des éperons rocheux subissent des écarts de température considérables. Ces écarts peuvent représenter des variations de température allant de 22°C à 52°C au cours des mêmes 24 heures (Annexe 7). Dans les Alpes vaudoises, ces milieux sont quasi-exclusivement colonisés par des Grimmiaceae des genres Grimmia, Racomitrium et Schistidium, dont la parenté phylogénétique explique le fort clustering phylogénétique observé. Ces espèces partagent des adaptations morphologiques et anatomiques à la vie en milieu aussi extrême (Watson, 1914). Ces adaptations peuvent être réalisées au niveau de la colonie par la formation de coussinets denses. Cette forme de vie permet de retenir plus longtemps l’eau par capillarité en comparaison à des tiges isolées (Cruz de Carvalho et al., 2019) (Figure 5: A1, A2, B1). Les Grimmiaceae sont également caractérisées par des poils hyalins à l’apex des feuilles capables d’augmenter la rétention d’eau absolue jusqu’à 25% (Tao & Zhang, 2012). Ces poils permettent également de protéger les

(36)

seront les premiers à se déshydrater, ce qui permet de prolonger l’activité photosynthétique des autres cellules de la feuille (Figure 5: A1, A2, B1, B2). Enfin, les Grimmiaceae présentent typiquement des cellules à paroi épaissie et sinueuse, parfois fortement papilleuses qui représentent des adaptations à la sécheresse (Streiff, 2005)(Figure 5: C1, C2).

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Figure 5 : Adaptations morpho-anatomiques à la dessiccation et au gel chez les Grimmiaceae alpines : un exemple de conservatisme de niche. A : Forme de vie en coussinets denses (A1 : Racomitrium sudeticum, A2 : Grimmia alpestris, B1 : Grimmia pulvinata). B : Excurrence de la nervure en un poil hyalin (B1 et B2 : Grimmia pulvinata) dont est la fonction est de retenir un certain niveau d’humidité. C : Adaptations de la paroi des cellules pouvant être papilleuse chez Racomitrium canescens (C1) et sinueuse chez R. fasciculatum (C2). (Crédits photographiques : Michael Lüth, Alain Vanderpoorten).

Chez les hépatiques, en revanche, les tests de Wilcoxon réalisés ont montré que les πst calculés à partir de deux plots non-alpins et alpins ne sont pas significativement supérieurs aux πst calculés entre paires de plots au sein d’un même étage altitudinal. De surcroît, les πst au sein de l’étage inférieur à 2000m sont significativement plus élevés que les πst calculés à partir de deux plots alpins (>2000m d’altitude), ce qui est en opposition avec l’hypothèse d’un conservatisme de niche alpin. Ce résultat s’explique par le fait qu’aucune hépatique ne participe aux communautés des éperons rocheux fortement exposés des hautes altitudes. Les hépatiques sont en effet globalement moins résistantes à la xéricité que les mousses (Vitt et al., 2014). En milieu alpin, elles sont donc cantonnées à des micro-refuges humides tels que combes à neige et surtout, dans les Alpes vaudoises, aux crevasses karstiques (Litwin & Andreychouk, 2008). Ce sont des environnements tout à fait particuliers (Hechavarría, Rodney; López, 2013) qui influencent la végétation que l’on peut y trouver par la formation de niches micro-climatiques différentes du milieu environnant (Efe, 2014). Le cantonnement des hépatiques à ces milieux explique à son tour une particularité du turn- over spatial des hépatiques alpines qui se sont révélées caractérisées par un πst négatif. L’existence chez les hépatiques d’une « overdispersion » phylogénétique au niveau de la région alpine (>2000m d’altitude) permet de conclure à une compétition entre elles (Hardy & Senterre, 2007). En effet, les crevasses karstiques représentent des micro-habitats dont l’exiguité semble générer des phénomènes de compétition entre des espèces d’hépatiques de grande taille que l’on rencontre typiquement dans ces milieux, comme Scapania aequiloba et Barbilophozia lycopodioides. Le présent travail confirme donc l’importance de la compétition chez des organismes pionniers comme les bryophytes, chez lesquels elle a longtemps été controversée (A. Bergamini et al., 2001; Okland & Okland, 1996) mais récemment suggérée dans la zone d’étude (Collart et al., 2018).

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(39)

Enfin, en accord avec notre hypothèse H2, les tests de Mantel ont montré l’absence de corrélation entre le turn-over phylogénétique et les distances géographiques. La structuration phylogénétique des communautés n’est donc pas influencée par la distance entre les plots, ce qui permet de confirmer l’hypothèse d’une absence de limite dispersive des bryophytes à notre échelle d’étude (Hutsemekers et al., 2008; Tiselius et al., 2019). Ces résultats contribuent à renforcer l’hypothèse selon laquelle les conditions environnementales présentes prévalent sur les facteurs historiques liés aux limites dispersives pour l’assemblage des communautés d’organismes aussi dispersifs que les bryophytes (Patiño et al., 2013).

Ces nouveaux résultats, qui démontrent pour la première fois l’importance d’un conservatisme de niche chez les bryophytes pour l’assemblage de leurs communautés, ont des conséquences importantes. Le conservatisme de niche est en effet l’une des hypothèses majeures dans l’application des modèles de distribution d’espèces, qui sont calibrés dans une zone d’étude et projetés dans un autre contexte spatio-temporel à des fins prévisionnelles (Randin et al., 2006). En biologie des invasions par exemple, la niche d’une espèce est typiquement modélisée dans la zone d’origine puis projetée sur des aires d’invasions potentielles afin d’identifier les secteurs les plus menacés (Petitpierre et al., 2012). Dans le contexte des changements climatiques, la niche des espèces peut être projetée sur des couches climatiques futures basées sur différents scénarios du GIEC. Dans un cas comme dans l’autre, la projection de la niche en-dehors du cadre spatio-temporel au sein duquel le modèle a été créé n’est valable que si la niche de l’espèce reste constante dans l’espace et dans le temps, et repose donc implicitement sur l’hypothèse du conservatisme de niche (Guisan & Thuiller, 2005).

L’acceptation de l’hypothèse du conservatisme de niche chez les bryophytes signifie également que ces dernières ont un faible potentiel évolutif en réponse aux variations environnementales et, dans le contexte actuel, au réchauffement climatique (Donoghue, 2009). En effet, si une espèce est soumise au conservatisme de niche, alors celle-ci va devoir suivre le déplacement de sa niche écologique au cours du temps pour subsister. Or, dans le cas des espèces alpines, la surface disponible pour s’installer ne fait que s’amenuiser jusqu’à disparaître au sommet

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une vitesse moyenne de déplacement altitudinal de 24m/10 ans a été documentée sur base de l’analyse diachronique de leur répartition, tandis que leur fréquence a significativement diminué au cours du dernier siècle au niveau de leur limite altitudinale inférieure (Ariel Bergamini et al., 2009).

Ces résultats suggèrent que ces espèces peuvent compenser les extinctions locales dans les zones les moins élevées de leur aire en colonisant de nouveaux secteurs en altitude, jusqu’à ce la migration altitudinale ne soit plus possible, conduisant les populations de ces espèces, incapables de s’adapter à un environnement changeant, à l’extinction.

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Conclusion et perspectives

Le présent travail a montré l’existence d’un clustering phylogénétique chez les Bryophyta.

Cette structuration spatiale s’est révélée corrélée aux conditions micro-climatiques indépendamment de toute structuration géographique sous-jacente, démontrant pour la première fois que la structure spatiale des communautés de bryophytes est déterminée par le conservatisme de niche. La très forte différenciation environnementale entre les étages alpins et non-alpins chez les mousses génère une très forte barrière de part et d’autre de laquelle les communautés sont phylogénétiquement très différenciées. A l’inverse, il a été montré une sur-dispersion phylogénétique chez les hépatiques dû au faible nombre de milieux qui leurs sont propice, ce qui provoque une compétition entre ces espèces dans un environnement alpin.

Les résultats de ce travail soutiennent l’application de méthodes et de modélisations basées sur le concept de conservatisme de niche phylogénétique. Ce dernier compromet en revanche l’idée que les espèces sont capables de rapidement évoluer en réponse au changement climatique. En conséquence, les espèces sont obligées de se déplacer avec leur niche afin d’éviter la disparition. Ce déplacement peut entraîner un remplacement des communautés en un lieu donné mais également l’apparition de compétition entre espèces auparavant allopatriques.

Les analyses conduites ici ont été basées sur un arbre avec une résolution générique, soit un signal évolutif assez ancien peu précis dans le cadre d’une étude portant sur l'adaptation rapide des espèces aux changements climatiques en cours. Il serait intéressant de pouvoir aborder la question de l'adaptabilité à plus fine échelle évolutive. En choisissant quelques espèces présentes sur tout le gradient altitudinal (par exemple : Tortella tortuosa) et en examinant, par voie génomique l’ARN des individus, il serait possible de déterminer si les populations de haute altitude diffèrent de celles de basse altitude. Dans un tel cas : quels sont les gènes impliqués? quelles sont leurs fonctions? Existe- t’il des différences au niveau de leur expression mais pas de leur séquence, suggérant des

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environnement en perpétuelle évolution et ainsi s’extirper de leurs niches, vouées à disparaître dans les milieux montagneux.

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Références

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