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Marc LOOPUYT : Le oud Nahhât, luth mythique de Damas

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32 | 2019

Migrants musiciens

Marc LOOPUYT : Le oud Nahhât, luth mythique de Damas

Paris : Musée de la Musique, Cité de la Musique-Philharmonie de Paris, 2018

Samir Mokrani

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/ethnomusicologie/3753 ISSN : 2235-7688

Éditeur

ADEM - Ateliers d’ethnomusicologie Édition imprimée

Date de publication : 1 octobre 2019 Pagination : 292-295

ISBN : 978-2-88474-484-3 ISSN : 1662-372X Référence électronique

Samir Mokrani, « Marc LOOPUYT : Le oud Nahhât, luth mythique de Damas », Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 32 | 2019, mis en ligne le 01 octobre 2019, consulté le 21 octobre 2019. URL : http://

journals.openedition.org/ethnomusicologie/3753

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Marc LOOPUYT : Le oud Nahhât, luth mythique de Damas

Paris : Musée de la Musique, Cité de la Musique-Philharmonie de Paris, 2018

Samir Mokrani

RÉFÉRENCE

Marc LOOPUYT : Le oud Nahhât, luth mythique de Damas, Paris : Musée de la Musique, Cité de la Musique-Philharmonie de Paris, 2018. 128 p., ill. n.b. et coul.

1 Dans son ouvrage Le oud Nahhât, luth mythique de Damas, Marc Loopuyt, lui-même un maître musicien unanimement reconnu pour sa maîtrise de plusieurs répertoires de oud (Maroc, Turquie, Syrie, etc.), nous livre un magnifique exposé sur le luth arabe en général, et sur une famille de luthiers que constituent les Nahhât de Damas.

2 Marc Loopuyt commence avec une introduction critique et positive à la fois, dans laquelle il évoque l’évolution du luth arabe oud durant les dernières décennies, ainsi que les grandes figures du XXe siècle associées à l’instrument, certaines ayant été de véritables icônes de la musique arabe ou turque (Farid al-Atrache, Munir Bachir, Cinuçen Tanrıkorur). Bien que les usages de l’instrument-roi des musiques arabo- turques aient passablement évolué à travers les siècles et durant les dernières décennies de notre époque, l’idée à retenir est qu’il n’a pas disparu et que son utilisation s’est au contraire généralisée à une échelle géographique et culturelle de plus en plus large.

3 Le livre, qui impose d’entrée des standards esthétiques très élevés (excellente qualité de l’impression, fluidité et accessibilité du texte, beauté des photos et des dessins etc.), est constitué de deux parties principales. Dans la première, répartie en deux chapitres, Marc Loopuyt s’attache à décrire les origines du oud, en expliquant les diverses hypothèses historiques et organologiques (« Le oud et ses ancêtres », pp. 21-49), avant de s’attaquer aux questions des techniques et des postures de jeu dans un sous-

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chapitre relativement bref mais allant droit à l’essentiel (pp. 49-54). La partie historico- organologique évoque l’existence de quatre types de luths dont l’évolution a pu converger pour aboutir au oud sous sa forme actuelle. Loopuyt évoque notamment les luths à long manche de la Mésopotamie et de l’Egypte antique (le type dit gumbri), mais aussi et surtout les luths monoxyles probablement d’origine persane et/ou centre- asiatique, sur le modèle du barbat. Il démontre également que des luths actuels, tels le qanbus yéménite, mais aussi le rubâb afghan et même le biwa japonais, sont affiliés à cette famille, même s’il existe entre ces instruments des différences organologiques dont il serait trop long de dresser la liste ici. Pour faire bref, disons que la convergence de ces différents modèles de luths à débouché au VIIIe siècle sur l’émergence du luth arabe, le oud, doté à l’origine de quatre cordes et d’une rosace située au centre de la table d’harmonie.

4 Dans le chapitre intitulé « L’imaginaire du oud » (pp. 55-76), l’auteur s’attaque à une tâche hautement complexe mais qu’il parvient à synthétiser de manière admirable, à savoir la question de la symbolique représentée par l’instrument, de ses proportions, du nom porté par ses différentes parties et, point essentiel, de la perfection de sa géométrie dont dépend également le son du luth oriental. On y apprend notamment que les différentes parties de l’instrument se réfèrent presque exclusivement à deux univers : le premier est le cosmos, avec des noms comme « soleil » ou « lune », en référence au centre de la rosace et au cheviller de l’instrument respectivement, l’autre étant le registre anthropomorphe, qui recourt aux termes « tête », « cou » ou encore

« poitrine » pour désigner d’autres parties de l’instrument. Dans ce chapitre, cependant, le point fondamental semble être de comprendre que le oud est le résultat d’une convergence de cultures et de traditions mystiques hautement symboliques, que Marc Loopuyt, de manière très sensible, explique ainsi : « Le oud porte la trace incontestable d’un symbolisme lié au soufisme, celui de “l’homme universel” (Insân El Kamil) »,  tout en expliquant que cette conception, déjà présente chez les pythagoriciens, l’est aussi en référence aux modes musicaux (maqâmât), aux modes rythmiques (adwar), aux mètres poétiques (‘arous) et enfin à la danse (raqs).

5 La seconde partie, bien que plus modeste que la première, constitue à proprement parler le cœur de l’ouvrage, puisqu’elle est consacrée à l’histoire de la famille de luthiers damascènes, les Nahhât, ainsi qu’à un luth spécifique de leur fabrication. Les premières indications historiques sur la famille remontent à 1800 environ, mais c’est avec Georges Youssef Nahhât que l’on entre dans le vif du sujet, aux alentours de 1860.

D’abord sculpteur sur pierre, il développe par la suite des activités de sculpture sur bois, dans la plus pure tradition damascène, celle-ci comptant, depuis des siècles, parmi les plus prestigieuses du monde arabe. Les activités de lutherie débutent véritablement avec ses deux fils Roûfan George et Abdoh George, ce dernier atteignant rapidement, secondé par son fils Ilias, une notoriété en tant que l’un des plus grands luthiers de la capitale syrienne. Les générations suivantes perpétueront cette tradition de lutherie, avant que les derniers représentants de la dynastie Nahhât émigrent au Brésil en 1938.

Là-bas, ils poursuivront la tradition familiale, principalement pour les musiciens d’origine libanaise installés dans le pays, avec un dernier oud fabriqué en 1984.

6 Dans le chapitre intitulé « Le oud Nahhât, cahier de luthier », Marc Loopuyt déploie toutes ses connaissances de spécialiste du oud et de ses secrets de fabrication, en prenant l’exemple d’un instrument particulier fabriqué par Abdoh George et son fils Ilias en 1931 et conservé au Musée de la musique depuis 1997. La tâche de résumer un

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chapitre aussi technique et truffé de détails s’est révélée extrêmement ardue, et seule la lecture du livre permettra à une personne vraiment intéressée d’en comprendre tout le sens. On en retiendra toutefois les éléments suivants : d’abord, ce luth Nahhât est issu d’une tradition très ancienne, dans laquelle l’art des proportions et de la géométrie nourrissent une science de l’esthétique et du son que je qualifierais de quasi ésotérique.

Ainsi, parmi les éléments prépondérants de la lutherie, on retiendra l’homogénéité presque parfaite de la caisse de résonance, composée de 15 côtes de noyer séparées par des filets de citronnier. Loopuyt décrit l’ensemble comme dégageant une impression d’« élégance discrète, presque austère », tout en expliquant que la teinte brun profond tirant sur le rouge des côtes provient du recours à la technique très savante dite de

« l’arbre saigné » (p. 97). En contraste avec la sobriété du dos de l’instrument, Marc Loopuyt décrit sa face comme relevant de « la floraison d’un jardin luxuriant, dont l’unité est donnée par la frise de marqueterie » (p. 93), citation qui en dit long sur les talents d’artisans déployés par le père Abdoh et son fils Ilias. Plus loin, l’auteur insiste sur le poids relativement important de l’instrument, contrastant avec l’image que l’on se fait souvent de la nécessaire légèreté d’un oud, et qui témoigne « d’une solide construction » (p. 93). Enfin, il serait inconcevable de tenter une description générale de l’instrument sans évoquer ses caractéristiques sonores : ici, Loopuyt met particulièrement en avant la capacité exceptionnelle de résonance harmonique du oud Nahhât, rappelant au lecteur que « le luth est un amplificateur naturel de la corde » (p. 108). Ainsi, à l’image du terme de « oud » signifiant au départ « bois », et par extension « le bois par excellence », nous sommes bien avec ce luth Nahhât en présence d’un objet en bois et d’un instrument exceptionnel, sorte de paradigme d’une tradition esthétique de la perfection, dont les origines multiculturelles remontent à plusieurs siècles, voire plusieurs millénaires.

7 L’avant-dernière partie de l’ouvrage, d’une richesse exceptionnelle, et qui porte le titre de « Voyage géométrique du oud Abdoh Nahhât », consiste en un schéma de construction de l’instrument, où Marc Loopuyt explique les divers rapports et proportions en vigueur entre les différentes parties de ce oud extraordinaire. L’auteur termine par un plaidoyer pour la préservation de ce patrimoine séculaire, en particulier dans le contexte dramatique de la Syrie en guerre, et dans le sens duquel on ne peut qu’abonder. Il souligne, ce faisant, l’importance capitale de la transmission de ces connaissances sublimes aux générations futures.

8 Bref, le lecteur l’aura bien compris, Le oud Nahhât, luth mythique de Damas constitue à mes yeux un petit bijou, mélange d’érudition et d’anecdotes passionnantes, qui présente l’immense avantage d’être accessible à une personne ignorant tout de l’histoire du oud et de la musique arabe. Ce résultat, j’en suis convaincu, n’est pas étranger au parcours atypique de l’auteur : maître oudiste, pédagogue remarquable (j’ai eu moi-même l’occasion de suivre un stage avec lui à la fin des années 90) et fin érudit en matière de mystique islamique (le soufisme sous ses nombreuses variantes) et de toute la symbolique qui lui est inhérente. Autre point fort de l’ouvrage, les très nombreux exemples iconographiques qui, de manière générale, illustrent à merveille les propos de l’auteur, avec une qualité rarement égalée pour un livre d’un format aussi modeste.

9 Cela dit, si l’on devait lui trouver quelques défauts, et il faut bien admettre qu’une telle tâche relève d’un certain acharnement intellectuel, on pourrait déplorer quelques omissions, notamment en ce qui concerne ce que j’ai appelé plus haut la « première

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partie », mais peut-être surtout quelques imprécisions, historiques et musicologiques notamment, que Marc Loopuyt semble considérer comme des acquis. Ainsi, on peut regretter l’absence de toute référence historique aux luths grecs, pourtant très bien attestés dans l’iconographie, ainsi qu’à la civilisation dite de Gandahar, dont le rôle dans le passage des luths grecs à l’Asie a sans doute été essentiel1.

10 Mais sans aucun doute, ce qui constitue le cœur de l’ouvrage, soit l’histoire de la famille Nahhât et de ses ouds, qui est traitée avec un mélange de rigueur et de respect absolu, parvient à faire du oud Nahhât un livre incontournable et indispensable à toute personne s’intéressant de près ou de loin au luth arabe, et aux amateurs et spécialistes de la lutherie de cet instrument divin qu’est le oud en particulier.

BIBLIOGRAPHIE

LAMBERT Jean et Samir MOKRANI, dir., 2013, Qanbus, Tarab. Le luth monoxyle et la musique du Yémen. Paris : Editions Geuthner.

NOTES

1. Voir Lambert et Mokrani 2013.

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