ÉTUDE DES GLYCOPROTÉIDES DES LAITS DE FEMME ET DE VACHE
J. MONTREUIL Nicole ANTONY J. DESCAMPS Nicole DUQUESNE Laboratoire de Chimie biologique, Faculté des .Sciences, Lille.
Le but de nos travaux est d’étudier d’une manière
comparative
lacomposition
deslaits de mammifères de manière à saisir les différences
qui
confèrent au lait de femme sespropriétés bénéfiques
pour le nourrisson et à déterminer la nature des substancesqu’il
conviendrait
d’ajouter
auxlaits,
autres que le lait defemme,
pour réaliser leur « materni- sation ».Jusqu’à présent,
nos travaux ontporté uniquement
sur les laits de femme et de vache.A.
Étude comparée
de laphysiologie
de la sécrétion lactée de lafemme et
de la vache.L’étude
comparative
de l’évolution desglucides,
desglycoprotéides
et desprotéines
du lait de vache et du lait de femme montre
qu’il
existe degrandes analogies,
mais aussides
différences,
entre les deuxtypes
de sécrétions. Nous pouvons les résumer de la manière suivante :1° Le taux du lactose augmente
progressivement
et atteint son maximum vers le4
e
jour
chez lafemme,
vers le 15ejour
chez la vache. Le retard de la « stabilisation » dutaux du lactose chez cette dernière
pourrait s’expliquer
par l’absenced’oligosides
et depolyosides
enquantité
suffisante pour compenser lasynthèse enzymatique
dulactose,
faible au début de la lactation.2
0 Les laits de femme et de vache contiennent des
oligosides
et despolyosides :
le lait de femme en renferme de 10 à 25 g par
litre;
le lait de vache n’en contient que de 1 à 2 g par litre. Dans les deuxtypes
delait,
le taux desosides,
sauf lelactose,
diminueau cours de la lactation.
3
0 L’étude
pondérale
etélectrophorétique
des caséines et desprotéides
du lacto-sérum du lait de vache montre que le lait
subit,
au cours de lalactation, d’importantes
modifications
quantitatives
de ses constituantsprotéidiques.
Enparticulier,
les laitscolostraux sont riches en
protéides sériques, particulièrement
enp 2 -globulines immunes,
et pauvres en
protéides
« lactés ». Au fur et à mesure que l’ons’éloigne
dujour
duvélage,
le taux des
globulines
immunes diminueprogressivement,
tandis que celui de lap-lac- toglobuline
et de l’«-lactalbumine augmenteprogressivement.
Le lait de femme subitune évolution
identique.
4° L’étude des variations du taux des constituants
glucidiques
desglycoprotéides
montre que le lait subit en outre de
profondes
modificationsqualitatives
de sesglycopro-
téides. L’étude des variations des
rapports oses/acides sialiques
etoses/osamines
est àcet
égard
très démonstrative.5° Les modifications
qualitatives
etquantitatives
des laits au cours de la lactations’effectuent
toujours
d’une manière trèsprogressive.
6° La
physiologie
de la sécrétion lactéeprésente
desanalogies
très étroites chez la femme et chez la vache et les différencesqui
se manifestent sont essentiellementquali-
tatives.
B.
Étude
desprotéides
du lait defemme
et du lait de vache.Nous
appliquons
les méthodesclassiques
d’isolement desprotéides
par chromato-graphie
suréchangeurs
d’ions ou parélectrophorèse préparative,
non pas auxprotéides
totaux du
lait,
mais à des fractions enrichies par une méthodeoriginale
deprécipitation
par le sulfate d’ammonium avec
gradient
de concentration etgradient
depH.
On obtientde cette manière des
préparations
deprotéides
encorehétérogènes,
mais enrichies en un ouplusieurs protéides, qui
peuvent être caractérisés par la méthode d’immunoélectro-phorèse.
Nous avonsappliqué
ce modeopératoire
à l’étude des laits de femme et de vache.I.
Étude
desprotéides
du lait defemme.
Nos recherches ont
principalement porté
sur lesp 2A -globulines,
legynolactomu-
coïde
I,
lalactosidérophiline
et lesglycopeptides.
1° Fractionnement des
p 2A -globulines.
Le fractionnement des
gynolactomucoïdes
s’effectue en deuxétapes :
1° unepremière chromatographie
sur des colonnes d’Amberlite XE 64 fournit deuxpics
obtenus par le passage successif d’une solution de citrate de sodium0,05M
depH 5,2
et d’une solution de citrate de sodium0,50M
depH 6,2;
2° un fractionnement des deuxpics
sur DEAE-cellulose est ensuite réalisé.
a) Étude
dupic
n° I.Les
préparations
obtenues sont très riches englucides (environ
40%)
et en acidessialiques (environ
10%).
Elles sonthétérogènes
àl’électrophorèse
engélose :
deux cons-tituants ont en effet été
caractérisés, qui possèdent
unegrande
vitesse demigration
ano-dique.
Jusqu’à présent,
toutes les tentatives d’isolement de cescomposés
par chromato-graphie
sur colonnes(CM-cellulose; DEAE-cellulose; Sephadex)
ont été vaines. Actuel- lement nous nous orientons vers les méthodesd’électrophorèse préparative
sur amidonou sur colonne de cellulose modifiée selon le
procédé
de PORATH.Intérêt de ces recherches. Nous avons, il y a
quelques années,
caractérisé dans le lait de femme un mucoïde riche englucides
que nous avonsappelé
«gynolactomucoïde
1 u.Le groupement glucidique
estcomposé
degalactose,
defucose,
deN-acétylglucosa-
mine et d’acide
sialique.
Cettecomposition rapproche
legynolactomucoïde
1 des subs-tances de groupes
sanguins.
Nous tentons de l’isoler à l’état pur pour confirmer éventuellement cettehypothèse
et pour étudier l’existencepossible
d’une activité Lactobacillusbifidus.
En effectuant ces
recherches,
nous venons de caractériser un nouveau mucoïde(gynolactomucoïde III)
dont la nature estjusqu’à présent
inconnue.b) Étude
dupic
n° 2.Ce
pic
est constitué essentiellement delactosidérophiline (gynolactomucoïde II),
dont le
procédé
d’isolement et lespropriétés physico-chimiques
ont été décrites parM ONTREUIL
,
MULLET et TONNELAT. Ils’agit
d’unglycoprotéide spécifique
dulait, qui possède
lapropriété
de fixer réversiblementjusqu’à
6 atomes de fer par molécule etqui
est différent de la
sidérophiline plasmatique.
Ilpossède
uneimportance
fondamentale dans letransport
du fer de la mère à l’enfant.Nos travaux devaient
porter
cette année sur une étudephysico-chimique plus
pous- sée ducomposé
et surl’exploration
de sespropriétés biologiques.
Pour mener à bien cetteentreprise,
degrandes quantités (plusieurs grammes)
delactosidérophiline
étaient néces-saires. Bien que cette
préparation
ait été menée àbien,
nous n’avons puentreprendre
aucune étude
physico-chimique
oubiologique,
car nous avons constaté au cours desexpé-
riences que la
lactosidérophiline
étaithétérogène
etqu’il existait,
comme dans le cas de lasidérophiline plasmatique, plusieurs types
delactosidérophiline.
2° Fractionnement de la
lactosidérophiline.
Le
pic
n° 2(obtenu
parchromatographie
sur Amberlite XE64)
a étépassé
sur descolonnes de DEAE-cellulose dont l’élution a été réalisée
par ! e
passage successif de solu- tions dephosphate
à des concentrations et à despH
variables.On observe que
plusieurs pics apparaissent,
dont la nature «lactosidérophiline
»a été démontrée par
immunoélectrophorèse.
On remarque que laposition
des arcs deprécipitation
varie d’unepréparation
à l’autre. Ces différences de comportement élec-trophorétique,
associées aux différences de comportementchromatographique, impli-
quent
qu’il
existe unehétérogénéité
dans la constitution de lalactosidérophiline
tellequ’elle
a été décrite antérieurement. Cettehétérogénéité peut
être liée soit à des varia- tions de la teneur en fer deséchantillons,
soit à des différences dans lespropriétés physico- chimiques
de lapartie glycoprotéidique
de la molécule.Nos recherches sont actuellement orientées vers la confirmation de l’une ou de l’autre de ces
hypothèses.
3
o
Étude
desglycopeptides.
Des fractions très riches en
glucides
ont été isolées. Elles sont manifestement constituées par desglycopeptides
et par despolyosides
de hautpoids
moléculaire.L’importance
de cescomposés,
dont nous commençonsl’étude,
est double : 1° ils sontdes
produits
du métabolisme intermédiaire des lactomucoïdes et desglucides
libres dulait
(ex-gynolactose
de POLONOVSKI etL ESPAGNOL )
et leur étudeapportera
desrenseigne-
ments
précieux
sur le métabolisme encore mal connu desglycoprotéides
et sur la struc-ture de ces
dernièrs;
2° ilspossèdent
vraisemblablement une activité Lactobacillusbifi-
dus.
II.
Étude
desprotéides
du lait de vache.Jusqu’à présent,
nos travaux ontporté uniquement
sur lesglobulines
immunes ducolostrum de vache. Nous avons en effet
précisé plus
haut que, dans lespremiers jours
de la
lactation,
les colostrums étaient extrêmement riches englobulines
immunes et trèspauvres en autres
protéides.
’La
présence
deglobulines
immunes dans le lait de vache est d’uneimportance
fon-damentale pour l’immunisation du veau nouveau-né. En
effet,
chezl’humain,
lesglobu-
lines immunes sont transmises à la fois par le lait et par la voie
diaplacentaire grâce
à laminceur du
barrage placentaire.
Aucontraire,
chez les animaux comme latruie,
lajument,
la vache et la
chèvre,
septépaisseurs
de couches cellulairesséparent
la circulation foetaleet maternelle et
gênent
le passage desanticorps.
La transmission desanticorps
ne peut donc s’effectuer que par le colostrum.A l’intérêt
biologique
de cette études’ajoute
l’intérêtbiochimique.
Eneffet,
onconnaît encore très mal les
propriétés physico-chimiques
desglobulines
immunes duplasma
à cause des difficultés d’isolement que nous avonsdéjà signalées.
Le colostrumest
pratiquement
une solution pure de cesglobulines
immunes etreprésente
le matériau de choix pour l’étude de cessubstances,
à la condition que lesglobulines
immunes du lait soientidentiques
auxglobulines
immunes du sang. Nous nous attachons à vérifier cettedernière condition en associant à nos recherches sur les
globulines
immunes du lait de vache des recherches sur lesglobulines
immunes du sérum de vache.Le fractionnement de colostrums par le sulfate d’ammonium nous a fourni une série de
précipités (P l
àP,)
dont nous avonsentrepris
l’étude.a) Étude
duprécipité P i .
Nous avons obtenu une
préparation
dey-globulines
pures avec leprécipité P i
d’uncolostrum.
L’ultracentrifugation
révèle l’existence d’un seulpic
de constante de sédimen- ationS 2uw = 6,5 (! 0,2).
La détermination dupoids
moléculaire donne à ce dernierune valeur de 132 600
( !
5500).
Le
dosage
desglucides
fournit les résultats suivants :oses :
1,6 %
acides
sialiques : 0,65 %.
Actuellement,
desexpériences
de fractionnement sur des colonnes de DEAE- et de CM-cellulose sont en cours,qui
démontrentl’hétérogénéité
de lapréparation.
b) Étude
duprécipité 7!.
Nous nous sommes attachés à l’étude de ce
précipité
parcequ’il
est l’un desplus
abondants et l’un des moins
complexes
dupoint
de vue de lacomposition
et parcequ’il
renferme un taux très élevé de
globulines
immunes.Nous avons effectué le fractionnement de cette
préparation
sur des colonnes de DEAE-cellulose avec une élution pargradient
de concentration enphosphates
et àpH
8.Nous avons, de cette
manière,
obtenu une douzaine depics
dont laprésence
démon-tre la
grande hétérogénéité
desglobulines
immunes. Nous avons limité notre étude auxpics
«majeurs
n à cause desquantités
élevées de substance que nécessitent l’immu-noélectrophorèse, l’ultracentrifugation
et les différentsdosages.
a L’étude
immunoélectrophorétique
montre :- que les différentes fractions obtenues sont de nature y ou
[3 2 -globuliniques;
- que
l’hétérogénéité chromatographique s’accompagne
de différences très nettes dans lecomportement électrophorétique
au fur et à mesure que la concentration enphos- phates augmente :
lescomposés
éluésmigrent plus rapidement
versl’anode;
- que les
préparations
obtenues sont encorehétérogènes puisque
de nombreuxarcs
présentent
des bifidités.p
Ultracentrifugation.
Cinq
fractions ont été soumises àl’ultracentrifugation.
Lesdiagrammes
confirmentl’hétérogénéité
de cespréparations qui, cependant, possèdent
un constituant «majeur
»de
S 20W
=6,5 représentant
de 70 à 90%
dechaque préparation.
On remarque en outre :
- que les constantes de sédimentation des
anticorps
du lait sont aussi celles de constituants y oup 2 -globuliniques
duplasma;
- que les constituants 7S sont, - comme dans le
plasma
-,prédominants;
- que,
toutefois,
seules les moléculesd’anticorps
deS. 0 ,
relativement faibles sontcapables
de traverser le « filtre mammaire » : eneffet,
on ne trouve pas dans le lait les constituantsde S 2°w
élevées :16S, 18S, 19S,
28S et44S;
ce résultat confirme les données del’électrophorèse :
seule uneportion
desglobulines
immunes passe duplasma sanguin
dans le lait.
y
Dosage
desglucides.
Les
dosages
desglucides (oses,
osamines et acidessialiques)
ont étésystématique-
ment effectués sur tous les
pics
obtenus par les fractionnements desprécipités P 4
surdes colonnes de DEAE-cellulose.
Nous résumerons les résultats de la manière suivante :
- les
préparations
montrent des différences trèssignificatives
dans leur teneuren
glucides, qui
varie de1,67
à2,84 %
d’oses et de0,52
à0,71 %
d’acidessialiques,
avecdes rapports
oses/acides sialiques
de3,03
à5,49;
ce résultat confirmel’hétérogénéité
des
globulines
immunes.-
l’analyse chromatographique
deshydrolysats
deglobulines
immunes montreque les oses constituants sont le