MÉCANISME DE LA PÉNÉTRATION ET VOIE
D’ACHEMINEMENT DES GRAISSES DANS LA CELLULE
ABSORBANTE DE L’INTESTIN GRÊLE DU PORC
N. VODOVAR
J.
FLANZVFrançoise PESSEY
Station centrale de Nutrition,
Centre n2tional de Recherches
zootechniques,
i’8 -Jouy-en-Josas
SOMMAIRE
La
pénétration
des graissesingérées
à travers la membraneplasmique
libre de la cellule absor- bante du Porc et leur acheminement à travers le cytoplasme ont été observés enmicroscopies
photo-nique
etélectronique.
L’administration desgraisses
a été faite soit par ingestion normale, soit par infusion dans un segment isolé de la première partie de l’intestin grêle. Pourparvenir
dans les espacesintermicrovilleux, les graisses sont préalablement fractionnées en
particules
dont le diamètre n’excède pas 0,1li. La présence desgraisses,
pendant toute la durée del’absorption,
au fond des espaces inter-microvilleux, dans la membrane au même niveau et dans la zone apicale, ainsi que leur absence à l’intérieur des microvillosités
indiquent
leur voieprincipale
depénétration.
La substanceosmiophile qui imprègne
la membrane est formée de très petitesparticules
dont le diamètre n’excéderait pas 501!,
cequi suggère
que la pénétration à travers la membrane se ferait sous forme de molécules ou tout au plus d’association dequelques
molécules. Dès leur entrée dans la zoneapicale,
les graisses serassemblent à l’intérieur du RE par
lequel
elles sont acheminéesjusqu’à
leur évacuation dans les- espaces intercellulaires ou à la base de la cellule.INTRODUCTION
Les molécules des
graisses alimentaires,
constituées presque exclusivement par les esters des acides gras et duglycérol,
sontapolaires, hydrophobes,
insolubles dans l’eau. Lesproduits qui apparaissent
au cours de ladigestion
destriglycérides
et l’étatphysico-chimique
souslequel
ilspénètrent
dans la celluleépithéliale absorbante
ont faitl’objet
de nombreuses recherches. BERNARD( 1 856)
fut lepremier
à démontrer l’action du sucpancréatique
sur l’émulsincation del’hydrolyse
desgraisses
neutresavant leur
absorption.
Selon HOPPE-SEYLER(r8 77 ), l’hydrolyse intestinale
ne serait quepartielle
etl’absorption
se ferait sous forme d’émulsion(ceci
concorderait avec les observationshistologiques,
car lesgraisses ingérées
se trouvent dans la celluleépithé-
liale sous forme de
gouttelettes).
PxI,üG!R( 1900 ),
aucontraire,
fut le défenseur de la théorie del’hydrolyse complète
destriglycérides
alimentaires et de leurabsorption
exclusivement sous forme d’acides gras et de
glycérol. Enfin,
les résultats obtenus par FRAZ
nR
( 1944 ),
selonlesquels l’hydrolyse
intestinale destriglycérides
resterait incom-plète,
sont, àprésent,
définitivement confirmés(BI,O M ST R A; D , BoRGsT p ôm,
DAHL-B AC H
, 1959 ; D!sVU!I,I,! et
S AVARY , I9 6 3 ). I,’équilibre
entre les différentsproduits
de
l’hydrolyse,
acides graslibres, monoglycérides, diglycérides
ettriglycérides,
a été étudié et
exprimé
sous forme depourcentage
par de nombreux chercheurs(DE SNU E U
<E
etC ONS T A NTIN,
1952 ; MATTSON etal.,
1952 ; BORGSTRÔM, I952 ;F
AVARG E R
, 1959 ).
Cesproduits
de ladigestion,
tout comme lestriglycérides,
sont insolubles ou peu solubles dans l’eau
(ceci malgré
leurgroupement polaire,
car lecaractère
hydrophobe
de cessubstances, appelées amphiphiles,
estplus
fort que leur attractionhydrophile)
et se trouvent sous forme departicules
dans le contenu intes-tinal. Selon la théorie de FRaz!R
( 1944 ),
cesparticules,
dans leur dernièrephase intestinale,
sont une association d’acides gras libres et deglycérides
avec des selsbiliaires,
et c’est sous cette forme que cesparticules,
dont le diamètre est inférieur à 0,5 y,pénètrent
à travers la membraneplasmique.
Pour HoxMA!?! et BORGSTROM(
19 6 2
, 19 6 4 ),
les acides gras libres et lesmonoglycérides provenant
del’hydrolyse
s’associeraient avec les sels biliaires sous forme de micelles mixtes. Cesparticules,
dont le diamètre serait
compris
entre 30 et 100A,
sontdispersées
dans laphase
aqueuse du contenu intestinal et c’est à
partir
de cettepseudo-solution
quel’absorp-
tion a lieu
(J OHNS T ON
et BORGSTRO:’l1:,z 9 6 4 ).
Dans une
publication
récente de CLÉmEN!r( 19 6 4 ),
les lecteurs trouveront une revuecomplète
de cequi
a étéfait,
àce jour,
sur ladigestion
etl’absorption
desgraisses
du
point
de vuebiochimique.
D’autres mises aupoint,
sur cesujet,
ont été faites par FAVARGER
( 1959 ),
F!I,I,(IC!63),
WOTTON( 19 6 3 ),
GOUNELLE( 19 6 4 ),
SENIOR(1964),
BROWN
(1964),
SWYNGHEDAUW(I9C75).
A la lumière des différents travaux, on
peut
constater que les méthodes biochi-miques
etbiophysiques actuelles, malgré
leursperfectionnements
constants, nepermettent
pas desuivre,
d’une manièreprécise
etcontinue,
l’acheminement desgraisses
à travers la membrane et lecytoplasme
de la cellule absorbante.L’hypothèse
selon
laquelle
l’étatphysico-chimique
desgraisses,
au moment de leurpénétration
à travers la membrane
plasmique,
est le même que dans le contenuintestinal,
est basée sur desprésomptions.
La localisation dusiège
des transformationsphysico- chimiques
à l’intérieur de la cellule absorbante et l’isolement desproduits
formésse révèlent difficiles ou
inopérants.
C’est surtout par leprélèvement
de lalymphe intestinale,
au cours de ladigestion,
dans le canalthoracique
ou dans untronçon
dumésentère,
et par l’identification de l’étatchimique (grâce
aux élémentsmarqués)
des
produits
absorbés que laplupart
deshypothèses
sur les transformations intervenues dans la celluleépithéliale
absorbante ont été formulées.I,’étude histologique
ethistochimique
de la celluleépithéliale
del’intestin,
pen- dantl’absorption
desgraisses,
apermis
à GRUBY et DELAFOND( 1 8 44 )
de constaterque les
graisses
se retrouvent sous forme degouttelettes
à l’intérieur ducytoplasme
de la cellule absorbante.
Depuis,
ce fait atoujours
été confirmé. Les essais effectués notamment par BAKER(It!¢2, 195 1 )
pour déterminerhistologiquement
le mécanisme et la formephysico-chimique
depénétration
desgraisses
à travers lamembrane,
n’ontpu donner de résultats concluants. La faible résolution en
microscopie photonique
en est une des causes.
La
microscopie électronique. grâce
à son hautpouvoir
de résolution etmalgré
son
application
relativementrécente,
adéjà
fournid’importantes précisions
sur lamorphologie
de la cellule absorbante. La membraneplasmique,
lesmicrovillosités,
la zone
apicale
et le réticulumendoplasmique
ont étéplus particulièrement
étudiés(GRANGER
etBAK!R,
I94(!, 1950 ;Z R TTERQV I ST, 1956 ;
PALAY et KARUN, I95(! a. ; VoDOVaR etF’I,!cHOw,
souspresse).
La structurecomplexe
de ces éléments aide àcomprendre
les difficultés queprésente
l’étude del’absorption
desgraisses.
Les obser-vations,
enmicroscopie électronique,
sur l’acheminement desgraisses
à travers lamembrane et le
cytoplasme
de la celluleépithéliale
ne sont pastoujours
concordantes.Pour certains
morphologistes (WE l SS,
1955 ; PAI,AY et KARI,IN, 1959b. ; !sllu-oRTI3,
ST EMBRID
GE et
SA ND E RS , I!6o ;
LADMAN, I’AVYIII,r,A etSTRAUSS, 1963 ;
ASHWORTHet
J OHNST O N , 19 6 3 ;
PAI,AY et REVEE,Ic!64),
lapénétration
desgraisses
sefait,
engrande partie
sinon entotalité,
engouttelettes
par «pinocytose
» àpartir
des espacesintermicrovilleux.
L’argument
en faveur de cettehypothèse
est laprésence
desgraisses
absorbées dansl’endoplasme
etquelquefois,
dans la zoneapicale,
sous formede
gouttelettes
entourées d’une membrane que l’on suppose souventprovenir
d’uneinvagination
de la membraneplasmique.
Le fait que lagraisse,
au momentdel’absorp- tion,
n’ait pu être mise en évidence à l’intérieur des microvillosités est,aussi,
favo- rable à cettehypothèse.
Pour d’autres(L ACY
etT AYI ,o R , zg62; SJ6STRA!D, 19 6 3 ;
RosTGAARD et BARRNETT,
Ic!64, I g 65),
lapénétration
se fait sur toute la surfacede la membrane
plasmique,
sous forme departicules
très finesqui
diffusent à l’inté- rieur de la micro villosité et vont se rassembler dansl’endoplasme.
Lamajeure partie
de ces travaux a été effectuée sur le Rat,
quelques-uns
sur l’Homme.En
résumé,
onpeut
dire que, d’unepart,
les recherches dans le domaine de ladigestion
et del’absorption
desgraisses
alimentaires ontfait,
enparticulier
au coursdes
quinze
dernièresannées,
desprogrès importants
mais que, d’autrepart,
de nom-breux
problèmes
sontrestés,
enpartie
ou entotalité,
sans solution.- Les
produits
de ladigestion
desgraisses
alimentaires sont-ils absorbés par toute la surface libre de la celluleépithéliale,
ou bien les espaces intermicrovilleux sont-ils des endroitsprivilégiés,
étant donné la structureparticulière
de la zoneapicale
en dessous de ces
espaces?
-
Quels
sont les mécanismes et la forme depénétration
de cesproduits
à traversla membrane
plasmique ?
- Iaa
pinocytose
est-elle le mécanismespécifique
dansl’absorption
desgraisess
ou bien un processus occasionnel de peu
d’importance
sur laquantité
desgraisses
absorbées ?
- Par
quel
processus s’effectue letransport
desgraisses
à travers la zoneapicale, puis l’endoplasme
de la celluleépithéliale
absorbante etquel
est le rôlejoué
dans cetransport
par le réticulumendoplasmique ?
Les
questions énumérées,
faisantpartie
desproblèmes
non résolus à l’heureactuelle,
ferontl’objet
desprésentes
observations. LePorc,
notre animald’expérience
habituel,
surlequel,
parailleurs,
aucune recherche semblable n’a été faitejusqu’à
cejour,
a été choisi pour ces observations.MATÉRIEL
ETMÉTHODES
.!l7atériel
Les
fragments
de l’intestingrêle (du premier
tiers dujéjunum-iléon)
ont étéprélevés
sur desporcs de race Large White,
d’âge
variable,auxquels
ont été administrées desgraisses
par différentsprocédés.
Les
produits
utilisés sont des graissesd’origine
animale etvégétale,
destriglycérides homogènes
et des acides gras libres (tabl. i).
.llélhodes
L’administration des
graisses expérimentées
a étépratiquée
suivant différentsprocédés : 1
°
Les animaux en croissance(après sevrage),
mis aurégime lipidoprive pendant
48 heures,puis privés
de nourriture, excepté d’eau, pendant rz heures, ont été nourris, soit 30minutes, soit i heureavant le sacrifice avec :
a) un repas
équilibré
englucides
etprotéines,
augmenté d’unegraisse expérimentale
(tabl. i)en
quantité
variable,comprise
entre 5o et 10g parrepas
(pour lamicroscopie photonique) ;
b) une de ces graisses, seule, à raison de i g environ parkg
depoids corporel (pour microscopies photonique
etélectronique).
Les animaux témoins ont reçu, dans les deux cas, un repas sans
graisses,
dans les mêmes condi-tions.
2
° Les porcelets, au cours de l’allaitement, ont été sacrifiés r j minutes et So minutes
après ingestion,
soit de lait maternel (pris par tétée ou au biberon), soit d’huile de maïs, à raison de 2g parkg
depoids
corporel.30 Les porcelets,
d’âge
différent,après
unjeûne
allant de 6 à 18 heures, ont été anesthésiés, puis ouverts, soit ventralement, soit latéralement (côtédroit) ;
un segment d’environ z5 cm a été isolé dans lepremier
tiers dujéjunum-iléon,
sans lavage ouaprès lavage (pour
éliminer les substances pouvants’y
trouver et, enparticulier,
les sels biliaires et le suc pancréatique) ; il y a été infusé, avecde la solution de
Ringer,
5 ml d’huile de maïs ou d’acidc oléique,préalablement
émulsionnés (parpassage dans un
homogénéiseur)
ou non, additionnés ou non de taurocholate de sodium. Environ y minutesaprès
l’infusion, le segment isolé a étéprélevé.
Des
graisses
de différentes natures et desprocédés
d’administration variables ont étépratiqués
pour essayer de préciser l’influence que certains éléments (sels biliaires, suc
pancréatique,
taurocho-late de sodium, enrulsifiants, etc.) peuvent avoir au cours de la pénétration et de l’acheminement t des
graisses.
Les
prélèvements
destinés à lamicroscopie photonique
ont été faits suivant le procédé décritprécédemment
(VovovnR,19 6 4 ).
Il a été, en outre, à titre decomparaison,
procédé aulavage
despièces
prélevées, soit avec du sérumphysiologique,
soit avec de l’alcool à 500ou 70°, pour éliminer les substances intraluminaires et, enparticulier,
pour essayer d’éliminer lesgraisses
se trouvant dansles espaces intermicrovilleux. Les tissus ont été
coupés
au cryostat InternationalCompany,
d’unepart, sans fixation
préalable,
et d’autre part,après
un séjour des tissus dans le formol-calcium de Baker,pendant
6 à x2 heures. La coloration deslipides
a été faite au noir Soudan B en solution alcooli- que à 6oo(LISON, 1950 ; CASSELMAN,19 6 2 ),
celle des tissus au carmin aluné. La coloration, en vuede
distinguer
les acides gras(en
particulier l’acideoléique)
et les glycérides, a été faite au Bleu de :-;il(C AIN
,
ig5o) sur les coupes attenantes à celles colorées au noir Soudan.Pour les observations en
microscopie électronique,
les tissus ont étéprélevés
sur les mêmes fragments que ceux utilisés pour lamicroscopie photonique.
La fixation a été effectuée.a) au
tétroxyde
d’osmium à i p. ioo, tampon véronal-acétate, et à 2p. ioo, tamponphosphate
de Milloning,
pendant
i à 2 heures.b) au
glutaraldéhyde
à 6 p. 100, avecpost-fixation
dans letétroxyde
d’osmium à 2p. 100. Ladéshydratation
a été faite soit avec le méthanol, soit avec l’éthanol, soit avec l’acétone(ce
dernier nous a donné le meilleur résultat en ce qui concerne la
préservation
des lipides).l,es fragments de tissus d’environ i mxn3ont été inclus dans le méthacrylate
prépolymérisé
oudans
l’Epon.
Les coupes ont été obtenues au microtome Porter-Blum, à une
épaisseur
de 5oo à i ooo Â.Les tissus ont été contrastés à l’acétate
d’uranyle
pendant 30 minutes ou i heure, ou avec l’acétated’uranyle pendant
3o minutes,puis
le citrate deplomb
pendant 10minutes (REYNOLDS, x963).OBSERVATIONS
A ―
Microscopie photoniqîte
1
0 Chez les animaux sacrifiés 30 minutes
après l’ingestion
de l’une desgraisses expérimentées (tabl. i),
seule ouincorporée
à un repaséquilibré,
des fractions debol alimentaire sont parvenues dans le
premier
tiers dujéjunum-iléon.
Sur les coupes detissu,
lesparticules soudanophiles
sontprésentes
simultanément sur le sommet des microvillosités(mv),
dans le fond des espaces intermicrovilleux et à l’intérieur ducytoplasme supranucléaire
de la cellule absorbante(fig.
2,3 ). Quantitativement,
le nombre des
particules
est surtout élevé dans les cellulesépithéliales
bordant lesparties
distales desvillosités ; cependant,
et surtout chez lesjeunes porcelets,
dontles villosités sont encore
espacées (V ODOVAR , 19 0 4 ),
on trouve desparticules
souda-nophiles
sur les coupes des cellules bordant lapartie
médiane desvillosités ;
ellessont rares ou absentes dans les cellules
qui tapissent
la surface basale de la villosité.a)
Sur le sommet des mv, lesparticules
sont de taillevariable,
échelonnée entreplusieurs
microns et la limite de la visibilité enmicroscopie photonique.
b)
Lesparticules soudanophiles occupant
le fond des espaces intermicrovilleux sontplacées,
saufexception,
au mêmeniveau,
donnantainsi,
sur la coupe,l’aspect
d’une
rangée (fig.
2,3 ).
Cetaspect
est semblable pour lesgraisses
de différente nature.La nature
histochimique
de la substancesoudanophile engagée
dans les espaces intermicrovilleux a été étudiée pour toutes lesgraisses expérimentées.
Dans le casdes acides gras,
ingérés séparément,
et toutparticulièrement
pour l’acideoléique (coloration spécifique
avec le Bleu deNil),
onpeut
affirmer que cette substance estconstituée,
à ceniveau,
exclusivement d’acides gras libres. Pour lestriglycérides,
onpeut simplement
dire que cette substancereprésente
unmélange
deglycérides
etd’acides gras
libres,
les méthodeshistochimiques
actuelles nepermettant
pas une évaluationquantitative valable,
et ceci d’autant moins que cerapport
nous a paru souvent variable pour une mêmegraisse,
au même niveau dujéjunum-iléon.
La
présence
constante et abondante de substancesoudanophile
au fond desespaces
intermicrovilleux,
durant laphase
depénétration
desgraisses
dans la cellule absorbante(même
dans le cas où les tissus ont étélavés,
au moment duprélèvement,
dans du sérumphysiologique,
à37 °C,
ou avec de l’alcool à 50° ou70 °) pourrait
êtreinterprétée
defaçon
contradictoire. Onpeut
supposer, soit que le fond des espaces intermicrovilleux est le lieuprivilégié
ou exclusif de lapénétration
desgraisses
àtravers la membrane
plasmique
de la celluleabsorbante,
soit que ces espaces sont lapartie
de la surface libre de la membraneplasmique
oùl’absorption
est réduite ouinexistante,
cequi justifierait
l’accumulation desgraisses.
Pour essayer d’élucider ce
problème,
nous avons, sousanesthésie,
infusé auporcelet,
dans unsegment
isolé dupremier
tiers dujéjunum-iléon,
3 ml d’huile de maïs émulsionnée. Dix minutesaprès l’infusion,
lesegment
estrapidement
lavé pour éliminer l’huile de maïs intraluminaire nonabsorbée ;
desfragments
de muqueuse sont alorsprélevés ; puis
environ trois minutesplus tard,
lesegment
estprélevé
enentier. Les tissus des deux
prélèvements
sontcoupés,
colorés et observés. Dans lapartie prélevée
immédiatementaprès lavage,
lesparticules soudanophiles
sont abon-dantes dans le fond des espaces
intermicrovilleux ;
enrevanche,
sur les coupes des tissusprélevés
trois minutes environaprès lavage
dusegment,
lesparticules
soudano-philes
sont rares oucomplètement
absentes.Après plusieurs expériences semblables,
nous avons
toujours
obtenu le même résultat. Ceci nouspermet
de conclure que les fonds des espaces intermicrovilleux sont lesparties
de la surface libre de la cellule où l’intensité del’absorption
est trèsgrande.
Pour des raisonsqui
serontexposées
ulté-rieurement,
nous pensons que lesgraisses pénètrent
par cette surface d’unefaçon préférentielle
sinon exclusive.c)
A l’intérieur de la celluleabsorbante,
la substancesoudanophile
est surtoutabondante dans
l’endoplasme supranucléaire,
où elle se trouve sous la forme degoutte-
lettesplus
ou moinsgrandes
etd’aspect
variable suivant la nature de lagraisse ingérée.
La zone
apicale
estplus
claire et onn’y distingue
pas de substancesoudanophile,
enmicroscopie photonique.
2
° Une heure
après l’ingestion
desgraisses,
la substancesoudanophile
est abon-dante dans les espaces
intercellulaires,
dans le stroma et dans lalactéale,
tandis quepersiste l’image précédente.
3
°
L’aspect
et larépartition
de la substancesoudanophile
dans les tissusprélevés
sur des animaux
ayant
absorbé l’une desgraisses
soitseule,
soitincorporée
à unrepas
équilibré,
neprésentent
pas de différences.4
° Les
porcelets
ayantingéré
soit du laitmaternel,
soit de l’huile demaïs, pré-
sentent une
image
semblable auxprécédentes.
Chez les animaux témoins de
chaque
groupe,qui
n’ont pasingéré
degraisses,
il n’ajamais
été trouvé de substancesoudanophile
dans lapartie supranucléaire
de lacellule absorbante.
5
° Les coupes de tissus
prélevés
sur des animauxauxquels
l’huile de maïs oul’acide
oléique
ont été administrés sous anesthésie et suivant des conditionsvariables,
dans un
segment
isolé dupremier
tiers dujéjunum-iléon,
ont donné lieu aux observa- tions suivantes :a)
dans le cas où lesgraisses,
sans émulsificationpréalable,
ont été infusées avecde la solution de
Ringer
dans lesegment isolé,
sanslavage préalable
de cedernier, l’absorption présente l’aspect précédemment décrit,
mais son intensité(quantité appré-
ciée de substance
soudanophile
dans les espaces intermicrovilleux et lecytoplasme)
est
plus
faible.b)
si lesgraisses
sont infusées commeprécédemment,
sans émulsificationpréa- lable,
maisaprès lavage
au sérumphysiologique (c!
p. i o0o de CINa à3Q °C)
dusegment isolé, l’absorption
est très réduite et, sur de nombreuses coupes, nulle.c)
si lesgraisses, après
émulsificationmécanique légère (les particules présentent
une gamme de diamètres
compris
entre 3et
la limite de visibilité enmicroscopie photonique),
sont infusées dans unsegment
nonlavé, l’absorption
estcomparable
à celle trouvée sur les animaux
ayant ingéré
lesgraisses normalement,
trente minutes avant le sacrifice.d)
pour lesgraisses préparées
commeprécédemment
et infusées dans lesegment préalablement lavé, l’absorption
est semblable ouparfois légèrement
moins intenseque dans le cas
précédent.
e)
pour lesgraisses auxquelles
il a étéincorporé
du taurocholate de sodium avant leur émulsification et leurincorporation
dans unsegment
nonlavé, l’absorption
esttrès intense.
f )
les conditionsprécédentes
étantsemblables,
mais lesegment
isolé étant lavépréalablement, l’absorption
desgraisses
est normale.Pour l’ensemble de ces
observations,
il n’a pas été vu de différences dans l’inten- sité del’absorption
entre l’huile de maïs et l’acideoléique. Quant
auxrésultats,
et enparticulier
ceux du grouped,
nous reviendrons ultérieurement sur leursignification.
B ―
Microscopie électronique
Rappelons
que les tissus ont étéprélevés
sur les mêmesfragments
d’intestingrêle
que pour l’observation enmicroscopie photonique
et que lesprélèvements provenant
d’animaux ayantingéré,
au dernier repas, desgraisses incorporées
à desglucides
et à desprotéines,
n’ont pas faitl’objet
de ces observations pourpermettre
une localisation
plus précise
desgraisses.
1
0 Graisses en contact avec les mv avant leur
!énétvation.
D’une
façon générale,
sur les coupes observées enmicroscpie électronique,
laprésence
de la substanceosmiophile
sur la bordure extérieure des mv et dans les espaces intermicrovilleux est peu abondante parrapport
à cequi
a été observé enmicroscopie photonique,
sur des coupesappartenant
aux mêmesfragments
de tissu.La différence de
préservation
deslipides,
dans les deux cas, est due auxtechniques
de
préparation
des tissus et au confectionnement des coupes. Eneffet,
en cequi
con-cerne la
microscopie photonique,
lapréservation
deslipides
dans les tissuscongelés
et
coupés
aucryostat
est presque totale. En cequi
concerne lamicroscopie
électroni-que, certaines méthodes récentes
permettent
une conservation satisfaisante deslipides
intercellulaires
(I D E LMAN , z 9 6 4 ) grâce,
enpartie,
ausupport protéique
deceux-ci ;
mais leslipides extracellulaires, qui
n’ont pas cesupport,
se détachent facilement et sont éliminéspartiellement
ou en totalité.Lorsqu’on
trouve desparticules osmiophiles
au sommet des mv, elles ont uneforme et une taille variable.
Latéralement,
entre deux mvcontiguës,
la substanceosmiophile,
sous forme depellicule,
accolée à la membrane des mv, est souventabondante
(fig.
4, 5,6).
Entre lesparties
basales des mv et au fond des espacesintermicrovilleux,
on trouve, d’unefaçon irrégulière,
une ouplusieurs particules osmiophiles,
de formegénéralement sphérique,
au diamètrecompris
entre 500 etr ooo
A,
rarementsupérieur.
Dans ces espaces, on trouve souvent lesemplacements
d’où ont été éliminés les
lipides
au cours du confectionnement des coupes(fig.
5,6).
2
°
As!ect
de la membvaneplasmique
bordant les mv.a)
Au sommet des mv, la membraneplasmique
au moment del’absorption, présente
unaspect
presquetoujours
effiloché et on y trouve, à ceniveau,
des élémentsosmiophiles disposés
defaçon
tellequ’ils
donnentl’impression
d’êtreengagés
dans lamembrane
plasmique (fig.
4, 5,6).
Onpourrait présumer qu’il s’agit
depénétration
des
lipides
sous forme departicules
dont le diamètre serait de l’ordre de 30 à 50A.
Cependant,
le fait que cesparticules
ne se retrouvent pas à l’intérieur de la mv, ni entre les couchesosmiophiles
de la membraneplasmique,
amène à penserqu’il s’agit
de
particules
degraisse
à l’intérieur des mucositésqui
enrobent l’extrêmité des mv.A ce
niveau,
les attaches des fibres centrales des mv avec la couche intérieure osmio-phile
de la membraneplasmique (Vo D OVa R
etF!,!,cHO!,
souspresse)
rendent cetaspect
encoreplus complexe.
b)
Lans la membraneplasmique
bordant latéralement les mv, ondistingue
les 3 couches
classiques
sans substance entre les deux lamellesosmiophiles (fig. 7 ).
Les couches interne et intermédiaire sont sans différence
apparente
avec celles des tissusprélevés
sur les animauxtémoins,
tandis que la couche externe, contrelaquelle
la substance
osmiophile
est souventaccolée,
donne uneimage plus épaisse
etplus
dense.Cependant,
à aucun moment, à ceniveau,
on n’a observé d’infiltrations de substanceosmiophile
à l’intérieur de la membrane.c)
La membraneplasmique qui
borde lesparties
basales des mv et le fond desespaces intermicrovilleux est souvent
imprégnée
departicules osmiophiles,
dontlataille, quoique
difficile àpréciser,
n’excéderait pas 5oA.
Cetteimage,
observée notam-ment autour des
gouttelettes
degraisses préservées
au fond des espaces intermicro- villeux et aux endroits de leuremplacement, représente,
sans aucundoute,
laphase
de
franchissement
de la membrane par lesgraisses (fig.
4,5).
Le fond des espaces
intermicrovilleux,
au moment del’absorption, présente
unalignement
moinsrégulier
que chez les animaux àjeun ; cependant
cesinvaginations, plus
ou moinsfréquentes,
restent, sansexception,
d’une faibleprofondeur
de l’ordrede 0,1 fL.
2
° Acheminement des
graisses
à travers lecytoplasme
de la cellule absovbavtte.a)
A l’intérieur des mv, sur aucune de nos coupes etquelle
que soit latechnique
de
préparation
destissus,
nous n’avons pu mettre en évidence de substance osmio-phile,
dont onpuisse
direqu’elle provient
desgraisses
absorbées.b)
Dans la zoneapicale,
encommençant
immédiatement sous la membraneplas- mique
du fond des espacesintermicrovilleux,
la substanceosmiophile,
enquantité importante,
estrépartie
d’une manièreirrégulière
et variable suivant les coupes(fig.
4
,
5,6).
Cettesubstance,
dans laplupart
des cas, est sans formeprécise
et s’étalesuivant un axe en direction de
l’endoplasme.
Plus rarement on observe desgouttelettes
dont le diamètre varie entre 25o et
6 50 A,
isolées ou en succession. Pour l’ensemblel’image
montre un acheminement continu de la substanceosmiophile,
de densitévariable,
de la membraneplasmique
àl’endoplasme.
Une
cytomembrane, plus
ou moinsapparente,
moinsépaisse
et moins dense que la membraneplasmique,
limite soit tout autour, soit latéralement la substance osmio-phile (fig.
4, 5,6).
Cetteprésence
degraisses
à l’intérieur des tubules ou des vésicules suivant l’incidence des coupes,indique
que lesgraisses,
dès leur franchissement de la membraneplasmique,
se trouvent à l’intérieur duRE,
cequi
adéjà
été observé chez leporcelet après absorption
de colostrum(V O DOVAR
etF LÉ C HON , r 9 6q).
La liaisonentre le RE et la membrane
plasmique
au fond des espaces intermicrovilleux n’a pu être mise en évidence d’une manière satisfaisante. Par contre, la continuité du RE de la zoneapicale
et del’endoplasme
s’observe couramment(fig.
5,6, 7).
c)
La substanceosmiophile, (fig. 4 , 5 , 6) change d’aspect
dès son passage dansl’endoplasme.
Entre la zoneapicale
et larégion
deGolgi,
sous formeplus
ou moinssphérique,
lesgouttelettes
degraisse
sont, suivant l’incidence des coupes, entouréescomplètement
oupartiellement
par le RER. Le diamètre interne de cedernier, qui représente
la voie d’acheminement desgraisses,
estélargi
deplusieurs
fois aux endroitsoù la
graisse
estprésente.
La taille desgouttelettes
est variable sur une même coupeavec un diamètre
généralement compris
entre z o0o et2 000 ! (fig.
5,8, 9).
Leurnombre varie d’une cellule à l’autre et pour une même cellule suivant les coupes.
Pour les tissus fixés au
tétroxyde
d’osmium et colorés à l’acétated’uranyle,
lecontraste de la substance
osmiophile
est le même dans la zoneapicale
que dans dans l’en-doplasme (fig.
5,8, 9 ).
Dans le cas de coupes colorées au citrate deplomb,
la substanceosmiophile
estplus
claire dansl’endoplasme
que dans la zoneapicale.
d)
Dans la zone deGolgi,
lesgouttelettes
degraisse,
tout en restantd’aspect semblable,
sont moins nombreuses que dans la zonesub-apicale.
Les vésicules
golgiennes
en relation avec le RER seremplissent
degraisse
pen- dantl’absorption (fig. c!) ;
leur volume devient nettementsupérieur
à celui des vésicules des animaux témoinsn’ayant
pas absorbé degraisse.
A
partir
des vésiculesgolgiennes.
lesgouttelettes
degraisse
continuent à être acheminées par leRER,
laplupart
en directionlatérale,
et sontdéposées
dans lesespaces
intercellulaires,
à des niveauxvariables,
cequi
est rendupossible par la
liaisonentre le RER et la membrane
plasmique
latérale(fig. 10 ).
D’autresgouttelettes,
bienmoins
nombreuses,
sont acheminées à côté du noyau(fig. 10 ),
dans lapartie
sub-nucléaire, puis
vers le stroma.Une faible
partie
desgraisses
se retrouve dans les espacesintercellulaires,
immé- diatement àpartir
des desmosomes situés sous la bandeletteobturante, échappant
ainsi au transit