Bull Soc Pathol Exot, 2005, 98, 5, 387-389 387
Introduction
D
e nombreuses femmes africaines utilisent des produits dépigmentants à visée cosmétique. Cette utilisation est connue depuis une quarantaine d’années en Afrique de l’Ouest et du Sud (2, 4). Elle a maintenant gagné toute l’Afri- que urbaine et les communautés africaines des pays occiden- taux.Les effets indésirables observés au cours de cette pratique sont nombreux, motivant la consultation pour certains ; restant sans demande dermatologique exprimée pour d’autres (3).
Le présent travail a pour but de décrire les caractéristiques des complications de l’usage des produits dépigmentants au sein des femmes congolaises pratiquantes qui ont sollicité un avis médical dans le service de dermatologie.
Matériel et méthodes
N
otre étude a concerné les personnes qui ont consulté dans le service de dermatologie au CHU de Brazzaville (Congo), pour des dermatoses liées à l’usage des produitsdépigmentants. Il s’est agi d’une étude transversale prospec- tive menée du 15 janvier 2002 au 15 juillet 2002, soit six mois.
La population d’étude répondait aux critères suivants : être de sexe féminin, de nationalité congolaise et attribuer les lésions aux produits dépigmentants.
Nous avons inclu les patients qui ont consulté en faisant la relation entre les effets indésirables observés et le produit cosmétique. Pour chaque patiente, les variables suivantes ont été recueillies : l’âge, les produits utilisés, les modalités d’application, l’ancienneté de la pratique cosmétique et les dermatoses motivant la consultation.
Résultats
L
’étude a porté sur 104 utilisatrices de produits dépigmen- tants. Cent quatre pratiquantes incluses dans l’étude ont été examinées. L’âge moyen de nos malades était 26,6 ans ; extrêmes 14 et 58 ans. Les composés utilisés étaient à base de dermocorticoïdes pour 40 cas, d’hydroquinone pour 32 cas, d’association hydroquinone et dermocorticoïde pour 32 cas (tableau I). Ces produits étaient appliqués sur tout le corps dans 90 % des cas.M otifs de consultation liés à l’usage des dépigmentants chez 104 utilisatrices à Brazzaville, Congo.
A. Gathse (1), Obengui (2) & J. R. Ibara (3)
(1) Service de dermatologie, CHU, BP 32, Brazzaville, Congo. E-mail : agathse@yahoo.fr (2) Service d’infectiologie, BP 32, Brazzaville, Congo.
(3) Service de gastroentérologie, BP 32, Brazzaville, Congo.
Courte note n° 2652. “Santé publique”. Reçue le 8 janvier 2004. Acceptée le 7 juin 2005.
Summary: Reasons for consulting related to skin-bleaching products used by 104 women in Brazzaville.
A prospective survey has been carried out in the Brazzaville (Congo) dermatology service in order to specify dermatosis linked to the use of bleaching agents in 104 Congolese women consulting for this problem.
The used bleaching agents were topical corticoids based products for 40 cases, hydroquinone for 32 cases, and hydroquinone associated with topical dermocorticoids for 32 cases. Acne was the most frequent motive for consulting (24%), followed by the paradoxical peri-orbital hyperpigmentation (21.1%), profuse mycosis (16.3%) and vibices(8.6%). The results of this survey were not superimpo- sable to those of Dakar where infectious dermatosis were the first reason for consulting.
Résumé :
Une étude prospective a été réalisée dans le service de dermatologie du CHU de Brazzaville (Congo), afin de préciser les dermatoses liées à l’utilisation des produits dépigmentants qui ont motivé la con- sultation chez 104 pratiquantes congolaises.
Les produits dépigmentants utilisés étaient à base de dermocorticoïdes pour 40 cas, d’hydroquinone pour 32 cas, d’association hydroquinone et dermocorticoïdes pour 32 cas. L’acné a été le motif de consultation le plus fréquent (24 %), suivi de l’hyperpigmentation paradoxale périorbitaire (21,1 %), les mycoses profuses (16,3 %) et les vergetures (8,6 %).
Les résultats de cette étude confirment l’ampleur des effets indésirables de l’utilisation des produits dépigmentants qui constituent un véritable problème de santé publique.
bleaching agent dermatology hospital Brazzaville Congo Sub-Saharan Africa
S ANTÉ PUBLIQUE
produit dépigmentant dermatologie hôpital Brazzaville Congo Afrique intertropicale
Santé publique 388
A. Gathse, Obengui & J. R. Ibara
L’ancienneté de la pratique variait de trois mois pour les débu- tantes (22 % des cas) à plus de cinq ans pour les anciennes (78 % des cas). Les 104 femmes avaient consulté pour 12 types de dermatoses. Il s’agissait de 25 cas d’acné (photo 1) (24 %), concernant 71 % des femmes de moins de 30 ans ; de 22 cas
d’hyperpigmentation paradoxale périorbitaire (photo 2) (21,1 %) dont 68,1 % avaient un âge supérieur à 36 ans ; de 17 cas de mycoses (photo 4) souvent profuses (16,3 %) ; de 9 cas de vergeture (photo 3) (8,6 %). Les autres dermatoses (29,8 %) sont détaillées dans le tableau I.
Photo 4.
Photo 2.
L’hyperchromie paradoxale périorbitaire.
Paradoxical peri-orbital hyperchromia.
Mycose étendue.
Widespread mycosis.
Photo 3.
Vergetures.
Vibices.
Photo 1.
Acné papulopustuleux du visage.
Papulo-postular acne of the face.
Tableau I.
dermatoses acné hyperpigmentation mycoses vergetures prurit macule dermatosis eczéma irritation gale urticaire éruption total
périorbitaire hypochromique papulosa lichénoïde
composés
dermocorticoïdes 9 3 8 6 2 2 5 2 0 2 0 1 40
hydroquinone seule 9 8 2 0 4 3 0 1 3 0 2 0 32
hydroquinone +
dermocorticoïdes 7 11 7 3 2 2 0 0 0 0 0 0 32
total 25 22 17 9 8 7 5 3 3 2 2 1 104
% 24 21,1 16,3 8,6 7,6 6,7 4,8 2,8 2,8 1,9 1,9 0,9 100
Répartition des dermatoses en fonction des composés utilisés.
Distribution of dermatosis according to used compounds.
Motifs de consultation liés à l’usage des dépigmentants chez 104 utilisatrices à Brazzaville (Congo)
Bull Soc Pathol Exot, 2005, 98, 5, 387-389 389
Discussion
L
es consultations dermatologiques liées à l’usage des pro- duits dépigmentants sont devenues de plus en plus fré- quentes. Les résultats de cette étude, qui n’ont qu’une valeur indicative, ont permis de recenser les dermatoses les plus souvent rencontrées.Dans notre étude, l’acné a été le premier motif de consultation, probablement du fait que les lésions siégeaient sur une zone exposée. Nos résultats sont superposables à ceux de l’étude réalisée à Bamako (1). Pour MAHE, dans une étude menée à Dakar, l’acné a constitué le troisième motif de consultation (4). On estime à 65 % la prévalence des Congolaises utilisant les produits dépigmentants. Ceux-ci à visée esthétique favo- riseraient la survenue des dermatoses qui portent entrave au charme ou à la séduction.
Références bibliographiques
1. DEL GIUDICE P, RAYNAUD E & MAHE A – L’utilisation cosmé- tique de produits dépigmentants en Afrique. Bull Soc Pathol Exot, 2003, 96, 389-393.
2. MAHE A – L’ochronose exogène secondaire à l’application cosmétique de produits dépigmentants contenant de l’hy- droquinone. Méd Trop, 1994, 54, 399-401.
3. MAHE A, BLANC L, HALNA JM, KEITA S, SANOGO T &
BOBIN P – Enquête épidémiologique sur l’utilisation cosmé- tique de produits dépigmentants par les femmes de Bamako (Mali). Ann Dermatol Vénéréol, 1993, 120, 870-873.
4. MAHE A, LY F et al. – Les complications dermatologiques de l’utilisation cosmétique de produits dépigmentants cons- tituent une cause majeure de morbidité dermatologique à Dakar. Ann Dermatol Vénéréol JDP, 2000, 127, 4S4S1-74, 4S67- 4S68.