ELECTROCARDIOGRAMME (ECG)
RAPPEL ANATOMIQUE ET HISTOLOGIQUE :
Le myocarde est constitué essentiellement de 2 types de cellules : - Les cardiomyocytes contractiles.
- Les cellules cardionectrices : L’ensemble de ces cellules forme le tissu nodal, capable de produire spontanément des impulsions électriques entraînant une contraction myocardique.
Le tissu nodal est fait de :
- Nœud sinusal (ou nœud de Keith-Flack) : Situé dans la paroi de l’oreillette droite, au-dessous de l’entrée de la veine cave supérieure.
- Nœud auriculo-ventriculaire (ou nœud d’Aschoff-Tawara) : Situé dans la partie inférieure du septum inter auriculaire, au-dessus de la valve tricuspide.
- Faisceau auriculoventriculaire de His : Se divise le long du septum inter ventriculaire en deux branches droite et gauche.
- Fibres de Purkinje : Ramifications sous endocardiques du massif ventriculaire.
Ces cellules présentent 4 propriétés fondamentales :
- Automatisme : Habilité des cellules nodales à générer spontanément un potentiel d’action. Les cellules nodales peuvent s’auto-exciter à une fréquence variable selon leur type :
NS : Centre primaire d’automatisme : 60 – 80 bpm.
NAV : Centre secondaire d’automatisme : 40 - 60 bpm.
Myocarde ventriculaire : Centre tertiaire d’automatisme : 20 – 40 bpm.
- Excitabilité : C’est la capacité d’une cellule myocardique à générer un potentiel d’action en réponse à une stimulation par le courant de dépolarisation. La phase d’inexcitabilité qui suit est appelée : période réfractaire, est constituée de deux phases :
Période réfractaire absolue : pendant laquelle toute stimulation est ignorée.
Période réfractaire relative : pendant laquelle un stimulus puissant peut générer un PA.
- Conduction : C’est la capacité des cellules cardiaques de transmettre l'influx électrique aux cellules avoisinantes. Elle se fait de proche en proche. La conduction de l’activité électrique suit la voie qui a la plus courte période réfractaire (physiologiquement la voie nodo-Hisienne).
- Contractilité.
Cellules contractiles Cellules nodales
Contractilité + -
Automatisme - +
Conduction + +
Excitabilité + +
L’innervation extrinsèque (sympathique et parasympathique) n’intervient physiologiquement que pour régler l’activité du tissu nodal. On lui décrit ainsi 4 effets :
- Dromotrope : effet sur la vitesse de conduction du potentiel d'action.
- Chronotrope : effet sur la fréquence cardiaque (FC Max = 220 – l’âge).
- Ionotrope : effet sur les cellules myocardiques à développer une force de contraction donnée, à une longueur de fibre donnée, en réponse à un potentiel d'action.
- Bathmotrope : effet sur le niveau d'excitabilité, sur la susceptibilité à l'excitation d'une cellule.
REALISATION D’UN ECG :
Etalonnage :
- Amplitude : 1mV = 10mm
- Vitesse de déroulement du papier = 25mm/s
Dérivations :
A. Frontales :
- Bipolaires d’Einthoven : DI, DII, DIII.
- Unipolaires de Goldberg : aVR, aVL, aVF.
- L’ensemble de ces dérivations permet de définir le
« Double Tri-axe de Bailey » qui détermine l’axe du cœur.
B. Standards = précordiales :
Toutes unipolaires : V1, V2, V3, V4, V5, V6.C. Dérivations complémentaires :
- Précordiales droites : Vr3 et Vr4 ; indiquées pour le diagnostic d’un infarctus inférieur ou d’un infarctus des ventricules droits.
- Thoraciques postérieures : V7, V8, V9 ; indiquées pour le diagnostic des ischémies de la paroi cardiaque postérieure.
D. Territoires tissulaires :
- L’ensemble des dérivations de l’électrocardiogramme traduit l’activité électrique des différents territoires musculaires myocardiques, rassemblés ainsi :
DI aVR V1 V4
DII aVL V2 V5
DIII aVF V3 V6
Antérieur, Septal, Apical, Latéral bas, Latéral haut, Inférieur
Septal profond = Antéro septo apical + Inférieur
Antérieur étendu = Antéro septo apical + Latéral haut + Latéral bas
Circonférentiel = Antérieur étendu + Inférieur
- Chaque territoire tissulaire est corrélé à une des artères de la circulation coronarienne (Intérêt dans les infarctus) :
IVA : vascularise le septum inter ventriculaire, la paroi antérieure du VG et l’apex du cœur
Territoire antéro septo apical.
Circonflexe : vascularise l’OG et la paroi latérale du VG Territoire Latéral haut, Latéral bas.
Coronaire droite : vascularise le NS, le NAV, l’OD et la majorité du VD Territoire inférieur.
INTERPRETATION D’UN ECG :
Validité : « Very VIP »
A. Vitesse de déroulement :
25 mm/s 5 mm (1 grand carreau)/0.20s 1 mm (1 petit carreau)/0.04sB. Voltage :
10 mm/mV 1mm/0.1 mVC. Parasitage :
Il peut être d’origine musculaire (frissons par exemple) ou sectoriel (matériel).D. Inversion des fils :
- Par rapport aux dérivations frontales : L’onde P est normalement positive en D1, D2 et négative en aVR.
- Par rapport aux dérivations précordiales : L’onde R progresse normalement de façon harmonieuse, on parle d’un montage à un seul sommet :
Général :
A. Rythme :
Régulier si RR constant.1. Vecteur septal 2. Vecteur de la masse
ventriculaire 3. Vecteur basal
B. Fréquence cardiaque :
- Si rythme régulier :o FC = 300/Nombre de grands carreaux entre RR.
o FC = 1500/Nombre de petits carreaux entre RR.
- Si rythme irrégulier : FC = 900/ Nombre de grands carreaux sur 3 intervalles RR.
C. Sinusal :
- Présence d’onde P de morphologie normale.
- Chaque P est suivie de QRS.
- Chaque QRS est précédé d’une onde P.
D.
Axe du cœur :
Dépend de l’amplitude du complexe QRS entre D1 et aVF.
Spécifique :
A. Onde P :
- Durée : < 120 ms (Si > 120 ms : HAG).
- Amplitude : < 2,5 mm (Si > 2.5 mm : HAD).
B. Espace PR :
Il correspond au frein nodal. Sa durée est de 120 – 200 ms.C. Complexe QRS :
- Il correspond à la dépolarisation des ventricules. Par définition, l'onde Q est la première onde négative, l'onde R la première onde positive du complexe, et l'onde S la première onde négative après l'onde R.
- Durée : 80 – 120 ms.
- Si R/S > 1 en V1, V2 : HVD.
- Si S (V1, V2) + R (V5, V6) > 35 mm (Indice de Sokolow) : HVG.
- Q de nécrose :
Profonde : > 1/3 du plus grand R.
Large : > 2 petits carreaux.
D. Onde T :
- Elle correspond au courant de repolarisation des ventricules.
- Toujours asymétrique, de début insidieux.
- Positive en DI, DII, V4 à V6. Négative en aVR.
- Non ample : < 2/3 du plus grand R.
- Si T ample : NSTEMI ou hyperkaliémie.
E. Espace ST :
- Pendant ce segment, les deux ventricules sont dépolarisés, ce qui fait qu’il n’y a pas de variation de potentiel
Ligne isoélectrique.
- La mise en évidence d’un sus / sous-décalage de ST dépend essentiellement de la position du point J (= Fin de l’onde S).
- Critères d’un sus décalage significatif de ST : « IPAD » o D : > 2 dérivations contiguës
o A : Amplitude > 2 mm o P : Permanent.
o I : Image en miroir (Inconstant).
TROUBLES DU RYTHME
LES EXTRASYSTOLES :
- Une extrasystole est un battement cardiaque prématuré. Elle peut être auriculaire, ventriculaire ou jonctionnelle.
- Pour chaque extrasystole, il faut analyser :
L’origine : auriculaire, ventriculaire, jonctionnelle.
L’aspect : monomorphe ou polymorphe.
Le mode de survenue : en doublets (2 ES de suite), en triplets (3 ES de suite), en salves (au-delà de 3 ES de suite), bigéminée (1 extrasystole après chaque QRS normal), trigéminée (1 extrasystole tous les 2 complexes normaux).
Pour les ESV : le temps de couplage (c’est le temps entre l’onde T précédant l’extrasystole et l’onde R de l’extrasystole) ; et le phénomène R/T.
1. Extrasystole auriculaire :
- Il s’agit d’une dépolarisation prématurée prenant naissance en un point quelconque des oreillettes, et qui peut (mais pas toujours) se propager aux ventricules.
- Sur l’ECG :
FC : celle du rythme de base.
Rythme : irrégulier.
Onde P’ extrasystolique : de morphologie différente par rapport à l’onde P sinusale. Elle peut être positive si le foyer ectopique est près du NS, ou négative s’il est bas situé ou au niveau de l’OG.
P’R : inconstant.
QRS : normaux.
2. Extrasystole jonctionnelle :
- Il s’agit d’une activité jonctionnelle prématurée, originaire du nœud AV (extrasystole nodale) ou du tronc du faisceau de His (extrasystole hisienne).
- Sur l’ECG :
FC : celle du rythme de base.
Rythme : irrégulier, d’aspect sinusal.
QRS prématurés : de morphologie identique à celle des complexes sinusaux. Ils ne sont pas précédés d’onde P, mais peuvent être suivis (ou précédés avec un PR raccourci) d’une onde P’ rétrograde.
3. Extrasystole ventriculaire :
- Il s’agit d’une dépolarisation prématurée prenant naissance d’un foyer au niveau des ventricules.
- Sur l’ECG :
FC : celle du rythme de base.
Rythme : irrégulier, d’aspect sinusal.
QRS prématurés : larges, de morphologie variable. Ils ne sont pas précédés d’onde P, mais peuvent être suivis (ou précédés avec un PR raccourci) d’une onde P’ rétrograde.
LES TACHYCARDIES :
1. Tachycardies à QRS fins :
A. La fibrillation auriculaire (ACFA) :
- Activité auriculaire : Complètement désorganisée : o Fréquence : Environ 500 bpm.
o Aspect :
Ondes P absentes.
Ondes f très rapides, peu amples et irrégulières.
Trémulation de la ligne isoélectrique.
- Activité ventriculaire :
o Rythme irrégulier non sinusal.
o Fréquence ventriculaire variable (120 à 200 bpm) et dépend de la perméabilité du nœud auriculo- ventriculaire.
B. Flutter auriculaire :
- En rapport avec une macro-réentrée par de multiples foyers (souvent dans l’OD).
- Activité auriculaire : Organisée et régulière : o Fréquence : 300 bpm.
o Aspect : Les ondes P sinusales sont remplacées par des ondes F diphasiques, en dent de scie, sans retour à la ligne isoélectrique.
- Activité ventriculaire : Tachycardie régulière, fréquence ventriculaire dépend des influx bloqués par le nœud auriculo-ventriculaire :
o 300 bpm : Flutter 1/1 (aucun influx bloqué).
o 150 bpm : Flutter 2/1 (Le NAV bloque un influx sur deux).
o 75 bpm : Flutter 3/1 (Le NAV bloque 2 influx sur 3).
C. Tachysystolie auriculaire :
- Résultat d’une décharge d’un foyer ectopique à un rythme supérieur au rythme du nœud sinusal.
- Activité auriculaire : Organisée et régulière : o Fréquence : 120 à 250 bpm.
o Aspect : Onde P’ de morphologie variable et différente des ondes P sinusales, retour à la ligne isoélectrique entre 2 ondes P’.
- Activité ventriculaire : Tachycardie régulière, habituellement il s’agit d’un bloc auriculo-ventriculaire 2/1.
D. Tachycardie jonctionnelle paroxystique (maladie de Bouveret) :
- Activité auriculaire : Autant d’ondes P que de QRS :o Maladie de Bouveret par réentrée intra-nodale : Les ondes P sont invisibles, ou masquées par le complexe QRS.
o Maladie de Bouveret sur syndrome de Wolf-Parkinson-White orthodromique (réentrée par faisceau accessoire de Kent) : Les ondes sont rétrogrades, négatives en D2 et D3, situées à distance de QRS.
- Activité ventriculaire : Régulière, fréquence variable entre 160 et 220 bpm.
E. Tachycardie sinusale :
- Il s’agit d’une accélération de la séquence d’activation cardiaque. Elle est physiologique chez le nouveau-né ou en cas d’effort.
- Activité auriculaire : Ondes P identiques, de morphologie normale, toutes suivies d’un complexe QRS.
- Activité ventriculaire : Régulière.
2. Tachycardies à QRS larges :
A. Tachycardies régulières à QRS larges :
Tachycardie ventriculaire :
- QRS larges d’aspect monomorphe, réguliers en durée et en amplitude.
Le diagnostic de TV exige la succession de plus de trois complexes ventriculaires.
- Dissociation auriculo-ventriculaire : Onde P, parfois visible, n’entraînant pas de complexe QRS.
- Complexes de capture ou de fusion : Certaines ondes sinusales peuvent dépolariser les ventricules et donner :
o Un QRS fin : Complexe de capture.
o Un QRS de morphologie intermédiaire : Complexe de fusion.
Torsade de pointe :
- QRS larges d’aspect polymorphe :
o Amplitude variable, régularité en durée.
o Polarité variable : Les complexes QRS pointent alternativement vers le haut et vers le bas.
o Aspect de torsion autour de la ligne isoélectrique.
- Contexte d’allongement de l’intervalle QT (congénital ou iatrogène).
Rythme idioventriculaire accéléré (RIVA) :
- Apparait habituellement à la phase aiguë d’un IDM, souvent en phase de reperfusion ou au décours d’une intoxication digitalique.
- QRS larges, atypiques, réguliers et de fréquence plus rapide (55 – 120 bpm) que lors d’un rythme d’échappement ventriculaire (≤ 35bpm).
- Une dissociation auriculo-ventriculaire est fréquente avec de nombreuses captures sinusales.
- Bien tolérés, les RIVA cèdent de façon spontanée et ne nécessitent en général aucun traitement.
Syndrome de WPW antidromique :
- Résultat de l’association d’une tachycardie supra-ventriculaire et d’une pré- excitation par un faisceau accessoire (de Kent) perméable qui transmet l’influx vers les ventricules.
- Sur l’ECG :
o Tachycardie à QRS larges.
o PR court : car le stimulus arrive plus précocement au ventricule que la voie normale.
o Onde delta : Début de QRS empâté.
Tachycardies supra-ventriculaires avec bloc de branche :
- Flutter auriculaire avec bloc de branche.- Tachysystolie auriculaire avec bloc de branche.
- Tachycardie jonctionnelle avec bloc de branche.
B. Tachycardies irrégulières à QRS larges :
- Fibrillation auriculaire avec bloc de branche.- Fibrillation auriculaire sur un syndrome de WPW : Contre-indique l’utilisation des digitaliques (Risque d’accélérer la tachycardie et la transformer en fibrillation ventriculaire).
- Fibrillation ventriculaire :
o Cliniquement, le patient se présente en état de mort apparente quelques secondes après le début.
o Sur l’ECG, on observe des ondulations anarchiques, d’amplitude et de fréquence variables qui se raréfient et disparaissent jusqu’à un tracé plat.
o La mort est inéluctable en l’absence de défibrillation immédiate.
TROUBLES DE LA CONDUCTION
BLOCS SINO-AURICULAIRES : 1. BSA de 1
erdegré :
- Il s’agit de retard de conduction sino-auriculaire.
- Sur l’ECG : Non détectable ou aspect d’une bradycardie sinusale.
2. BSA de 3
èmedegré :
- Il s’agit de l’absence de conduction sino-auriculaire.
- Sur l’ECG : Les ondes P sont absentes. On note la présence d’un rythme d’échappement.
3. BSA 2
èmedegré :
- Type 1 : Allongement progressif de la conduction sino-auriculaire jusqu’au blocage. Sur l’ECG : Allongement de l’espace PP jusqu’à la pause.
- Type 2 : Blocage intermittent de la conduction sino-auriculaire. Sur l’ECG : L’espace PP englobant la pause est le double de l’espace PP de base.
BLOCS AURICULO-VENTRICULAIRES :
1. BAV de 1
erdegré :
- Il s’agit d’un retard de la conduction entre l’OD et les ventricules sans qu’aucune onde P ne soit bloquée.
- Sur l’ECG :
Rythme : régulier, d’aspect sinusal.
Ondes P : De morphologie normale, toutes suivies de complexes QRS.
PR : constant et allongé.
2. BAV de 3
èmedegré :
- Il s’agit d’une dissociation auriculo-ventriculaire complète. Toutes les ondes P sont bloquées.
- Sur l’ECG :
Rythme : régulier (c’est un rythme d’échappement).
Ondes P : Aucun auriculogramme n’est suivi de QRS (Sinon coïncidence).
PR : Inconstant.
3. BAV 2
èmedegré :
- Möbitz I : Allongement progressif de la conduction auriculo-ventriculaire jusqu’au blocage. Sur l’ECG : Allongement de PR jusqu’au blocage d’une onde P.
- Möbitz II : Blocage intermittent de la conduction auriculo-ventriculaire. Sur l’ECG : ondes P bloquées + espace PR constant + espace PP régulier.
BLOCS DE BRANCHE :
- Bloc de branche droit : Aspect rsr’, rsR', rSR’, qR ou plus rarement RR' en V1 – V2, Aspect qRs en V5 - V6.
- Bloc de branche gauche : Onde R large, dont l’ascension initiale est rapide en V5-V6, avec parfois un aspect RR’ en V6 ; ou aspect Rs en V5-V6.
Astuce en pratique : (M et W sont les « aspects » de QRS dans le bloc de branche) - Le bloc de branche est dit complet si la durée de QRS est supérieure à 120 ms (QRS larges).
- Lo bloc de branche est dit incomplet si les QRS sont fins.