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Situation des droits de l homme des musulmans rohingyas et d autres minorités au Myanmar*

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GE.16-11022 (F) 260916 270916



Conseil des droits de l’homme

Trente-deuxième session Point 2 de l’ordre du jour

Rapport annuel du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et rapports du Haut-Commissariat et du Secrétaire général

Situation des droits de l’homme des musulmans rohingyas et d’autres minorités au Myanmar

*

Rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

Résumé

Dans le présent rapport, soumis au Conseil des droits de l’homme en application de sa résolution 29/21, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme examine la situation des droits de l’homme des musulmans rohingyas et d’autres minorités au Myanmar, analyse les divers types de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits, en particulier la discrimination, et conclut par des recommandations sur les mesures que les autorités compétentes doivent prendre pour améliorer la situation des minorités au Myanmar.

* Le présent rapport a été soumis après la date limite afin que des renseignements sur les faits les plus récents puissent y figurer.

Nations Unies A

/HRC/32/18

Assemblée générale

Distr. générale 29 juin 2016 Français

Original : anglais

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I. Introduction

1. Le présent rapport est soumis au Conseil des droits de l’homme en application de sa résolution 29/21, dans laquelle il prie le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme de lui soumettre un rapport sur les violations des droits de l’homme et les atteintes à ces droits dont sont victimes les musulmans rohingyas et d’autres minorités au Myanmar, en particulier les récents incidents liés à la traite et aux déplacements forcés de musulmans rohingyas. Il est fondé sur des informations reçues de diverses sources par le Haut- Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), notamment du Gouvernement du Myanmar, d’organismes des Nations Unies, de la Commission nationale des droits de l’homme du Myanmar et d’entités de la société civile. Les rapports sur la situation des droits de l’homme au Myanmar soumis depuis 1992 par les Rapporteurs spéciaux successifs ont également été examinés, de même que les observations écrites et orales reçues du Gouvernement du Myanmar.

II. Contexte

2. Le Myanmar est l’un des pays d’Asie les plus variés du point de vue ethnique. Dans la loi sur la citoyenneté de 1982 sont reconnus huit grands « groupes ethniques nationaux » : les Bamars (environ les deux tiers de la population), les Chins, les Kachins, les Kayahs, les Kayins, les Mons, les Rakhines et les Shans. D’après les listes publiées dans divers documents officiels, ces huit groupes ont été subdivisés en 135 « groupes ethniques nationaux » reconnus. Les bouddhistes représentent environ 90 % de la population, les musulmans 4 %, les chrétiens 4 % et les hindous moins de 2 %. La plupart des chrétiens appartiennent à des minorités ethniques, notamment aux ethnies chin, kachin et kayin. Les musulmans kamans sont une communauté appartenant à l’un des 135 groupes ethniques reconnus, comme le sont les musulmans bamars. Les groupes musulmans sont également constitués de communautés « chinoises » et « indiennes ».

3. Les musulmans rohingyas, qui forment le plus grand groupe musulman du pays, vivent en majorité dans l’État de Rakhine. Ils se considèrent comme un groupe ethnique qui se distingue par sa langue et sa culture, et revendiquent un lien de longue date avec l’État de Rakhine. Les gouvernements successifs ont rejeté ces revendications et les Rohingyas n’ont pas été inclus dans la liste des groupes ethniques reconnus. La plupart d’entre eux sont apatrides.

4. En 2014, lors du premier recensement effectué par le Gouvernement au Myanmar depuis trente ans, une directive a interdit aux Rohingyas de s’identifier comme tels, ce qui les a exclus de facto des données officielles1. Les données relatives à l’appartenance ethnique et à la religion ne sont pas encore connues, mais la publication de données de recensement ventilées par confession est l’une des priorités du « plan de 100 jours » du Ministère du travail, de l’immigration et de la population. Le manque de données et les difficultés d’accès à certaines parties du pays rendent compliquée l’analyse de la situation des minorités au Myanmar.

5. L’histoire des minorités ethniques et religieuses au Myanmar est complexe et source de controverse. Si l’accord adopté lors de la Conférence de Panglong en 1947 prévoyait la création d’une union fédérale fondée sur l’association volontaire et l’égalité politique, le

1 Voir p. 8 du rapport The 2014 Myanmar Population and Housing Census: The Union Report, Census Report Volume 2 (Recensement 2014 de la population et du logement au Myanmar : Rapport de l’Union, rapport sur le recensement Volume 2), mai 2015.

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Myanmar (qui s’appelait à cette époque la Birmanie) est toutefois devenu, après son indépendance en 1948, une union quasi fédérale placée en grande partie sous la domination de l’ethnie bamar. Les revendications ultérieures des minorités ethniques en faveur de l’autodétermination, d’une plus grande autonomie et du partage équitable du pouvoir et des ressources ont déclenché des conflits armés non internationaux, dont la portée et l’intensité ont varié. Après la prise de pouvoir des militaires en 1962, les minorités ethniques ont été progressivement exclues des postes à responsabilité et ont subi des restrictions, notamment en matière d’éducation, d’utilisation des langues minoritaires et de liberté religieuse.

6. Le Myanmar connaît de profondes transformations. En 2011, après des décennies de contrôle militaire, le Gouvernement a entrepris des réformes de grande envergure, notamment l’ouverture de l’espace démocratique. Les réformes ont abouti à des élections historiques le 8 novembre 2015 et à l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement civil le 31 mars 2016. L’armée conserve néanmoins 25 % des sièges au Parlement, ce qui lui confère de facto un droit de veto sur toute modification de la Constitution. En outre, le commandant en chef nomme les ministres aux portefeuilles clefs des affaires intérieures, des affaires frontalières et de la défense.

7. En mai 2015, 700 000 personnes issues de communautés minoritaires ont été privées du droit de vote (voir par. 46 et 47 ci-après). Il a été refusé aux candidats musulmans de se présenter aux élections et aucun musulman ne siège actuellement au Parlement.

8. Le 15 octobre 2015, le Gouvernement et 8 des plus de 20 groupes ethniques armés au Myanmar ont signé un accord de cessez-le-feu national. Cependant, le conflit armé se poursuit dans l’État de Kachin et dans le nord de l’État de Shan, et des accrochages sporadiques ont éclaté dans l’État de Rakhine, de Chin et de Kayin. Le nouveau Gouvernement, qui n’a jamais été aussi varié du point de vue ethnique depuis des dizaines d’années, a proposé d’organiser une « Conférence de Panglong du XXIe siècle » pour faire avancer le processus de paix.

9. L’État de Rakhine est l’un des plus pauvres du Myanmar et pour la plupart de ses habitants, l’accès aux services de base et aux moyens de subsistance y est limité. Il existe des griefs de longue date entre les musulmans rohingyas (qui sont un peu plus de 1 million) et les bouddhistes rakhines (les « Rakhines ») (qui sont environ 2 millions) ; et entre chaque communauté et le Gouvernement central dirigé majoritairement par les Bamars. Beaucoup de Rakhines contestent les revendications des Rohingyas concernant leur patrimoine ethnique distinct et leurs liens historiques avec l’État de Rakhine et les considèrent comme des « Bengalis » (« clandestins »), sans liens culturels, religieux ou sociaux avec le Myanmar. Certains Rakhines ont également le sentiment que l’aide internationale s’est concentrée sur les Rohingyas, à leurs dépens. L’État de Rakhine est depuis longtemps le théâtre de discriminations orchestrées par les anciens gouvernements militaires. Les musulmans kamans de l’État de Rakhine, qui ont pourtant été reconnus officiellement comme groupe ethnique, subissent également une discrimination profondément ancrée et d’autres violations des droits de l’homme (voir A/HRC/28/72, par. 41). Depuis 2012, les cas d’intolérance religieuse et d’incitation à la haine du fait de groupes extrémistes et de groupes ultranationalistes bouddhistes ont augmenté dans tout le pays. Les Rohingyas et les autres musulmans sont souvent présentés comme une « menace pour la race et la religion ».

10. Dans ce contexte, les tensions ont parfois dégénéré en violences. Les heurts les plus récents, de juin et d’octobre 2012, ont causé des centaines de blessés ou de morts, la destruction de biens, et le déplacement de 140 000 personnes (voir A/67/383, par. 56 à 58, et A/HRC/22/58, par. 47 et 48). Quelque 120 000 personnes résident encore dans des camps de personnes déplacées au centre de l’État de Rakhine, où il existe une ségrégation entre les Rakhines et les Rohingyas.

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11. Les violations systématiques des droits de l’homme et l’absence de perspectives ont provoqué des flux migratoires clandestins de Rohingyas, depuis l’État de Rakhine vers la Thaïlande et la Malaisie, à bord des mêmes embarcations qu’empruntent les migrants en situation irrégulière originaires du Bangladesh. Les réseaux de traite des êtres humains et de trafic de migrants ont facilité ces flux migratoires2. Plus de 94 000 Rohingyas et Bangladais auraient migré depuis le début de 2014 et un pic de 31 000 migrants a été enregistré au premier semestre de 20153. En mai 2015, la Thaïlande et la Malaisie ont mené une action énergique contre les réseaux internationaux de passeurs, provoquant l’abandon en mer de 5 000 migrants en situation irrégulière4. La Malaisie et l’Indonésie ont finalement offert un abri temporaire aux migrants touchés par la crise de la mer d’Andaman, à condition que la communauté internationale prenne en charge leur réinstallation et leur rapatriement dans un délai d’un an. Nombre des personnes secourues en mer sont toujours détenues dans des abris, des camps ou des centres de détention pour immigrés, et font face à un avenir incertain. La question des politiques et des pratiques discriminatoires à l’égard des Rohingyas, qui sont l’une des causes profondes de leur migration irrégulière depuis l’État de Rakhine, reste à régler dans le cadre de réformes plus larges visant à protéger toutes les minorités au Myanmar.

12. Entre-temps, l’accès à la justice pour les victimes de violations des droits de l’homme a fait cruellement défaut. L’armée et les autres forces de sécurité ont généralement bénéficié de l’impunité. La corruption endémique et le manque de moyens et de volonté pour mener des enquêtes et des poursuites efficaces exacerbent la méfiance du public envers l’administration de la justice. Des problèmes structurels continuent de nuire à l’indépendance de l’appareil judiciaire et des professions juridiques. L’indépendance de la justice a été en outre compromise par l’influence indue de l’exécutif et son ingérence dans les affaires politiquement sensibles. La stigmatisation sociale et culturelle dissuade les victimes de la violence sexuelle et sexiste de porter plainte. Les minorités se heurtent à d’autres obstacles, notamment la barrière de la langue, l’éloignement géographique et la crainte de représailles, qui limitent leur accès à la justice.

13. Dans son discours d’investiture, le Président U Htin Kyaw a décrit quatre priorités pour le nouveau Gouvernement : la réconciliation nationale, la paix, l’élaboration d’une Constitution permettant la création d’une union fédérale démocratique et l’amélioration de la qualité de vie. En avril 2016, la Conseillère d’état Daw Aung San Suu Kyi a réaffirmé l’importance de parvenir à la réconciliation nationale et à l’état de droit pour tous les citoyens. Le Gouvernement a notamment créé récemment le Ministère des affaires ethniques et transformé le Centre pour la paix au Myanmar en Centre pour la réconciliation nationale et la paix. Le nouveau Gouvernement a informé le Haut-Commissariat que

« l’une des plus hautes priorités de son agenda » était de remédier à la situation dans l’État de Rakhine et a demandé à « bénéficier de plus de temps pour trouver des solutions durables » (voir A/HRC/32/G/9). Le 30 mai 2016, le Gouvernement a créé le Comité central pour la paix, la stabilité et le développement dans l’État de Rakhine, qui est présidé par la Conseillère d’État. Selon le Gouvernement, les objectifs du Comité sont « d’instaurer la paix, la stabilité et le développement pour l’ensemble de la population dans l’État de Rakhine ».

14. L’une des clefs de la transformation du Myanmar est de s’attaquer aux violations des droits de l’homme passées et en cours, qui pourraient, si rien n’est fait, compromettre la transition. Les types de discrimination profondément ancrée à l’égard des minorités et les

2 Rapport de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime sur la protection de la paix et de la prospérité en Asie du Sud-Est : Protecting peace and prosperity in Southeast Asia: synchronizing economic and security agendas, février 2016 , p. 37 à 41.

3 Voir le rapport du HCR : Mixed Maritime Movements in South-East Asia, 2015.

4 Les autorités du Myanmar ont secouru deux embarcations les 22 et 29 mai 2015.

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mesures prises pour y remédier sont décrits ci-dessous. La tâche sera ardue et il faudra y consacrer des efforts, des ressources et du temps. L’un des obstacles à lever est notamment l’influence persistante exercée par les militaires dans certains grands domaines de la gouvernance. Dans l’État de Rakhine, la situation est aggravée par le climat très politisé et polarisé, notamment les tensions entre les partis politiques et les agissements persistants de groupes armés. Le nouveau Gouvernement tient néanmoins une occasion unique de créer une dynamique positive en prenant des mesures indispensables pour mettre un terme à la discrimination à l’égard des minorités en droit et dans la pratique.

III. Cadre légal

15. Les obligations de l’État en matière de droits de l’homme sont consacrées par le droit conventionnel et le droit coutumier. Le Myanmar est partie à la Convention relative aux droits de l’enfant et au Protocole facultatif s’y rapportant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, à la Convention relative aux droits des personnes handicapées et à d’autres instruments internationaux clefs5. Il a signé le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui exige des autorités de s’abstenir de tout acte contraire à l’objet ou au but du Pacte. Aux obligations découlant de ces traités s’ajoutent les dispositions du droit international coutumier, lequel englobe un certain nombre de droits énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.

16. Le respect du principe de non-discrimination est d’une importance cruciale pour la promotion et la protection des droits des minorités. Aux termes de l’article 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, les États sont tenus de protéger et de respecter les droits de l’homme pour tous sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation6. L’article 30 de la Convention relative aux droits de l’enfant consacre le droit de l’enfant d’avoir sa propre vie culturelle, de professer et de pratiquer sa propre religion ou d’employer sa propre langue en commun avec les autres membres de son groupe. Aux termes de l’article 4 de la Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, les États sont tenus de prendre des mesures positives pour protéger les droits et l’identité des minorités.

17. Compte tenu du contexte lié aux conflits armés passés et actuels au Myanmar, il importe aussi d’évoquer les dispositions pertinentes du droit international humanitaire qui visent à réglementer le comportement des parties à un conflit armé, telles que celles des Conventions de Genève (ratifiées par le Myanmar en 1992). Le droit pénal international s’applique à des situations dans lesquelles la responsabilité pénale des personnes peut être engagée, en droit international, notamment pour des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre7. C’est aux États qu’il incombe avant tout de veiller à ce que les auteurs de tels crimes répondent de leurs actes8. Ils sont tenus d’enquêter sur les violations flagrantes du

5 Notamment la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, ainsi que la Convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, et la Convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, de l’Organisation internationale du Travail.

6 Voir aussi la Charte des Nations Unies (art. 1 3)).

7 Voir par exemple le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, art. 7 et 8.

8 Voir l’ensemble de principes actualisé pour la protection et la promotion des droits de l’homme par la lutte contre l’impunité (E/CN.4/2005/102/Add.1), principes 20 et 21.

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droit international des droits de l’homme et les violations graves du droit international humanitaire et de poursuivre leurs auteurs9.

18. La Constitution du Myanmar de 2008 prévoit une certaine protection des « races nationales » officiellement reconnues et fait obligation au Gouvernement de les aider à développer leur langue, leur littérature et leur culture ; de promouvoir la solidarité et le respect entre elles ; et de favoriser leur développement socioéconomique. Le chapitre VIII de la Constitution protège les droits à l’égalité et à la non-discrimination, à l’éducation et aux soins de santé, et interdit le travail forcé et la détention arbitraire. De nombreux droits sont toutefois réservés aux « citoyens », alors que, en vertu du droit international des droits de l’homme, les États ont l’obligation de respecter, protéger et mettre en œuvre les droits fondamentaux de toutes les personnes relevant de leur juridiction ou de leur contrôle10. En outre, la Constitution impose des restrictions à l’exercice de plusieurs droits fondamentaux11, ou permet leur suspension pour des motifs vagues ou interdits12.

19. Le droit à une nationalité est un droit fondamental de l’homme13. La loi sur la citoyenneté de 1982, qui prévoit trois types de citoyenneté, contrevient au principe de non- discrimination, l’acquisition de la nationalité se fondant principalement sur l’origine ethnique plutôt que sur des critères objectifs14. La citoyenneté de plein droit peut être obtenue par le biais de quatre mécanismes différents. Son acquisition automatique est réservée aux ressortissants des ethnies kachin, kayah, karen (kayin), chin, burman (bamar), mon, arakan (rakhine) ou shan et aux membres des groupes ethniques qui se sont installés au Myanmar avant 182315. La liste des 135 « groupes ethniques nationaux » reconnus, dont les membres peuvent acquérir automatiquement la nationalité, n’inclut pas les Rohingyas ou les personnes d’ascendance chinoise, indienne ou népalaise. La citoyenneté associée peut être accordée à ceux dont la demande de nationalité, au titre de la loi sur la citoyenneté de 1948, était en cours d’examen au moment de l’entrée en vigueur de la loi de 1982. La citoyenneté par naturalisation peut être accordée aux personnes qui fournissent une

« preuve concluante » de leur entrée et de leur résidence au Myanmar avant 1948, et à leurs enfants nés au Myanmar. Elle peut également être octroyée par mariage ou filiation sous certaines conditions. En outre, les personnes qui présentent une demande de citoyenneté

« par naturalisation » doivent avoir au moins 18 ans, maîtriser une des langues nationales, et être de « bonne moralité » et « saines d’esprit ». Les citoyens « associés » et

« naturalisés » ont moins de droits que les citoyens de plein droit et peuvent notamment se voir retirer leur nationalité pour de nombreux motifs.

20. En 2015, le Parlement a adopté un ensemble de lois visant à « protéger la race et la religion ». Ces lois constituent une discrimination à l’égard des minorités ethniques et religieuses et à l’égard des femmes, ainsi qu’une violation par l’État des obligations internationales qui lui incombent. La loi sur les conversions religieuses a créé un système

9 Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, art. 2 ; Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (1948).

10 Convention relative aux droits de l’enfant, art. 2. Voir aussi : HCDH, Les droits des non- ressortissants, Genève (Numéro de vente F.07.XIV.2), 2006, p. 15.

11 Ainsi, par exemple, l’article 353 énonce que rien ne doit nuire à la vie et à la liberté personnelle de quiconque, sauf lorsque cela est conforme au droit en vigueur.

12 Par exemple, le Président peut, en déclarant l’état d’urgence, restreindre ou suspendre, au besoin, un ou plusieurs droits fondamentaux des citoyens résidant dans les zones où l’état d’urgence est appliqué.

13 Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 15 ; Convention relative aux droits de l’enfant, art. 7 ; Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, art. 9.

14 Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 2.

15 Loi sur la citoyenneté, art. 3.

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de conversion religieuse réglementé par l’État, qui constitue un obstacle à l’exercice du droit à la liberté de religion ou de conviction16. La loi de santé sur le contrôle de la population permet d’exercer un contrôle sélectif et forcé de la population, notamment en exigeant potentiellement d’attendre trente-six mois entre chaque naissance, ce qui constituerait une violation du droit des femmes de décider librement du nombre et de l’espacement des naissances17. La loi pourrait servir à prendre pour cible des zones où vivent d’importantes communautés minoritaires. La loi spéciale relative au mariage des femmes bouddhistes vise à « protéger » les femmes bouddhistes contre un mariage avec des hommes non bouddhistes, en violation du droit des femmes de choisir librement leur conjoint18.

IV. Types de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits

A. Incitation à la haine et à l’intolérance religieuse

21. La Constitution du Myanmar interdit l’exploitation de la religion à des fins politiques et les actes ayant pour objet ou susceptibles de favoriser un sentiment de haine, d’inimitié ou de discorde entre les communautés raciales ou religieuses. Conformément au droit international, l’État est tenu de respecter le droit de toutes les personnes se trouvant sur son territoire à la liberté de religion, ainsi que le principe de non-discrimination19. 22. Depuis les années 1990, toutefois, des organisations bouddhistes extrémistes ou ultranationalistes diffusent activement des messages de haine et d’intolérance envers les musulmans et d’autres minorités religieuses. Des groupes tels que l’Organisation pour la protection de la race et de la religion (dénommée MaBaTha) diffusent des messages attisant la peur et la haine, comparent les musulmans à des animaux, les dénigrent et les présentent comme une menace pour « l’État bouddhiste »20. Au cours d’un rassemblement public à Yangon en mai 2015, un responsable politique a encouragé la foule à « tuer et enterrer » tous les Rohingyas. La foule l’a acclamé en scandant ses déclarations (A/HRC/31/79, p. 37). Une telle rhétorique alimente l’hostilité et la discorde. Récemment, des organisations bouddhistes ultranationalistes ont également pris pour cible des bouddhistes modérés, des militants du pluralisme religieux, des militants des droits de la femme ainsi que la Rapporteuse spéciale21.

23. Des efforts sont nécessaires pour prévenir et combattre les actes d’incitation à la discrimination, à la violence et à la haine, notamment en élaborant une stratégie globale fondée sur les normes internationales des droits de l’homme. Le Plan d’action de Rabat sur l’interdiction de l’appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence (A/HRC/22/17/Add.4, appendice) fournit des directives utiles. Le Parlement a récemment pris des mesures pour relancer l’examen du projet de loi sur la préservation de l’harmonie religieuse. Il devrait

16 Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 18.

17 Ibid., art. 12 et 16 ; Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, art. 16 ; Convention relative aux droits des personnes handicapées, art. 23.

18 Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, art. 16 ;

19 Déclaration universelle des droits de l’homme, articles 2, 7 et 18.

20 Voir C4ADS, Sticks and Stones: Hate Speech Narratives and Facilitators in Myanmar, 2016.

21 Voir HCDH, Comment by UN High Commissioner for Human Rights Zeid Ra’ad Al Hussein on the abuse of the Special Rapporteur on human rights in Myanmar, Yanghee Lee, communiqué de presse, 21 janvier 2015.

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mener pour cela de larges consultations avec la société civile et tenir compte du Plan d’action de Rabat.

24. Il faudrait également s’attaquer aux causes profondes des problèmes, notamment par la mise en œuvre de mesures d’éducation préventive et de sensibilisation. La mise en place de programmes dirigés par des représentants de groupes interconfessionnels et de la société civile, afin de bâtir une société plus tolérante, diversifiée et inclusive, devrait être soutenue et encouragée.

B. Violations et atteintes dont sont victimes les Rohingyas dans l’État de Rakhine

25. Les rapporteurs spéciaux qui se sont succédé depuis 1992 ont rendu compte des violations systématiques des droits de l’homme des Rohingyas. Bon nombre de ces violations découlent de lois, de politiques et de pratiques qui sont appliquées à l’échelle du pays, des États ou des localités et prennent pour cible les Rohingyas en raison de leur origine ethnique, de leur race ou de leur religion, soit directement soit dans le cadre d’une application sélective et discriminatoire. Le durcissement des restrictions après la flambée de violence en 2012 a également eu de graves conséquences pour la communauté kaman, désormais plus exposée aux violations des droits de l’homme et aux atteintes à ces droits.

1. Privation arbitraire de la nationalité

26. La prérogative d’un État d’attribuer ou de retirer la nationalité est restreinte par le droit international22. La loi sur la nationalité (1982) est discriminatoire et contraire à l’interdiction de la privation arbitraire de la nationalité. Elle porte atteinte au droit de chaque enfant d’acquérir une nationalité23, car elle ne garantit pas l’acquisition de la nationalité aux enfants nés au Myanmar sans « lien véritable » avec un autre État (voir CRC/C/MMR/CO/3-4, par. 41 et 42). Elle accorde en outre au Gouvernement un pouvoir trop étendu, qui lui permet de retirer la nationalité sans octroyer la protection nécessaire.

Elle a donné lieu à des situations d’apatridie et continue de le faire. Le Myanmar est un des pays qui comptent le plus d’apatrides : environ 1 090 000, dont la plupart sont des Rohingyas de l’État de Rakhine. L’absence de nationalité des Rohingyas les rend encore plus vulnérables à diverses violations des droits de l’homme.

27. En juin 2014, le Gouvernement a lancé une procédure de vérification de la nationalité, conduite depuis Myebon (État de Rakhine). Les membres de la communauté rohingya qui refusaient de s’identifier comme « Bengalais » ont été arbitrairement exclus de cette procédure, laquelle aurait été suspendue en 2015. Si les personnes qui ont obtenu la nationalité à Myebon ont été autorisées à voter en 2015, leur liberté de circulation et leur accès à des services essentiels et à des moyens de subsistance ne se sont cependant pas améliorés. Le 7 juin 2016, une nouvelle procédure de vérification de la nationalité, menée dans le cadre de la loi sur la nationalité (1982), a été lancée à Kyaukpyu, Myebon et Ponnagyun.

22 Voir la résolution 50/152 de l’Assemblée générale ; la Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 15 2) ; la Convention relative aux droits de l’enfant, art. 7 et 8 ; la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, art. 9 ; la Convention relative aux droits des personnes handicapées, art. 18.

23 Convention relative aux droits de l’enfant, art. 7.

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2. Restrictions à la liberté de circulation

28. Les Rohingyas et les Kamans font l’objet de graves restrictions à la liberté de circulation. Bien qu’appliquées depuis des dizaines d’années, ces restrictions se sont durcies depuis 2012 et sont plus ou moins sévères d’un township à un autre. Si elles sont censées garantir la sécurité, leur application est disproportionnée et discriminatoire, étant donné qu’elles visent les musulmans uniquement. La majorité des Rohingyas vivent dans le nord de l’État de Rakhine, où ils sont tenus de demander une autorisation officielle pour se déplacer d’un township à un autre et, souvent, au sein d’un même township (par exemple, au nord de l’État de Rakhine, un certificat de départ du village d’origine est nécessaire pour passer plus d’une journée dans un autre village). Les démarches préalables à un voyage sont coûteuses et chronophages. Le non-respect des règles établies peut donner lieu à une arrestation et à des poursuites. Les restrictions sont souvent à l’origine d’actes d’extorsion et de harcèlement par des agents de la force publique et des fonctionnaires.

29. Depuis la flambée de violence en juin 2012, les administrateurs municipaux ont imposé un couvre-feu dans le nord de l’État de Rakhine, afin de « garantir la sécurité des deux communautés ». Le couvre-feu, régulièrement prolongé depuis 2012, s’appuierait sur l’article 144 1) du Code de procédure pénale du pays, qui autorise l’émission d’ordonnances provisoires en cas de situation d’urgence et permet aux magistrats et à leurs représentants d’imposer un couvre-feu. Selon des renseignements crédibles recueillis par le HCDH, la procédure prévue par l’article en question n’a pas été respectée. Le couvre-feu octroie un large pouvoir discrétionnaire aux autorités, notamment en ce qui concerne les restrictions à la liberté de réunion et l’interdiction de circuler du coucher au lever du soleil.

Il restreint la liberté de culte et de pratique religieuse des musulmans, du fait de l’interdiction des rassemblements de plus de cinq personnes. Il serait appliqué à l’encontre des Rohingyas uniquement. Si l’état d’urgence présidentiel a été levé dans le nord de l’État de Rakhine en mars 2016, le couvre-feu reste lui toujours en vigueur.

30. La plupart des personnes déplacées au cours des violences de 2012 vivent dans le centre de l’État de Rakhine, dans environ 39 camps de déplacés. Les restrictions à la liberté de circulation sont importantes dans ces camps, dont un bon nombre font l’objet de mesures de sécurité extrêmes. Certaines localités ont recours à des postes de contrôle pour vérifier rigoureusement toute entrée ou sortie de leur territoire. Étant donné la nature, l’étendue et la durée de l’isolement, de nombreux camps pourraient être considérés comme des lieux de privation de liberté au regard du droit international (voir CCPR/C/GC/35, par. 3 et 5)24. 31. Les restrictions générales à la liberté de circulation des communautés musulmanes sont manifestement contraires au droit international des droits de l’homme, en vertu duquel toute restriction doit être nécessaire et proportionnée (voir CCPR/C/21/Rev.1/Add.9, par. 14)25. Elles visent de manière discriminatoire la population musulmane et limitent fortement leur accès à des moyens de subsistance, à la nourriture, aux soins de santé et à l’éducation. Il est indispensable de mettre fin à ces restrictions pour remédier aux problèmes des droits de l’homme et améliorer la situation humanitaire dans l’État de Rakhine.

3. Menaces d’atteinte à la vie, à la liberté et à la sécurité

32. Les rapporteurs spéciaux qui se sont succédé ont signalé des violations systématiques graves des droits à la vie, à la liberté et à la sécurité des Rohingyas par des agents de la force publique et d’autres fonctionnaires. Ces violations se traduisent

24 Voir les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays (E/CN.4/1998/53/Add.2, annexe), Principe 12: 1-2.

25 Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 13 et 29 2).

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notamment par des exécutions sommaires, des disparitions forcées, des arrestations ou détentions arbitraires, des actes de torture, des mauvais traitements et des travaux forcés (voir A/67/383, par. 64, et A /HRC/28/72, par. 38)26. À la suite de la flambée de violence en 2012, le HCDH a reçu des renseignements crédibles selon lesquels des centaines de Rohingyas, y compris des femmes et des enfants, auraient été arrêtés et détenus de manière arbitraire, et auraient subis des actes de torture et des mauvais traitements. Il est notamment fait état de passages à tabac, de brûlures par des cigarettes, de brûlements de leurs barbes, de travaux forcés, d’humiliations et de sévices sexuels, de refus de soins médicaux, de conditions dégradantes de détention et de décès en détention. Le caractère arbitraire et le nombre d’arrestations et de détentions ordonnées sans procédure régulière ainsi que le traitement infligé en détention sont préoccupants et relèvent du châtiment collectif.

33. Dans le nord de l’État de Rakhine, les Rohingyas continuent d’être régulièrement victimes d’arrestations et de détentions arbitraires. Leur statut d’apatride les rend particulièrement vulnérables et en fait des cibles pour les extorqueurs. Les arrestations ont souvent lieu sans motif valable, procédure officielle ou inculpation et la libération est obtenue en échange d’un pot-de-vin. Le HCDH a obtenu des renseignements faisant état d’actes de violence, de violations de domicile et de perquisitions non autorisées, de confiscation de biens, d’extorsion et d’usage excessif de la force dans le cadre d’arrestations. En cas d’incapacité à verser d’importants pots-de-vin, les personnes concernées peuvent être victimes de violence, être détenues ou voir leurs proches se faire extorquer. Les personnes faisant officiellement l’objet de poursuites ne bénéficient souvent pas des garanties d’une procédure équitable.

34. Les arrestations et détentions arbitraires ouvrent souvent la voie à d’autres violations, notamment des actes de torture et des exécutions extrajudiciaires. Le HCDH a obtenu des renseignements crédibles selon lesquels des personnes arrêtées et détenues pour des motifs liés à un incendie criminel ou de supposés liens avec des groupes terroristes auraient été victimes de torture et seraient décédées en détention. Le manque de contrôle régulier et indépendant des conditions de détention accroît le risque pour les détenus d’être victimes de torture ou de mauvais traitement.

35. Un usage excessif de la force pendant des manifestations et des activités de maintien de l’ordre a également été signalé, notamment dans le cadre de patrouilles et de l’application des restrictions à la liberté de circulation. Les décès survenus à la suite d’un usage excessif, injustifié ou disproportionné de la force par des agents de la force publique constituent une privation arbitraire du droit à la vie.

4. Violence sexuelle et sexiste

36. Des actes de violence sexuelle et sexiste commis par des agents des forces de sécurité à l’encontre des Rohingyas sont signalés depuis des dizaines d’années. Toutefois, il est très probable que leur nombre ne reflète pas l’ampleur du phénomène, étant donné le manque d’accès à la justice, les barrières culturelles, la stigmatisation et la peur des représailles dont sont victimes les Rohingyas. Le HCDH a reçu des renseignements faisant état d’actes de violence sexuelle, y compris de viol, à l’encontre de femmes pendant leur arrestation ou leur détention, ou au cours d’opérations d’application de la loi, notamment de perquisitions ou de vérifications à des postes de contrôle. Il n’a obtenu aucune information indiquant que ces allégations auraient fait l’objet d’enquêtes ou que les auteurs de ces actes auraient été poursuivis.

37. Des actes de violence familiale ont été signalés au sein de la communauté rohingya.

La situation de déplacement prolongé, la surpopulation dans les camps, le manque de

26 En violation de la Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 3, 4, 5 et 9.

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moyens de subsistance et les restrictions touchant tous les aspects de la vie exacerbent les tensions et le risque de violence familiale. Le manque de services de santé accessibles et d’autres services d’aide reste préoccupant. Le Gouvernement est tenu de protéger tous les habitants de toutes les formes de violence et de lutter contre la violence sexuelle et sexiste dans les sphères privée et publique27.

5. Non-respect du droit à la santé

38. La disponibilité, l’accessibilité, y compris économique, et la qualité des établissements, des biens et des services de santé sont extrêmement limitées dans tout l’État de Rakhine. Un accès restreint à des établissements de santé donne notamment lieu à des retards dans l’administration des traitements, à un recours à des soins de santé parallèles, à la recrudescence de maladies évitables et à des conditions sanitaires globalement mauvaises.

39. Les communautés rohingya et kaman subissent des contraintes disproportionnées en raison des obstacles discriminatoires dont elles font l’objet, notamment des restrictions à la liberté de circulation, qui ont de graves incidences sur le droit à la santé, en ce qui concerne l’accès à des soins d’urgence et de premiers secours en particulier. Selon des renseignements crédibles obtenus par le HCDH, des décès sont survenus en raison d’un manque d’accès à des établissements de santé ou faute de traitement à temps, alors qu’un hôpital local se trouvait souvent à proximité28. Dans les townships voisins de Sittwe, notamment ceux de Pauktaw et de Myebon, les musulmans ne peuvent pas accéder librement aux hôpitaux locaux. En cas d’urgence, ils doivent se présenter à l’hôpital général de Sittwe au moyen d’une procédure longue et onéreuse, qui implique un voyage en bateau et une escorte policière. Les patients musulmans sont isolés dans un pavillon séparé, où les allégations et les rumeurs de traitement discriminatoire persistent. Cette situation dissuade généralement les musulmans de se faire soigner dans cet établissement. Dans le nord de l’État de Rakhine, les patients ont accès aux hôpitaux locaux, mais doivent demander des autorisations de voyage qui sont chères et prennent beaucoup de temps à obtenir, passer des postes de contrôle et faire face à d’autres contraintes liées au couvre-feu, lesquelles, en cas d’urgence, peuvent causer des retards importants et mettre en danger la vie des personnes concernées. Les retards concernant la demande ou l’administration de soins obstétriques d’urgence peuvent avoir des conséquences particulièrement graves et sont une des principales causes de décès des nourrissons et des femmes souffrant de complications pendant la grossesse ou l’accouchement.

40. Les restrictions à l’accès aux établissements publics de santé dont sont victimes les communautés musulmanes constituent une violation du droit à la santé29. Si elles entraînent la mort, elles peuvent également constituer une violation du droit à la vie. Un accès équitable et non discriminatoire à un traitement, des établissements et des soins médicaux devrait être garanti à tous les habitants du Myanmar, quelle que soit leur religion, leur origine ethnique ou leur nationalité.

6. Non-respect du droit à l’éducation

41. L’État de Rakhine compte un des taux d’alphabétisation les plus faibles du pays et se caractérise par un manque de possibilités d’éducation et d’accès à un enseignement

27 Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, art. 2.

28 Dans les cas signalés, le HCDH n’est pas en mesure de déterminer si les patients auraient survécu s’ils avaient bénéficié à temps d’un traitement d’urgence.

29 Convention relative aux droits de l’enfant, art. 24 ; Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, art. 12 ; Convention relative aux droits des personnes handicapées, art. 25.

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adéquat qui touche tous ses habitants. Les communautés musulmanes font face à des obstacles supplémentaires du fait d’un déplacement prolongé, de restrictions à leur liberté de circulation et de la discrimination dont elles sont victimes (voir CRC/C/MMR/CO/3-4, par. 96–97, A/70/412, par. 36, et A/HRC/28/72, par. 55)30. Les personnes qui ne disposent pas de la nationalité birmane, y compris les Rohingyas, ne sont pas autorisées à suivre des études menant à un certain nombre de « professions libérales », notamment les études de médecine, d’économie et d’ingénierie (il est par exemple indiqué dans le guide d’admission à l’université de 2013 que les candidats aux études doivent être « ressortissants du Myanmar »). Depuis la flambée de violence en 2012, elles ne peuvent pas suivre d’études supérieures dans la seule université de l’État de Rakhine, à Sittwe, « pour des raisons de sécurité ».

42. Environ 30 000 enfants musulmans vivant dans des camps de déplacés dépendent de structures d’enseignement provisoires financées par des organisations humanitaires. La qualité de l’enseignement est source de préoccupation, étant donné le manque d’enseignants qualifiés, de manuels scolaires, de supports pédagogiques et d’heures de classe. Les années d’enseignement ratées ont des effets désastreux sur les possibilités de subsistance des jeunes membres des communautés rohingya et kaman, et sur leur capacité de contribuer au développement du Myanmar. Le fait d’empêcher les Rohingyas et les Rakhines de suivre un même enseignement relève de la discrimination et constitue une violation du droit à un accès équitable à l’éducation. Par ailleurs, cette situation restreint les possibilités d’interaction et de réconciliation entre les communautés.

7. Autres restrictions fondées sur des ordonnances locales

43. Dans le nord de l’État de Rakhine, certaines ordonnances locales visant les Rohingyas sont discriminatoires par leurs intentions et leurs effets. Bon nombre d’entre elles manquent de fondement juridique, mais constituent des politiques et des directives adoptées par les autorités publiques ou les organes chargés de l’application des lois pour prétendument prévenir l’immigration illégale et contrôler les déplacements et la croissance de la population. Bien que le degré d’application de ces ordonnances ne soit pas clairement établi, les effets de ces dernières continuent de se faire sentir. En vertu d’une ordonnance locale, les couples sont tenus de suivre des procédures administratives coûteuses et complexes pour obtenir un permis de mariage, lequel les oblige à avoir un nombre limité d’enfants et à recourir à la contraception. Le non-respect de cette ordonnance constitue une infraction passible de dix ans d’emprisonnement. Le HCDH a été informé de cas de recours à un avortement non médicalisé par des femmes et des jeunes filles, de crainte d’enfreindre les ordonnances en question.

44. Selon les estimations, 5 000 enfants dont la naissance enfreint les ordonnances locales ne sont pas inscrits sur les listes officielles de recensement des ménages, mais sur une liste séparée (la « liste noire »). En outre, aucun acte de naissance n’a été délivré pour un enfant rohingya depuis les années 1990. L’absence de documents officiels et de véritable identité juridique a de graves conséquences à toutes les étapes de la vie, ce qui restreint davantage la liberté de circulation de ces personnes et leur accès à des soins de santé et à l’éducation. En outre, cette situation les rend encore plus vulnérables à des violations des droits de l’homme, notamment à des arrestations ou détentions arbitraires et à des extorsions.

30 En violation de la Convention relative aux droits de l’enfant, art. 2 et 28.

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45. Les ordonnances locales constituent une violation des droits fondamentaux, notamment du principe de non-discrimination, de la liberté de circulation, des droits à la vie privée, à se marier et à fonder une famille, et des droits de l’enfant31.

8. Restrictions en matière de droits politiques et de documents d’identité

46. En février 2015, le gouvernement précédent a annoncé l’arrivée à expiration des

« certificats d’identité temporaires », détenus par quelque 700 000 apatrides dans le pays, y compris les Rohingyas, les Chinois et d’autres groupes minoritaires. Ce certificat constituait le principal document permettant aux apatrides de l’État de Rakhine de prouver leur résidence légale au Myanmar. En juin 2015, les autorités ont annoncé la mise en place d’une nouvelle « carte d’identité à des fins de vérification de la nationalité », mais cette carte a été généralement accueillie avec méfiance et est très peu utilisée. Ainsi, des centaines de milliers d’apatrides de l’État de Rakhine ne disposent d’aucun document d’identité personnel valable leur permettant de prouver leur résidence légale.

47. Au cours des élections de 2010, les titulaires de certificats d’identité temporaires ont obtenu le droit de créer des partis politiques et d’y adhérer et le droit de vote. Avant les élections de novembre 2015, des mesures ont été prises pour empêcher les titulaires de ces certificats de participer à la vie politique32. En septembre 2014, le Parlement a modifié la loi sur l’inscription des partis politiques de manière à ce que les chefs de partis soient dans l’obligation d’avoir la « pleine citoyenneté », et les membres des partis d’avoir la « pleine citoyenneté » ou d’être « naturalisés ». En mai 2015, le droit de vote des titulaires de certificats d’identité temporaires pour les élections générales a été abrogé.

9. Travail forcé

48. Le Myanmar a pris des mesures concrètes pour éliminer le travail forcé, en mettant notamment en place un mécanisme d’examen des plaintes et un plan d’action conjoint avec l’Organisation internationale du Travail (OIT). Toutefois, si des informations crédibles indiquent que le recours au travail forcé a globalement baissé, cette pratique persiste dans certaines régions du pays, où elle touche tout particulièrement les groupes minoritaires.

49. Des cas de travail forcé concernant des Rohingyas dans le nord de l’État de Rakhine continuent d’être signalés, notamment dans les secteurs de la surveillance, de la construction, de la maintenance et de l’acheminement du matériel nécessaire aux travaux de maintenance. Les victimes indiquent qu’elles ne sont pas en mesure de refuser ces travaux par crainte des répercussions qui en découleraient, notamment des actes de violence, des arrestations ou détentions, des amendes ou d’autres formes de contrainte, de châtiment et d’intimidation. Le travail forcé a de graves conséquences sur la santé physique et mentale des victimes, et des effets à long terme sur les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire. Le HCDH a également été informé de travaux forcés imposés à des communautés de l’État de Rakhine, y compris récemment dans le cadre du conflit entre les Tatmadaw et l’Armée d’Arakan. Il est probable que le nombre de cas de travail forcé signalés dans l’État de Rakhine soit inférieur à la réalité, étant donné que des observateurs indépendants peuvent difficilement se rendre sur place, que le mécanisme d’examen des plaintes de l’OIT est peu connu et que la peur des représailles persiste.

31 Voir la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, art. 1 et 16, la Convention relative aux droits des personnes handicapées, art. 18, 22 et 23, et la Convention relative aux droits de l’enfant, art. 2, 7 et 16.

32 Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 21.

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10. Traite des personnes et trafic de migrants

50. En mai 2015, la crise en mer d’Andaman a fait apparaître un ensemble de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits liées aux flux migratoires clandestins dans la région, auxquels contribuent les réseaux de traite et de trafic d’êtres humains. La séquestration de migrants à bord de bateaux et dans des zones de transit terrestres, la violence sexuelle et sexiste et les mauvais traitements comptaient au nombre de ces violations. On estime que près de 2 000 Rohingyas et Bangladais sont morts en mer entre 2012 et 2015.

51. Le Myanmar est partie à la Convention de 2015 de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est contre la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants. Il a également signé la Déclaration de Bali de 2016 sur le trafic de migrants, la traite des personnes et la criminalité transnationale qui y est associée, dans le cadre de laquelle les signataires ont pris l’engagement de lutter contre la traite des personnes et notamment de s’attaquer aux raisons qui poussent les individus à fuir, ce qui passe par le

« plein respect des droits de l’homme […] et des mesures visant à prévenir et à réduire l’apatridie ». Au second semestre de 2015, les départs par bateau depuis l’État de Rakhine et le Bangladesh ont diminué de 96 % par rapport à la même période au cours de l’année précédente. La diminution des départs par bateau depuis juin 2015 s’explique par plusieurs facteurs, notamment le fait que les gouvernements de la région surveillent de plus près la migration clandestine et que les passeurs demandent des prix plus élevés. Afin de traiter pleinement la question de la migration clandestine par voie maritime en provenance de l’État de Rakhine, de véritables efforts concrets s’imposent pour s’attaquer aux facteurs de rejet et aux conditions coercitives mises en évidence dans le présent rapport.

11. Déplacements prolongés et déni du droit à un niveau de vie suffisant

52. Quatre ans après les violences de 2012, près de 120 000 personnes, principalement rohingyas et kamans, sont toujours déplacées dans l’État de Rakhine. Marquées par des déplacements prolongés d’un abri de fortune à un autre, un accès insuffisant aux services de base et une incapacité à circuler librement, les conditions de vie de ceux vivant dans les camps sont particulièrement éprouvantes. En plus de porter atteinte au droit à la liberté de circulation, ces conditions constituent une entrave à l’exercice de plusieurs de leurs droits économiques et sociaux, notamment de leurs droits à l’éducation, au meilleur état de santé possible et à un niveau de vie suffisant33. Nombre de personnes déplacées ne sont pas officiellement reconnues comme telles ou n’ont pas accès à une assistance appropriée étant donné la difficulté à définir et préciser ce qu’est une personne déplacée. La violence et les restrictions qui l’accompagnent ont également eu de profondes incidences sur ceux qui, dans l’État de Rakhine, ne comptent pas parmi les déplacés, notamment sur les personnes vivant dans des communautés reculées ou isolées, qui ne reçoivent pas une assistance suffisante.

53. On estime que 25 000 personnes déplacées sont rentrées chez elles ou ont été intégrées là où elles s’étaient déplacées en 2015 dans le cadre du Plan de réinstallation du Gouvernement de l’État du Rakhine. Il importe toutefois de remédier d’urgence, et de façon durable, au sort des personnes qui sont toujours déplacées, et ce, dans le cadre d’un processus éclairé, transparent, librement consenti et fondé sur les droits de l’homme. En outre, les personnes déplacées devraient pouvoir bénéficier d’un mécanisme efficace leur garantissant un accès au logement, à la terre et à la propriété, la restitution de ceux-ci, ou une indemnisation adéquate lorsque le retour n’est pas possible. Des garanties suffisantes devraient être données pour que les questions liées au logement, à la terre et au régime

33 Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 25 et 26 ; Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, art. 11 à 13.

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d’occupation ne soient pas source de préoccupations supplémentaires en matière des droits de l’homme.

54. En raison de la ségrégation des communautés à Rakhine, il est très difficile de trouver des solutions durables. Cela est particulièrement vrai dans la ville de Sittwe, où rien n’a été prévu pour s’occuper du cas des plus de 90 000 déplacés vivant dans des camps, souvent à quelques kilomètres seulement de leur domicile d’origine. La ségrégation forcée des communautés est une question dont il faut se saisir sans plus attendre. À cet égard, il est crucial de prendre des mesures ciblées en vue de consolider la paix, de favoriser le dialogue interconfessionnel et de veiller au rétablissement progressif des liens sociaux et économiques.

12. Évaluation

55. La situation décrite ci-dessus fait ressortir un ensemble de violations flagrantes des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels fondamentaux des Rohingyas.

Les politiques et les pratiques discriminatoires généralisées qui les ciblent en raison de leur appartenance ethnique et/ou religieuse ont eu pour effet de les priver totalement de leurs droits fondamentaux. Les nombreux faits décrits participent d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre les Rohingyas, ce qui permet de penser que ces faits, s’ils étaient établis par un tribunal, pourraient potentiellement être qualifiés de crimes contre l’humanité (voir également A/HRC/25/64, par. 51).

C. Violations et exactions commises contre d’autres minorités

56. Le Myanmar a connu des décennies de conflits armés. De portée et d’intensité variables, ils se sont déroulés dans un contexte d’une grande complexité, marqué par de vieilles rancœurs contre le gouvernement central et l’armée à majorité bamare. Les rapporteurs spéciaux successifs ont systématiquement rendu compte des allégations de violations du droit international humanitaire et du droit des droits de l’homme commises dans le cadre de ces conflits. Faute de dispositifs d’établissement des responsabilités adéquats, un climat d’impunité s’est installé, ce qui a eu pour effet d’affaiblir davantage l’État de droit et de saper les efforts de paix et de réconciliation durables. Si la signature d’un accord de cessez-le-feu national constitue un pas important, il ne s’agit que d’un point de départ. Il est capital, afin de s’attaquer aux causes profondes du conflit et aux vieilles doléances des minorités ethniques, de tenir des pourparlers politiques inclusifs associant pleinement les minorités ethniques, y compris les femmes qui les représentent. La proposition qu’a fait le nouveau Gouvernement d’organiser une conférence nationale pour la paix est la bienvenue.

57. Les allégations de violations du droit international humanitaire et du droit des droits de l’homme imputées aux militaires dans le cadre du conflit armé sont les suivantes : attaques délibérées ou aveugles contre des civils, utilisation d’enfants soldats, déplacements forcés, exécutions sommaires de civils et de combattants faits prisonniers, travail forcé, arrestations et détentions arbitraires, torture et mauvais traitements et violences sexuelles.

Des rapports crédibles rendent compte de certaines pratiques, comme le fait que des militaires ordonnaient à des civils de marcher devant eux pour leur servir de « dragueurs de mines humains », la politique consistant à classer certaines zones « zones noires », donnant aux militaires carte blanche pour attaquer ceux qui y vivaient ‒ notamment les civils ‒ en violation du principe de distinction ou la politique consistant à « vivre des fruits de la terre », dans le cadre de laquelle l’armée confisquait les terres, le bétail et les récoltes des civils.

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58. Dans l’État de Kachin et dans le nord de l’État de Shan, où les combats se sont intensifiés, des informations font encore état de violations commises par toutes les parties au conflit (voir A/70/412, par. 50, et A/HRC/31/71, par. 52). En juin 2011, dans l’État de Kachin, la rupture d’un cessez-le-feu de dix-sept ans a entraîné d’importants déplacements de population et, à ce jour, 96 000 personnes sont toujours déplacées. En outre, les combats de 2015 ont causé le déplacement de 100 000 personnes supplémentaires, 80 000 d’entre elles provenant de la zone auto-administrée de Kokang. Des informations crédibles au sujet de violations du droit international humanitaire commises par l’armée font également état d’une absence de distinction entre civils et combattants et de tirs aveugles.

59. Les exactions qu’auraient commises des groupes ethniques armés contre des civils incluent l’enrôlement forcé d’enfants et leur utilisation dans les conflits, les déplacements forcés de populations, la torture, les traitements inhumains et l’exécution sommaire de membres de la Tatmadaw. En outre, il est régulièrement signalé que certains de ces groupes ont recours à des actes de harcèlement, des extorsions et à la détention arbitraire (A/HRC/31/71, par. 52), qu’aussi bien les militaires que les groupes ethniques armés se servent de civils comme porteurs, sentinelles, guides et boucliers humains et que des mines antipersonnel sont utilisées dans des zones où vivent des civils (A/HRC/28/72, par. 31).

60. Des cas de violence sexuelle et de violence sexiste commis par des membres des forces de sécurité du Myanmar contre des femmes appartenant à des minorités ethniques ont été recensés pendant de nombreuses années. Des violences similaires sont encore signalées et sont particulièrement fréquentes dans les zones touchées par le conflit, notamment dans les États de Kachin et de Shan, où des sources dignes de foi signalent des cas de viol, d’esclavage sexuel et de mariages forcés et serviles. Selon certaines informations, les victimes de ces actes sont des femmes et des hommes, des filles et des garçons, y compris des enfants d’à peine sept ans (S/2014/181, par. 37 à 39). Le risque de subir des violences sexuelles semble être plus élevé lors des invasions de domicile, des mouvements de population et des portages forcés. Selon des informations émanant de la société civile, des viols et des actes de torture à caractère sexuel seraient commis dans des bases militaires et des prisons. Les signalements de violence sexuelle augmentent dans les communautés vivant à proximité immédiate des zones où l’on observe une forte présence militaire.

61. On signale régulièrement que dans les zones où vivent des communautés ethniques, les forces armées confisquent des terres en vue d’y construire des baraquements et des camps militaires, que des récoltes y sont confisquées afin de nourrir les soldats, et que ces zones sont transformées en « zones de haute sécurité » interdites d’accès (A/66/365, par. 64). En outre, depuis 2012, de plus en plus de cas de violations des droits au logement, à la terre et à la propriété sont recensés, notamment du fait de déplacements provoqués par des projets de développement. Des entreprises locales poursuivant des intérêts commerciaux privés, qui entretiennent souvent des liens solides avec l’armée, auraient accaparé des terres et procédé à des expulsions forcées. Des années de conflit et de campagnes militaires sans trêve dans les zones où vivent des minorités ethniques ont entraîné des déplacements de population importants dans l’Est du Myanmar et le long de la frontière avec la Thaïlande. Parmi les déplacés de longue date, notamment les plus de 100 000 réfugiés en Thaïlande, beaucoup seraient réticents à l’idée de retourner chez eux, craignant pour leur sécurité en raison des affrontements qui éclatent occasionnellement, de la présence militaire constante, ainsi que des mines terrestres et des munitions non explosées.

62. De grandes inégalités perdurent dans l’accès à l’éducation. Dans les zones où vivent des minorités ethniques, en particulier dans celles touchées par le conflit, les écoles sont dans de nombreux cas fermées ou il est impossible de s’y rendre. Les précédents gouvernements militaires avaient proscrit l’emploi et l’enseignement des langues

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minoritaires dans les écoles et les écoles communautaires non officielles offrant un enseignement dans des langues minoritaires étaient interdites dans certaines régions. De récentes lois relatives à l’éducation nationale, telles que la loi sur l’éducation nationale, ont ménagé un espace pour l’emploi des langues ethniques dans les salles de classe. En outre, l’État et les administrations régionales sont habilités à élaborer et à mettre en œuvre des politiques linguistiques aux niveaux régional et étatique.

63. Pendant de nombreuses années, les communautés chrétiennes du Myanmar ont vu leur liberté de religion ou de croyance restreinte, en particulier dans les États de Chin, de Kachin, de Kayin et de Kayah. Des titulaires de mandat au titre de procédures spéciales ont signalé que des violations des droits de l’homme auraient été commises à l’encontre de chrétiens chins, notamment l’assignation à des travaux forcés pour la construction de monastères et de pagodes, la confiscation de terres, la conversion de force ou sous la contrainte au bouddhisme, la fermeture d’églises ou d’« églises de maison » et la destruction de croix (A/HRC/22/67, p. 127). On a également signalé que des chefs religieux, des missionnaires et des assistants paroissiaux, entre autres, auraient été arrêtés arbitrairement, détenus et torturés (A/HRC/25/74, p. 105). Comme les communautés musulmanes, les communautés chrétiennes disent avoir des difficultés à obtenir l’autorisation de rénover, d’agrandir ou de construire des édifices religieux (voir A/69/398, par. 40).

Évaluation

64. Les informations reçues par le HCDH portent à croire que les groupes minoritaires ont été victimes d’un grand nombre de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits. Dans le contexte des conflits armés, cela fait plusieurs dizaines d’années que des rapports font état d’allégations de violations du droit international humanitaire commises par l’armée et les groupes armés. Si ces violations étaient établies par un tribunal, certaines pourraient constituer des crimes de guerre.

V. Conclusions

65. La situation des Rohingyas et d’autres minorités au Myanmar du point de vue des droits de l’homme est extrêmement préoccupante. Il est impossible d’ignorer l’ampleur et la nature des violations et des atteintes qui ont été signalées ; trop souvent, la discrimination systémique et systématique et les politiques d’exclusion et de marginalisation nourrissent les conflits de demain. Le 25 mars 2013, le Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide a fait valoir que si l’on ne s’attaquait pas aux conséquences immédiates et aux causes profondes de la violence entre les bouddhistes rakhines et les musulmans rohingyas, cela pourrait avoir « de lourdes conséquences, que la communauté internationale s’est solennellement engagée à prévenir ».

66. À l’inverse, s’attaquer aux violations et aux atteintes recensées par le Haut- Commissaire dans le présent rapport pourrait contribuer à ce que tous les habitants du Myanmar vivent dans un environnement sûr et un climat de paix, favorisant ainsi la croissance, la prospérité et la concorde.

67. Le nouveau Gouvernement a le devoir et la possibilité de faire cesser ces violations et ces exactions. Il doit en profiter pour mettre un terme aux politiques et aux pratiques discriminatoires et abroger les lois discriminatoires.

68. Des mesures doivent être adoptées pour rompre le cycle de l’impunité et promouvoir l’établissement des responsabilités dans l’intérêt de la justice, de la réconciliation et de la protection des droits de l’homme de tous les habitants du

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