• Aucun résultat trouvé

La reconstruction entre politiques et cultures urbanistiques. Réflexions à partir de l'exemple de Beyrouth

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "La reconstruction entre politiques et cultures urbanistiques. Réflexions à partir de l'exemple de Beyrouth"

Copied!
19
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: halshs-00957018

https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00957018

Submitted on 7 Mar 2014

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

La reconstruction entre politiques et cultures urbanistiques. Réflexions à partir de l’exemple de

Beyrouth

Éric Verdeil

To cite this version:

Éric Verdeil. La reconstruction entre politiques et cultures urbanistiques. Réflexions à partir de l’exemple de Beyrouth. Waad, une expérience unique?, Jul 2012, Beyrouth, Liban. pp.175-189.

�halshs-00957018�

(2)

1

La reconstruction entre politiques et cultures urbanistiques. Re flexions a

partir de l’exemple de Beyrouth

Eric Verdeil, CNRS/Université de Lyon, Environnement Ville Société

Introduction

Les reconstructions après les guerres constituent un sujet très polémique et politiquement chargé. Le politique apparaît alors à la fois comme une contrainte et comme volonté de changement. Pour autant, les dimensions techniques et propres à la discipline urbanistique ne sont évidemment pas à minorer dans l’app iatio ue l’o peut po te su u p ojet. Tout l’e jeu d’app ie u e

op atio telle ue Waad o siste à t ouve u e a i e e eva le d’a ti ule es deu di e sio s.

Une deuxième remarque préalable à cette analyse est que le jugement porté sur une opération d’u a is e ’est en général pas uniquement lié au contexte et au temps présent. Il fait rarement abstraction des interventions de nature similaire dans des lieux comparables ou dans les mêmes lieux mais à des époques plus anciennes. On en veut pour preuve les débats qui ont entourés la naissance et la ise e œuv e du p ojet “olide e de e o st u tio du e t e-ville de Beyrouth à partir de l’a e . La o ilisatio des opposa ts s’est la ge e t appu e su les pla s et les p i ipes d’u a is e des a es du h ha is e ai si ue su le pla de e o st u tio de , vu o e un projet modèle1. Mais comparaison ne vaut pas toujours raison, et il convient de justifier les critères sur lesquels on peut bâtir une analyse solide. Au-delà de la dimension normative et politique, comparer des reconstructions entre elles pose des problèmes méthodologiques. Il est nécessaire de prendre en compte les différences de contexte politique, notamment la nature du conflit et les rapports de force entre acteurs, de contexte urbain (localisation, nature des destructions, enjeux locaux) et de contexte urbanistique, marqué par les évolutions des conceptions urbanistiques.

Ces deux remarques conduisent à préciser la démarche suivie. Cette communication entend proposer et tester une grille de lecture permettant de comprendre les contraintes et les volontés politi ues à l’œuv e, ai si ue les temporalités et les contextes urbains divers dans lesquels se déploient les reconstructions. Cette grille de lecture articule deux dimensions. La première concerne les politiques de la reconstruction, e ta t u’e p essio des t a sfo atio s du a les des appo ts sociaux nés de la guerre et des destructions (par exemple les migrations,

l’e i hisse e t/l’appauv isse e t de diff e ts g oupes… . Les politi ues de la e o st u tio i pli ue t de o p e d e l’espa e u ai e ta t ue lieu de at ialisatio des appo ts de fo e politi ues, ue e soit à l’ helle i te atio ale, atio ale ou lo ale. La deuxième dimension dans

ette g ille de le tu e o e e les ultu es de l’u a is e. Bish Sanyal définit les planning cultures comme the collective ethos and dominant attitudes of planners regarding the appropriate role of the

1 Voir par exemple : Beyhum Nabil, 1992, « The Crisis of Urban Culture ; The Th ee Re o st u tio Pla s fo Bei ut , The Beirut Review, n°4, pp.43-62; Tabet J., 1991, La ville imparfaite, in Beyhum N. (éd.), Reconstruire Beyrouth. Les paris sur le possible, Lyon, Maiso de l’O ie t, p. 85-120.

(3)

2

state, market forces and civil society in urban, regional and national development 2. Selon nos travaux, il apparaît nécessaire de compléter cette définition e i t g a t à l’a al se les enjeux professionnels p op es au ha p de l’u a is e pa e e ple, les e jeu d’a s à la o a de des différents métiers) et les variations localisées de ces cultures da s l’espa e atio al3.

Nous ett o s e œuv e ette g ille de le tu e pou fai e esso ti les p i ipales si ilitudes et différences entre quatre moments et expériences de reconstruction au centre-ville de Beyrouth et dans le quartier de Haret Hreik concerné par le projet Waad.

Premier axe : les politiques de la reconstruction

Pour caractériser les politiques de reconstruction, six critères sont mis en avant.

La population de référence du projet

Il est d’a o d essai e d’ide tifie la populatio de f e e du p ojet, pa uoi o e te d la population qui est touchée par le projet. Cette catégorie désigne naturellement les habitants et actifs ou entreprises installés dans le périmètre, mais également d’aut es at go ies d’usage s qui

pourraient recours au secteur reconstruit. La définition de la population de référence implique par o s ue t u e d fi itio de l’ helle de a o e e t du p ojet, e ui e voie à la d fi itio de la centralité du secteur e o st uit au sei de l’agglo atio . O peut alo s ide tifie diff e t as de figure.

Certains secteurs se caractérisent par une centralité métropolitaine. Leur reconstruction ne concerne pas seulement les habitants et travailleurs du lieu mais la population de l'agglomération dans sa totalité, voire du pays entier. Dans ce cas, la question de la définition de la vocation des

infrastructures, des services et des espaces publics est posée. En effet, la diversité des populations ciblées peut entraîner des conflits, par exemple entre la population locale et une population

composée de touristes ou d’e pat i s, ou e o e des i vestisseu s et e t ep ises i te atio ales ui

’atte de t pas les es se vi es ue les lo au .L’e lusio de fa to, pa le jeu des o es de construction et ultérieurement, du marché, des catégories les plus fragiles est un risque important de tels projets.

Da s d’aut e as, o a plutôt affai e à u e e t alit de a lieue ou de ua tie , à l’ helle

municipale. La population se définit par son inscription dans la localité et il o vie t d’ide tifie ses besoins et ses pratiques. Mais même dans une telle situation, la définition de la population de référence ne va pas sans poser problème et entraîner de potentiels conflits, et on retrouve le dilemme évoqué ci-dessus.

2Sanyal Bish (éd.), 2005, Comparative planning cultures, New York, Routledge, p.3.

3Souami Taoufik, Verdeil Eric, 2006, Co evoi et g e les villes  : ilieu d’u a istes du sud de la M dite a e, Paris- Beyrouth, Economica/Anthropos - IFPO, 229 p. et Verdeil Éric, 2012, « Michel Ecochard in Lebanon and Syria (1956-1968).

The spread of Modernism, the Building of the Independent States and the Rise of Local professionals of planning , Planning Perspectives, avril 2012, vol. 27, n°2, p. 243-260

(4)

3

Plus glo ale e t, la uestio de la d fi itio de la populatio de f e e e voie à l’e jeu suiva t : au regard de la capacité potentielle des interventions urbanistiques à transfor e l’espa e so ial, dans uelle esu e l’u a is e constitue un outil de démarcation territoriale des groupes sociaux ou confessionnels, excluant de facto certaines catégories de population des lieux reconstruits ?

L'idéologie de référence

L’u a is e est largement un jeu sur les symboles et la construction des identités. Au-delà des o ie tatio s fo tio elles des p og a es d’a age e t, les dis ou s de justifi atio ,

l’esth ti ue g ale ou e tai s âti e ts ou espa es pu li s ajeu s so t po teu s de sens. Ainsi, les projets de reconstruction doivent-ils être particulièrement appréciés au regard de deux

dimensions :

Le rapport à la construction nationale. Le projet favorise-t-il plutôt l’u it atio ale, le brassage des groupes sociaux, ethniques ou o fessio els ui o pose t la populatio d’u pa s ou, au o t ai e, pa ses a age e ts ou les sig ifi atio s u’il po te, d liv e-t-il (parfois implicitement) un message de division et de segmentation ?

Le rapport au monde. L’u a is e o stitue u e forme d'articulation économique et symbolique au monde. Les fo es a hite tu ales et u ai es et les p ati ues u’elles peuvent entraîner jouent sur ce plan un rôle majeur. Le choix de formes urbaines et

architecturales vernaculaires ou internationalisées est à cet égard un bon indicateur. Mais le contenu même des programmes peut également être éloquent : des hôtels et centres commerciaux de luxe, une cité financière, ou d’aut es uipe e ts peuve t a ifeste u e volo t d’adh sio à la o dialisatio apitaliste par exemple.

Le temps de la reconstruction

La di e sio te po elle des e o st u tio s doit s’app he de au ega d de t ois te po alit s spécifiques. On entend par temporalité le caractère de ce qui est dans le temps et on fait l’h poth se que les sujets ou les actions présentent des caractéristiques temporelles qui les différencient les uns des autres4. Ainsi, il convient de distinguer :

Le temps du projet : il peut être rapide, impliquant des changements minimaux de la trame u ai e et a hite tu ale, ou t e plus lo g, o s ue e de t avau plus i po ta ts et d’u dessein plus ambitieux. Les projets de modernisation urbaine, qui se traduisent par des remaniements majeurs de la trame architecturale et urbaine, illustrent généralement cette situatio . Il faut ote u’e g al, u e lo gue histoi e urbanistiques (de nombreux projets et do de o eu he s d’i te ve tio s antérieures) débouche sur des projets plus ambitieux ou du moins plus complexes et donc plus longs à réaliser.

Le temps des destructions et des mutations urbaines est un deuxième élément à apprécier car il joue dans la conception du projet de reconstruction. Des destructions soudaines, qui concernent surtout l’o ga isatio ph si ue de la ville, ’o t pas les es effets ue des dest u tio s ui s’i s ive t da s la du e et ui i pli ue t, au-delà de la destruction physique des bâtiments et des infrastructures, une transformation profonde de la société, dans sa structure sociale (par exemple aves des migrations définitives, des appauvrissements

4Voir, sur cette question, Roncayolo Marcel, 2002, Le tu es de villes : fo es et te ps, Marseille, Éd. Parenthèses, 386 p.

(5)

4

ou des enrichissements de certains groupes, des mutations fonctionnelles irréversibles). Tous es l e ts e de t l’id e de etou à la o ale ou à l’ide ti ue i possible voire

utopi ue. L’id e e d’u e oi e des lieu pe d alo s so se s.

Le passé des projets pour un site donné est une troisième dimension essentielle.

L’a o da e de p ojets et de te tatives a t ieu es d te i e l’e iste e d’une mémoire urbanistique des lieux. Cette dernière se nourrit d’u e se le de volo t s de

t a sfo atio , d’ he s, de efo ulatio s, ave toute u e s di e tatio d’i te tio s de la pa t de p ofessio els et d’a teu s politi ues et o o i ues disposa t de levie s d’a tio . Elle s’oppose au oi es o di ai es des lieu , fo d s su les p ati ues et les

représentations des citadins. La mémoire urbanistique est disponible et mobilisable par les a teu s politi ues et u ai s et va da s le se s d’i te ve tio s plus o ple es ar alimentées de volontés de transformation contrariées qui voient dans le contexte de la reconstruction u e o asio à saisi . I ve se e t, la a et ou l’i e iste e de p ojets a t ieu s sig ifie

u’il e iste peu d’alte atives di les et a gu e t es et pousse à des projets plus conservateurs.

Le tissu urbain projeté

Les caractéristiques du futur tissu urbain du secteur reconstruit représentent un enjeu majeur de la e o st u tio , o jet e g al d’i te ses d ats ui se st u tu e t le plus souve t selo l’a e conservation e odelage, e visag selo les t ois iveau d’a al se de la t po-morphologie : l’a hite tu e, le pa ellai e et le seau viai e.

La reconstruction comme modernisation radicale, la table rase, est en général liée à un profond renouvellement des rapports de force, et implique en retour une altération majeure du tissu social. A l’i ve se, l’urbanisme patrimonial se veut le support de la (re)construction identitaire. Toutefois, l’e e ple de Va sovie illust e ue la e o st u tio «à l’ide ti ue» p o de toujou s au hoi d’u état du passé qui doit servir de référence. E l’o u e e, à Va sovie, la reconstruction du

pa ellai e et de l’a hite tu e du XVIIe et XVIIIe s. impliquait un déni des évolutions sociales de la capitale polonaise et, à t ave s la u te d’u âge d’o a hite tu al et u ai , o stituait u

t oig age d’e altatio atio aliste. Le etou à l’ide ti ue e va do pas de o ple es op atio s de reconstruction du passé, renvoyant à des débats idéologiques et à des rapports de force

politiques non moins structurants que dans le cadre des reconstructions modernisatrices.

Les outils juridiques

Co e pou tout p ojet d’u a is e, une reconstruction implique de choisir des outils juridiques en vue d’avoi u e aît ise fo i e du p ojet et d’assu e u e gestio oo do e du p ojet. Les diff e tes optio s ju idi ues possi les e voie t à des od les d’a tio et de fo tio e e t t s différents.

Sur le plan de la maîtrise foncière, deux enjeux sont liés. Le premier est elui de l’ helle p ati ue des opérations, qui peut être la parcelle, un regroupement limité de parcelles ou un remembrement total de la zone de reconstruction. Le se o d est elui de l’asso iatio des a a ts d oit da s les st u tu es d’a age e t. L’e p op iatio e lut fo elle e t l’a a t d oit, le e e e e t lui o se ve ses d oits, o p is e te es de lo alisatio , la so i t fo i e telle u’elle e iste au Li a t a sfo e l’a a t d oit e a tio ai e. Le appo t du p op i tai e ou de l’a ant droit aux lieux peut être maintenu, dissout ou aboli.

(6)

5

Sur le plan de la gestion urbaine, la question posée est celle de la coordination des travaux, en termes de phasage temporel, de globalité et de transversalité des interventions (cas des voiries et réseaux divers), ai si ue d’u it fo elle t aite e t des espa es pu li s . U e app o he

e t alis e, pa u o ga is e d’a age e t, peut être assurée pa l’i te diai e d’une société foncière mixte, ou d’u e so i t d’ o o ie i te, o e e ui existe en France. Mais une centralisation excessive peut entraîner des risques financiers, une homogénéité médiocre et peu imaginative alo s u’u e gestio plus d e t alis e laisse des a ges de a œuv e et de fle i ilit ,

o e l’e pose Joe Nas e o pa a t les approches de Berlin et Beyrouth dans les années 19905. Un troisième enjeu juridique tient à la prise en compte du temps de la reconstruction. La validation ju idi ue du p ojet futu , pa l’i te diai e d’u pla app ouv selon une procédure démocratique, doit toutefois laisser la porte ouverte à certaines révisions en fonction de la conjoncture économique ou de l’ volutio des p io it s politi ues. Des visio s doivent être possibles, sans pourtant être laiss es à l’u i ue app iatio des a ageus eux-mêmes.

La question du financement

Cette question ne renvoie pas tant à des discussions de techniques financières ou économiques u’à des choix de nature éminemment politique, entre deux pôles qui seraient le marché et la solidarité financières nationale ou internationale.

Le fi a e e t pa le a h i pli ue la e he he d’u uili e, et e plutôt d’u fi e e t e les d pe ses d’a age e t et les e ettes. Le fo ie et l’i o ilie vo t t e alo s adapt s à la demande des clients et des investisseurs. Cette logique de financement par le marché se traduit par une sélection sociale forte, en général au détriment des plus pauvres ou inversement, par concentration des plus pauvres dans les secteurs non valorisés socialement.

Un financement national par les impôts, les subventions (prêts et dons par exemple ou d’aut es formes de solidarité sous iptio ’ li i e t pas le esoi de igueu o o i ue ais pe ette t de d fi i d’aut es o je tifs ue la e ta ilit , et de s’a o ode d’u d s uilibre économique de l’op atio , pa e e ple da s le ut de conserver la population sur place, ou de maintenir en place u pat i oi e a hite tu al peu e ta le deu optio s ui peuve t d’ailleu s t e diffi ile e t compatibles entre elles).

Deuxième axe : les cultures de l'urbanisme

Le deuxième axe de cette grille de lecture des reconstructions repose sur trois critères : le profil des urbanistes, la logique des institutions professionnelles et les expériences et mobilisations

professionnelles. Leur définition sera présentée de manière plus brève que dans la section précédente brève et de manière quelque peu théorique , et débouchera sur une typologie des

ultu es de l’u a is e i pli u e da s les e o st u tio s.

5Nasr J. L., 1996, Beirut/Berlin: Choices in Planning for the Suture of Two Divided Cities, Journal of Planning Education and Research, vol. 16, n°1, p. 27-40.

(7)

6

Profil des urbanistes

En suivant ici les analyses de Gilles Verpraet6, on peut opposer plusieurs manières de pratiquer l’u a is e. U p e ie pôle, le plus lassi ue, est la logi ue de l’e pe tise, as e su la d te tio de savoirs et de savoir-faire spécifiques. Les urbanistes revendiquent alors le monopole dans la d fi itio du o te u des p ojets, e a o d ave les o ie tatio s politi ues, ave le is ue d’u e dérive technocratique. Inversement, la logique de la médiation fait des urbanistes des intermédiaires e t e diff e ts g oupes d’i térêt, par exemple des acteurs économiques, des habitants, etc. Leur

ôle est alo s de t availle à l’ajuste e t de es i t ts diff e ts et de o st ui e des o p o is permettant le lancement de projets.

Ces profils des urbanistes sont directement liés à la structuration nationale et locale de la profession et à la manière dont elle articule différents métiers et spécialisations professionnelles, tels que le

tie d’a hite te, elui d’i g ieu , ou celui de sociologue.

Logique de la commande

La uestio du p ofil des u a istes s’a ti ule t oite e t ave la a i e do t le ha p p ofessio el est st u tu e te es d’organisation de la commande. Deux grandes divisions t ave se t alo s le ha p de l’u a is e. Une première opposition distingue la commande publique de la commande privée. Si celle-ci est logiquement liée à la demande du marché, la commande publique peut être très diverse dans ses attendus. La deuxième oppose logique centrale et logique locale et e voie do à l’ helle d’agrégation des intérêts.

Expériences et références professionnelles partagées

Ce dernier facteur est essentiel pour appréhender les cultures urbanistiques. Il renvoie aux

conditions de socialisation des urbanistes et à la manière dont celles-ci pèsent sur la définition par la p ofessio des e jeu l giti es et su les g a ds f e tiels, u’ils soie t id ologi ues ou

professionnels. A et ga d, il o vie t d’ide tifier les mobilisations professionnelles structurantes de l’e p ie e des u a istes7.

Celles- i peuve t s’i s i e da s le o te te politi ue plus la ge. Pa e e ple, la d olo isatio , le nationalisme et le développement représentaient au Liban des valeurs partagées pour les

p ofessio els de l’a age e t da s les a es - . Da s u aut e egist e, il peut s’agi de mobilisations professionnelles out epassa t les f o ti es. L’adh sio au ode is e e

architecture dans les années 1960 est en un exemple. Le partage de références professionnelles o tes, o e l’e p ie e des villes ouvelles e F a e, o ue à t ave s l’e seig e e t ou la pratique professionnelle, représente une autre illustration possible.

Les effets de génération sont extrêmement forts et prégnants dans la construction de ces références partagées, tant sur le plan politique que professionnel. Ainsi, le fonctionnalisme peut apparaître comme emblématique de la culture professionnelle des années 1950-70 alors que les générations

6Verpraet G., 2005, Les p ofessio els de l’u a is e : so io-histoi e des s st es p ofessio els de l’u a is e. Pa is : Économica, Anthropos, 226 p.

7Voir notamment Souami T., , Lie s i te pe so els et i ulatio des id es e u a is e. L’e e ple des i te ve tio s de l’IAURIF au Cai e et à Be outh, Géocarrefour, 2006, vol. 80, n°3, p. 237-247.

(8)

7

a tuelles adh e t à d’aut es valeu s, telles ue la p ise e o pte de l’e vi o e e t ou elle du patrimoine. Ces conceptualisations dominantes ou partagées dans le milieu professionnel pèsent fortement, quoique de manière implicite, dans les orientations des projets.

Quatre cultures en débat au Liban

Comment ces composantes des cultures urbanistiques jouent-elles, juste e t, da s l’o ie tatio des visio s et des p ojets d’a age e t, et notamment des reconstructions ? Pour le comprendre, quatre types de ultu es p ofessio elles de l’u a is e e ista t au Li a so t d fi ies par la combinaison de ces trois éléments (profil, commande, références). Leur rôle dans les reconstructions que Beyrouth a connues sera ensuite examiné.

La culture étatique. Dans ce premier type, l’Etat est vu o e l’i sta e l giti e de d fi itio de l’i t t g al, et aussi le p i ipal aît e d’ouv age des études. Les urbanistes sont alors des experts. La profession est structurée par des coalitions de métiers, notamment entre les ingénieurs fonctionnaires et les architectes de statut libéral à la tête de leurs bureaux d’ tude. Au Liban, à partir des a es et e vi o jus u’au d ut des années 1990, le chéhabisme, articulant volonté de construction nationale et projet développementaliste, a constitué la référence majeure du milieu professionnel8.

La culture néolibérale. Cette culture valorise le principe du marché et de la concurrence, percevant la ville o e e o u e e ave d’aut es t opoles gio ales pou attirer les investissements générateurs de croissance économique. Cette logi ue o ga ise la ise e et ait de l’Etat comme opérateur par des règles incitatives en termes fiscaux et en promouvant un urbanisme de projet flexible. Dans cette perspective, l’ubaniste est alors souvent le consultant d’un client privé, et privilégie u e app o he fi a i e da s la d fi itio et l’ valuatio du p ojet e plaça t au se o d plan la dimension sociale ou les enjeux urbains (centralité, espaces publics, etc.)9.

Dans la culture municipale, l’u a is e est d fi i da s u e liaiso t oite ave le jeu le to al et suppose donc une prise en compte des intérêts des électeurs locaux. Le peuple e t d’u e municipalité est un enjeu ajeu d’u e ep odu tio politi ue. La satisfaction des intérêts des habitants tout en stabilisant le peuplement do l’ le to at devie t u e vis e ajeu e de l’a tio municipale. La politique des municipalités de banlieue communistes en France est représentative de cette logique : le parti communiste, un parti puissant et organisé, a réussi à se maintenir au niveau local malgré une érosion continue de son influence nationale en répondant aux attentes de sa population en termes de logement, d’e plois da s les se vi es u i ipau , de d fe se de l’e ploi industriel, d’ uipe e ts sportifs, etc. Ainsi, le parti a maintenu une base locale qui lui permet d’avoi u poids politi ue, ota e t à l’Asse l e atio ale, sup ieu à so poids dans la population totale10.

8A ce sujet, voir Verdeil Eric, 2010, Planifier Beyrouth et ses urbanistes: une ville en plan, Beyrouth: Presse de l'IFPO, 362 p.

9Voir à ce sujet les analyses de Pierre-Arnaud Barthel, , Fai e du « g a d p ojet » au Magh e . L’e e ple des f o ts d’eau Casa la a et Tu is , Géocarrefour, 2008, vol. Vol. 83, n°1, p. 25-34.

10Sur ce point, voir Lacoste Y., 1963, Un problème complexe et débattu: les grands ensembles, Bulleti de l’asso iatio des géographes français, 1963, p. 37- et pou u e visio de l’ volutio de es politi ues : Bacqué M.-H., Fol S., 1997, Le devenir des banlieues rouges, Editio s L’Ha atta , p.

(9)

8

Cette culture urbanistique est en cours d e ge e au Li a e lie ave la o t e p og essive des u i ipalit s da s l’a age e t lo al. L’a tivit des urbanistes municipaux est de comprendre la commande politique et décoder les besoins sociaux, puis de les traduire en termes de projets urbains. Les municipalités au Liban manquent aujou d’hui uelle e t de essou es hu ai es et de moyens financiers. Au-delà des a es fo tio ai es u i ipau , l’u a is e lo al repose très la ge e t su l’e gage e t du pe so el politi ue lo al, souve t dot de compétences dans le do ai e de l’a age e t au se s la ge i g ieu s en génie- ivil, a hite tes…11.

La culture participative. Da s les a es de l’ap s-guerre civile au Liban, de nombreuses

o t ove ses o t lat autou de p ojets d’a age e t, u’il s’agisse de la o testatio du p ojet pour le centre-ville de Beyrouth (1991-1995), des conflits sur les questions du patrimoine ou

d’e vi o e e t du Liban (littoral, carrières), etc. Ces débats o t o t l’i t t des ito e s pou les uestio s d’u a is e et leu volo t de s’o ga ise et de pese su la d fi itio des p ojets u ai s. Bie souve t, les olle tifs ui o t e g et o t o test l’a tio de la olle tivit pu li ue ou des pro oteu s o p e aie t des p ofessio els de l’u a is e, souve t jeu es, atta h s à de nouvelles conceptions valorisant la décision démocratique (par opposition à la décision

technocratique ou au diktat des intérêts politico-financiers). Les urbanistes se considèrent ici comme des médiateurs attentifs aux intérêts des habitants et à la promotion de nouvelles valeurs12.

Lectures comparées des projets de reconstruction à Beyrouth

Cette section analyse, au prisme des deux axes de lecture présentés ci-dessus, les quatre épisodes de reconstruction de Beyrouth et sa banlieue, en 1977 au lendemain de la guerre de deux ans, en 1982-

sous la p side e d’A i e Ge a el, à pa ti de ave le la e e t du p ojet o fi e suite à la société Solidere, et enfin avec le cas de Waad, suite à la guerre des 33 jours en 200613.

1977 : premier projet de reconstruction du centre-ville

Le projet de 1977 se caractérise du point de vue des politiques de reconstruction par une idéologie etta t e ava t l’id e de e e une ville orientale méditerranéenne, un mélange des différentes communautés permettant de restaurer la convivialité ; il s’agit aussi d’affi e le ôle de l’Etat, ui est vu o e ga a t de l’u it atio ale.

La population visée se compose principalement des commerçants des souks, et des résidents qui habitaient ces zones-là. Plus largement, le projet prend aussi en compte les intérêts des milieux d’affai es ui désiraient une modernisation du centre-ville.

11Pou u d ptage de l’a tio u i ipale au Li a , voi Farah J., 2011, Différenciations sociospatiales et gouvernance u i ipale da s les a lieues de Be outh : à t ave s l’e e ple de Sahel AlMat AlJa ou i et des u i ipalit s de Chi ah, Ghobeiri et Furn AlChebbak, Université de Liège, 560 p.

12Voir Verdeil Éric, 2012, « Beyrouth : les nouvelles lignes de front de la recherche urbaine », Métropolitiques,

URL : http://www.metropolitiques.eu/Beyrouth-les-nouvelles-lignes-de.html et Verdeil Éric, 2011, « La reconstruction post- 2006 au Liban : un laboratoire pour de nouvelles p ati ues de l’u a is e », Métropolitiques.

URL : http://www.metropolitiques.eu/La-reconstruction-post-2006-au.html.

13Une analyse plus détaillée des trois projets de reconstruction du centre-ville de Beyrouth est disponible dans ma thèse de doctorat, chap. 9 : Verdeil E., 2002, U e ville et ses u a istes  : Be outh e e o st u tio , thèse de géographie, Université Paris I-Panthéon-Sorbonne, 646 p.

(10)

9

Du point de vue des temporalités du projet, on peut noter que si les destructions qui étaient déjà i po ta tes, il ’ avait pas e o e u e pe te de ep e. La gue e ’avait duré que deux ans. Les commerçants et les ayants droit demandaient un retour à la normale très rapide, et la mémoire était encore vive. Mais la conception de la reconstruction portait également la marque de projets

antérieurs, des projets de modernisation datant notamment de l’ po ue chéhabiste, visant à

o ga ise e tai s ua tie s d’affai es de tours et immeubles modernes, comme Ghaghloul et Saifi.

Les urbanistes voulaient un projet rapide mais ils savaient aussi que certains de ces sous-projets allaient être plus longs à réaliser.

“’agissa t du tissu urbain, l’id e p do i ante était une conservation en l’état mais sans véritable patrimonialisation. Aucune protection stricte du tissu urbain e ista t ’était imposée mais certaines mesures, limitant les hauteurs, visaient à empêcher le renouvellement du tissu urbain par la

spéculation. Par contre, certains secteurs étaient appelés à être fortement remodelés, par exemple le long de percées de nouvelles rues ou sur la dalle du port en utilisant des dispositifs variés : remembrements, sociétés foncières et expropriation.

En termes de financement, des indemnités ve s es pa l’Etat e o pe satio des dégâts étaient prévues. Toutefois, le rôle du marché était perçu comme un élément essentiel pour financer le p ojet. O e visageait à l’ po ue de e u ta lisse e t pu li sous o t ôle de l’Etat, et des sociétés foncières mixtes associant les a a ts d oit et l’Etat.

Du point de vue des cultures professionnelles, le projet se situait dans la continuité directe du chéhabisme et promouvait do u e ultu e de l’u a is e tati ue. L’Etat, po teu de la d fi itio de l’i t t g al, jouait un rôle essentiel à travers le ministre des Travaux publics, Amin Bizri, lui- même architecte et urbaniste. La municipalité était officiellement impliquée, et relaiyait les revendications des commerçants. Mais en réalité un comité de supervision composée des professio els lo au hev o s et d te teu s d’u e e pe tise e o ue, oo do ait les consultants français et libanais et assurait véritablement, avec le mohafez (Mitri Nammar) et le

i ist e, l’ la o atio du p ojet. La ep ise de la gue e e p ha sa mise e œuv e.

1982-1986 : deuxième tentative de reconstruction du centre-ville de Beyrouth

Il e s’agit pas à p op e e t pa le d’u ouveau p ojet, ais plutôt d’u e ep ise ave du p ojet suspendu en 1977 avec des mises à jour pour tenir compte des transformations intervenues.

Pourtant, après 1983, les études menées en secret par la firme OGER Liban ont profondément altéré le o te u et les o ie tatio s du p ojet, de so te u’il p pa e la plupa t des o ie tatio s ui se o t adoptées en 1991.

L’id ologie de référence du Président Amine Gemayel est le libéralisme économique, appuyé sur une invocation de la culture marchande libanaise aux origines soi-disant phéniciennes. Le projet de reconstruction constitue une vitrine du projet présidentiel de Amine Gemayel, ui s’appuie su des entrepreneurs comme Joseph Khoury et Rafiq Hariri.

Par rapport au projet de 1977, le projet prend acte du départ durable de nombreux commerces et entreprises, relocalisés à Mar Elias, à Sassine, à Bourj Hammoud ou à Jdeideh, et les nouveaux projets élaborés tout au long des années 1980 se définissent par rapport à une nouvelle clientèle d’habitants aisés, Libanais expatriés ou Arabes du Golfe.

(11)

10

Le p ojet est gale e t a u pa l’agg avatio des dest u tio s, ota e t ave la d olitio o p vue d’u e pa tie des souks pa OGER Li a pou des aiso s soi-disant sécuritaires. De même, le dépotoir du Normandy représente une altération majeure du site. Toutes ces

transformations rendent possibles justifient des projets de modernisation et de densification qui s’appuie t su d’a ie s p ojets ais e e te da t la logi ue. Tout e i e d u etou apide à la

o ale et à l’ide ti ue de oi s e moins envisageable et au contraire pousse vers des transformations majeures.

E te es d’outils opérationnels et de fi a e e t, le ha ge e t d’ helle e visag pou l’i te ve tio pousse à e plo e des solutio s i t g es, et d s , les p e i es es uisses d’u e so i t fo i e glo ale so t ises su la ta le pa OGER Li a . D’aut e pa t, les p ojets i agi s s’o ie te t de plus e plus, da s u e opti ue de fi a e e t pa le a h , ve s la p o otio immobilière de luxe.

Le projet préfigure donc clai e e t l’ e ge e d’u e ultu e oli ale, a u pa l’ e ge e politique et économique de Rafic Hariri et la prépondérance des consultants privés tels que le groupe OGER ta dis ue les ad i ist atio s pu li ues so t a gi alis es. Ces tudes s’effe tue t la ge e t e se et, et sus ite t s peu de d at ap s , où la p esse s’est su tout ouverte aux

controverses sur les enjeux de la conservation et de la mise en valeur du patrimoine archéologique.

1991-… : La reconstruction du centre-ville par Solidere

La reconstruction du centre-ville de Beyrouth par la société foncière Solidere représente un tournant et une référence incontournable da s l’u a isme libanais (et même international). Jamais un

ha tie d’u e telle a pleu ’avait t is e œuv e da s la gio et si aujou d’hui, la

t a sfo atio des villes du Golfe est spe ta ulai e et devie t u e ouvelle f e e, l’op atio conduite par Solidere conserve des spécificités remarquables. Quelle ue soit l’opi io ue l’o peut avoi à l’ ga d de e p ojet, fo e est de e o aît e l’i po ta e et la ualit des alisatio s, la constance des intentions et l’effi a it du t avail e .

Ce projet est lai e e t ep se tatif d’u u a is e néolibéral, marqué par l’id e d’u e

compétition entre villes où Beyrouth veut retrouver sa prospérité face aux autres villes arabes et aux villes du Golfe. L’u des uts ajeu s du p ojet est d’attirer des capitaux arabes au Liban, pensés comme les moteurs du développement national. La stratégie de métropolisation de la capitale libanaise tient lieu de projet économique pour le pays.

La population visée est largement une population extérieure au pays, u’il s’agisse de Libanais expatriés ou des riches arabes. Le retour des ayants droit, des anciens habitants et commerçants,

’est lai e e t pas à l’o d e du jou . Qua t au fugi s ui o t o up les lieu , o o ga ise t s rapidement leur transfert. Le projet met e ava t l’u it atio ale, la o iliatio et la oe iste e communautaire à travers la restauration des monuments religieux. Pourtant, certaines confessions

’o t pas de âti e ts eligieu au e t e-ville, ota e t les hiites. D’aut e pa t, ave le temps, la coexistence des religions devient un face-à-fa e, o e l’e p i e la o u e e des i a ets et des clochers, notamment lors de la construction de nouvelle mosquée jouxtant le mausolée de Rafic Hariri et de la restauration de la cathédrale maronite avec son nouveau clocher. Sur le plan social comme religieu , l’u a is e se le do u i st u e t de seg e tatio plus ue d’u it .

(12)

11

Les temporalités de la reconstruction sont très particuli es. Tout d’a o d, la oi e de la société antérieure est détruite, non seulement à cause des destructions de la guerre ou du fait que les habitants ont refait leur vie da s d’aut es ua tie s ou à l’ t a ge et que les commerçants se sont installés ailleurs, mais aussi bien sûr à ause d’une tabula rasa qui accentue cette rupture des liens avec le passé. Le projet procède à l’amplification d’u e logi ue ode isat i e ui tait d jà e germe précédemment et qui est étendue à l’e se le du p ojet. Qua t au te ps de la

reconstruction, il est vu comme étant très long. A l’o igi e fi à 25 ans, il est désormais étendu à 75 ans.

Le tissu urbain reconstruit se caractérise par une trame urbaine largement remodelée, y compris l’adjo tio d’u e lai de plus ha, et un bâti considérablement densifié pa l’ li i atio de 80% des immeubles existant avant la guerre à l’e eptio de uel ues se teu s o e elui de l’Etoile-Foch ou de Saifi. En revanche, derrière cette violence du projet modernisateur, il faut reconnaître que Solidere a su construire des espaces publics relativement nombreux et de qualité,

e s’ils so t t s surveillés et policés et si les pratiques considérées comme déviantes y sont proscrites.

Enfin, du point de vue de la gestion opérationnelle et du financement, les rênes ont été confiées à une société foncière privée, qui a pu exproprier tous les ayants droit, et qui pratique la spéculation foncière assurant au projet une très forte rentabilité. Sur le plan de la planification, Solidere a pu bénéficier de nombreuses révisions de so gle e t d’u a is e grâce à la bienveillance du Conseil des i ist es, ui a pe is d’adapte le p ojet au esoi s de la so i t , mais parfois au détriment de certains ayants droit ou d’aut es pa ties, o e da s le as de la plage du “ai t Geo ges.

Du poi t de vue des ultu es de l’u a is e, “olide e est e l ati ue de l’ e ge e d’u urbanisme néolibéral marqué par la prépondérance du marché, piloté en interne par les urbanistes salariés de la société et alimenté par de nombreux consultants. Pour autant, il convient de noter les

o ti uit s u a isti ues ave le pass , s olis es pa la pa ti ipatio d’u a istes o e He i Eddé ou comme le groupe Dar al Handasah à la confectio de e p ojet alo s u’ils avaient été asso i s au p de tes tapes. E suite, “olide e a fi i d’u la ge soutie au sei des ad i ist atio s de l’Etat ota e t le CDR , e p essio de la pe a e e d’u e ultu e tati ue de l’u a is e au Li a , légitimant une approche centralisée de ces questions urbanistiques par opposition avec une approche décentralisée où la municipalité aurait une véritable latitude de choix et d’o ie tatio , sa s e pa le d’u e app o he plus pa ti ipative. Toutefois, à cet égard,

l’op atio “olide e a aussi t u atal seu du d at u a isti ue au Li a , où d’aut es visio s de l’u a is e o t pu s’e p i e et apte l’atte tio d’u e pa tie du pu li et des p ofessio els. E

e se s, si “olide e ’est lai e e t pas ep se tative d’u e app o he pa ti ipative, elle a sus it des eve di atio s illust a t l’e iste e d’u e ultu e u a isti ue pa ti ipative, d o ati ue, attentive à des enjeux comme le patrimoine.

2006-2012 : le projet Waad

Le projet de reconstruction Waad présente de nombreuses différences avec les trois projets de reconstruction précédents ui lui vale t aujou d’hui l’atte tio de dive s o se vateu s. A la lu i e de la grille de lecture présentée dans cet essai, on peut interpréter ces différences comme

l’e p essio de e tai s l e ts o te tuels ta dis ue d’aut es el ve t de hoi politi ues ou professionnels assumés.

(13)

12

En premier lieu, la dimension idéologique du projet est très originale et inhabituelle. Il est affirmé très clairement que la reconstruction vise à préserver et à reconstruire la société de Résistance. Plus la ge e t, ette a tio s’i s it da s u e vis e a ti-impérialiste et de critique de la mondialisation néo-li ale, u’e p i ent les choix sur la structure opérationnelle et le refus d’u fi a e e t pa le marché.

Cette orientation idéologique renvoie à des enjeux particuliers en ce qui concerne la politique du peuplement au sein de cet espace. En effet, la population visée est composée des résidents et des commerçants de ce secteur urbain. Dans les projets concernant le centre-ville, le public visé

dépassait les résidents ou acteurs économiques du centre et comprenait nécessairement un horizon métropolitain, national voire international. Rien de tel à Haret Hreik même si l’o e doit pas glige le ôle o e ial du ua tie à l’ ga d des lo alit s e vi o a tes de la a lieue sud. Sur le plan politique, la population se disti gue pa sa fid lit politi ue au Hez ollah, u’elle vote à Haret Hreik même ou dans sa régio d’o igi e. Les modalités de la reconstruction en question sont donc déterminantes pour la légitimité du pa ti. C’est là u e situatio tout à fait o igi ale dans le contexte libanais.

Le temps de la reconstruction ’est gu e o pa a le o plus ave elui des précédentes

reconstructions, sauf peut-être avec la situation prévalant en 1977. Le temps des destructions est la guerre des 33 jours. Cette brève durée fait que contrairement à ce qui pouvait se passer dans les précédents cas, notamment du centre-ville, une mémoire vive des lieux et une volonté très forte de retour immédiat à la normale font sentir leurs effets. Les ge s ’o t pas eu le te ps d’alle fai e leu vie ailleurs au Liban ou à l’ t a ge .

Qua t au te ps du p ojet, l’a itio des espo sa les de Waad a été très clairement énoncée : la rapidité dans le retour à la normale était un objectif prioritaire et pour cela, la reconstruction à l’ide ti ue est vue o e la eilleu e solutio . Elle pe et de e pas pe d e de te ps à des tudes complexes et da s des go iatio s su l’app o atio de ouveau do u e ts d’u a is e. De facto, l’a h ve e t du p ojet en cinq année contraste avec la durée du projet Solidere, où une large partie de la zone à reconstruire est encore vide, pour ne rien dire des remblais.

Un autre élément lié à la temporalité urbanistique joue dans le choix effectué : l’a se e de p ojet urbanistique pour la gio depuis l’ po ue des a es 1960. Encore ne s’agissait-il à l’ po ue simplement que d’u e t a e u ai e t s a ale s’imposant aux propriétaires, et non pas d’op atio s d’a age e t a itieuses telles que la création de centralité nouvelle14. Cette a se e d’id es, de projets en attente, est un élément déterminant dans la décision de reconstruire à l’ide ti ue puis u’il a pas d’alte ative dispo i le qui aurait déjà fait son chemin dans la tête des auto it s lo ales ou atio ales. I ve se e t, les p ojets de e o st u tio pou d’aut es se teu s de l’agglo atio da s les a es i diate e t p de te, Solidere et Elissar, constituent des anti-modèles, des repoussoirs. Comme en témoignent dans cette conférence même les

présentations des responsables du projet, ou les écrits de Rahif Fayad, le projet Waad a été conçu pou t e o e l’i ve se de “olide e su le pla idéologique, sur le plan du rapport aux habitants, du point de vue de la rapidité du projet, etc… De e, l’e p ie e d’El ssa est gale e t pe çue

14Mentionnons, pour mémoire, les projets de Cités gouvernementales présentés par Ecochard en 1961, non avalisés par le gouve e e t de l’ po ue, do t e tai es i pla tatio s taie t p vues à Ha et H eik voi E i Ve deil, , Beyrouth et ses urbanistes. Une ville en plans (1943-1975), Beyrouth : P esses de l’IFPO, p. .

(14)

13

gative e t puis ue e p ojet ’a ja ais t is e œuv e e aiso à la fois des d sa o ds ave le gouvernement quant à ses objectifs et à sa conduite, et parce que le remodelage majeur envisagé

’au ait pas pe is u eloge e t i t g al des ha ita ts et se serait révélé très coûteux.

Le tissu urbain se caractérise, en conséquence des choix effectués au nom de la reconstruction « à l’ide ti ue », pa des odifi atio s t s i eu es o e a t esse tielle e t l’a hite tu e. La trame urbaine et parcellaire a été conservée à de très mineures exceptions près. Quelques

améliorations ponctuelles ont été réalisées (trottoirs, stationnement). Ceci signifie que globalement, à part les espaces publics existants, tel que les trottoirs, aucune création de nouveaux espaces pu li s ’a t faite alg l’e t e de sit du ua tie . O a do i i largement reproduit le ma ue de ualit de l’espa e u ai .

Une autre très grande originalité du projet Waad concerne le financement et les outils opérationnels.

Waad est parfois présentée comme une ONG, une organisation non-gouve e e tale. C’est formellement vrai : Waad est liée à Jihad al-Binaa, une association. Mais o pou ait plutôt di e u’il s’agit d’u e a atio d’u pa ti politi ue t s st u tu et t s p ofessio alisé. Or, ce parti est par ailleurs très implanté, de manière officielle, sur le territoire, à travers les municipalités en particulier : ce point contribue à différencier Jihad al-Bi aa et do Waad d’aut es organisations sans lien

organique avec les instances politiques et administratives. Cette structure a assuré avec compétence et efficacité le suivi et la coordination des projets, ainsi que la gestion du chantier.

Le financement du projet Waad présente une autre originalité dans le contexte libanais : il repose e lusive e t su des t a sfe ts fi a ie s et ’i lut au u autofi a e e t pa le iais du marché.

La e o st u tio , d’u oût total d’e vi o M$, est assu e pou u peu oi s de la oiti pa des indemnités versées par le gouvernement en réparation des dégâts (dont une partie relativement importante reste encore à débloquer à la date de juillet 2012). Ces indemnités sont aussi,

i di e te e t, l’e p essio d’u e solida it internationale à l’ ga d du Li a o f e es de Stokholm et de Paris III en 2006 et 2007). Mais le restant du coût est directement couvert par Waad, qui tire le financement supplémentaire du Hezbollah et de ses propres réseaux de soutien parmi ses alliés ou ses partisans dans le monde.

U e aut e pa ti ula it t s e a ua le, et assez t a ge pou l’o se vateu e t ieu , est le ad e légal de la reconstruction. Malgré le décret n°631 d’août du gouvernement autorisant la

e o st u tio à l’ide ti ue, le p ojet s’a h ve sa s u’u e loi ’ait e o e t vot e pa le Parlement pour régulariser a posteriori les projets, même si les urbanistes se sont efforcés de

espe te les gles e ista tes p de e t, ’est-à-dire les alignements, les permis de construire ou les permis de régularisation antérieurs. Cette situatio est t s p o upa te puis ue, ta t u’u e telle loi ’a pas t app ouvée, les ayants droit restent légalement privés de leurs droits et

ota e t de l’e egist e e t de leu s ie s au adast e, ave toutes les ga a ties et les protections y afférant.

Du point de vue des ultu es de l’u a is e au Liban, l’o iginalité de Waad e ta t u’o ga isatio non gouvernementale ’est pas ta t d’ t e u e asso iatio ue d’ t e sa s lie ave le

gouvernement e ta t u’i sta e politi ue et ave les ad i ist atio s de l’Etat e t alis . L’e p ie e de Waad o t e u’o peut fai e de l’u a is e au Li a sa s l’Etat et même contre l’Etat. A et ga d, la e o st u tio de Ha et H eik p se te eau oup d’a alogies ave l’a tio urbaine dans les banlieues rouges, fiefs du Parti communiste français dans les grandes

(15)

14

agglomérations françaises au se s où l’o je tif p io itai e de l’a tio des u i ipalit s o u istes est la stabilisation du peuplement, qui passe par la réponse aux attentes des habitants en termes de loge e t et d’ uipe e ts lo au de ase assez li it da s le as de Waad, il faut le reconnaître).

De e poi t de vue, l’e p ie e de la e o st u tio de Ha et H eik s’i s it e effet da s une logique de type municipal. Natu elle e t, il e s’agit pas v ita le e t d’u e o ga isatio

u i ipale au se s st i t ais elle s’e approche. Cette situation semble presque unique au Liban, car il existe t s peu de p ojets d’u a is e e g al ou de e o st u tio e pa ti ulie où la légitimation politique est directement recherchée par la construction du cadre de vie.

Les responsables de Waad mettent également en avant la participation des habitants à

l’a age e t de leu loge e t et de leu s i eu les. Toutefois, si ce point est original, il ne faut pas e e ag e la po t e puis ue la pa ti ipatio ’a pas po t e su la o eption urbanistique plus la ge, telle ue l’o ga isatio des espa es pu li s ou la a age e t du pla de ville, va ia les

lo u es d s l’o igi e du p ojet pa les o t ai tes politi ues.

Conclusion

Da s le ad e d’u atelie a a t pou o jet l’app iatio du projet Waad, présenté non sans raison comme « une expérience unique », sa ise e pe spe tive pa appo t à l’histoi e des

e o st u tio s à Be outh o stitue u o je tif i po ta t. Toutefois, u tel e e i e ’est pas sa s risque en raison des d ats o eu ui o t e tou es e o st u tio s et ui ’o t ess de les

o pa e , de les oppose ou de les app o he , à pa ti de egist es d’a gu e tatio ultiples, (géo)politiques, sociaux, architecturaux ou urbanistiques.

C’est pou uoi le p e ie o je tif ue s’est assig ette o u i atio a t la o st u tio d’u e g ille de le tu e diff e ia t deu a es d’a al se et, su ha u d’eu , ide tifia t u e s ie de

it es. L’i t t de ette g ille est de fai e esso tir les similitudes et les différences, et de les classer en fonction de différents facteurs, comme les options idéologiques des concepteurs ou des

o a ditai es politi ues, le o te te g og aphi ue de la e o st u tio , l’histoi e des lieu ta t du point de vue de la pe eptio u’e o t les ha ita ts ue de l’histoi e u a isti ue, la atu e des dest u tio s et les t a sfo atio s so iales u’elles o t e t aî es, ou e o e les ultu es urbanistiques, qui conditionnent également la manière dont un projet est défini.

Cette grille de lecture a une portée potentiellement plus large que le cas libanais, mais pour les besoins de la démonstration, elle est ici appliquée à deux niveaux : en premier lieu, à travers la définition des cultures urbanistiques libanaises en général, et à un second niveau, à travers l’appli atio à uat e p ojets de e o st u tio , do t deu seule e t o t elle e t o u u e

ise e œuv e.

A l’issue de ette a al se, l’o igi alit de l’e p ie e de Waad doit t e o p ise de a i e nuancée et selon plusieurs logiques explicatives.

A un premier niveau, Waad apparaît comme une expérience unique par une double volonté politique et idéologique : à la diff e e ota e t de l’e p ie e “olide e, il s’agit d’u e e o st u tio ui cible les habitants et commerçants du quartier et entend leur permettre de revenir y résider, en conservant la mémoire des lieux. Pour cela est privilégiée une reconstruction le plus proche possible de l’e ista t, da s u e app o he o o e iale. Ce faisa t, plus largement, les responsables du

(16)

15

projet entendent préserver et reconstruire la « société de résistance ». A travers cet acte, la

e o st u tio p e d u se s g opoliti ue d’oppositio à Is aël et, au-delà, à leurs alliés américains, et un sens idéologique de refus de la mondialisation néolibérale – ce qui est une autre manière de marquer la différence entre Solidere et Waad, par exemple en refusant une société foncière et le financement du projet par le jeu du marché foncier.

Mais l’a al se e e pe et gale e t de soulig e d’aut es d te i a ts de l’o igi alit de Waad qui relèvent oi s de la volo t politi ue ue d’ l e ts de o te te g og aphi ue, urbain ou historique. La localisation e de Ha et H eik da s l’agglo atio t a sfo e les e jeu de la

e o st u tio . Ce ua tie ’a pas de vo atio à la e t alit à l’ helle de l’agglo atio , ce qui li ite les possi ilit s d’e t a sfo e p ofo d e t les st u tu es. De e poi t de vue, l’i e iste e d’alte atives u a isti ues est sig ifi ative. O peut sa s doute voi la a ue de l’ou li de l’Etat pour le développement de la banlieue sud de la capitale. Mais de fait, aucun autre futur que le retour à l’e ista t ’ tait d s lo s e visagea le. E suite, le lie politi ue t s pa ti ulie e istant entre le Hezbollah et les résidents de la localité o stituait u f ei à toute te tative d’alt atio p ofo de du quartier et à toute initiative qui aurait retardé le projet et donc le retour des habitants. En outre, la soudaineté des destructions (33 jours) était u e aut e aiso pou s’e te i à u p og a e de

etou à l’ tat i diate e t a t ieu : le lie e t e les ha ita ts et leu s lieu de vie ’ taie t pas diste dus, la oi e estait vive et o ouill e pa d’aut es e p ie es.

A bien des égards, des analogies existent entre le contexte de Waad et celui de la reconstruction du centre-ville de Beyrouth en 1977. Toutefois, deux facteurs sont différents et ils soulignent le poids de ce qui a ici été dénommé les cultures urbanistiques. En effet, en 1977, il existait de nombreuses attentes de transformation du centre-ville po t es pa l’ad i ist atio et les e pe ts de l’u a is e libanais. Si le projet de 1977 était en bonne partie un projet de retour à la normale et de

o se vatio de l’e istant, il incluait aussi un désir de modernisation que la poursuite des destructions et la transformation de la société urbaine (notamment par les migrations) allait progressivement conduire à accentuer jus u’à l’alt atio uasi-complète des lieux mise en œuv e par Solidere.

Le deuxième grand facteur de différence entre le projet Waad et le projet de 1977 tient à la place de l’Etat da s l’u a is e li a ais. E , da s la o ti uit du p ojet h ha iste, les e pe ts e charge du dossier étaient les repr se ta ts d’u e ultu e tati ue de l’u a is e. Cette culture faisait de l’Etat et de sa te h o atie les d te teu s l giti es de la apa it à d fi i l’i t t g al, au nom de leurs compétences professionnelles et de leur perception des besoins économiques du pays et de la ville. Avec le projet Waad, cette culture étatique est largement remise en question.

D’u e pa t pa e ue l’Etat appa aît, au eu du Hez ollah, o e te u pa des adve sai es politiques visant à servir avant tout des intérêts de classe et des visions stratégiques avec qui aucun

o p o is e se lait possi le. D’aut e pa t, pa e u’appa aît au Li a la eve di atio d’u e p ati ue de l’u a is e o -gouvernementale, décentralisée, plus proche des aspirations des ha ita ts. L’ e gence récente des municipalités libanaises illustre ce mouvement, même si cela

’est pas sa s li ite i o t adi tio . L’appa eil asso iatif a a t du Hez ollah a su se saisi de es aspirations, auxquelles se sont associés de nombreux professionnels extérieurs au parti lui-même.

Waad résulte de cette mobilisation qui est à la fois professionnelle et territorialisée au sens où les institutions du Hezbollah, telles Jihad al-Binaa sont-elles es fo te e t i s ites da s l’espa e de

Références

Documents relatifs

Toutefois, un tiers peut aussi agir contre le débiteur sur le fondement des règles de la responsabilité contractuelle, en se soumettant le cas échéant aux

Mais toute sa vie elle aspire à un ailleurs mythique et quand, enfin, le docteur, à l’indépendance, propose de lui donner sa maison, elle refuse le cadeau malgré

Analyse du total des informations correctes produites au Questionnaires Q1 et Q2 Nous analysons, tout d’abord, le total des réponses correctes aux questions portant sur la base de

Cette intervention, consacrée à la revivification de la langue arabe par une approche plurilingue, sera étayée par le biais de deux cas d’étude, l’un se rapportant

L’énoncé [dxelt kursi] (U.C 6) marque un dysfonctionnement au niveau de la fonction du contexte, parce que l'expression est étrangère au thème abordé, ce qui reflète

Rôle de la linguistique fonctionnelle dans l’adaptation des tests de langage français, à la langue arabe : exemple d’un protocole.. ZELLAL Nacira En Algérie,

(1985) étudient 53 enfants hémiplégiques divisés en 3 groupes selon que la lésion est survenue dans la période prénatale, dans les 2 premiers mois de vie ou après 5 ans

D’une certaine façon, William Booth introduit la légitimité de la lutte contre la pauvreté pour elle-même, au nom des droits de l’homme au rang desquels figure le droit