• Aucun résultat trouvé

Au travail, femmes et hommes, même destin ?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Au travail, femmes et hommes, même destin ?"

Copied!
11
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: halshs-02353444

https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02353444

Submitted on 7 Nov 2019

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Au travail, femmes et hommes, même destin ?

Laure Bereni, Catherine Marry

To cite this version:

Laure Bereni, Catherine Marry. Au travail, femmes et hommes, même destin ?. Manuel indocile de

sciences sociales. Pour des savoirs résistants, La Découverte, 2019, 2348045699. �halshs-02353444�

(2)

Au travail, femmes et hommes, même destin ?

Laure Bereni (sociologue, CNRS) et Catherine Marry (sociologue, CNRS)

Remerciement à Jean-Loup Rougery (professeur de sciences économiques et sociales)

Notice parue dans Fondation Copernic (dir.), Manuel indocile de sciences sociales Pour des savoirs résistants, Paris, La Découverte, 2019.

« Viens voir maman, papa travaille. »

Les femmes et les hommes travaillent-ils autant ? Exercent-ils, et elles, les mêmes métiers ? Ont-ils et elles les mêmes possibilités de gagner plus, ou de changer de vie ? Et sinon, pourquoi ? Mais au fait, qu’est-ce que le travail ?

Pour répondre, il faut introduire une notion centrale, celle de division sexuée du travail. Elle décrit le fait que, dans toutes les sociétés, femmes et hommes sont assignés à des tâches différentes et inégales. La prise en compte des activités accomplies par les femmes bouscule notre vision ordinaire du travail. Elle conduit à y inclure le travail gratuit et invisible, effectué dans la famille et ailleurs. Nous mettrons ensuite en évidence l’accès inégal des femmes et des hommes à l’emploi. Enfin, nous aborderons la segmentation horizontale (entre métiers, secteurs…) et la segmentation verticale (en termes de statut, de rémunération, de pouvoir) qui continuent de prévaloir massivement dans le monde du travail, malgré des évolutions qui lézardent ces tendances lourdes.

Une loi sociale tenace : la division sexuée du travail

La division sexuée du travail, mise au jour dans de nombreux contextes culturels et

historiques, désigne l’assignation prioritaire des hommes au travail productif et des femmes

(3)

au travail reproductif. Ils conçoivent et fabriquent des objets et des œuvres, érigent des cathédrales, défendent leurs territoires et apportent les revenus principaux de la famille ; elles mettent au monde les enfants et se doivent d’assurer le bien-être du foyer et le repos du guerrier. Leur travail professionnel est secondaire, leur salaire un appoint. Cette division est hiérarchisée : la cathédrale laisse plus de traces, même partie en fumée, que le flux ininterrompu des travaux domestiques et le soin quotidien des corps et des âmes. Mais comment cette loi sociale s’impose-t-elle ? Elle repose souvent sur des tabous, tel celui qui interdit aux femmes la fabrication et l’usage des armes, ou sur des mythes, comme celui du génie masculin et de sa muse féminine. Elle a été historiquement justifiée par des argumentaires essentialistes, c’est-à-dire considérant comme immuables les qualités associées à chaque sexe : force et rationalité du côté des hommes, émotivité et souci des autres du côté des femmes, au nom de la religion d’abord, puis de la science à partir du

XVIII

e

siècle (différences biologiques, psychologiques, neurologiques…).

Les tâches attribuées aux femmes et aux hommes varient au fil du temps. Certains métiers, qui apparaissaient impossibles à confier aux femmes, se sont féminisés, tandis que d’autres, largement ouverts aux femmes, leur ont été par la suite fermés. Les premiers secrétaires tapant à la machine étaient des hommes avant que le métier ne s’ouvre massivement aux femmes (au début du XX

e

siècle). L’informatique était considérée comme un « métier de femmes » à ses débuts. Elle est aujourd’hui perçue comme un métier d’hommes. Inversement, il était inimaginable au début du siècle qu’une femme puisse être avocate, ou juge.

Ainsi, l’histoire montre que les justifications de la division sexuée du travail sont arbitraires. Aucun outil, aucune technique, aucun apprentissage n’a un sexe « naturel ».

Mais, dans la quasi-totalité des sociétés, les femmes tendent à exercer des tâches dont les hommes ne veulent pas.

La famille, lieu de travail gratuit

La vision dominante du travail, qui le réduit au travail rémunéré, s’est imposée

depuis la révolution industrielle. Elle masque une grande partie des activités de travail

(4)

accomplies par les femmes, principalement au sein de la famille, sans rémunération et en dehors du domaine marchand. S’occuper des enfants ou de ses parents âgés, cuisiner, laver et repasser le linge, faire le ménage et les courses : ces activités constituent du travail, même si elles peuvent (aussi) être accomplies au nom de l’amour. Considérer ces activités comme du travail est une petite révolution. Cela conduit à remettre en cause des expressions comme « mères inactives », « femmes au foyer », et à apprécier sous un nouveau jour la contribution des femmes à l’activité économique. Cette contribution est mesurable, car le travail domestique a un « substitut marchand » (on peut calculer le coût de réalisation de ces tâches si les femmes ne les effectuaient pas gratuitement). Ainsi, en 2009, une femme

« inactive » accomplit 6 h 33 de travail domestique par jour

1

, soit 45 h 30 par semaine.

Certes, le travail domestique des femmes s’est fortement réduit, depuis les années 1960, au fil de leur progression dans l’emploi salarié, et grâce à Moulinex et autres appareils ménagers. Mais, à tous les âges, elles en font toujours deux fois plus que les hommes. En France, de 1986 à 2010, ceux-ci n’ont accru que de treize minutes par jour leur participation aux tâches domestiques. Certes, les jeunes pères d’aujourd’hui sont souvent plus soucieux d’une proximité affective avec leurs enfants et leur consacrent plus de temps que leurs propres pères. Mais ces activités sont le plus souvent ludiques – balades, lectures du soir, matchs de foot. Les « nouveaux pères » restent minoritaires.

Les femmes ne sont pas égales face au travail domestique. Celles des milieux privilégiés ont les moyens de le déléguer à des personnes rémunérées, qui sont en très grande majorité des femmes, souvent immigrées. Mais cette délégation ne peut jamais être totale, et c’est sur les femmes que repose la « charge mentale » de ce travail domestique (suivi des devoirs, organisation des vacances et des activités scolaires, recrutement de la nounou ou de la personne qui fait le ménage, etc.). On parle ainsi souvent de « double journée » de travail pour les femmes qui exercent une activité professionnelle. Déchargés de ces tâches et soucis domestiques quotidiens, les hommes peuvent plus facilement faire carrière et répondre aux exigences du « travailleur modèle », dévoué à son métier ou à son entreprise.

1. Guillaume Allègre, Victor Bart, Laura Castell, Quentin Lippmann et Henri Martin, « Travail

domestique : les couples mono-actifs en font-ils vraiment plus ? », enquête « Emploi du temps »

2009-2010.

(5)

Un accès inégal aux emplois

Contrairement à ce qu’on entend souvent, le travail des femmes n’est pas un phénomène récent. Les femmes ont toujours travaillé. Leur participation au travail marchand a longtemps été sous-estimée par les statistiques. Par exemple, le recensement de 1891 décompte 11,6 millions d’actifs et 5,6 millions d’actives, alors que la prise en considération des femmes travaillant dans l’agriculture, le petit commerce et l’artisanat conduit à une estimation de 8,1 millions d’actives.

Ce qui est nouveau depuis les années 1960, c’est l’entrée massive des femmes dans le salariat, principalement de service. Depuis quarante ans, l’essentiel de l’accroissement de la population active est dû aux femmes, et elles constituent, en 2018, près de la moitié des actifs.

Pour les mères, le modèle dominant aujourd’hui en France est celui du « cumul » entre charges familiales et activité professionnelle : 84 % des femmes de vingt-cinq à quarante-neuf ans en couple avec deux enfants sont actives. On observe la même situation dans d’autres pays d’Europe, avec des variations. En Allemagne et au Royaume-Uni, les femmes interrompent plus souvent leur activité professionnelle pendant quelques années, quand leurs enfants sont en bas âge. En France, le maintien des mères de jeunes enfants dans l’emploi a été encouragé par des politiques familiales : incitations fiscales pour le recrutement d’assistantes maternelles et de nounous, création de crèches publiques…, même si cela ne concerne qu’environ 30 % des enfants, majoritairement issus des classes moyennes et supérieures. En France, les deux tiers des mères, entre vingt-cinq et quarante-neuf ans, et en couple, sont actives. Le taux d’activité chute seulement pour celles ayant trois enfants ou plus. En revanche, les taux d’activité des hommes sont insensibles au nombre d’enfants, ce qui atteste la persistance du modèle de « monsieur gagne-pain ».

Si l’emploi des femmes (et des mères) est devenu la norme, les statuts diffèrent

toujours. En particulier, le temps partiel reste une affaire de femmes. En France, 30 %

d’entre elles travaillent à temps partiel, contre moins de 7 % des hommes, si bien que cette

forme d’emploi est à 80 % féminine. Son essor date des années de crise (années 1980). Il est

(6)

le plus souvent imposé par les employeurs à des femmes jeunes, peu ou pas diplômées et migrantes. Les figures emblématiques sont les caissières et les aides à domicile. Il s’accompagne d’horaires atypiques (incompatibles avec les rythmes de la vie familiale), de bas salaires, de contrats précaires (CDD). Il constitue ainsi une source de pauvreté et de sous- emploi pour les femmes. Le temps partiel « choisi » pour des raisons de « conciliation » avec la vie de famille concerne des femmes plus qualifiées, dans des emplois stables, souvent dans le secteur public.

Enfin, à tous les âges et pour toutes les catégories sociales, le chômage frappe plus les femmes que les hommes. Cette tendance, observée tout au long des dernières décennies, s’est inversée en 2017 du fait de la forte progression du chômage des hommes non qualifiés (8,8 % des hommes actifs et 8,4 % des femmes actives sont au chômage en 2017 au sens du Bureau international du travail). Mais ces chiffres sous-estiment le sous-emploi des femmes : de nombreuses « inactives » sont en fait des chômeuses découragées.

Des interdits juridiques à la ségrégation sexuée des métiers

Des interdits juridiques ont longtemps contribué à figer la division sexuée du travail.

Jusqu’aux années 1960, filles et garçons fréquentent des écoles séparées et reçoivent des enseignements différents et d’un moindre niveau (en mathématiques notamment). La plupart des grandes écoles (Polytechnique, HEC…) et certains corps de fonctionnaires (par exemple, dans la police et dans l’armée) se sont ouverts aux femmes, sous la pression des mouvements féministes, dans les années 1970.

Les filles ont alors réussi à briser des monopoles masculins très anciens dans le monde de la magistrature, de la médecine, des ingénieurs et, plus étonnant encore, dans celui de la police.

Et pourtant, aujourd’hui encore, dans toutes les sociétés, femmes et hommes continuent à exercer des métiers différents et inégalement valorisés.

La segmentation sexuée commence dès la scolarité. Alors que les filles réussissent

mieux que les garçons à l’école, puis à l’université, leurs orientations scolaires et

professionnelles diffèrent : aux jeunes femmes, les CAP et bac pro de service et de soin, aux

(7)

garçons, les filières techniques industrielles. Dans l’enseignement supérieur, l’hégémonie des garçons se maintient dans les écoles d’ingénieur et se renforce, ces dernières années, en mathématiques et informatique. Les filles restent très majoritaires dans les filières littéraires, artistiques et de sciences humaines. Or, ces différentes spécialités sont hiérarchisées : les filières centrées sur les apprentissages des mathématiques et de la physique offrent un accès privilégié aux emplois plus valorisés.

Cette ségrégation sexuée des filières de formation se prolonge et s’intensifie dans la vie professionnelle. Non seulement certains métiers et secteurs restent fortement féminisés, et d’autres fortement masculinisés, mais les femmes restent aussi concentrées dans un nombre plus restreint de métiers que les hommes. Dans les métiers de soin (care) : aides-soignantes, infirmières, éducatrices de jeunes enfants, assistantes sociales, psychologues, médecins scolaires. Dans les métiers « de papier » : secrétaires, caissières, bibliothécaires. Dans les métiers de l’éducation : enseignantes du primaire (82 %), du secondaire (57 %) et beaucoup moins souvent du supérieur (37 %), en 2016. Les hommes occupent une palette plus large de métiers dans l’industrie – ouvriers, techniciens, ingénieurs – mais aussi dans le bâtiment, l’agriculture, les services (chauffeurs, informaticiens, consultants…) et sont surreprésentés dans les fonctions les plus valorisées dans tous les secteurs.

Les femmes ont des qualités, les hommes des qualifications. Les métiers et domaines d’activité des femmes sont ainsi moins valorisés. Emblématiques parmi ceux-ci, les métiers du care, relatifs aux soins et à la prise en charge des jeunes enfants et des adultes dépendants.

Perçus comme prolongeant le rôle, les valeurs et les « qualités naturelles » associées aux femmes dans la sphère privée (instinct maternel, patience…), ils ne nécessiteraient aucune compétence formelle, aucune qualification digne d’être rémunérée.

L’accent souvent mis sur la dimension « relationnelle » de ces métiers conduit à

ignorer leur pénibilité physique : éducatrices de crèche, aides-soignantes, hôtesses de l’air ou

caissières manipulent et déplacent quotidiennement des personnes et des choses lourdes

(équipements, enfants, patients, marchandises, bagages…). Enfin, ces tâches typiquement

féminines supposent l’accomplissement d’un « travail émotionnel » (manifestations

continues d’empathie, d’affection, de bienveillance…), qui repose sur des efforts continus et

n’a rien de naturel ou d’inné.

(8)

Pourquoi une telle inertie ?

En dépit d’un idéal égalitaire de plus en plus affirmé et de l’ouverture de toutes les formations et de tous les métiers, filles et garçons ne sont toujours pas traités de la même manière, dans les familles comme à l’école, puis dans les entreprises. Les filles sont incitées à poursuivre leurs études autant que leurs frères, en vue de l’exercice d’un métier, mais les exigences des parents et des enseignants en termes de réussite professionnelle restent plus fortes pour les garçons. Dès leur plus jeune âge, les filles sont moins autorisées que les garçons à prendre des risques physiques et à exprimer leur colère ; elles sont plus incitées en revanche à s’exprimer verbalement et à prendre soin des autres.

Les jouets renforcent ces habiletés différenciées. Les jeux de construction encouragent les habiletés visio-spatiales, mécaniques et d’exploration de l’environnement des garçons, ou l’affirmation d’une domination sur « l’extérieur » (jeux de guerre, de construction, etc.). Les jouets des filles (poupées) incitent plus aux interactions verbales et les renvoient souvent à « l’intériorité » et aux univers domestiques (ou à des mondes qui prolongent l’univers domestique).

La cour de récréation des écoles primaires est un observatoire privilégié de la séparation des sexes et de la domination des garçons : ils occupent un plus grand espace pour leurs jeux de ballon et de guerre, en criant et se lançant des défis. Elles jouent à la périphérie, calmement, en duos ou trios, dans un strict respect des règles. Les livres et les albums destinés aux enfants participent à figer ces imaginaires sociaux : les hommes pensent (chercheurs), dirigent (chefs), combattent le feu (pompiers). Les femmes assistent (le médecin) ou accueillent (hôtesses).

On se représente souvent l’école républicaine, mixte depuis les années 1960, comme

un lieu de neutralité, notamment du point de vue du genre. Pourtant, cet espace contribue

fortement à forger des destins professionnels divergents pour les femmes et les hommes. Des

observations de cours de mathématiques en primaire comme dans le secondaire montrent

ainsi que le niveau d’exigence des enseignants vis-à-vis des garçons est supérieur à celui

attendu pour les filles.

(9)

Dans le monde du travail, ces stéréotypes sexués sont reconduits par les employeurs.

Les politiques de gestion sexuée de la main-d’œuvre se fondent, en effet, sur des représentations et des attentes différenciées selon le sexe : moindre disponibilité professionnelle, incompétence technique et qualités relationnelles du côté des femmes ; habiletés techniques, créativité, capacité à commander du côté des hommes.

La mixité n’est pas l’égalité

Depuis les années 1970, la réussite scolaire des filles, la levée des barrières juridiques, l’évolution des représentations sur le sexe des métiers ont conduit à la féminisation de certains d’entre eux. Les figures de femmes commissaires ou ingénieures, par exemple, sont devenues banales (même si elles sont statistiquement minoritaires).

Mais mixité ne veut pas dire égalité. La féminisation concerne surtout les professions supérieures et, au sein de celles-ci, des domaines d’activité particuliers. Par exemple, au sein de la magistrature, ouverte aux femmes en 1946 et où elles sont aujourd’hui majoritaires, elles représentent 72 % des juges pour enfants et 40 % des juges d’instruction. Dans les métiers restés masculins, elles font souvent l’expérience du sexisme et du harcèlement. C’est le cas des femmes dans la police qui doivent composer avec la culture professionnelle exaltant la virilité, notamment dans les coulisses du travail policier (pots arrosés, blagues sexuelles, etc.). Ce harcèlement est observé aussi dans les contextes professionnels féminisés, dans lesquels les hommes monopolisent les positions de pouvoir (activités artistiques, journalisme, publicité…), comme l’a révélé le mouvement MeToo.

Enfin, dans tous les secteurs, on constate la présence de discriminations, c’est-à-dire

d’inégalités de traitement entre les femmes et les hommes, notamment en matière de

rémunération. En France, aujourd’hui, les femmes gagnent en moyenne 27 % de moins que

les hommes. Si cet écart brut s’explique en partie par la répartition des deux sexes dans des

métiers inégalement valorisés et par le fait que les femmes travaillent plus souvent à temps

partiel, une partie de cet écart (environ 10 %) s’explique par de la « discrimination pure » :

les femmes et les hommes, à travail égal, touchent un salaire inégal.

(10)

Le « plafond de verre »

La ségrégation sexuée sur le marché du travail n’est pas seulement « horizontale » (femmes aides-soignantes, hommes ouvriers du bâtiment). Elle est aussi « verticale » : dans presque tous les secteurs, dans le monde de l’entreprise comme dans celui des associations, dans la fonction publique comme dans l’univers politique, la présence des femmes s’amenuise à mesure qu’on s’élève dans la hiérarchie du pouvoir, du prestige et des rémunérations. Ce phénomène est couramment appelé « plafond de verre ». On compte ainsi 60 % de femmes parmi les internes des hôpitaux, mais moins de 20 % parmi les professeurs universitaires hospitaliers. En 2018, les quarante orchestres symphoniques français comptent 37 % de femmes instrumentistes, mais aucune femme ne les dirige. Parmi les sportifs de haut niveau, on compte deux fois moins de femmes que d’hommes, avec des barèmes de rémunération inégaux : les rares footballeuses professionnelles touchent en moyenne 3 500 euros brut par mois, contre 12 000 euros pour leurs homologues masculins.

En cent treize ans de Goncourt, le doyen des prix littéraires, seuls 21 % des prix ont été attribuées à des autrices. Les femmes représentent seulement 18% des dirigeants d’entreprises de plus de dix salariés, 17% des préfets, et 25% des ambassadeurs. Et cætera.

Les normes de carrière imposées par les organisations de travail favorisent, de fait, les hommes, plus dégagés que les femmes du souci quotidien de la famille. Le « bon travailleur », qui aspire à s’élever dans la hiérarchie, outre ses diplômes et ses compétences, doit démontrer un engagement sans faille dans son travail : accomplir de longs horaires de travail ; mener une carrière linéaire, sans interruptions liées à des considérations

« personnelles » (partir en congé maternité, suivre son conjoint, s’occuper d’un parent

malade) ; être « mobile », c’est-à-dire pouvoir se déplacer, et surtout déplacer sa famille,

dans une autre ville ou un autre pays, si l’employeur le demande. Faire carrière, c’est aussi

correspondre à la vision stéréotypée du « bon dirigeant », dont les qualités sont socialement

associées au masculin, et bien moins reconnues chez les femmes : « charisme », autorité,

goût du risque, compétences techniques, disponibilité, etc.

(11)

Morale de l’histoire

Comment réduire, voire supprimer, ces inégalités professionnelles entre femmes et hommes ? Depuis les années 2000, des lois sur la parité en politique, puis dans le monde économique (lois sur l’égalité salariale, quotas dans les conseils d’administration et dans la haute fonction publique…) ont introduit des brèches dans les parois et plafonds de verre.

Mais l’égalité reste un horizon lointain, plus accessible aux classes dominantes. Pour l’étendre à toutes et tous, sans doute faudrait-il repenser le système de production, l’organisation du travail et les modes de redistribution, mais aussi les socialisations.

À lire

Laure Bereni, Sébastien Chauvin, Alexandre Jaunait et Anne Revillard, Introduction aux études sur le genre, De Boeck, Bruxelles, 2012

Jacqueline Laufer, L’Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, La Découverte, coll. « Repères », Paris, 2014

Ilana Löwy et Catherine Marry, Pour en finir avec la domination masculine, La Découverte, coll. « Les Empêcheurs de penser en rond », Paris, 2007

Margaret Maruani, Travail et emploi des femmes, La Découverte, coll. « Repères », Paris, 2017 [cinquième édition]

Margaret Maruani (dir.), Je travaille donc je suis. Perspectives féministes, La Découverte, coll. « Repères », Paris, 2018

Sylvie Schweitzer, Les femmes ont toujours travaillé, Odile Jacob, Paris, 2002 À voir

Agnès Poirier, Bienvenue dans la vraie vie des femmes, 2009

Nigel Cole, We Want Sex Equality, 2010

Références

Documents relatifs

Si chaque CD avait couté 1 € de moins, il aurait pu en acheter un de plus tout en dépensant tout son argent.. Trouver les deux entiers

Dans le cadre de l’éducation à la sexua- lité, des données seront apportées sur certains contenus concernant entre autres la relation à l’autre, la contraception, la

sion de l ·esprit qui anime notre grand mouvement Nous n ·avons pas créé seulement.. Tom; les

Nous avons ainsi présenté, dans notre ouvrage collectif men- tionné plus tôt, des séquences sur plusieurs jeux succes- sifs de groupes mixtes, où, par exemple, des petites filles

Nous offrons également une gamme complète de services, qui vous protège contre tout imprévu : assurez votre capital en cas de destruction totale ou de vol de votre véhicule Fiat

Choix d’orientation des filles et des garçons différencié à partir du lycée Les filles choisissent des études moins valorisées, dont les débouchés professionnels sont moins

In clinical practice, therapeutic hypothermia has been used in the early phase of traumatic brain injury, as prophylactic neurprotectant, and in the late phase, to control brain

Le rapport (qu’il faut bien évidemment relativiser puisqu’il n’intervient qu’au bout de deux ans) montre que l’action de sensibilisation à l’égalité a eu des effets