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Se soucier des morts de l'Antiquité aux premiers siècles du Moyen Age : la parole de saint Augustin à l'épreuve des enjeux socio-anthropologiques des funérailles et du tombeau

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Submitted on 12 Mar 2018

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Se soucier des morts de l’Antiquité aux premiers siècles du Moyen Age : la parole de saint Augustin à l’épreuve des enjeux socio-anthropologiques des funérailles et du

tombeau

Vincent Hincker

To cite this version:

Vincent Hincker. Se soucier des morts de l’Antiquité aux premiers siècles du Moyen Age : la parole de saint Augustin à l’épreuve des enjeux socio-anthropologiques des funérailles et du tombeau. Histoire.

Normandie Université, 2017. Français. �NNT : 2017NORMC039�. �tel-01729584�

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THESE

Pour obtenir le diplôme de doctorat

Spécialité Histoire, histoire de l'art et archéologie

Préparée au sein de l’Université de Caen Normandie

S

E SOUCIER DES MORTS

DE L

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NTIQUITE AUX PREMIERS SIECLES DU

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GE La parole de saint Augustin à l’épreuve

des enjeux socio-anthropologiques des funérailles et du tombeau

Présentée et soutenue par Vincent Hincker

Thèse dirigée par Claude LORREN, laboratoire UMR 6273 - Centre Michel de Boüard, Centre de recherches archéologiques et historiques anciennes et médiévales

Thèse soutenue publiquement le 15 décembre 2017 devant le jury composé de

Madame Isabelle Bochet Chargé de Recherche honoraire, CNRS, HPHE Rapporteur Monsieur Alain Dierkens Professeur, Université libre de Bruxelles Rapporteur Monsieur John Scheid Professeur des universités émérite, Collège de

France Examinateur

Madame Christine Delaplace Professeur des Universités, Université Caen -

Normandie Examinateur

Monsieur Patrick Baudry Professeur des Universités, Université

Bordeaux Montaigne Examinateur

Monsieur Claude Lorren Professeur des universités émérite, Université

Caen - Normandie Directeur de thèse

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S E SOUCIER DES MORTS

DE L

’A

NTIQUITE

AUX PREMIERS SIECLES DU

M

OYEN

Â

GE

La parole de saint Augustin à l’épreuve des enjeux socio-anthropologiques

des funérailles et du tombeau

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« Un enterrement devrait être la plus formelle de toutes les cérémonies puisque, comme il n’y a rien à voir dans la mort, un enterrement n’a rien en vue que la forme. »

Myra Schlen, « FP », Conférences, n°43, Hiver 2016-2017, p. 24.

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Remerciements

Il est d’usage dans les remerciements de mentionner en tout premier lieu le directeur de thèse, mais dans mon cas, le témoignage de ma gratitude à Claude Lorren va bien au-delà d’un simple exercice convenu, tant je lui suis reconnaissance de la confiance qu’il m’a accordée tout au long de ces années. Il a pris soin (cura) de m’accompagner et de me guider tout en me laissant libre d’emprunter des chemins dont il n’entrevoyait pas toujours immédiatement la destination.

Pourtant, loin de l’avoir conduit sur des terres qui lui étaient étrangères, comme il le disait parfois, je n’ai fait qu’emprunter d’autres chemins pour parvenir à mon tour là où l’avaient conduit ses propres recherches. Je le remercie aussi pour les innombrables échanges que nous avons eus et pour sa capacité à vous pousser dans vos retranchements pour que vous parveniez sans cesse à affiner votre démonstration.

Je remercie également Isabelle Bochet et Alain Dierkens qui ont bien voulu endosser le délicat rôle de rapporteur ainsi que Christine Delaplace, John Scheid et Patrick Baudry qui ont accepté de participer au jury. Je les en remercie d’autant plus que tous ont volontiers accepté de transcender les frontières aussi bien disciplinaires que chronologiques qui fracturent plutôt qu’elles n’ordonnent les sciences humaines.

Et puis il y a Valérie, ma tendre épouse, qui fut à l’origine de ce travail de thèse et qui, surtout, année après année, n’a jamais cessé de m’encourager tout en supportant les sauts d’humeur auxquels donnent lieu toutes les thèses. Je la remercie infiniment pour cela au même titre que mes deux fils, Nestor et Virgile, qui ont parfois eu du mal à comprendre pourquoi leur père passait autant de temps à s’occuper des morts.

Il y a enfin, ma chère mère, Monique, qui non seulement a consacré un temps considérable à corriger autant de fautes d’orthographe et de syntaxe qu’il lui était permis de trouver dans des temps toujours trop courts, et cela aussi bien pour le français que pour le latin. Je sais qu’il en reste, mais la responsabilité ne saurait en aucun cas lui incomber, tant l’exercice de la relecture est difficile. Je la remercie également pour le soutien qu’elle m’a apporté pour mener à terme ce travail de thèse.

J’ai aussi une pensée pour les bibliothécaires de l’Université de Caen, en particulier pour celles de feu la Bibliothèque des études anciennes, qui m’ont toujours accordé un excellent accueil et ont mis à ma disposition, dans des conditions idéales, les ouvrages et les revues dont j’ai pu prendre connaissance.

Enfin, il y a tous ceux, et ils sont pléthores, qui, en vous demandant sans cesse « tu en es où ? » et

« c’est pour quand ? », vous empêchent d’abandonner un travail que vous jugez vous-même interminable. Merci à eux donc, sans que je les nomme tous, ils se reconnaîtront sans aucun doute.

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I

NTRODUCTION

Qu’est-ce qu’un cimetière ? La question peut sembler banale tant le mot appartient au vocabulaire de tous les jours. Communément le cimetière est compris comme un lieu où reposent les morts ou, plus justement, comme un lieu constitué d’un assemblage de plusieurs tombeaux, chacun d’eux livrant plus ou moins d’indices biographiques sur le défunt comme si la fonction du tombeau était de perpétuer la présence du mort auprès des vivants.

Pourtant, ces dernières années, cette évidence fait l’objet d’une remise en cause au motif que le mot « cimetière » aurait une histoire. Et comme le mot aurait une histoire, la chose qu’il désignait devrait logiquement en avoir une. Le cimetière devenait un objet d’histoire particulier. Comme tel, faute d’avoir encore connu de fin, il se devait au moins d’avoir connu une naissance. Les regards se sont alors tournés vers le moment où le mot fait son apparition dans le langage. Puis, ils se sont portés vers le moment où les sources délivrent une définition du cimetière, ce qui montrerait que le cimetière n’est plus une simple chose, mais qu’il a accédé au rang de concept à partir duquel la chose qu’il désigne est réellement pensée. Le premier moment correspond aux derniers siècles de l’Antiquité (IIIe-IVe siècles), lorsque les Pères chrétiens l’emploient pour désigner le lieu contenant la sépulture d’un martyr. Le second moment se situe à la fin de la période carolingienne (IXe-Xe siècles), lorsque les autorités ecclésiastiques s’appliquent à caractériser le cimiterium comme la réunion des chrétiens défunts qui, soumis à l’autorité de l’Église, sont dans l’attente du Jugement dernier.

Entre ces deux moments, le mot cimetière a semble-t-il eu une histoire, mais celle-ci, singulièrement, n’a pas fait l’objet d’une analyse particulière. Les uns, partant des sources liturgiques et hagiographiques de la période carolingienne, font seulement des renvois à l’autorité prêtée à la parole de saint Augustin sur la question des funérailles et du tombeau, les autres, s’intéressant à l’Antiquité tardive, se sont interdit pour l’essentiel à aller au delà de cette parole, comme si celle-ci constituait un horizon indépassable marquant la frontière entre un monde antique imprégné d’une religiosité de tradition païenne et un monde médiéval qui serait chrétien en son essence. Cette frontière culturelle est-elle néanmoins réelle ? L’émergence du cimetière marque-t-elle une rupture historique ? Le cimetière dans sa constitution est-il seulement affaire de religion ?

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Dans le monde latin, en matière d’élection de sépulture, il n’y a ni contrainte ni obligation. Il faut néanmoins disposer du droit et des moyens nécessaires pour fonder un locus religiosus ou bien bénéficier de l’autorisation de se faire inhumer dans un sépulcre préexistant. Il est d’usage de préparer son propre tombeau et lorsque le défunt n’a pas eu le temps de prendre lui-même les dispositions nécessaires, la charge incombe à ses proches. La fondation funéraire est ainsi faite pour accueillir le corps de son propriétaire, mais dans bien des cas celui-ci a pris les dispositions nécessaires pour ouvrir cette fondation à ses héritiers ou aux membres de sa maisonnée (familia)1.

Le lieu retenu doit répondre à une double exigence : garantir la pérennité du sépulcre et favoriser la tenue régulière de cérémonies commémoratives qui prennent traditionnellement la forme de repas organisés à l’emplacement de la sépulture afin de partager un moment de convivialité avec le mort. Cette double exigence justifie que la place du mort soit inscrite visuellement dans le paysage des vivants au moyen d’une monumentalité funéraire plus ou moins imposante, plus ou moins somptueuse, selon les moyens dont dispose celui qui en est le fondateur.

Les tombeaux ne sont toutefois pas implantés aux endroits où les vivants demeurent et travaillent. Ils sont placés aux portes des villes ou, dans les campagnes, en bordure des limites parcellaires. Les tombeaux demeurent des lieux numineux, c’est pourquoi il faut se garder d’une trop grande promiscuité avec eux pour limiter le contact qu’ils maintiennent avec la mort. Si les tombeaux sont mis à distance, cela ne signifie pas qu’ils sont mis à l’écart.

Au contraire, on choisit pour eux des lieux visibles, souvent le long des voies de passage afin que chacun puissent s’assurer que, d’une part, les morts disposent d’une place à eux et que, d’autre part, ils subsistent à travers les regards que leur accordent les vivants. Cette sollicitation du regard pour entretenir la mémoire des morts est à l’origine des dispositifs sémiotiques destinés à rappeler l’identité ou la personnalité du défunt (monumentum). Cette sollicitation de la mémoire montre que les tombeaux visent à tisser un lien entre le passé, le présent et l’avenir. La construction d’un tombeau apparaît dès lors comme un héritage légué aux générations futures. La perpétuation des cérémonies commémoratives à l’emplacement du tombeau autant que le soin pris à l’entretien du monument qui en signale la présence montrent que les vivants accueillent cet héritage. Ainsi, les tombeaux deviennent des géosymboles2, c’est-à-dire des balises spatiales qui énoncent et ancrent dans l’histoire le lien unissant un territoire et le groupe humain qui le possède ou qui y habite.

Aux portes des villes, la juxtaposition des sépulcres donne naissance à des accumulations de tombeaux dont la taille et le faste architectural reflètent l’importance et la puissance socio- politique de ceux qui résident et travaillent dans la capitale de cité ou dans les agglomérations secondaires.

Dans les campagnes, le sepulcrum doté d’un monumentum énonce le droit du mort et de ses descendants à posséder et à exploiter un territoire. Grandioses pour les plus riches, ils sont logiquement plus discrets pour les plus humbles. Les tombeaux sont isolés ou juxtaposés en

1 Le droit latin distingue les deux. GAIUS, Digeste, 11, 7, 5. : « Familiaria sepulchra dicuntur, quae quis sibi familiaeque suae constituit : hereditaria autem, quae quis sibi, heredibusque suis constituit. »

2 BONNEMAISON J., « Voyage autour du territoire », Espace géographique, vol. 10, n°4, 1981, p. 256.

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petits groupes, lorsque la fonction funéraire du lieu perdure pendant quelques décennies. Les tombes isolées et les petits groupes de sépultures sont disséminés dans l’espace, le plus souvent le long d’un chemin ou d’une autre forme de délimitation parcellaire. Cette situation traduit le souci commun de bénéficier du regard complaisant de ceux qui circulent sur les chemins le long desquels ces tombes sont installées, à l’instar des plus fortunés qui font bâtir leur tombeau le long des voies à la sortie de la ville ou en des lieux bien visibles à l’intérieur de leur domaine rural. Elle reflète aussi, probablement, une solution adoptée par ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir une monumentalité funéraire durable apte à garantir la pérennité de leurs tombeaux. En effet, la préservation de la limite parcellaire pour l’usage des vivants réduit les risques de destruction involontaire du sépulcre qui est accolé à cette limite.

En retour, le statut religiosus des tombeaux assure la pérennité des limites territoriales le long desquelles ces derniers sont installés. Ainsi s’établit une forme d’’échange symbolique entre les vivants et les morts tissant le lien recherché entre le passé, le présent et l’avenir.

Chaque tombeau (sepulcrum) revêt une sacralité qui en fait un lieu religiosus, c’est-à-dire un lieu spécial appartenant en propriété au mort et que les vivants doivent aborder avec le scrupule adéquat et selon les usages requis (iusta facta). Le statut de religiosus traduit le caractère numineux du lieu qui conserve le corps d’un ou de plusieurs morts. Numineux signifie que le tombeau est à la fois objet de fascination et de crainte révérencieuse parce qu’il est un lieu au travers duquel se poursuit la relation avec la mort elle-même, telle qu’elle s’est imposée aux vivants dans la figure du cadavre.

Doté d’un statut particulier (religiosus), le tombeau est également envisagé comme une unité spatiale (locus) autonome. Le droit de propriété qui s’y rattache fait que le locus religiosus constitue un tout, indépendant des autres sépulcres qui peuvent l’environner. Il s’ensuit que, dans le monde latin, il n’y a pas de mot pour désigner une réunion de tombeaux. Il n’y a ni nécropole ni cimetière, il y a uniquement des accumulations contingentes de sépulcres. Les tombeaux sont considérés dans leur individualité sur un plan juridique et spatiale. Leur juxtaposition n’est jamais perçue comme constituant un ensemble. Cela n’exclut nullement l’existence de regroupements de sépultures aussi bien dans les campagnes qu’aux portes des villes. Seulement, ces regroupements n’existent pas en tant que tels dans l’esprit de ceux qui ont contribué à leur constitution.

A compter de la fin du IIIe siècle, la généralisation de la pratique de l’inhumation au détriment de la crémation entraine une modification de l’aspect des champs sépulcraux. Les corps conservés dans leur intégrité déterminent de plus en plus la forme des monumenta qui en surface marquent l’emplacement des sepulcra. En fonction de cette nouvelle contrainte, la juxtaposition des tombeaux dessine des alignements réguliers qui pourraient faire croire à la constitution de champs funéraires gérés de manière collective ou communautaire. Seulement la reconstitution du développement des aires funéraires de l’Antiquité tardive et des premiers siècles du Moyen Âge montre qu’en réalité celles-ci continuent d’être organisées autour d’un ou de plusieurs noyaux primitifs, qui peuvent être regardés comme autant de fondations funéraires juxtaposées, selon le principe qui prévalait durant l’Antiquité classique.

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En effet, à l’origine des vastes champs sépulcraux de la fin de l’Antiquité et du début de Moyen Âge, que les archéologues allemands ont nommés Reihengräberfelder1 rendu en français par la locution de « nécropoles en rangées », il y a toujours un petit groupe de tombes bénéficiant d’une architecture funéraire plus soignée que celles des sépultures adjacentes, contenant également un mobilier funéraire plus riche et plus abondant au sein duquel on trouve des attributs de potestas, quelle que soit l’importance de celle-ci2. Le plus souvent ces noyaux primitifs associent la tombe d’un homme et celle d’une femme, auxquelles s’ajoutent parfois des tombes d’enfants, laissant ainsi transparaître la nature familiale de la fondation funéraire originaire3. L’ouverture de cette fondation à d’autres sépultures ne semble toutefois pas se limiter aux membres de la famille restreinte, puisque très tôt le noyau primitif est entouré de tombes à l’apparence plus modeste dans lesquelles il est possible de voir les sépultures des membres de la maisonnée. Dans la plupart des cas, le caractère héréditaire de la fondation funéraire est perceptible au travers de l’installation, au cours des décennies et des siècles suivants, des tombes les plus luxueuses à proximité immédiate des tombes fondatrices4.

Parfois, ces fondations funéraires prospèrent sur plusieurs siècles et comportent plusieurs centaines de tombes. Parfois, elles perdurent tout au plus sur deux ou trois générations5.

1 WERNER J., « Zur Entstehung der Reihengräberzivilisation », Archaeologia Geographica, 1, 1950, p. 23 32.

2 THEUWS F. and ALKEMADE M., « A kind of mirror for men : sword depositions in Late Antique northern Gaul », dans TEUWS F.

and NELSON J.- L. (eds.), Rituals of power from Late Antiquity to the Early Middle Ages, Leiden – Boston – Köln : Brill, 2000, p. 401-476. ; PERIN P., « Les tombes de “ chefs ” de l’époque de Childéric et de Clovis et leur interprétation historique », dans VALLET F. et KAZANSKI M. (éds.), La noblesse romaine et les chefs barbares, Mémoires publiés par l’Association Française d’Archéologie Mérovingienne, t. IX, Saint-Germain-en-Laye : Association Française d’Archéologie Mérovingienne, s.d.

(1995), p. 247-301.

3 YOUNG B., « Paganisme, christianisation et rites funéraires mérovingiens », Archéologie Médiévale, VII, 1977, p. 5-81. ; YOUNG B., Quatre cimetières mérovingiens de l’Est de la France : Lavoye, Dieue-sur-Meuse, Mézières-Manchester et Mazerny : Étude quantitative et qualitative des pratiques funéraire, British Archaeological Reports, International Series, n° 208, Oxford : Archaeopress, 1984, 250 p. ; DIERKENS A., « Cimetières mérovingiens et histoire du haut Moyen Âge : Chronologie, société et religion », dans Histoire et méthode, Travaux de l’Institut d’histoire de l’Université libre de Bruxelles, t. IV, N° spécial, Université de Bruxelles, Acta historica bruxellensia, p. 15-70. ; PERIN P., « Du cimetière païen au cimetière chrétien », Communio, XX-2, n°118, mars-avril 1995, p. 136-137, repris à partir de PERIN P., « Des nécropoles romaines tardives aux nécropoles du haut Moyen Âge, Remarques sur la topographie funéraire en Gaule mérovingienne et à sa périphérie », Cahiers Archéologiques, n° 35, 1987, p. 9-30. ; VERSLYPE L., « A la vie, à la mort. Considérations sur l’archéologie et l’histoire des espaces politiques, sociaux et familiaux mérovingiens », dans NOËL R., PAQUAY I. et SOSSON J.-P.

(éds.), Au-delà de l’écrit. Les hommes et leurs vécus matériels au Moyen Âge à la lumière des sciences et des techniques, nouvelles perspectives, s.l. : Brepols, 2003, p. 405-460.

4 À titre d’exemples, parmi tant d’autres : LEGOUX R., La nécropole mérovingienne de Cutry (Meurthe-et-Moselle), Mémoires publié par l’Association Française d’Archéologie Mérovingienne, tome XIV, Saint-Germain-en-Laye : Association Française d’Archéologie Mérovingienne, 2005, p. 223 à 226. ; LEGOUX R., La nécropole mérovingienne de Bulles (Oise), Mémoires publié par l’Association Française d’Archéologie Mérovingienne, tome XXIV-1, Saint-Germain-en-Laye : Association Française d’Archéologie Mérovingienne, 2011, p. 19-21. ; PILET C., La nécropole de Frénouville, British Archaeological Report, International Series, n° 83, Oxford, 1977, 3 vol., 562 p. et 125 pl. ; DEMOLON P. (dir.), BLONDIAUX J., COMPAGNON E., DHENIN M., LOUIS E., MASUREL H. et PREVOST V., La nécropole mérovingienne de Hordain (Nord), VIe-IXe siècles après J.-C., Archaeologia Duacensis, 20, Douai : Communauté d’agglomération du Douaisis, 2006, 269 p. ; PILET C. (dir.), ALDUC-LE BAGOUSSE A., BUCHET L., HELLUIN M., KAZANSKI M., LAMBART J.-C., MARTIN M., PELLERIN J., PILET-LEMIERE J. et VIPARD P., La nécropole de Saint- Martin-de-Fontenay (Calvados). Recherches sur le peuplement de la plaine de Caen du Ve s. avant J.-C. au VIIe s. après J.-C., 54e supplément à Gallia, Paris : CNRS Éditions, 1994, 550 p. ; PITON D., La nécropole de Nouvion-en-Ponthieu, Dossiers archéologiques, historiques et culturels du Nord et du Pas-de-Calais, n° 20, 1985, 372 p. ; DESPLANQUE G., « Pérennité des élites au sein d’un territoire à travers la nécropole de Crotenay (Jura), dans GUILLAUME J. et PEYTREMANN É. (éds.), L’Austrasie : sociétés, économies, territoires, christianisation, actes des XXVIe journées internationales d’archéologie mérovingienne tenues à Nancy du 22 au 25 septembre 2005, Mémoires publiés par l’Association Française d’Archéologie Mérovingienne, tome XIX, Nancy : Presses Universitaires de Nancy, 2008, p. 303-312.

5 HINCKER V. et MAYER A., « La courte histoire du cimetière mérovingien de Banneville-la-Campagne (Calvados, France) », Archéologie médiévale, 41, 2011, p. 1-48.

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Dans d’autres cas encore, elles restent sans lendemain1. Ainsi persiste la diversité de composition des regroupements sépulcraux observée pour les siècles précédents. Les plus éphémères correspondent aux sépultures isolées et aux petits amas de sépultures que l’on trouvait disséminés dans les campagnes. Les autres, comprenant de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de tombes, attestent la pérennité et la prospérité de la familia ou de la domus dont les tombes sont réunies auprès de celles des membres fondateurs. Aux portes des grandes villes, l’accumulation de loci religiosi se perpétue, alors que dans les agglomérations secondaires et parfois dans certaines capitales de cité ayant perdu leur statut administratif, l’effacement de la dimension urbaine de l’occupation se traduit par un fractionnement de l’aire funéraire et aboutit à une multiplication des lieux d’inhumation2. Quelles que soient leur taille et leur durée d’utilisation, les fondations funéraires créées entre le IVe et le VIIIe siècle se situent toujours à distance, souvent faible, des lieux où les vivants résident ou travaillent, le long des voies de circulation ou en bordure d’autres limites territoriales.

Si les usages en matière de localisation des sépultures demeurent, un nouveau type de monumentalité funéraire fait son apparition à compter de la fin du IVe siècle. En périphérie des villes, comme dans les campagnes, ceux qui disposent du droit et des moyens de fonder un locus religiosus renoncent à l’ancien usage de bâtir des mausolées et privilégient désormais la construction d’un oratoire chrétien. Chapelles et basiliques se multiplient aussi dans les fondations funéraires nouvelles qui entraînent fréquemment le délaissement du lieu d’inhumation antérieur. Elles peuvent également être élevées à l’emplacement de loci religiosi préexistants. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une refondation destinée à renouveler l’identité affectée au lieu d’inhumation soit dans un mouvement d’ajustement à la nouvelle religion de la familia ou de la domus ayant le locus religiosus pour référence identitaire, soit à travers la promotion d’un fondateur idéalisé, en l’occurrence un saint martyr ou confesseur, porteur d’une identité se substituant aux identités préexistantes. Le lieu d’inhumation se perpétue mais l’identité qui lui est attachée évolue ou se substitue à celle qui prévalait jusqu’alors.

Dans tous les cas, la genèse et les premiers développements des aires sépulcrales établies auprès d’une basilique, d’une église ou d’une chapelle entre le Ve et le VIIIe siècle ne comportent guère de différences par rapport aux champs sépulcraux contemporains qui ne furent jamais dotés d’un oratoire chrétien. Selon le schéma en vigueur depuis longtemps, ces aires sépulcrales résultent d’une fondation funéraire imputable à un personnage ou à une famille qui dispose du droit et des moyens de procéder à une telle fondation. Seulement, au lieu de faire bâtir un tombeau signalé en surface par un monument funéraire, le fondateur du

1 Pour un exemple remarquable, voir : TRUC M.-C., « Trois riches tombes du VIe siècle sur le site de « la Tuilerie » à Saint- Dizier (Haute-Marne) », dans GUILLAUME J. et PEYTREMANN É. (éds.), L’Austrasie : sociétés, économies, territoires, christianisation, actes des XXVIe journées internationales d’archéologie mérovingienne tenues à Nancy du 22 au 25 septembre 2005, Mémoires publiés par l’Association Française d’Archéologie Mérovingienne, tome XIX, Nancy : Presses Universitaires de Nancy, 2008, p. 313-327.

2 Pour le premier cas, voir RAYNAUD C., Les nécropoles de Lunel-Viel (Hérault) de l'Antiquité tardive au Moyen Âge, Revue Archéologique de Narbonnaise, supplément 40, Montpellier : Éditions de l'Association de la Revue Archéologique de Narbonnaise, 2010, 356 p. Pour le second, HINCKER V., « Origine et constitution du village de Vieux (Calvados), restitution à partir des sources archéologiques », dans MAHE N. et POIGNANT S. (éds.). Archéologie dans le village dans le nord de la France (Ve-XIIIe siècles), actes de la table-ronde des 22 au 24 novembre 2007, Musée d'archéologie nationale, Saint-Germain-en- Laye, Mémoires de l’Association Française d’Archéologie Mérovingienne, tome XXIX, Saint-Germain-en-Laye : Association Française d’Archéologie Mérovingienne, 2013, p. 175-197.

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locus religiosus entreprend d’y faire élever une chapelle1, lorsqu’il ne choisit pas d’aménager son tombeau dans une basilique qu’il a contribué à bâtir ou à embellir en l’honneur d’un saint. Dans ce dernier cas, le fondateur historique du locus religiosus prend pour référence identitaire celle attribuée au fondateur mythique auprès duquel il a souhaité se faire inhumer. Quelle que soit son origine, la fondation funéraire dotée d’un oratoire chrétien s’ouvre aux membres de la domus et de la familia, l’une et l’autre s’étendant progressivement à l’ensemble de la communauté chrétienne. Cette dynamique s’observe dans la concentration des sépultures privilégiées2 à l’intérieur des oratoires chrétiens, ceux-ci faisant office d’une nouvelle forme de monumentalité funéraire. Elle est également à l’origine des fondations monastiques instituées par les aristocrates qui espèrent de la « famille » qu’ils ont ainsi créée l’exercice du devoir de mémoire qui incombait traditionnellement aux héritiers et aux membres de la maisonnée.

Les raisons invoquées par la recherche historique pour justifier ces fondations de la part de ceux qui disposent des moyens de les faire sont diverses. Les uns les regardent comme des professions de foi, les autres comme un prolongement de l’évergétisme antique3. D’autres encore, dans l’horizon du darwinisme social, y voient surtout la manifestation de la compétition qu’auraient pratiquée les nantis pour asseoir leur pouvoir économique et politique sur le reste de la société4. Cette dernière solution bénéficie aujourd’hui d’un assentiment largement partagé dans la mesure où elle rejoint la thèse de Michel Lauwers selon laquelle le « cimetière chrétien » serait un outil de contrôle social, conçu à partir du IXe siècle avant d’être mis en place au cours des Xe et XIe siècles par le clergé soucieux d’asseoir sa domination sur l’ensemble de la société et les consciences5.

1 Par exemple Saleux (Somme) dans CATTEDU I., CARRE F., GENTILI F., DELAHAYE F., LANGLOIS J.-Y. et COUANON P., « Fouilles d’églises rurales du haut Moyen Âge dans le nord de la France : des questions récurrentes », dans PARIS-POULAIN D., NARDI

COMBESCURE S. et ISTRIA D. (dir.), Les premiers temps chrétiens dans le territoire de la France actuelle , Hagiographie, épigraphie et archéologie : nouvelles approches et perspectives de recherche, Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2009, p. 206-208. Voir également l’exemple d’Hordain DEMOLON P. (dir.), BLONDIAUX J., COMPAGNON E., DHENIN M., LOUIS E., MASUREL H. et PREVOST V., La nécropole mérovingienne de Hordain (Nord), VIe-IXe siècles après J.-C., Archaeologia Duacensis 20, Douai : Communauté d’agglomération du Douaisis, 2006, p. 82-89.

2 Le caractère privilégié des sépultures en question demeure toutefois très relatif. Il consiste bien souvent en la mise en œuvre d’un sarcophage et la présence d’un mobilier de parure qui se rencontrent en abondance dans les dernières phases d’utilisation d’autres cimetières contemporains dépourvus d’oratoire chrétien. Il n’est par conséquent guère aisé d’identifier le statut social des défunts qui sont à l’origine de la fondation funéraire et de l’oratoire qui en désigne l’emplacement. Quels qu’ils soient, l’usage d’un sarcophage pour protéger les corps défunts et l’inhumation avec du mobilier de parure dénotent une forme certaine de conservatisme. Pour une synthèse à ce sujet voir, DUVAL Y. et PICARD J.-C.

(éds.), L’inhumation privilégiée du IVe au VIIIe siècle en Occident, Actes du colloque tenu à Créteil les 16-18 mars 1984, Paris : De Boccard, 1986, 260 p.

3 PIETRI C., « Les origines du culte des martyrs (d’après un ouvrage récent) », Rivista di archeologia cristiana, n° 3-4, 1984, p. 293-319, dans Christiana respublica. Éléments d’une enquête sur le christianisme antique. Publications de l'École française de Rome, n°234, Rome : École française de Rome, 1997. p. 1207-1233.

4 BROWN P. Le culte des saints. Son essor et sa fonction dans la chrétienté latine, Paris : Éditions Le Cerf, 1984, 168 p.

Appliqué à l’archéologie, cela donne NISSEN A., « Early medieval religion and social power : a comparative study of rural elites and church building in northern France and southern Scandinavia », dans SÁNCHEZ-PARDO J.-C. et SHAPLAND G. (ed.), Churches and social power in Early medieval Europe, intergrating archaeological and historical approaches, Studies in the early middle ages, t. 42, Turnout : Brepols Publishers, 2015, p. 331-365.

5 LAUWERS M., La mémoire des ancêtres, le souci des morts. Mort, rites et société au Moyen Âge (diocèse de Liège, XIe-XIIIe siècles), Collection Théologie Historique, Paris : Beauchesne, 1997, p. 53. ; LAUWERS M., « De l’incastellamento à l’inecclesiamento. Monachisme et logiques spatiales du féodalisme », dans IOGNA-PRAT D., LAUWERS M., MAZEL F. et ROSE I.

(dir.), Cluny. Les moines et la société au premier âge féodal, Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2013, p. 315 et p. 321.

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Avec raison, Michel Lauwers insiste sur le caractère lent et graduel de la genèse du cimetière chrétien, tel qu’il apparaît dans les écrits des liturgistes du XIe siècle. Amorcée dès les Ve et VIe siècles, la prolifération des oratoires chrétiens dans les campagnes et en périphérie des villes s’accélère au cours des VIIe et VIIIe siècles. Cette prolifération s’accompagne d’une polarisation des fondations funéraires autour de ces oratoires, sans interdire toutefois la perpétuation de comportements différents dont témoignent les découvertes de sépultures isolées ou disséminées par petits groupes à l’intérieur ou en marge des habitats.

Depuis quelques années, ces sépultures ont été mises en exergue par les tenants de la naissance du « cimetière chrétien » au XIe siècle seulement1. Selon eux, jusqu’à cette date encore, une certaine liberté aurait subsisté en matière d’élection de sépulture et cela manifesterait – en quelque sorte par défaut - l’inexistence du « cimetière chrétien » que Michel Lauwers définit étroitement comme un lieu clos, établi autour du lieu de culte, doté d’une sacralité reconnue par tous, consacré rituellement par un représentant de l’autorité ecclésiastique. Il serait destiné à l’ensemble de la communauté des fidèles et réservé à eux seuls2, devenant par là même l’image concrète de l’Ecclesia, apte à enraciner les communautés chrétiennes dans des lieux désignés pour elles par l’autorité cléricale3. Pour ces mêmes auteurs, l’existence de sépultures implantées en dehors du cimeterium ainsi défini serait la preuve de l’inachèvement du processus d’ancrage territorial qui selon eux aurait été conçu pour faire coïncider la société tout entière avec l’Ecclesia et ainsi la soumettre à l’autorité du clergé.

Dès lors, en s’appuyant sur les travaux d’Éric Rebillard consacrés aux usages funéraires de l’Antiquité tardive4 et sur ceux de Cécile Treffort concernant les pratiques funéraires qui apparaissent dans les sources hagiographiques et liturgiques carolingiennes5, la genèse du

« cimetière » est envisagée comme une naissance. Entre le Ve et le VIIIe siècle, serait le temps de la préfiguration, suivi à compter du IXe siècle d’une période de gestation sous le patronage des clercs. La naissance proprement dite interviendrait aux Xe et XIe siècles selon « un double processus de monumentalisation et d’extension du (con)sacré, achevant de placer églises et cimetière au cœur de l’organisation sociale »6 et serait parachevée au XIIe, voire au XIIIe siècle, lorsque la centralisation pontificale introduit l’affirmation d’un droit de sépulture uniformisé dans tout l’occident chrétien7. Ainsi le clergé est désigné comme l’acteur principal

1 LAUWERS M., Naissance du cimetière. Lieux sacrés et terre des morts dans l’Occident médiéval, Paris : Aubier, 2005, 393 p. ; ZADORA-RIO E., « L’historiographie des paroisses rurales à l’épreuve de l’archéologie », dans DELAPLACE C. (dir.), Aux origines de la paroisse rurale en Gaule méridionale (IVe-IXe siècle), Éditions Errance, 2005, p. 15-23.

2 LAUWERS M., « Le cimetière dans le Moyen Âge latin. Lieu sacré, saint et religieux », Annales. Histoire, Siences Sociales, t. 54, n°5, 1999, p. 1049.

3 LAUWERS M., La mémoire des ancêtres, le souci des morts. Mort, rites et société au Moyen Âge (diocèse de Liège, XIe-XIIIe siècles), Collection Théologie Historique, Paris : Beauchesne, 1997, p. 53. ; BROWN P. Le culte des saints. Son essor et sa fonction dans la chrétienté latine, Paris : Éditions Le Cerf, 1984, 168 p.

4 REBILLARD E., « Église et sépulture dans l'Antiquité tardive (Occident latin, IIIe-VIe siècles) », Annales. Histoire, Sciences Sociales, t. 54, n°5, 1999, p. 1027-1046.

5 TREFFORT C., L’église carolingienne et la mort, Collection Histoire et Archéologie médiévales, n°3, Lyon : Presses Universitaires de Lyon, 1996, 219 p.

6 LAUWERS M., « De l’incastellamento à l’inecclesiamento. Monachisme et logiques spatiales du féodalisme », dans IOGNA- PRAT D., LAUWERS M., MAZEL F. et ROSE I. (dir.), Cluny. Les moines et la société au premier âge féodal, Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2013, p. 322.

7 TREFFORT C., « Autour de quelques exemples lotharingiens : réflexions générales sur les enjeux de la sépulture entre le IXe et le XIIe siècle », dans MARGUE M. (éd.), Sépulture, mort et représentation du pouvoir au moyen âge, onzième journées

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de la génération du « cimetière »1. Par un travail de conceptualisation, il se serait ainsi doté d’un outil apte à assurer sa mainmise sur les funérailles et le tombeau et, par conséquent, sur deux éléments constitutifs des identités sociales et territoriales. Le clergé serait ainsi parvenu, au cours des Xe et XIIe siècles, à se substituer aux familles et aux proches qui avaient jusqu’alors la charge du devenir du corps des défunts2.

Il faut toutefois constater que cette proposition d’explication historique ne tient pas compte des observations archéologiques, qui montrent qu’à compter du milieu du VIIIe siècle, la très grande majorité des défunts sont désormais inhumés à l’intérieur ou auprès des oratoires chrétiens, soit avant que le clergé n’entreprenne de revisiter la question de la relation entre les vivants et les morts sous tous ses aspects, y compris dans ses dimensions pratiques concernant la conduite des funérailles, l’aménagement des sépultures et les cérémonies commémoratives.

Sans nier la réalité du phénomène des tombes isolées ou disséminées dans l’habitat et à proximité, celui-là n’a pas l’ampleur que lui prêtent les tenants de la naissance tardive du

« cimetière chrétien ». Les inventaires produits par les archéologues pour en faire état compilent en réalité des exemples de natures très différentes, dispersés dans l’espace et dans le temps. Les occurrences postérieures au VIIIe sont mêlées avec des occurrences plus précoces3 remontant parfois à l’Antiquité tardive. Les datations avancées sont souvent incertaines4 et leur représentativité au sein du corpus présenté rarement discutée1. L’absence

Lotharingienne, Publications de la Section historique de l’Institut Grand-Ducal CXVIII, Publications du Cludem, n°18, Luxembourg : Section Historique de l’Institut Grand-Ducal, 2006, p. 69.

1 En utilisant la locution de « naissance du cimetière », Michel Lauwers revendique son adhésion à la théorie de l’encellulement défendue par Robert Fossier, comme son usage du mot inecclesiamento pour qualifier le processus qui conduit à cette naissance inscrit la théorie qu’il défend dans le sillage de l’incastellamento de Pierre Toubert.

2 REBILLARD E., « Église et sépulture dans l'Antiquité tardive (Occident latin, IIIe-VIe siècles) », Annales. Histoire, Sciences Sociales, t. 54, n°5, 1999, p. 1043-1044. ; REBILLARD E., « Église et sépulture dans l'Antiquité tardive (Occident latin, IIIe-VIe siècles) », Annales. Histoire, Sciences Sociales, t. 54, n°5, 1999, p. 1027 et 1029. ; REBILLARD E., « La formation du culte chrétien des morts s’accompagne-t-elle de nouvelles formes de sociabilité ? », dans DUMOULIN O. et THELAMON F. , Autour des morts : mémoire et identité, actes du Ve colloque international sur la sociabilité, Rouen, 19-21 novembre 1998, Rouen : Publications de l’Université de Rouen, 2001, p. 159.

3 Par exemple, PECQUEUR L., « Des morts chez les vivants. Les inhumations dans les habitats ruraux du haut Moyen Âge en Île-de-France », Archéologie médiévale, 33, 2003, p. 1-32. ; BLAIZOT F., « Ensembles funéraires isolés dans la moyenne vallée du Rhône », dans MAUFRAS O. (dir.), Habitats, nécropoles et paysages dans la moyenne et la basse vallée du Rhône (VIIe- XVe s.) : contribution des travaux du TGV-Méditerranée à l’étude des sociétés rurales médiévales, Documents d’archéologie française, t. 98, Paris : Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2006, p. 281-343. ; VALAIS A. (dir.), L’habitat rural au Moyen Âge dans le Nord-Ouest de la France, t. 1, Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2012, p. 66-76.

4 Inventaire à l’échelle régionale et caractéirsation des découvertes de sépultures médiévales qualifiées d’isolées ou considérées comme éloignées de tout lieu de culte chrétien

Non datées

Fourchette large allant de la fin du VIIe au IXe siècle

Antérieure au milieu du VIIe siècle

Comprise entre le milieu du VIIe et la fin du VIIIe siècle

Allant de la fin du VIIIe à la fin du Xe siècle

Xe- XIIe s

Postérieure à l'An Mil

Nombre de datations C14 Total

Haute Normandie 7 40 1 + (1?)

30 tombes regroupées en

une nécropole 8 5 80 (+1)

Alsace 5 9 3 2 15

Lorraine 6 6 7 3 4 22

Saint-Xandre (Charente-

Maritime) 9 21 5 30

Dizy (Marne) 1 9 4 10

Déol (Indre) 4 1 4

TGV

Méditerranée 10 21

30 tombes regroupées en une nécropole

42 tombes regroupées en

une nécropole 5 93

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d’oratoire chrétien est également plus souvent supposée que démontrée, faute d’investigations archéologiques menées sur des surfaces suffisantes autour des lieux de découverte. Il existe certes de multiples cas datés des IXe et Xe siècles, mais le nombre de défunts concernés reste sans commune mesure avec celui de ceux qui, à la même époque, sont enterrés dans les aires funéraires situées auprès d’un oratoire chrétien. Bien que l’archéologie ait démontré que les tombes isolées n’étaient pas des sépultures de relégation ou de miséreux2, il n’en demeure pas moins que sur un plan statistique le phénomène devient marginal à partir de la seconde moitié du VIIIe siècle, pour devenir exceptionnel à compter de la fin du IXe siècle, sans pour autant jamais disparaître complètement3.

Il faut également constater que les critères retenus par Michel Lauwers pour caractériser le

« cimetière chrétien » correspondent à des usages qui, pour la plupart, sont en vigueur depuis plusieurs siècles.

Sources : CARRE F. (dir.), L’archéologie en Haute-Normandie, bilan des connaissances, Tome 1 : Le haut Moyen Âge, Rouen : Publications des universités de Rouen et du Havre, 2011, p. 98 et 100 ; PEYTREMANN É., Archéologie de l’habitat rural dans le nord de la France du IVe au XIIe siècle, Mémoires publiés par l’Association Française d’Archéologie Mérovingienne, tome XIII, Saint-Germain-en-Laye : Association Française d'Archéologie Mérovingienne, 2003, p. 303-313 et notices de sites figurant au volume 2, complété par CHATELET M., « Un habitat médiéval encore instable : l’exemple de Nordhouse « Oberfuert » en Alsace (IXe-XIe siècle), Archéologie Médiévale, 36, 2006, p. 22 ; PEYTREMANN É., « L’habitat de Gundling à Grosbliederstroff (Moselle), Archéologie Médiévale, 36, p. 78-82 ; GLEIZE Y. et MAUREL L., « Les sépultures du haut Moyen Âge du Champ-des- Bosses à Saint-Xandre : organisation et recrutement particuliers de tombes dispersées », Bulletins et Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris, t. 21, 2009, 1-2, p. 59-77 ; VERBRUGGHE G.et CARRON D., « Dizy (Marne, France), « Les Rechignons », un exemple champenois de sépultures dispersées dans et aux abords d’un habitat du haut Moyen Âge », dans VERSLYPE L.

(dir.), Villes et campagnes en Neustrie, sociétés – économies – territoires – christianisation, actes des 25e journées internationales d’Archéologie Mérovingienne de l’Association Française d’Archéologie Mérovingienne, Europe médiévale, n° 8, Montagnac : Éditions Monique Mergoil, 2007, p. 167-173 ; FOUILLET N., « Un habitat rural du haut Moyen-Âge à Déols (Indre) », Revue archéologique du Centre de la France, t. 38, 1999, p. 185-186. ; BLAIZOT F., « Ensembles funéraires isolés dans la moyenne vallée du Rhône », dans MAUFRAS O. (dir.), Habitats, nécropoles et paysages dans la moyenne et la basse vallée du Rhône (VIIe-XVe s.) : contribution des travaux du TGV-Méditerranée à l’étude des sociétés rurales médiévales, Document d’archéologie française, t. 98, Paris : Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2006, p. 281-343.

1 La présentation sous forme d’intervalle chronologique des résultats des datations par mesure du C14 peut faire croire que le phénomène illustré par l’objet daté couvre tout cet intervalle, alors qu’en réalité l’événement daté se situe à un instant particulier à l’intérieur de cet intervalle, cet instant pouvant se situer aussi bien au début qu’à la fin dudit intervalle. Trop souvent également, le souci de contribuer à la thèse historique en vogue conduit à mettre en avant la probabilité de datation la plus récente. Enfin, il conviendrait d’évaluer l’impact sur les datations archéologique de l’important accroissement du taux de carbone 14 présent dans l’atmosphère qui a été récemment observé pour la période comprise entre 822 et 1021. HAYAKAWA, H., TAMAZAWA, H., UCHIYAMA, Y. et al., « Historical Auroras in the 990s : Evidence of Great Magnetic Storms », Solar Physics, Volume 292- 1, 2016, 14 p.

2 BLAIZOT F., Les espaces funéraires de l’habitat groupé des Ruelles à Serris du VIIe au XIe s. (Seine-et-Marne, Île-de-France) : taphonomie du squelette, modes d’inhumation, organisation et dynamique, thèse de Doctorat, Université de Bordeaux 1, 2011, Disponible sur Internet, Bordeaux1.fr/pdf/2011/BLAIZOT_FREDERIQUE_2011. Pdf.

BLAIZOT F., « Ensembles funéraires isolés dans la moyenne vallée du Rhône », dans MAUFRAS O. (dir.), Habitats, nécropoles et paysages dans la moyenne et la basse vallée du Rhône (VIIe-XVe s.) : contribution des travaux du TGV-Méditerranée à l’étude des sociétés rurales médiévales, Documents d’archéologie française, t. 98, Paris : Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2006, p. 281-343. ; PECQUEUR L., « Des morts chez les vivants. Les inhumations dans les habitats ruraux du haut Moyen Âge en Île-de-France », Archéologie médiévale, 33, 2003, p. 1-32. (cf note 7).

3 Des exemples postérieurs au XIe siècle sont désormais attestés. CARRE F. (dir.), L’archéologie en Haute-Normandie, bilan des connaissances, Tome 1 : Le haut Moyen Âge, Rouen : Publications des universités de Rouen et du Havre, 2011, p. 98 et 100. ; VERBRUGGHE G.et CARRON D., « Dizy (Marne, France), « Les Rechignons », un exemple champenois de sépultures dispersées dans et aux abords d’un habitat du haut Moyen Âge », dans VERSLYPE L. (dir.), Villes et campagnes en Neustrie, sociétés – économies – territoires – christianisation, actes des 25e journées internationales d’Archéologie Mérovingienne de l’Association Française d’Archéologie Mérovingienne, Europe médiévale, n°8, Montagnac : Éditions Monique Mergoil, 2007, p. 167-173.

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