LA NOTION DE PATRIMOINE
Bruno KISSOUN
LICENCE « HUMANITÉS »
DPLSH
LA NOTION DE PATRIMOINE
• LE PATRIMOINE : APPROCHE HISTORIQUE La notion de patrimoine jusqu’à la Révolution
Au XIXe siècle : la naissance d’une politique patrimoniale Au XXe siècle : du monument historique au patrimoine
• LE FORMES DU PATRIMOINE BÂTI Le patrimoine monumental
Le patrimoine de l’UNESCO
Le patrimoine bâti vernaculaire
• LE PATRIMOINE EN GUADELOUPE
Les monuments historiques en Guadeloupe
Les sites naturels protégés
Le patrimoine : quel définition?
• Le mot patrimoine vient du latin patrimonium qui signifie littéralement « l’héritage du père ».
• C’est une notion privée qui a un sens de bien individuel
• Le sens du mot patrimoine a au fil du temps été élargi au bien collectif, de la communauté, de la nation et même du monde.
La France a été l’un des premier pays à apporter une attention forte
à son patrimoine au nom de l’intérêt général.
Le patrimoine : quel définition?
Le patrimoine peut être considéré comme l’ensemble de tous les biens,
naturels ou créés par l’homme, matériels ou immatériels, sans limite de
temps ni de lieu, qu’ils soient simplement hérités des ascendants et
ancêtres des générations antérieures ou réunis et conservés pour être
transmis aux descendants des générations futures en raison de la
valeur qu’on leur attribue (historique, esthétique, symbolique,
identitaire, etc.). Il est un bien public dont la préservation doit être
assurée par les collectivités lorsque les particuliers font défaut.
La notion de patrimoine avant la Révolution
Les régalia sont un ensemble d'objets symboliques de royauté qui ont une histoire souvent légendaire. Ils sont conservés précieusement comme des trésors et se constituent par ajouts successifs. On peut les classer en trois catégories :
- instruments liturgiques ; - vêtements royaux ;
- instruments du sacre.
Les Régalia du trésor de la basilique Saint Denis. Le trésor de Saint-Denis est célèbre pour son rôle de gardien des instruments du sacre, les regalia, que l'abbé doit
apporter à Reims pour chaque sacre royal.
Les « régalia » du royaume de France
Les cabinets de curiosité
La pratique de la curiosité est une composante majeure de la culture savante des 16e et 17e siècles. Elle consiste à amasser des objets et à former un cabinet.
« Mon musée est un
microcosme ou un résumé de toutes les choses rares »
Pierre BOREL, médecin à Castre, propriétaire d’un cabinet de curiosité.
La notion de patrimoine avant la Révolution
Les vestiges du passé
L’étude et la recherche des vestiges patrimoniaux français (mobiliers ou immobiliers) commencent dès le 16e siècle mais c’est alors le fait d’une élite restreinte, le plus souvent aristocratique, qui n’a pas pour but de faire partager cet héritage au plus grand nombre mais plutôt d’alimenter ses collections privées.
La notion de patrimoine avant la Révolution
Au XVIIIe s., Louis XVI ordonne la restauration et la
mise en valeur des Arènes de Nîmes ce qui implique déjà l’idée de sauvegarde d’un héritage architectural commun.
Le patrimoine en révolution
Alors que les violences répétées sur les personnes et les biens se succèdent à travers le pays, émerge une nouvelle idée : celle d’un patrimoine national.
Destruction des tombeaux des rois de France à la basilique de Saint-Denis
Aubin Louis MILLIN
Le 9 décembre 1790, Aubin-Louis Millin présente à l'Assemblée constituante son travail intitulé Antiquités Nationales ou recueil de monuments, pour servir à l’Histoire générale et particulière de l’Empire François, tels que tombeaux, inscriptions, statues, vitraux, fresques, etc. ; tirés des abbaïes, monastères, châteaux et autres lieux devenus domaines nationaux.
Il est le premier à parler, dans un lieu officiel, de
« monument historique » à l'occasion de la démolition de la Bastille.
Millin et les « monuments historiques »
Le patrimoine en révolution
" L’orgueil de voir un patrimoine de famille devenir un patrimoine national ferait ce que n’a pas pu faire le patriotisme ".
Francois Puthod de Maison-Rouge et le « patrimoine national »
François Puthod de Maison-Rouge, érudit provincial, membre de la Commission révolutionnaire des monuments chargée de sauvegarder le patrimoine littéraire, artistique, monumental. Il présente le 4 octobre 1790 une pétition à l’Assemblée Constituante qui réclame, au nom de leur valeur historique, de conserver les monuments et de les réunir dans un muséum.
Lors d’une allocution devant l’Assemblée nationale, il exhorte les nobles à transférer leurs biens au muséum. Il évoque « l’orgueil de voir un patrimoine de famille devenir un patrimoine national ». Pour lui, la dimension familiale doit s’effacer devant l’intérêt collectif.
Le patrimoine en révolution
L’abbé Grégoire et le « vandalisme »
Un des premiers grands documents sur la sauvegarde du patrimoine. Evêque constitutionnel de Blois, l'abbé Grégoire (1750-1831) fit campagne toute sa vie en faveur des opprimés, qu'ils fussent paysans, juifs ou noirs.
Ami des arts et homme de culture, le conventionnel a inventé le terme de vandalisme. "Je créai le mot pour tuer la chose", écrira-t-il dans ses Mémoires, tant il avait été révulsé par les destructions iconoclastes et les pillages sous la Révolution.
C'est dans ces quelques pages que se forge la notion de patrimoine culturel de la nation.
Le patrimoine en révolution
L’apparition du musée
Le musée des monuments français a été créé par Alexandre Lenoir après les destructions du patrimoine architectural intervenues pendant la période de la première période révolutionnaire française (1789-1794).
Ce premier établissement est ouvert au public en 1790, hébergé dans un ancien couvent du XVIIe s. Il ferme ses porte en 1816.
Le patrimoine en révolution
1830. L’inspection des Monuments historiques
L'inspection générale des monuments historiques est à ses débuts de visiter et veiller sur le patrimoine français et en particulier les monuments historiques.
Le poste d'inspecteur général des monuments historiques est créé le 25 novembre 1830 par François Guizot, alors ministre de l'Intérieur. Sa mission est ainsi définie en 1831 :
« Constater l'existence et faire la description critique de tous les édifices du royaume qui, soit par leur date, soit par le caractère de leur architecture, soit par les événements dont ils furent les témoins, méritent l'attention de l'archéologue, de l'historien, tel est le premier but des fonctions qui me sont confiées ; en second lieu, je dois veiller à la conservation de ces édifices en indiquant au Gouvernement et aux autorités locales les moyens soit de prévenir, soit d'arrêter leur dégradation ».
La naissance d’une politique patrimoniale
1840. Les premières listes de classement
En 1840, l'inspecteur générale des monuments historiques dresse une liste de 880 monuments à restaurer. Mais cette liste n’est pas exhaustive est n’a aucun pouvoir
pour être appliquée si les propriétaires refusent de faire restaurer leur monument,
Le nombre de classements progresse rapidement : il atteint 2 800 en 1848 et 3 000 en 1849.
En 1862 et 1875, de nouvelles listes, sérieusement révisées selon ces principes, sont officiellement publiées : elles ne comptent plus que 1 838 monuments classés pour la première et 1 893 pour la seconde.
La naissance d’une politique patrimoniale
Les destruction du patrimoine
Victor HUGO, Guerre aux démolisseurs en 1825
C’est à Victor Hugo que l’on doit ce passage célèbre à propos de l’appropriation collective des biens culturels :
« Quels que soient les droits de la propriété, la destruction d’un édifice historique et monumental ne doit pas être permise à ces ignobles spéculateurs que leur intérêt aveugle sur leur honneur [...]. Il y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde ; c’est donc dépasser son droit que de le détruire ».
La naissance d’une politique patrimoniale
Les premiers « architectes du patrimoine »
La commission prend en 1840 la décision de confier la direction des travaux les plus importants à « des architectes ayant fait de l’architecture du Moyen-Âge une étude toute spéciale ».
Les architectes qui pratiquent ces restaurations doivent être spécialisés mais cette spécialisation se fait hors des cadres officiels (pas d’école du patrimoine), les architectes sont des autodidactes ainsi que les ouvriers qui exécutent les travaux.
Quelques architectes :
- Jacques Félix DUBAN (1797-1870)
- Charles Auguste QUESTEL (1808-1888) - Eugène VIOLLET-LE-DUC (1814-1879)
La naissance d’une politique patrimoniale
La restauration du patrimoine selon Viollet-le-Duc
« Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné ».
La naissance d’une politique patrimoniale
La mise en place des lois de protection
La loi de 1887 donne au classement une portée juridique alors qu’il n’avait précédemment qu’une valeur indicative. Le dispositif retenu est encore assez restrictif : seuls les biens présentant un intérêt national d’art ou d’histoire peuvent être classés, le classement des immeubles appartenant à des propriétaires privés n’est possible qu’avec leur accord, le classement des objets mobiliers est institué mais seulement pour des objets appartenant à des collectivités publiques,
La loi de 1913 remplace celle de 1887. Les principales innovations sont les suivantes :
- substitution de l’intérêt public à l’intérêt national d’art ou d’histoire pour justifier le classement d’un bien ;
- institution de la possibilité de classer des biens immeubles ou meubles même en l’absence de consentement du propriétaire ;
- création de l’inscription à l’inventaire supplémentaire pour les édifices qui, sans justifier un classement immédiat, présentent cependant un intérêt archéologique suffisant pour en rendre désirable la préservation
La naissance d’une politique patrimoniale
Les autres lois sur le patrimoine
• 1930 : loi qui établit « la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire et pittoresque».
• 1941 : loi Carcopino qui réglemente les fouilles archéologiques.
• 1962 : André Malraux propose une loi instaurant des « secteurs sauvegardés ».
• 1978 : introduction du terme « patrimoine » dans la législation française
• 1983 : introduction des ZPPAUP (Zones de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager).
• 1985 : naissance des CO.RE.P.H.A.E. (Commissions Régionales du Patrimoine Historique, Archéologique et Ethnologique).
• 1997 : création des commissions régionales du patrimoine et des sites (C.R.P.S.) qui remplace les COREPHAE
• 2010 : création des Aires de mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine (AVAP) qui remplace les ZPPAUP
• 2016 : loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (loi L.CAP)
Du monument historique au patrimoine
L’élargissement de la notion de patrimoine
Du monument historique au patrimoine
L’élargissement de la notion de patrimoine
Du monument historique au patrimoine
Vers le tout patrimoine?
« L’explosion du patrimoine » « une inflation brutale et désordonnée de tous les objets du patrimoine » (Pierre Nora, 2011)
Depuis l’année 1980, la France serait entrée dans l’ère du « tout patrimoine ». C’est à dire que la notion recouvrirait désormais tous les domaines de la création.
Certains spécialistes ont déploré cette extension de la notion.
L’idée de patrimoine impliquait au départ le principe d’une sélection:
choisir ce qui, dans le passé, était digne d’être transmis aux générations futures.
Objectivement, depuis les années 1980, la notion de patrimoine est devenue englobante et très accueillante. En contrepartie, les contours de la notion peuvent paraitre plus flous.
Le patrimoine de l’UNESCO
Le patrimoine mondial ou patrimoine mondial de l'UNESCO désigne un ensemble de biens culturels et naturels présentant un intérêt exceptionnel pour l’héritage commun de l’humanité.
L'objectif principal de la liste du patrimoine mondial est de faire connaître et de protéger les sites que l’organisation considère comme exceptionnels.
Parmi les critères :
- représenter un chef-d’œuvre du génie créateur humain ;
- offrir un exemple éminent d'un type de construction ou d'ensemble architectural ou technologique ou de paysage illustrant une ou des périodes significative(s) de l'histoire humaine ;
En France, 44 sites inscrits sur la liste du patrimoine de l’UESCO dont 39 culturels, 4 naturels et 1 mixte.
Les formes du patrimoine bâti
Le patrimoine monumental
Le Centre des monuments nationaux (CMN) a pour missions de mettre en valeur le patrimoine qui lui est confié, d'en développer l'accessibilité au plus grand nombre et d'assurer la qualité de l'accueil.
Il gère, anime et ouvre à la visite
près de 100 monuments
nationaux, propriétés de l'État.
Les formes du patrimoine bâti
Le patrimoine vernaculaire
Plus communément appelé petit patrimoine, le patrimoine vernaculaire rassemble des richesses architecturales souvent délaissées, et dont l’usage se perd peu à peu. Par définition, le patrimoine vernaculaire regroupe « tout élément immobilier témoignant du passé ou d'une pratique traditionnelle ou locale, aujourd'hui révolue.
Les formes du patrimoine bâti
Les monuments historiques en Guadeloupe
Combien y a-t-il de monuments historiques en Guadeloupe ?
Les sites et les monuments de la Guadeloupe rendent compte de son histoire, qui a été marquée par les différentes occupations de l’île depuis l’époque précolombienne.
En 2015, 119 monuments ont été protégés, ils témoignent de diverses origines : - architecture religieuse : exemple la cathédrale de Basse Terre
- architecture militaire : exemple le Fort Delgrès de Basse terre
- patrimoine amérindien : exemple le parc des roches gravées de Trois Rivières - habitations : exemple La Grivelière
- architecture industrielle : exemple poterie Fidelin de Terre de Basse-Terre
- architecture civile et administrative : exemple le Palais d’Orléans de Basse terre - Patrimoine vernaculaire : exemple les fours à chaux de Trois Rivières
Classement : 29 ISMH : 90
Répartition par propriétaire : - Commune : 37
- Privé : 31 - Etat : 22
- Département : 17 - Autre : 10
- Région : 2 A Basse-Terre : 18
A Pointe-à-Pitre : 17
Les sites naturels protégés en Guadeloupe
Sites inscrits et classés
La loi du 2 mai 1930 permet de protéger les sites
« de caractère artistique, historique, scientifique,
légendaire ou pittoresque, dont la qualité appelle,
au nom de l'intérêt général, la conservation en l'état
et la préservation de toute atteinte grave», selon
deux niveaux : le classement et l’inscription.