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La notion et la protection du patrimoine

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Q U E S A I S - J E ?

L a notion et la protection

du patrimoine

D O M I N I Q U E A U D R E R I E Docteur en droit de l'environnement Maître de conférence associé à Bordeaux IV

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ISBN 2 13 048702 5

Dépôt légal — 1 édition : 1997, décembre

© Presses Universitaires de France, 1997 108, boulevard Saint-Germain, 75006 Paris

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INTRODUCTION

Le patrimoine...

Une notion qui attire et provoque à la fois.

Le patrimoine est notre bien commun, mais il appa- raît aussi comme le reflet d'une élite de connaisseurs ou de possédants.

Le patrimoine est une part de nos rêves et en même temps la marque d'un passé, parfois rejeté.

Une notion profondément paradoxale en somme, et ce paradoxe n'a cessé de croître jusqu'à l'ambiguïté : quand tout devient patrimoine, quel sens précis, pro- fond, faut-il donner à ce mot ?

La notion de patrimoine et sa nécessaire protection sont le fruit d'une évolution qui s'étale pour nous fran- çais sur deux siècles.

La complexité de cette notion (chap. I) et la prise en compte du patrimoine dans tous ses aspects (chap. II) correspondent à une protection légale de plus en plus étendue, qui contient en elle-même ses propres limites (chap. III). Les principaux textes qui régissent la matière (chap. IV, V, VI, VII et VIII) montrent à la fois les hésitations du législateur et les avancées signifi- catives de ces dernières années.

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Chapitre I

UNE NOTION COMPLEXE

La notion de patrimoine recouvre des réalités très différentes, qui en font une notion particulièrement complexe.

1. — Des composantes de différentes natures 1. Qu'est-ce que le patrimoine? — Le patrimoine, dans les siècles passés, a eu avant tout une dimension quasi sacrée : le patrimoine reçu des parents doit être transmis au fils, au fils aîné dans la plupart des cas ; il est une composante de la famille et à ce titre doit être respecté et protégé. La maison, les terres, les meubles, les titres, etc., autant d'éléments constitutifs du patri- moine familial, qui d'une certaine façon dépassent celui qui les reçoit. L'héritier est plus le dépositaire que le propriétaire au sens moderne du terme. Il en est redevable devant ses ancêtres, ses frères, ses sœurs et ses enfants.

Cette notion de patrimoine s'entend de sociétés tra- ditionnelles où la famille joue un rôle central. L'appar- tenance à une famille s'inscrit dans la structure sociale et s'accompagne de symboles forts, révélateurs précisé- ment du patrimoine familial. De ce point de vue, le nom de famille est un élément essentiel, auquel s'at- tache honneurs et dimension historique. Tel membre

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de la famille peut être déclaré par l'aîné indigne de por- ter le nom familial.

La prise de conscience collective du patrimoine a fait passer le patrimoine de la famille à la nation. Alors même que le patrimoine perdait peu à peu de sa sacra- lité, le patrimoine est devenu un bien commun de la nation, à la fois témoignage physique de son histoire et image de son identité. Le patrimoine est en quelque sorte la vitrine du génie national. La Révolution a joué un grand rôle dans cette évolution (voir infra, chap. II) et nous en sommes encore très largement marqué.

Le patrimoine apparaît comme un bien reçu et à transmettre, dont la propriété n'est pas exclusive d'une famille, mais intéresse tout le groupe social. Il matéria- lise en quelque sorte un passé à sauvegarder pour le présent et l'avenir. On comprend alors les limites imposées à la propriété privée au nom de l'intérêt général.

Le patrimoine est avant tout référence au passé. Il est l'héritage commun, qu'il convient de protéger. A travers lois et règlements, la puissance publique inter- vient dans sa conservation et sa gestion. Elle s'attache aussi à rappeler son importance à travers des manifes- tations toujours plus nombreuses. Riche de tant d'at- tentions et de respect, le patrimoine revêt à nouveau une sorte de sacralité acceptée et partagée.

Il est essentiel aussi de noter l'élargissement considé- rable de la notion de patrimoine ces dernières années, pour ne pas dire l'éclatement de la notion. C'est ce que l'on appelle aussi le tout patrimonial. Dans la cons- cience sociale contemporaine, on est passé des témoins architecturaux aux sites, de la patrimonialisation de la ville à celle de la nature et de l'environnement, ou encore de la protection de l'édifice à la mise en réserve de territoires. Il ne faut pas oublier non plus les lan- gues locales, les savoir-faire, les modes de vie, etc.

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Cette véritable explosion de la notion de patrimoine en fait une notion particulièrement complexe à saisir et à définir.

A cela on peut ajouter une sorte de mode diffuse, dans la société française actuelle, des thèmes qui ren- voient au patrimoine. Le nombre de visiteurs croissant dans les monuments en est un révélateur parmi d'au- tres. L'environnement lui-même prend une importance telle que certains parlent d'une véritable pratique culturelle.

Il faut aussi noter que le temps n'est plus un critère de sélection pour définir le patrimoine. Le centre Beau- bourg fait désormais partie du patrimoine parisien, que l'on vient visiter de la province, mais aussi de l'étranger. De même les lieux marqués par le président François Mitterrand et ses souvenirs sont objet d'at- tention, sa tombe devient un centre de pèlerinage et ses archives ont été réunies dans un centre pour en faciliter l'étude.

2. Des contingences historiques. — La France, à tra- vers son histoire récente, a connu deux traumatismes forts, qui ont des conséquences directes sur la percep- tion du patrimoine : la Révolution et la séparation de l'Église et de l'État.

A) Les idées révolutionnaires. — En déclarant la déchéance de l'Ancien Régime et de son roi, la Révolu- tion a jeté l'anathème sur les symboles de cette société et en particulier sur les châteaux, résidences privilé- giées de la noblesse. Le palais de Versailles, construit par et pour le roi, devenait un lieu chargé d'un a priori négatif.

Et pourtant le château reste l'image d'une région, un lieu de visite et de découverte, l'objet de bien des rêves. Ne voit-on pas fleurir, en façade de nom-

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breuses maisons, une tour ou un pigeonnier, quand ce n'est pas la bâtisse elle-même qui est posée sur une motte artificielle...

Détruire le château et ce qu'il représente ? S'appro- prier le château, ne serait-ce qu'un instant ? Ce malaise proprement français qui rejaillit sur les visites que l'on peut faire ou sur les commentaires proposés.

Certains sujets sont difficilement abordables devant certains. On a longtemps hésité sur la manière de montrer les appartements de la reine à Versailles ou encore à commenter les armes du roi de France, qui furent aussi celles du royaume. Il est facile de «cata- loguer» quelqu'un en fonction de ce qu'il dit ou ne dit pas.

Cette attitude, qui semble se prolonger aujourd'hui encore, échappe totalement aux étrangers, qui n'ont pas de difficulté de cette nature vis-à-vis de leur patri- moine castral. Les anglais par exemple n'hésitent pas à cotiser dans des organismes, qui aident indifférem- ment tous les propriétaires d'un élément à valeur patrimoniale.

B) La séparation des deux pouvoirs. — Lorsque, au tournant de ce siècle, les circonstances ont conduit à la séparation de l'Église et de l'État, il s'en est suivi un réel malaise pour parler du religieux, pour expliquer ou simplement montrer un lieu de culte. Certains insti- tuteurs, dans le but très honorable du respect des cons- ciences, sont allés jusqu'à interdire à leurs élèves de visiter une église à l'occasion d'une excursion.

Aujourd'hui la culture religieuse est très faible et présenter une église suppose de faire aussi un peu d'histoire sainte et de catéchisme. Où commence et où s'arrête le respect des consciences ?

On sait qu'il est «politiquement» plus facile pour un maire de gauche que pour un maire de droite

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d'entreprendre des travaux d'entretien sur l'église communale.

Dans nombre de pays d'Europe ou aux États-Unis, le religieux est un aspect normal de la vie courante et là encore l'attitude des Français surprend, sans être toujours comprise.

3. Une perception parfois passionnelle. — Les excès constatés ces trente dernières années en matière d'ur- banisme et d'environnement ont conduit à des réac- tions parfois violentes pour la conservation du patri- moine, naturel ou bâti. Alors que dans d'autres pays d'Europe apparaissaient des groupes organisés évo- luant vers la constitution de véritables partis politi- ques, la France est restée marquée par des regroupe- ments plus ou moins spontanés, trouvant leur assise juridique dans des associations du type loi 1901 et plus difficilement dans des mouvements à caractère poli- tique. Il est encore courant d'opposer protecteur et aménageur, ce dernier terme devenant synonyme de pollueur.

4. Les notions voisines. — Chargée d'une force émo- tionnelle réelle, la notion de patrimoine s'est ouverte à des notions voisines plus discrètes dans leur intitulé et correspondant mieux aux préoccupations du moment.

A) La nature. — Le concept de nature est vague et imprécis. L'idée de nature reste pourtant très forte- ment ancrée dans les mentalités et répond au souci de l'homme d'aujourd'hui de retrouver une place, à l'écart du matérialisme ambiant.

La nature au sens strict n'existe plus dans nos pays.

Son caractère sauvage a disparu et il n'est pas un pay- sage qui n'ait bénéficié d'une intervention humaine à un moment donné.

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Ce concept renvoie aux sites, aux paysages, aux éco- systèmes, aux richesses naturelles, souvent menacés.

Selon certains, il y aurait même quelque chose de métaphysique dans l'idée de nature, que l'on retrouve à l'origine de la démarche patrimoniale de protection.

La volonté de protection correspond alors au maintien d'équilibres fragiles, changeant au rythme des saisons et sous la pression de facteurs souvent insaisissables.

B) Le cadre de vie. — Le cadre de vie renvoie aux problèmes d'architecture et d'urbanisme. Ce concept est apparu dans les années 1970. Il invite à une atten- tion nouvelle à la qualité des constructions et de l'aménagement de l'espace. Après avoir beaucoup construit, les techniciens doivent retrouver des règles esthétiques (à travers les concours d'architecture par exemple) et apporter un regard renouvelé sur l'envi- ronnement quotidien des habitants et le paysage urbain.

Le traitement des espaces publics retrouve un rôle important, à la fois espace vert, lieu de rencontre et de convivialité, espace de repos. Ces éléments, pourtant élémentaires, n'avaient pas pu bénéficier d'un traite- ment approprié face à d'autres contraintes, quantita- tives notamment.

C) La qualité de vie. — La recherche du qualitatif traduit d'abord le désir de ramener l'homme au centre des procédures. A partir des années 1980, l'homme est considéré dans ses rapports familiaux et sociaux, dans ses activités de travail ou de loisir. Il ne suffit pas de faire de la «belle» architecture, elle doit aussi et d'abord répondre à des besoins immédiats, qui se tra- duisent dans des rapports d'échelles (plus de « tours » ou de « barres »), dans l'attention apportée aux ques-

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tions de communication ou de sécurité, dans la défini- tion d'espaces privatifs.

La notion de patrimoine est comme la référence indirecte pour asseoir les orientations nouvelles. On parle moins d'avancées que de retours à des valeurs plus traditionnelles, où l'homme est à une juste place.

Les relations collectives, le sport, les loisirs sont des axes prioritaires dans les actions d'aménagement.

II. — Une dimension morale

Le patrimoine touche au plus intime de chacun : ses origines, ses souvenirs, ses références propres ou col- lectives, sa part de rêve. Ainsi doit-on accorder au patrimoine une dimension morale, dont l'État serait d'une certaine façon le garant.

1. Le patrimoine protecteur de valeurs. — Le patri- moine est surtout considéré en période de crise. Mis en évidence à la Révolution, il apparaît aujourd'hui comme une réponse aux grandes attentes de notre temps. Face à une modernité galopante, dépourvue de repères, il donne du sens et renvoie à des formes anciennes acceptées et à des systèmes reconnus.

Le sentiment de déracinement, ressenti fortement dans les agglomérations, conforté par une accéléra- tion des déplacements, appelle un retour au passé.

C'est un véritable engouement, largement partagé. La recherche des racines correspond bien à cette réflexion identitaire.

On sait combien les centres d'archives connaissent une fréquentation en rapide expansion du fait des généalogistes soucieux de retrouver leurs ancêtres.

L'analyse des documents anciens fait découvrir la foule de ceux, connus ou inconnus, dans lesquels chacun

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de valeurs ajoutées et de revenus antérieurs mis en œuvre pour des usages particuliers. A la limite du culturel, ils génèrent des comportements de produc- tion, de consommation, d'investissement et de conser- vation au sens de stockage. Selon l'économiste Jean- Louis Guy, leur répartition agit sur le bien-être individuel et collectif.

Cette approche, pour inattendue qu'elle soit, concourt à la protection du patrimoine et à sa mise en perspective avec d'autres facteurs, qui au demeurant semblent bien éloignés de lui.

1. Le patrimoine source de valeur. — Le patrimoine n'apparaît plus seulement comme le protecteur de valeurs personnelles ou collectives. Il est aussi directe- ment à l'origine de valeurs, que l'on apprécie d'autant plus en son absence.

A) La satisfaction dans la rencontre. — Le patri- moine trouve une valeur d'usage du simple fait qu'il procure une certaine forme de satisfaction aux per- sonnes qui vont vers lui. La visite d'un monument ou d'un musée, la découverte d'un site naturel, une promenade dans un quartier ancien, autant d'élé- ments qui attribuent une valeur directe aux biens patrimoniaux.

Le tourisme est, de ce point de vue, souvent consi- déré comme une nouvelle forme de pèlerinage : des millions de personnes prennent la route pour accéder à des lieux à caractère patrimonial ; la rencontre avec le monument ou l'objet dépasse la simple curiosité.

Le patrimoine devient source de découvertes, occa- sion de «recentrage» dans une vie trop souvent désordonnée, retour à une certaine forme de l'essen- tiel. On sait par exemple que des industriels impor- tants prennent le temps de rompre avec leurs entre-

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prises pour écouter de la musique ou de la poésie, pour visiter une abbaye ou un lieu fortement marqué par l'histoire, afin de retrouver cet équilibre que leurs activités professionnelles finissent par rompre. Des

« stages » de ce type sont proposés à leurs collabora- teurs directs.

B) L'absence de patrimoine. — On a pu constater que l'absence du patrimoine en tant que repère ou témoin est facteur de malaise. De graves déséquilibres peuvent s'ensuivre. Des personnes ou des groupes humains en sont victimes. La solution est alors de les sortir de leur milieu sans référence pour les conduire vers des espaces naturels ou dans des lieux anciens, où ils pourront justement retrouver, voire découvrir, cette dimension qui leur fait tant défaut. La présence patri- moniale est réellement un facteur d'équilibre; son absence se fait directement sentir. Les classes vertes ou les classes du patrimoine réservées aux plus jeunes ont des effets très sensibles, que les éducateurs se plaisent à souligner.

Il n'est donc pas excessif d'écrire que l'absence de patrimoine a un coût social, dont la société tout entière supporte la charge. Accéder au patrimoine, vivre au contact d'éléments à caractère patrimonial sont des composantes normales de la vie et non pas, comme certains seraient tenter de le croire un peu vite, un luxe ou une fantaisie.

C) L'entretien du patrimoine. — A cela il faut ajouter une valeur indirecte liée aux biens et services qu'induit la fréquentation du patrimoine par un public: com- merces, restaurants, hôtellerie, structures d'accueil et d'accompagnement, etc.

Même s'il est difficile de quantifier avec exactitude l'importance de ces flux, on sait qu'ils sont à la fois très

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divers et source de revenus notables dans l'économie internationale. Les secteurs ruraux sont à même d'en bénéficier directement.

De même, la protection de monuments ou de sites limite à terme les dépenses d'entretien ou de restauration.

La sauvegarde d'espaces naturels ou d'écosystèmes réduit les risques de catastrophes naturelles et de dégradation de l'espace (inondations, érosions, etc.), dont la prise en compte trop tardive entraîne des coûts importants.

Enfin, des professions entières sont tournées vers le patrimoine et vivent de sa mise en valeur.

D) La propriété du patrimoine. — La propriété d'un bien patrimonial reconnu peut de ce simple fait appor- ter un agrément fort, que le propriétaire soit une per- sonne privée ou une personne publique. On a vu com- bien les collectivités sont de plus en plus soucieuses de faire « labéliser » leur patrimoine. Cette propriété cor- respond à un souci autant esthétique que personnel ou marchand, à travers les activités que le patrimoine génère.

Cette forme de propriété est en quelque sorte une reconnaissance (penser par exemple à l'acquisition d'une vieille demeure par celui qui a « réussi ») ou au contraire l'ancrage dans une longue tradition.

Pour l'économiste, l'appréciation de la valeur d'un bien patrimoine suppose de considérer les flux de ser- vices associés à ce bien. Leur analyse dépasserait le cadre de ce travail. Mais il suffit de savoir que le bien patrimoine peut être analysé comme un bien écono- mique facteur de richesses, dont les effets directs et indirects sont parfaitement quantifiables.

L'intérêt porté au patrimoine n'est donc pas un luxe ou l'attribut de quelques-uns. Il est bien davantage une

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des composantes essentielles de notre société présente, y compris sur le plan économique.

2. Un véritable marché patrimonial. — Le patrimoine est l'occasion d'un véritable marché, où des biens sont échangés à partir d'une offre et d'une demande.

A) Des marchés directs. — Certains marchés sont le lieu d'acquisition ou de vente de biens mobiliers ou immobiliers de la part de personnes privées ou morales suivant leurs besoins ou leurs moyens. D'autres mar- chés sont organisés à cet effet avec une localisation spé- cifique, voire internationale.

On constate même une forme de concurrence, car le nombre des acheteurs potentiels est limité. L'informa- tion et la formation des acheteurs est d'ailleurs bien souvent insuffisante. Qu'il s'agisse de placements ou de la satisfaction d'un désir, l'appréciation exacte des biens échangés n'est pas toujours au centre de l'échange.

L'État et les institutions publiques peuvent jouer un certain rôle sur ces marchés, par les contrôles qu'ils exercent et aussi en se portant acquéreur de certaines œuvres considérées comme patrimoine national.

Les mêmes biens peuvent être échangés à plusieurs reprises et l'on peut ainsi suivre l'évolution de leur valeur.

B) Des marchés indirects. — Il faudrait aussi insister sur les marchés occasionnés indirectement par les biens du patrimoine. Des entreprises spécialisées, comme nous l'avons déjà signalé, œuvrent dans ce domaine, tant au niveau de la valorisation que de la promotion.

On peut noter en effet que l'activité patrimoniale engendre des professions spécifiques, qui tendent à se diversifier. Conservation, gestion, animation corres-

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pondent à des métiers nouveaux, sanctionnés par des diplômes qui attirent un nombre croissant de jeunes.

La mise en valeur d'un monument ou d'un site n'est pas neutre. Elle entraîne des flux économiques directs et indirects. La recherche d'un développement du tourisme rural répond notamment à cette préoccu- pation ; il en va de l'avenir même de certaines petites communes.

II. — Le patrimoine, un enjeu mondial

L'avenir du monde est une préoccupation majeure en cette fin de siècle. L'attention portée au patrimoine par les instances internationales est manifeste. Des ren- contres, des colloques sont organisés pour définir des mesures et assurer la permanence de ce patrimoine. Le droit international a répondu par la notion de patri- moine commun de l'humanité.

1. Le patrimoine commun de l'humanité.

a) La notion de patrimoine commun de l'humanité renvoie à l'idée d'héritage à transmettre de génération en génération, cette richesse étant commune à l'en- semble des générations de la planète.

L'importance de certains monuments ou de cer- taines œuvres dépasse le cadre des états où ces œuvres se sont épanouies. Leur conservation ne dépend pas de la seule volonté de ces états. La communauté interna- tionale tout entière se sent concernée. Ainsi en est-il des pyramides d'Égypte ou des grottes ornées de la vallée de la Vézère, qui ont été déclarées patrimoine mondial.

La pression est plus forte encore en matière de patri- moine naturel. Ce n'est plus seulement une œuvre qu'il

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s'agit de protéger, mais les grands équilibres naturels nécessaires pour l'avenir de la planète.

Mais il faut bien reconnaître qu'il n'y a pas de répar- titions égales entre les nations, qu'il s'agisse du patri- moine bâti ou du patrimoine naturel. A cet égard, les nations pauvres sont détentrices de richesses naturelles considérables, nécessaires aux nations les plus riches et souvent exploitées sans réel souci de l'avenir. La forêt amazonienne en est un exemple très caractéristique.

Des intérêts divergents s'y affrontent et menacent gra- vement cet espace.

La situation d'inégalité devant les richesses patrimo- niales crée des situations de conflits latents, que tentent de gérer le plus souvent à leur profit les sociétés les plus riches.

Le droit international s'est efforcé un temps de dis- socier la ressource dont dispose un pays de sa seule propriété. Le patrimoine devenait alors une sorte de bien commun justifiant toute intervention étatique extérieure pour en garantir le libre accès. Il est clair aujourd'hui que le patrimoine renvoie aux personnes et aux collectivités nationales, qui doivent garder leur liberté. Un juste équilibre est à trouver.

b) A Rio, en juin 1992, le Sommet de la Terre a été l'occasion d'affirmer que « la conservation de la diver- sité biologique est une préoccupation commune à l'hu- manité ». Si, voilà deux siècles, on pouvait affirmer la primauté de l'intérêt général sur la propriété privée, on voit aujourd'hui que la notion de patrimoine trans- cende les frontières pour s'imposer au niveau de l'hu- manité tout entière.

Le patrimoine naturel, dont la prise en compte est urgente, permet de placer le débat juridique à un niveau international. Sa défense est la cause de tous.

La convention de Rio n'a pas nié la souveraineté des états sur leurs richesses naturelles propres et n'impose

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pas davantage le libre accès à ces richesses. Elle lie la souveraineté étatique à une double obligation de ges- tion et de responsabilité dans l'intérêt commun de l'humanité.

Le patrimoine commun de l'humanité est ainsi conçu comme la nécessaire conservation au profit de tous, et en particulier de ceux qui n'y ont pas directe- ment accès, de richesses fragiles, indispensables pour l'avenir de l'humanité. Solidarité internationale, inté- gration des besoins et équité sont les idées de base.

Mais il y a encore loin entre ces objectifs et les prati- ques courantes. Le mouvement semble cependant irré- médiablement amorcé.

2. Le rapprochement avec l'homme. — Apparue à la suite de conflits d'intérêt, la notion de patrimoine com- mun de l'humanité provoque paradoxalement un rap- prochement avec l'homme et, par voie de conséquence, entre les hommes. Ce grand brassage d'idées confron- tées à des inquiétudes grandissantes établit une sorte de dialogue planétaire.

A) Le patrimoine naturel difficilement accepté. — Une certaine forme de faillite du droit de l'envi- ronnement tient au manque de légitimité du patri- moine naturel. Cela est vrai au niveau national, et l'est encore plus au niveau international, où la recherche d'intérêts à court terme conduit trop sou- vent à nier l'importance d'équilibres indispensables pour l'avenir de la planète.

Sans être inutilement alarmiste, le respect du patri- moine naturel est une condition essentielle pour notre avenir. Les solutions existent, encore faut-il les accep- ter et les mettre en œuvre. La « prise de conscience éco- logique » n'est pas d'abord une contrainte, elle est une nécessité.

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Il reste encore aujourd'hui à la communauté inter- nationale tout entière à admettre que le patrimoine n'est pas une donnée facultative, mais une richesse nécessaire, indispensable même.

B) La Maison-Terre. — Le respect du patrimoine, en particulier du patrimoine naturel, est avant tout orienté vers l'avenir. Il tend à respecter les droits des générations futures à un cadre culturel préservé et à un environnement naturel équilibré. L'homme d'au- jourd'hui doit retrouver le sens de sa responsabilité et de sa solidarité vis-à-vis de ce qu'il a reçu et de ce qui l'entoure.

On utilise de plus en plus cette appellation de Mai- son-Terre, si riche sur le plan symbolique. Nous habi- tons tous un espace commun, chargé d'histoire parta- gée et de biens à gérer au mieux.

Le patrimoine dans ses diverses composantes appa- raît alors tel qu'il est, c'est-à-dire tel un trait d'union entre les hommes, au-delà de leurs conditions ou de leurs cultures.

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CONCLUSION

La notion de patrimoine, au terme d'une lente évo- lution, traduit bien les préoccupations du présent et le désir de se reconnaître dans l'héritage du passé.

Cet héritage, d'ailleurs, comprend tout aussi bien les œuvres de l'homme que les richesses naturelles. Le trait le plus marquant est sans doute cette possibilité donnée à la chose publique de s'imposer aux intérêts privés au nom de l'intérêt général. Vérifié à l'intérieur de nos frontières, ce principe tend à s'élargir à la communauté internationale.

L'observateur attentif verra sans doute dans les années à venir un renforcement significatif des mesures de protection en faveur du patrimoine. La grande nou- veauté serait alors que ces mesures ne soient pas subies, mais consenties par le plus grand nombre.

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