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LA FRANCE COMPTABLE DE SES MÉFAITS

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Academic year: 2022

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LE QUOTIDIEN INDÉPENDANT - Samedi 13 février 2021

N°9254 - Trentième année - Prix : Algérie : 30 DA. France : 1 €.

USA : 2,15 $. ISSN : 1111-0333 - http://www.elwatan.com

nouveaux cas

guérisons décès

254 195 2

DOSSIER

LA FRANCE COMPTABLE DE SES MÉFAITS

61 ANS APRÈS «GERBOISE BLEUE», PREMIER ESSAI NUCLÉAIRE

FRANÇAIS EN ALGÉRIE

LIRE LE DOSSIER DE NADJIA BOUZEGHRANE EN PAGES 4, 5 ET 6 LIRE L’ARTICLE DE ABDELGHANI AICHOUN EN PAGE 3

n Le 13 février 1960, l’Etat français faisait exploser, en surface, sa première bombe nucléaire «Gerboise bleue» à Reggane, dans le Sud algérien n Une bombe de 70 kilotonnes, l’équivalent de quatre fois celle d’Hiroshima n Trois autres essais en surface seront effectués en une année n Au total, ce sont 17 essais que la France réalisera en Algérie.

n Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, est rentré hier d’Allemagne, après un séjour de 33 jours, durant lequel il a subi une intervention chirurgicale

«réussie» au pied suite à une complication due à la Covid-19.

Tebboune de retour

au pays

LIRE L’ARTICLE DE M. A. EN PAGE 7 LIRE L’ARTICLE DE MUSTAPHA BENFODIL EN PAGE 2

LIRE L’ARTICLE DE NABILA AMIR EN PAGE 3

Un vendredi sage à Alger

Enquête sur l’opération du «bracelet électronique»

Les explications de Ferhat Aït Ali

ANNIVERSAIRE DU HIRAK

JUSTICE

SNVI, VOITURES DE MOINS DE TROIS ANS ET AFRICAVER

n Déambulation à Alger en ce 48e vendredi sans hirak, à dix jours du deuxième

anniversaire du mouvement populaire. Au milieu d’une ville quadrillée par la police, les hirakistes continuent à observer sagement la trêve sanitaire qu’ils se sont imposée depuis le 20 mars 2020.

PHOTO : D. R.PHOTO : H. LYÈS / ARCHIVES

APRÈS UN MOIS DE SOINS EN ALLEMAGNE

PHOTO : D. R.

(2)

L ’ A C T U A L I T É

À DIX JOURS DU DEUXIÈME ANNIVERSAIRE DU HIRAK

Un vendredi sage à Alger

A

lger, vendredi 12 février 2021. Dix jours nous sé- parent du deuxième anni- versaire de la «Silmiya».

En ce week-end saint du calendrier

«hirakien», il fait très beau, un soleil printanier dardant ses rayons sur la baie. Mais Alger est ville morte. Un air de vendredi «à l’ancienne», avec sa torpeur, sa langueur, son ennui.

On est loin des vendredis fiévreux du hirak. Cela aurait pu être le 104e jour de manif hebdomadaire.

Mais le corona est passé par là. Et le mouvement populaire continue à observer sagement la trêve sanitaire qu’il s’est imposée comme il le fait depuis le 20 mars 2020. Le comp- teur s’est ainsi arrêté à 56 marches consécutives et n’a plus bougé.

Il est un peu plus de 11h. Nous nous offrons une déambulation à travers les rues et artères de la capitale pour prendre la température et jauger l’ambiance générale à l’approche de ce deuxième anniversaire si emblématique. La grande majorité des rideaux sont baissés. Les seuls commerces ouverts sont les cafés, les fast-foods et les buralistes.

La signalétique de la Covid domine le paysage. Le port du masque est complètement intégré. Et malgré la relative accalmie épidémique, aucun mouvement de rue, pas la moindre velléité protestataire ne sont à signaler, contrairement à d’autres régions où l’on a renoué avec les manifs.

Un dispositif de sécurité est déployé comme chaque vendredi pour parer à toute irruption contestataire. Force cependant est de constater que le dispositif demeure moins important qu’au temps du hirak. Sur le boule- vard du Télemly, il n’y avait aucun véhicule de police, hier matin, et ce n’est qu’en arrivant au Palais du peuple que nous avons aperçu une rangée de camions et d’engins des forces de l’ordre. Sur la rue

Didouche Mourad, nous avons noté la présence de quelques véhicules de police à hauteur du ministère du Tourisme, en face de la pompe à essence du Sacré-Cœur. Des bus de transport des forces de police étaient également stationnés un peu plus haut que le siège régional du RCD.

Il y avait en outre trois 4X4 posi- tionnés à proximité de cette antenne partisane qui, au plus fort du hirak, faisait constamment l’objet d’une surveillance accrue. Plus bas, on pouvait remarquer une autre ran- gée de fourgons bleus en face de l’agence Ooredoo, visiblement pour contrôler la remuante rue Victor Hugo. Nous bifurquons à hauteur de l’arrêt de bus de Meisonnier pour prendre la température au marché Ferhat Boussaad. L’ambiance est bon enfant. Sur un mur, ce graffiti qui témoigne du vent de révolte qui avait secoué la présidentielle du

«12/12» : «Makache intikhabate maâ el issabate» (pas d’élections avec les gangs). Nous avançons en direction de la mosquée Errahma où nous relevons un léger cordon de sécurité devant ce lieu de culte d’où partaient des marées de mani- festants après la prière du vendredi,

avant la suspension des marches.

Ensuite, c’est au niveau de la place Audin que le déploiement sécuri- taire est le plus visible avec, à la clé, la traditionnelle ribambelle de fourgons enserrant cette place forte.

De là, plus aucun véhicule de police jusqu’à la rue Abdelkrim Khettabi, à proximité de Tunis Air. Autour de la Grande Poste, plusieurs camions bleus sont postés, de même que sur l’avenue Pasteur, près du jardin de l’Horloge florale.

En revanche, aucun engin n’était mobilisé sur la rue Larbi Ben M’hi- di, ni sur la rampe Ben Boulaïd, pas même au niveau de la rue Asselah Hocine qui, lors des grandes manifs du hirak, voyait déferler des vagues impétueuses de manifestants en pro- venance de Bab El Oued.

SORTIR LE 22 ?

A un moment de notre déambu- lation, nous coupons par la rue Mogador pour gagner Cadix. Puis, nous empruntons la rue Debbih Cherif serpentant sur les flancs de Soustara.

Le rouge et le noir, les couleurs emblématiques de l’USMA, sont sur tous les murs. Nous échangeons

gaiement avec un sympathique trentenaire, marchand de fruits et légumes de son état, à propos de ce deuxième anniversaire du hirak.

Nous lui demandons s’il était prêt à répondre à l’appel de ceux qui exhortent l’opinion à marquer le coup par une manif populaire.

A ce propos, un hashtag est d’ail- leurs lancé sur Twitter sous le slo- gan : «22 Février khardjine» (nous sortirons le 22 février).

«Je pense que ça serait une bonne chose si les gens sortent pour ce deuxième anniversaire. El hala reg- dat gaâ. La fièvre est retombée.

C’est mort. Le gouvernement a profité de la situation (sanitaire, ndlr) pour faire ce qu’il veut, donc, c’est bon pour secouer le cocotier.»

Mohamed nous confie qu’il avait l’habitude de participer aux manifs mais à sa manière. «Je sortais mais en tant que secouriste. Je faisais partie des Gilets oranges. Nous étions encadrés par le Croissant- Rouge (CRA), et aujourd’hui, je suis membre du CRA», glisse-t-il. Ishak, 37 ans, un autre enfant de Soustara, est moins convaincu que son voisin :

«Sortir le 22 ? Si c’est pour pique- niquer, oui», ironise-t-il avant de

poursuivre : «Honnêtement, je ne crois pas au hirak. Au fond, qu’est- ce qui a changé avec le hirak ? Ce n’est pas avec des marches qu’on va bouter ce système.» Et de nous confier dans la foulée : «Moi je suis sorti le 22 février (2019). Je l’ai fait par curiosité, pour voir. J’ai participé ensuite à deux ou trois marches, après, j’ai laissé tomber.

Je voyais que ça ne menait à rien.»

S’il se dit tout aussi sceptique à l’égard des politiques, Ishak plaide cependant pour la réhabilitation des urnes. «Moi j’ai voté le 12 décembre (2019, la dernière élection prési- dentielle). Je pense que c’est impor- tant de renouer avec l’urne. C’est la meilleure façon à mon avis de faire entendre la voix du peuple.»

Un hirakiste chevronné rencontré près de la place du 1er Mai estime pour sa part que le mouvement du 22 Février est plus que jamais la solution. «Il va de soi que je sortirai le 22. Il n’est pas question de lâcher le hirak, c’est notre dernière chance pour le changement. Je le fais avant tout pour mes enfants !» clame notre ami qui dit ne pas se laisser intimider par le climat de répression ambiant. «Je serais allé en prison en échange de la libération de l’une ou l’autre des figures du hirak. Je suis prêt à tous les sacrifices», assure-t- il avec conviction.

Et de marteler : «Nous devons rester unis. C’est la diversité qui a fait la force et la beauté du hirak. Que l’on soit islamiste, communiste, conser- vateur, moderniste… le hirak nous a tous rassemblés. Et nous devons garder cet état d’esprit. C’est le pouvoir qui attise les divisions pour casser le mouvement. La division est une diversion. On ne change pas de sujet. Nous devons rester mobilisés et faire front tous ensemble jusqu’au départ de ce système.»

Mustapha Benfodil

l Déambulation à Alger en ce 48

e

vendredi sans hirak, à dix jours du deuxième anniversaire du mouvement populaire

l Au milieu d’une ville quadrillée par la police, les hirakistes continuent à observer sagement la trêve sanitaire qu’ils se sont imposée depuis le 20 mars 2020

«NIDA-22» LANCE LA «SEMAINE DE MOBILISATION  POUR LE HIRAK»

Les initiatives populaires se multiplient en prévision du deuxième anniversaire du hirak, le 22 février prochain.

«Nida-22» lance du 16 au 22 février la «semaine de la mobilisation pour le hirak» pour «soutenir et accompagner»

les mobilisations populaires à travers des rencontres thématiques et des débats, annoncent ses initiateurs dans une déclaration rendue publique, en fin de semaine dernière. Ces activités devront s’insérer dans la préparation d’une feuille de route «à même de traduire les revendications du hirak», précisent les promoteurs de cette action.

L’initiative «Nida-22», a été lancée le 22 octobre 2020, par des acteurs, en vue du mouvement populaire, qui réitèrent leur «fidélité» aux objectifs de la révolution populaire qui «exige une transition démocratique, ordonnée et indépendante» du système, et engagée par toutes ses composantes dans la révolution populaire pacifique.

«Nida-22 appuie les diverses mobilisations pacifiques et citoyennes qui sont décidées par le peuple, en Algérie et dans la diaspora. Ces mobilisations sont légitimes et nécessaires afin de construire un Etat civil démocratique et se débarrasser du régime militaire et des pratiques brutales de sa police politique, comme celles subies par l’étudiant Walid Nekkiche», relèvent les promoteurs de l’initiative.

N. Iddir

L

e RCD, qui a dénoncé, avant-hier, la

«dégradation de la situation sociale et des libertés» en Algérie, a mis en garde le régime contre la «tentation du pire», à la veille du second anniversaire du hirak. «A quelques jours de la célébration de l’An 2 de la révolution de Février, les questions soulevées lors de ce formidable mouve- ment restent entières. Plus que cela, la dégradation de la situation sociale et des libertés est effarante. Les Algériennes et les Algériens sont en droit de protester et de dénoncer une telle situation par tous les moyens pacifiques. Le RCD met en garde le pouvoir de fait contre la tentation du pire et l’accentuation de la répression», a souligné le RCD dans un communiqué publié, à l’issue de la réunion de son secré- tariat national. Pour le parti d’opposition,

«l’absence prolongée de Tebboune, au demeurant très coûteuse pour le Trésor public, a confirmé que l’essentiel des décisions engageant l’avenir du pays se

prennent loin de la façade civile du sys- tème». «Les véritables décideurs sont dans l’impasse, ils n’ont que les pseudo-élec- tions à proposer comme feuille de route.

Des élections discréditées par le caractère illégitime du pouvoir en place, lui-même issu de la présidentielle du 12-12 rejetée par l’écrasante majorité des Algériens.

Une attitude et une position politique renouvelées et confirmées lors du référen- dum constitutionnel», a fustigé le RCD.

Dénonçant l’instrumentalisation de la justice dans le procès intenté à l’islamo- logue Saïd Djabelkhir, le parti dirigé par Mohcine Belabbas a rappelé que «près d’une centaine de citoyens sont détenus injustement dans les prisons du système pour avoir été des éléments actifs dans le hirak pourtant dit ‘‘béni’’». Le parti s’est dit «convaincu» que l’avènement d’une «transition démocratique» constitue l’issue «salutaire attendue pour le pays».

H. L.

HIRAK

Le RCD met en garde le régime contre la «tentation du pire»

L

a réactivation du Fonds d’aide à la presse, gelé en 2014, est programmée pour l’année en cours, a annoncé le ministre de la Communi- cation, porte-parole du gouvernement, Ammar Belhimer. «Cette réactivation, validée par le Premier ministre sur la base d’une proposition que nous avions faite, tend à aider les médias privés à surmonter leurs difficultés financières, compliquées davantage par l’arrêt des activi- tés engendré par la pandémie du coronavirus (Covid-19)», a indiqué M. Belhimer dans un entretien au site l’ExpressDZ.Sur un autre plan, le ministre a fait savoir que la plupart des dix chantiers lancés, en janvier 2020 «pour assainir un secteur longtemps laissé au désarroi, sont bien avancés». Il s’agit notamment des chantiers relatifs «à la mise en place d’un cadre juridique adéquat pour régir le secteur de la presse élec- tronique, la mise à jour des statuts de TDA pour la commercialisation des produits offerts par Al- comsat-1, la publicité, le sondage et les agences de communication». M. Belhimer a rappelé que l’année 2021 sera consacrée à l’amendement de

la loi organique relative à l’information de 2012

«en vue de l’adapter à la nouvelle Constitution et aux mutations que connaît le secteur» et qui sera «pensée avec le concours de l’ensemble des acteurs et professionnels du secteur».«Pendant ce temps-là, les autres chantiers se poursuivront à grands pas, à l’image de l’élaboration d’un cadre juridique relatif à la publicité et un autre régissant l’activité des sociétés de communica- tion», a-t-il expliqué. Le ministre a indiqué que le marché de la publicité «n’a pas été laissé dans l’état d’anarchie qu’il connaissait», indiquant qu’«en attendant l’adoption du décret exécutif relatif à cette branche d’activité, l’ANEP a entre- pris, en sa qualité de régie exclusive de l’Etat, de mettre en conformité l’accès aux annonces publiques avec les lois de la République, par une série de critères transitoires, quinze en tout, qui prendront effet incessamment». Il a également évoqué la presse électronique, en affirmant qu’il a été mis fin «à l’anarchie» par l’élaboration d’un décret aujourd’hui en vigueur.

R. N.

COMMUNICATION

La réactivation du Fonds d’aide

à la presse programmée pour 2021

(3)

L ’ A C T U A L I T É

Tebboune de retour au pays

L

e président de la République, Ab- delmadjid Tebboune, est rentré hier d’Allemagne, après un sé- jour de 33 jours, durant lequel il a subi une intervention chirurgicale «réus- sie» au pied suite à une complication due à la Covid-19. Selon l’agence officielle APS, celui-ci a été accueilli, à son arrivée à l’aéroport militaire de Boufarik, par les présidents du Conseil de la nation par intérim, Salah Goudjil, de l’Assemblée populaire nationale (APN), Slimane Chenine, et du Conseil constitutionnel, Kamel Fenniche, le Premier ministre, Abde- laziz Djerad, le chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP), le général de corps d’armée, Saïd Chengriha, et le directeur de cabinet à la présidence de la République, Nou- reddine Baghdad Daidj.

Tebboune s’était déplacé, dans ce pays, pour la deuxième fois, après y avoir séjourné une première fois pen- dant deux mois, le 10 janvier dernier

«pour des soins complémentaires suite à des complications au pied après sa contamination au coro- navirus», comme l’avait indiqué la présidence de la République dans un communiqué. Comme le premier, ce deuxième séjour allemand du chef de l’Etat avait été largement commenté par les Algériens, même si cette fois- ci il n’y a pas eu de rumeurs relatives à l’éventualité de la dégradation de

son état de santé. «Le traitement de ces complications, qui ne présentent pas un caractère urgent, était déjà programmé avant le retour d’Alle- magne du président Tebboune, le 29 décembre dernier. Toutefois, ses engagements n’avaient pas permis, entre-temps, un tel déplacement», avait ajouté la Présidence le jour de son retour en Allemagne. Tebboune a, de son côté, réaffirmé que ce séjour

«était programmé afin de poursuivre le protocole thérapeutique, décidé par les professeurs, et dont il ne reste pas beaucoup, mais qui est nécessaire». Il a précisé qu’«une petite intervention

chirurgicale au niveau du pied n’est pas à écarter». Dix jours plus tard, soit le 20 janvier, la présidence de la Répu- blique avait indiqué, dans un second communiqué relatif à ce deuxième séjour, que Abdelmadjid Tebboune avait «subi ce jour une intervention chirurgicale réussie au pied droit et devrait regagner le pays dans les prochains jours». Finalement, le chef de l’Etat a regagné le pays 23 jours après avoir subi cette intervention.

D’ailleurs, l’information relative à son retour au pays a commencé à cir- culer jeudi dans la soirée, notamment après avoir pris connaissance de la

déclaration faite par Tebboune à son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier, avec qui il a eu le jour- même un entretien téléphonique, dans lequel il a tenu à lui exprimer «ses remerciements pour la prise en charge médicale dont il a bénéficié depuis son arrivée en Allemagne».

Il faut rappeler que les ennuis de santé du Président ont commencé au mois d’octobre dernier. Un premier séjour marqué par la propagation de plusieurs rumeurs évoquant une

«éventuelle dégradation» de son état de santé. Beaucoup de reproches ont été faits à ses services quant à la communication ayant émaillé son hospitalisation, la nature de sa maladie (contamination à la Covid-19) n’ayant été officiellement révélée qu’une se- maine après son admission dans un hôpital allemand, par exemple.

A cet effet, c’est le 24 octobre que Teb- boune lui-même avait indiqué, dans un tweet, que «conformément aux recom- mandations du staff médical», il devait observer un «confinement volontaire»

de cinq jours, et ce, «suite à la conta- mination au nouveau coronavirus de cadres supérieurs de la présidence de la République et du gouvernement».

Néanmoins, trois jours plus tard, soit le 27 octobre, la Présidence annonce que le chef de l’Etat a été hospitalisé à l’hôpital militaire de Aïn Naâdja, avant de l’évacuer dès le lendemain

(28 octobre) en Allemagne, pour «des examens approfondis». Jusque-là, aucune information relative à la nature de sa maladie n’a été donnée. Il a fallu attendre jusqu’au 3 novembre pour qu’une contamination à la Covid-19 soit évoquée. Le 30 novembre, 34 jours donc après son hospitalisation à Aïn Naâdja, la Présidence indique que Tebboune a quitté l’hôpital spécialisé en Allemagne pour rejoindre un autre lieu où il devait observer sa conva- lescence, annonçant pour l’occasion

«qu’il regagnera le pays dans les tout prochains jours». Entre-temps, les rumeurs se sont amplifiées et certains politiques ont même commencé à évo- quer l’article 102 de la Constitution (ancienne Constitution).

C’est probablement pour faire taire ces rumeurs que le Président a mis en ligne, le 13 décembre, sur sa page Twitter, une vidéo dans laquelle il s’est exprimé sur sa santé et d’autres questions. C’est le 29 décembre fina- lement que Abdelmadjid Tebboune est rentré au pays, deux jours avant la fin de l’année, alors que l’attendait essentiellement la signature de la loi de finances 2021 et la nouvelle Constitution.

En tout, le séjour médical allemand du chef de l’Etat aura duré un peu plus de trois mois.

Abdelghani Aïchoun

l Tebboune s’ était déplacé, dans ce pays, pour la deuxième fois, après y avoir séjourné une première fois pendant deux mois, le 10 janvier dernier, «pour des soins complémentaires suite à des complications au pied après sa contamination au coronavirus».

PHOTO : D. R. PHOTO : D. R.

Abdelmadjid Tebboune, président de la République

L

e porte-parole du comité scientifique de suivi de l’évolution de la pandémie de coronavirus, le Dr Djamel Fourar, a appelé, jeudi à Alger, toutes les catégories sociales nécessitant un vaccin anti-Covid à s’inscrire dans les établissements pu- blics de santé de proximité (EPSP) pour bénéficier de ce vaccin, selon la quantité réceptionnée graduellement.

En marge d’une journée d’étude orga- nisée par le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière sur «l’amélioration du service public et des mesures de décentralisation dans les affaires administratives», le Dr Fourar a souligné que l’opération de vaccination contre le coronavirus a connu «une large affluence» des citoyens, ce qui exige d’organiser l’opération d’inscription des catégories sociales nécessitant ce vaccin au niveau des EPSP, qui prendront en charge les rendez-vous selon les quantités réceptionnées dans la région, la personne concernée devant recevoir un SMS.

L’Institut Pasteur a précédemment précisé que toutes les wilayas avaient réceptionné leurs lots de vaccin anti-Covid-19 selon la densité de la population et le taux de prévalence de la pandémie. Le 1er février, 20 wilayas ont réceptionné leurs lots, suivies par 28 autres au cours des jours suivants. Ce jeudi, certaines wilayas du Sud ont reçu leurs lots par voie aérienne.

R. S.

VACCIN ANTI-COVID-19

LES CITOYENS APPELÉS À S’INSCRIRE DANS LES EPSP

A

nnoncé en grande pompe dans le cadre de la réforme de la justice, initié par l’ancien ministre de la Justice, Tayeb Louh, actuellement incarcéré à la prison d’El Harrach, le brace- let électronique a été l’arnaque du siècle ! Il ne verra apparem- ment jamais le jour. Ce jeudi de- vant les parlementaires, le garde des Sceaux, Belkacem Zeghma- ti, a confirmé que ce projet, qui était l’élément-clé de la réforme de la justice, a été tout simple- ment abandonné. Pourtant, en 2017, le Parlement avait adopté un projet de loi sur l’organisa- tion des peines en dehors des établissements pénitentiaires au moyen du bracelet électronique.

L’objectif était de permettre aux détenus condamnés à unepeine privative de liberté ne dépassant pas trois ans ou ceux auxquels il reste à purger une peine pri- vative de liberté n’excédant pas trois ans de la purger en dehors de l’établissement pénitentiaire et ils seront ainsi surveillés par le biais de ce même brace- let. Une enveloppe financière importante a été débloquée pour ce dispositif.

Avant-hier, lors d’une séance

plénière consacrée aux ques- tions orales, le ministre de la Justice et garde des Sceaux, Belkacem Zeghmati, a été in- terrogé sur le sort du brace- let électronique et les sommes faramineuses déboursées pour son acquisition. Zeghmati a avoué que le projet a coûté des sommes colossales en de- vises alors que l’auteur de cette réforme savait pertinemment qu’il y avait des problèmes et des difficultés techniques pour la mise en application de ce bracelet. Aujourd’hui, une

enquête est ouverte pour faire la lumière sur ce dossier qui prend l’allure d’une affaire de corrup- tion et d’un nouveau scandale financier. «L’utilisation de ce bracelet est à l’arrêt jusqu’à nouvel ordre», a répliqué Zer- ghamti à l’adresse des députés sans donner plus de détails.

Il précise seulement qu’une enquête judiciaire a été diligen- tée au niveau du tribunal de Sidi M’hamed sur justement l’opéra- tion d’acquisition des sommes colossales en devises, alors que des problèmes techniques em-

pêchent son utilisation. «Nous fondions de grands espoirs sur l’utilisation du bracelet électro- nique, mais ces espoirs se sont évanouis après la constatation de problèmes techniques empê- chant la mise en œuvre de ce dispositif», regrette le ministre.

En 2018, une enquête a été diligentée par les services de la police judiciaire.

Selon certaines sources, les marchés du bracelet électro- nique ont coûté aux finances de l’Etat pas moins de 100 millions de dollars, soit l’équivalent de 2000 milliards de centimes, alors que le dispositif n’a pas été opérationnel du fait de la non- disponibilité de ces appareils auprès des services concernés et de la non-conformité des quan- tités disponibles dans certains de ces services.

Les enquêtes préliminaires ont révélés que l’ancien ministre avait importé les bracelets élec- troniques de plusieurs pays eu- ropéens au prix de 1000 dollars l’unité et il s’est avéré plus tard que ces dispositifs ont été fabri- qués en Chine et ne répondent pas aux normes internationales.

Nabila Amir

L’OPÉRATION D’ACQUISITION A COÛTÉ DES MILLIONS EN DEVISES

Le bracelet électronique au cœur d’une enquête judiciaire

Les marchés du bracelet électronique ont coûté aux finances de l’Etat pas moins de 100 millions de dollars

APRÈS UN MOIS DE SOINS EN ALLEMAGNE

(4)

D O S S I E R

61 ANS APRÈS «GERBOISE BLEUE», PREMIER ESSAI NUCLÉAIRE FRANÇAIS EN ALGÉRIE

Mensonges d’Etat, omissions, silence et archives gelées

L

es retombées radioactives de

«Gerboise bleue» ont touché une grande partie de l’Afrique au nord de l’équateur. Treize jours après, elles atteignent les côtes espagnoles et recouvrent la moitié de la Sicile ! Sur les treize tirs effectués entre 1961 et 1966, douze ont fait l’objet de fuites radioactives

Le jour suivant l’explosion de «Ger- boise bleue», la première bombe atomique larguée dans le désert de Reggane, le nuage radioactif arrive en Libye, traverse une partie du Niger pour atteindre les alentours de N’Djamena, capitale du Tchad.

A J+4, les retombées recouvrent des milliers de kilomètres carrés pour atteindre le Nigeria, le Ghana, la Côte d’Ivoire et le Mali. Neuf jours après le largage, le nuage recouvre tout le Sud algérien et l’Afrique subsaharienne.

De même, 12 jours après l’explosion, les retombées radioactives atteignent Alger en passant par le Sahara occi- dental et le Maroc. Et le lendemain, le nuage traverse la mer Méditerranée et approche des côtes espagnoles et de la Sicile, selon un document révélé par l’Observatoire des armements/Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits (CDRPC)* en 2009, le rapport de 1996 intitulé «La genèse de l’organisation et les expé- rimentations au Sahara (CSEM et CEMO)» et rendu public par la presse française.

LA CHAPE DU «SECRET-DÉFENSE»

La France a réalisé 17 essais nu- cléaires en Algérie entre le 13 février 1960 et le 16 février 1966, dont 4 atmosphériques, qui ont laissé sur le sol des fragments noirs de sable vitrifié et 13 souterrains, dont 4 (Béryl, Améthyste, Rubis, Jade) pro- voqueront une diffusion massive dans l’atmosphère de gaz et de roches radioactives.

Cette activité nucléaire a été précédée d’un programme d’essais d’armes chimiques et biologiques en 1935, au centre d’essais de Beni Ouenif, qui a pris ensuite le nom de B2-Namous, considéré comme le plus grand centre d’essais d’armes chimiques et biolo- giques dans le monde, après le centre situé en ex-URSS, comme l’a rappelé à juste titre El Djeich. Outre les gaz toxiques, les autorités coloniales ont également utilisé le napalm contre les maquis des moudjahidine et les lieux de regroupement des populations rurales, de 1957 jusqu’à l’indépen- dance.

C’est dire l’ampleur incommensu- rable du prix payé par l’Algérie – population, environnement et régions entières – à la «grandeur de la France»

et pour que cet Etat colonial soit une puissance nucléaire.

Selon l’Observatoire des armements, le nombre global de documents clas- sés secret-défense relatifs aux essais nucléaires français au Sahara et en Polynésie (1960-1996) déclassifiés par le ministère français de la Défense

est dérisoire : moins de 5%. Et cette déclassification résulte de la pro- cédure judiciaire engagée en 2004 par des associations de victimes des essais nucléaires français en Algérie et en Polynésie, l’Aven et Moruroa e tatou auprès du Parquet de Paris.

Le secret-défense a été renforcé par l’adoption en 2008 d’une loi rendant les archives sur les essais nucléaires non communicables sans une autori- sation spécifique du ministère de la Défense.

Sur les 154 documents déclassifiés en mars 2013 relatifs à l’Algérie – récu- pérés par les associations françaises des victimes des essais nucléaires en novembre 2013 –, une trentaine ont de l’intérêt, selon feu Bruno Barrillot, co-fondateur avec Patrice Bouveret de l’Observatoire des armements/Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits (CDRPC), qui les avait analysés. Bruno Barillot soulignait que la carte de «Gerboise bleue» qui faisait partie de ces docu- ments déclassifiés «contredit la carte des retombées radioactives publiée par le ministère de la Défense fran- çais en 2007 dans un document sur les essais français au Sahara, présen- té comme un gage de transparence au moment où le gouvernement algérien organisait à Alger une conférence internationale sur les conséquences environnementales et sanitaires des essais nucléaires».

«La délimitation des retombées de

‘‘Gerboise bleue’’ du document de 2007 avait été sérieusement modifiée par rapport à ce qui s’est réellement produit en 1960 et n’indiquait plus qu’un minuscule ‘‘secteur angulaire’’

‘‘couvrant une zone non habitée à l’est du point zéro’’ de Hamoudia».

Et d’indiquer que c’est cette carte de 2007 qui a servi à délimiter la zone géographique saharienne où devraient se trouver les personnels civils et mili- taires et les populations pour béné- ficier de la loi d’indemnisation des victimes des essais nucléaires français du 5 janvier 2010, dite loi Morin, du nom du ministre de la Défense qui l’avait fait voter. A ce propos, il convient de signaler que seules 363 personnes ont bénéficié en dix ans

d’existence de la loi Morin. Soit une seule indemnisation a été accordée à une personne habitant en Algérie, 63 à des personnes résidant en Polynésie et 299 à des membres du personnel civil ou militaire.

«RELECTURE OFFICIELLE»

Tandis que le rapport de 1996 intitulé

«La genèse de l’organisation et les ex- périmentations au Sahara (CSEM et CEMO)» ne faisait pas partie des do- cuments déclassifiés de la série saha- rienne alors qu’il avait été largement diffusé et commenté dans la presse en 2010, sa divulgation, en 2009, par Damoclès (revue de l’Observatoire n° 128-129) a mis en évidence que les essais nucléaires français au Sahara n’ont pas été «propres». Ce rapport, classé «confidentiel-défense», est une synthèse rédigée à partir des docu- ments militaires d’époque, classés

«secret» ou «confidentiel-défense»

«Même s’il apporte des informations jusque-là non connues, il s’agit bien d’une ‘‘relecture officielle’’ de la pé- riode des essais nucléaires français», note la revue Damoclès.

«Les rédacteurs ont dû trier dans les documents sources, ce qui ex- plique les incohérences et surtout les silences et les omissions». «C’est manifestement le cas pour les ‘‘ratés’’

des essais au Sahara, notamment

‘‘Gerboise verte’’ ou l’accident du tir Béryl». Ainsi, on apprend que sur les treize tirs effectués entre 1961 et 1966, douze ont fait l’objet de fuites radioactives. Seul le tir «Turquoise»

du 28 novembre 1964 n’aura pas pro- voqué de radioactivité à l’extérieur.

«Les conséquences de ces radiations ne se sont pas arrêtées avec la fin des essais et la fermeture administrative des sites, mais perdurent aujourd’hui encore, à la fois compte tenu de la très longue durée de vie de certains éléments radioactifs et du fait que la France a laissé de nombreux déchets nucléaires enfouis dans le désert».

PREMIÈRES ÉTUDES INDÉPENDANTES À PARTIR DE 1990

Il faudra attendre les années 1990 pour lire les premières études indé-

pendantes relatant certains événe- ments sombres de cette période. En effet, les premières recherches spéci- fiques sur les conséquences des essais nucléaires français ont débuté en 1990, avec les travaux de l’Observa- toire des armements, sous la direction de feu Bruno Barrillot.

«Face à l’absence de documents et au poids du secret-défense, l’objectif était alors d’apporter de l’informa- tion sur le programme des essais nucléaires et sur leurs conséquences, en recueillant le plus grand nombre de témoignages sur les différents acteurs, sur l’implantation des sites, sur les conditions de vie et sur les accidents qui se sont produits tant au Sahara qu’en Polynésie», soulignent Patrice Bouveret et Jean-Marie Collin auteurs de Sous le sable, la radioac- tivité ! Les déchets des essais nu- cléaires français en Algérie. Analyse au regard du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.**

Les révélations sur des accidents lors de certains essais, sur la mise en dan- ger des populations comme des sol- dats, en Algérie comme en Polynésie, permettront de parvenir à l’adoption de la loi du 5 janvier 2010 «relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français». Mais celle-ci ne prend pas en compte les conséquences environ- nementales.

Les auteurs de l’étude sus-citée précisent que «si aujourd’hui, les connaissances sur les essais nu- cléaires, les accidents et leurs consé- quences sont plus nombreuses, il manque toujours d’importantes infor- mations concernant la présence de grandes quantités de déchets nu- cléaires et non nucléaires pour assu- rer la sécurité des populations et la réhabilitation de l’environnement».

Dès le début des expérimentations nucléaires, la France a pratiqué une politique d’enfouissement de tous les déchets dans les sables, rappelle l’étude.

Le désert est alors vu comme un

«océan», ou du simple tournevis – comme le montre dans cette étude des notes «Secret-défense» et des photos – aux avions et chars, tout ce qui est

susceptible d’avoir été contaminé par la radioactivité doit être enterré. «La France n’a jamais dévoilé où étaient enterrés ces déchets, ni leur quantité.

A ces matériaux contaminés, lais- sés volontairement sur place aux générations futures, s’ajoutent deux autres catégories : des déchets non radioactifs... et des matières radioac- tives (sables vitrifiés, roche et lave contaminées) issues des explosions nucléaires».

Pour Jean-Marie Collin, expert et porte-parole de ICAN France, «nous avons identifié des déchets non radioactifs, du matériel contaminé par la radioactivité volontairement enterrés et des matières radioactives issues des explosions nucléaires. Ces déchets sont de la responsabilité de la France et aujourd’hui du président Macron. Il n’est plus possible que ce gouvernement attende encore pour remettre aux autorités algériennes la liste complète des emplacements où ils ont été enfouis. Pourquoi continuer de faire peser sur ces populations des risques sanitaires, transgénération- nels et environnementaux ?»

Soixante-et-un ans après le largage de la première bombe à Reggane, le gouvernement français devrait en effet enfin prendre en compte les demandes d’information et d’accès aux archives des essais nucléaires émanant des autorités et des associa- tions de victimes algériennes. Parce qu’assurer la transparence sur les essais nucléaires en déclassifiant les dossiers et rapports significatifs – il en reste des milliers – contribuerait à faire avancer la vérité et rendre justice aux victimes directes et aux généra- tions futures.

Et aussi parce que la communication de la cartographie des sites d’enfouis- sement est primordiale pour les sécu- riser et éventuellement regrouper les déchets selon des normes conformes à la réglementation internationale.

Aussi, «l’absence d’informations techniques sur la nature des explo- sions nucléaires et le matériel pollué enfoui» est un «crime majeur commis par la France coloniale», selon les termes du général Bouzid Boufrioua, chef de service du génie de combat du Commandement des forces terrestres de l’ANP .

Nadjia Bouzeghrane

*L’Observatoire des armements dont le siège est à Lyon est un centre d’expertise indépendant, membre de l’ICAN, campagne pour l’abolition des armes nucléaires, prix Nobel de la paix 2017. L’Observatoire a publié de nombreuses études sur les consé- quences des essais nucléaires. Pour en savoir plus : www.obsarm.org

**Sous le sable, la radioactivité! Les déchets des essais nucléaires français en Algérie. Analyse au regard du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Etude de l’Observatoire des armements et de ICAN France, publiée par la Fondation Heinrich Böll, 2020.

l Le 13 février 1960, l’Etat français faisait exploser, en surface, sa première bombe nucléaire «Gerboise bleue» à Reggane, dans le Sud algérien l Une bombe de 70 kilotonnes, l’équivalent de quatre fois celle d’Hiroshima l Trois autres essais en surface seront effectués en une année

l Au total, ce sont 17 essais que la France réalisera en Algérie.

Photo prise à Reggane, le 27 décembre 1960, lors du troisième essai nucléaire français dans le Sahara PHO

TO : DR

Paris De notre bureau

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D O S S I E R

61 ANS APRÈS «GERBOISE BLEUE», PREMIER ESSAI NUCLÉAIRE FRANÇAIS EN ALGÉRIE

La France comptable de ses méfaits

L

e principe du ‘‘pollueur-payeur’’ a été d’ail- leurs introduit et reconnu officiellement», a précisé le général Bouzid Boufrioua, le chef de service du génie de combat du Comman- dement des forces terrestres de l’ANP, dans une interview au magazine El Djeich. Soulignant qu’un nouveau Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) «vient s’ajouter aux traités antérieurs», il a affirmé que «la France doit assu- mer ses responsabilités historiques».

C’est la première fois que la communauté inter- nationale demande aux puissances nucléaires de rectifier les erreurs du passé. «En attendant une solution définitive et satisfaisante à ce problème, je souhaite souligner, dans ce contexte, qu’en application des orientations du Haut comman- dement de l’ANP et dans le cadre de ses missions constitutionnelles et en coordination avec les au- torités civiles et les organes scientifiques chargés de ce dossier, les unités et les structures militaires œuvrent à exécuter les missions qui leur sont assi- gnées dans ce volet afin de protéger et d’assainir ces sites qui furent le théâtre des essais nucléaires français dans le désert de notre pays.»

«Nous avons réussi à éradiquer le phénomène lié à l’enlèvement aléatoire des déchets radioactifs et empêché les citoyens de s’approcher des zones polluées, en plus du suivi continu de la situation radioactive», a-t-il encore ajouté. A l’appui de leur étude «Sous le sable, la radioactivité ! Les déchets des essais nucléaires français en Algérie : analyse au regard du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires», publiée par la Fondation Heinrich Böl, présentée en août 2020 en confé- rence de presse à Paris, Jean-Marie Collin, expert et co-porte-parole d’ICAN France* (International Campaign to Abolish Nuclear Weapons France) et Patrice Bouveret, directeur de l’Observa-

toire des Armements et co-porte-parole d’ICAN France ont fourni de nombreuses raisons tech- niques, juridiques et politiques qui expliquent pourquoi le dossier des essais nucléaires «ne peut être clos». Et que «le‘‘passé nucléaire’’ ne doit plus rester profondément enfoui dans les sables».

«TOUT OPPOSE LA FRANCE ET L’ALGÉRIE»

«Tout oppose la France et l’Algérie. L’un est dit

‘‘doté’’ et l’autre ‘‘non doté’’ au sens du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et leur vue sur le TIAN sont à l’opposé», précisent

les deux experts. «La France n’a cessé de le dénoncer, l’Algérie a participé aux négociations du TIAN, signé le traité et débuté son processus de ratification. Une fois que le traité sera ratifié par l’Etat algérien et entré en vigueur, Alger devra mettre en œuvre ses obligations positives (articles 6 et 7)». «Même si la France refuse de se lier au TIAN, elle pourrait très bien participer à ce processus.»

Les articles 6 («Assistance aux victimes et remise en état de l’environnement») et 7 («Coo- pération et assistance internationales») du Traité

sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) comportent des obligations pour s’assurer que les zones contaminées soient pleinement connues, pour protéger les populations, les générations futures, l’environnement et la faune de cette pollution.

L’étude, indépendante, Sous le sable, la radioac- tivité !... est une première réponse et dresse un inventaire de l’ensemble des déchets, notamment radioactifs, présents sur ces sites, précisent ses au- teurs. Des déchets qui devraient faire l’objet d’un travail approfondi de repérage et de récupération sur le terrain par des équipes spécialisées et avec des observateurs indépendants. Un travail qui apparaît désormais possible avec l’adoption, le 7 juillet 2017, du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) et sa ratification le 22 janvier 2021. Cette étude propose ainsi «un ensemble de recommandations (mesures de dialogue entre les deux Etats pour améliorer la situation humanitaire ; mesures concernant les déchets nucléaires ; mesures de protections sanitaires ; mesures auprès des populations, réhabilitation et protection de l’environnement) pour parvenir à faire évoluer cette sombre page atomique de l’histoire entre la France et l’Algérie».

Nadjia Bouzeghrane

*ICAN France est le relais de la campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN). Cette campagne, lancée en 2007, re- groupe plus de 570 organisations non gouverne- mentales partenaires dans 103 pays. Elle vise à mobiliser citoyens et gouvernements pour l’en- trée en vigueur (c’est fait) et la mise application du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN).

C

ombien d’avions et autres engins militaires contaminés par la radioactivité la France a-t-elle volontairement enterrés dans les sables du Sahara ? Combien de tonnes de déchets hautement radioactifs sont enfouis au cœur de la montagne du Tan Afella ? Pendant combien d’années encore les générations actuelles et futures, comme l’environnement, vont-ils souffrir de cette pollution

? La question reste entière 61 ans après le premier essai nucléaire français au Sahara algérien. Nous demandons, une nouvelle fois, que la France regarde en face son héritage radiologique, prenne en charge les conséquences sanitaires et environnementales et agisse pour la sécurité de tous. Le 13 février 1960, la France réalisait son premier essai nucléaire, suivi de 16 autres jusqu’au 16 février 1966.

La radioactivité générée, les déchets enterrés volontairement ou

cachés, comme nous le révélions le 27 août 2020 dans une étude – réalisée par ICAN France et l’Observatoire des armements –, pèse toujours, au vu de l’importance des conséquences humanitaires et environnementales, dans les relations franco-algériennes. En septembre 2020, les députés François-Michel Lambert (Libertés et Territoires), Jean-Paul Lecoq (GDR), Sébastien Nadot (non- inscrit), Aurélien Taché, (non-inscrit) ont déposé des questions écrites demandant de «publier les zones où ces déchets ont été enterrés afin de mettre un terme aux dangers que courent les générations actuelles et futures dans ces zones». Le ministère des Armées a répondu sans apporter aucune précision sur les déchets.

Le 21 octobre 2020, la ministre de l’Environnement Barbara Pom- pili, dans une audition publique, en réponse à l’interpellation de la

députée Mathilde Panot, a indiqué qu’elle allait se renseigner sur cette problématique des déchets laissés en Algérie. Qu’en est-il ? Le 20 janvier 2021, l’historien Benjamin Stora a remis au président Macron son rapport sur la réconciliation mémorielle entre la France et l’Algérie dans lequel il reprend certaines de nos recomman- dations à propos des déchets et des essais nucléaires. Le ‘‘passé nucléaire’’ ne doit plus rester profondément enfoui dans les sables.

Comme leurs prédécesseurs, le président Emmanuel Macron et ses ministres seront coupables aux yeux de l’histoire s’ils n’agissent pas. A eux d’agir et de prendre des initiatives en direction des autorités algériennes pour une prise en charge des victimes et une réhabilitation de l’environnement !»

(*) Par ICAN France et l’Observatoire des armements

Il est nécessaire que l’Etat français améliore, pour les populations algériennes, l’accès aux archives médicales détenues par le Service des archives médicales hospitalières des armées.

- En vue d’accélérer le processus d’indemnisation des populations algériennes impactées par les essais nucléaires, il est recommandé que les infor- mations sur le processus d’indemnisation soient rendues disponibles en langue arabe et accessibles aux personnes concernées, sur le site internet du Civen ; de même des missions du Civen – comme elle en a conduit à plusieurs reprises en Polynésie – devraient être effectuées dans les zones concer- nées pour faciliter la constitution des dossiers de demande d’indemnisation.

- Il serait également indispensable de modifier le décret délimitant les zones affectées au Sahara afin de les élargir, comme cela a été fait pour la Polynésie.

- Il est important que les acteurs (civils et militaires français et les populations algériennes) inscrivent leur témoignage dans une «mémoire collective» pour les générations futures. La créa- tion de cette «mémoire commune» pourrait être

diligentée par des associations des deux Etats avec l’aide d’universitaires de ces Etats.

- Toutes les mesures et actions réalisées doivent l’être dans les langues officielles de la France et de l’Algérie.

MESURES CONCERNANT LES DÉCHETS NUCLÉAIRES

- La France doit remettre aux autorités algériennes la liste complète des emplacements où ont été enfouis des déchets contaminés ainsi que, pour chacun d’eux, la localisation précise (latitude et longitude), un descriptif de ce matériel, de même que la nature et l’épaisseur des matériaux de recouvrement utilisés.

- Les données relatives aux zones contaminées par des scories et laves traitées par simple recou- vrement (sable, revêtement d’asphalte, couche de goudron, etc.) doivent être publiées.

- La France doit remettre à l’Algérie les plans des installations souterraines du CEA sous la base militaire de Reggane plateau, ainsi que les plans des différentes galeries creusées dans la montagne du Tan Afella.

MESURES DE PROTECTIONS SANITAIRES - Les autorités algériennes doivent mieux com- muniquer l’interdiction d’accès à ces zones par le biais de mesures simples : renforcement des clô- tures, installation de nombreux panneaux d’infor- mation sur les sites en langues arabe et française, affichage d’informations dans les mairies et ser- vices de santé des villes et villages de ces zones.

MESURES AUPRÈS DES POPULATIONS - Réalisation d’une étude indépendante sur les enfants et les petits-enfants afin de voir s’il existe un risque transgénérationnel ;

- Réalisation d’une enquête de détection auprès de la population sur du matériel contaminé actuelle- ment utilisé.

- Mise en place de mesures sanitaires à destination en premier lieu des habitants du village de Mer- toutek, puis des autres populations locales.

- Information et sensibilisation des populations (dans les écoles, auprès des mouvements asso- ciatifs) sur les risques radiologiques encourus.

Réhabilitation et protection de l’environnement

- Malgré l’impossibilité de revenir à un état pleinement naturel, un premier processus d’éva- luation des possibilités de réhabilitation environ- nementale des sites d’essais nucléaires doit être mené, et un suivi régulier des zones contaminées, avec la participation de scientifiques indépendants doit être assuré.

- Les zones les plus contaminées (principalement la coulée de lave située sur le flanc du Tan Afella) doivent être nettoyées ou, à tout le moins, cou- vertes pour limiter l’éparpillement des particules radioactives par le vent et les pluies. Un suivi régu- lier (annuel) devra également être mis en place.

Utilisation de nouvelles technologies :

– Les autorités devraient avoir recours à de nou- velles technologies pour permettre d’améliorer la sécurité des populations :

1- Utilisation de drones [88] équipés d’un radar de pénétration des sols et d’un rayon de détecteur gamma pour détecter des déchets enfouis.

2- Utilisation d’images satellites pour assurer une surveillance et permettre une comparaison dans le temps des zones d’essais.

l L’entrée en vigueur le 22 janvier du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), adopté en 2017 à l’ONU, ouvre une opportunité à l’Algérie pour mettre la France face à ses responsabilités dans la contamination de l’environnement au Sahara et les dégâts sur la santé des populations causés par les rejets radioactifs et l’amener à les assumer l Pour ce faire, l’Algérie qui a signé le traité en 2017 doit le ratifier.

Le 27 décembre 1960, le général Jean Thiry, directeur des centres d’expérimentations nucléaires, appuie sur le bouton qui déclenche l’explosion de la troisième bombe atomique française sur le polygone d’essais à Reggane, au Sahara

PHOTO : DR

LA FRANCE DOIT ASSUMER L’HÉRITAGE NUCLÉAIRE ET PRENDRE EN CHARGE SES CONSÉQUENCES AU SAHARA (*)

LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORT STORA

(6)

D O S S I E R

PATRICE BOUVERET. Directeur de l’Observatoire des armements et co-porte-parole de l’ICAN France

«La ratification du TIAN par l’Algérie renforcerait sa demande à la France de réparation»

A l’appui du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) entré en vigueur le 22 du mois de janvier dernier, l’Algérie peut-elle amener l’Etat français à assumer ses responsabilités quant aux conséquences environnementales, sanitaires et humaines des essais qu’il a réalisés en Algérie et dont les séquelles perdurent à ce jour ?

Le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) oblige, pour la première fois dans le droit international, les Etats membres à prendre en charge les victimes et à réhabiliter l’environnement impacté par l’utilisation des armes nucléaires. Cela représente une avancée importante qui ne figurait pas, par exemple, dans le Traité sur l’interdiction des essais nucléaires adopté par l’ONU en 1995, bien que cela avait été souhaité par certains Etats.

L’Algérie a non seulement participé à l’ONU au processus de négociation du TIAN, mais elle est également intervenue pour que la réparation des dégâts provoqués par les essais nucléaires soit intégrée dans le traité. Il serait important qu’elle ratifie au plus vite le traité, qu’à ce jour elle a seulement signé depuis le 20 septembre 2017, jour de l’ouverture à la signature. En effet, la ratification du traité lui permettrait notamment de faire appel aux autres Etats parties du traité pour l’aider dans ses obligations de prise en charge des victimes et de réhabilitation de l’environnement affecté par les essais. Cela renforcerait sa demande à la France de réparation.

Toutefois, la France refusant de reconnaître le TIAN et donc d’y adhérer, ce dernier ne lui confère aucune obligation juridique, compte tenu des règles actuelles de fonctionnement des instances internationales. Pour autant, il n’en est pas de même au niveau politique et éthique, d’autant plus pour un pays qui se veut le fer de lance du respect du droit international.

L’ICAN France (Campagne internatio- nale pour abolir les armes nucléaires) dont vous êtes co-porte-parole, déclarait dans un communiqué que «malgré les dernières ten- tatives de pression des Etats nucléaires, de la France notamment, ce traité va fonctionner pour engager le désarmement nucléaire, renforcer la lutte contre la prolifération nu- cléaire, prendre en compte l’environnement pollué par les essais nucléaires et assurer aux populations victimes de ces essais une assistance sanitaire». Est-ce que vous pouvez nous donner plus de précisions ?

Dans leur conception même, les armes nucléaires sont illégitimes au regard du droit international depuis leur création. Avec l’en- trée en vigueur du Traité d’interdiction sur les armes nucléaires, elles sont désormais illégales, c’est-à-dire que leur fabrication, leurs tests, leur utilisation et la menace d’utilisa- tion, leur commerce, leur financement, sont interdits. Certes, la communauté internationale reposant sur la règle de la souveraineté natio- nale, les traités adoptés par l’ONU n’engagent que les Etats qui en sont membres. Toutefois, le TIAN crée une nouvelle norme internationale qui vient notamment renforcer les engage- ments du Traité de non-prolifération (TNP), en vigueur depuis 1970. Le TNP prévoit l’obli- gation pour ces 193 Etats membres – dont la France et les principales puissances nucléaires – de négocier «de bonne foi» et «à une date rapprochée» un désarmement nucléaire géné- ralisé.

Le TIAN vient donc accroître la pres- sion pour renforcer la sécurité collective et donne aux citoyens, aux ONG et à une majorité d’Etats de la planète, des outils sup- plémentaires pour libérer le monde des armes nucléaires. Parmi eux, l’interdiction du finan-

cement de l’industrie d’armements nucléaires, mais aussi l’obligation de réparation comme évoqué précédemment. Ce nouveau traité ren- verse la charge de la preuve : en voulant main- tenir leur arsenal, les puissances nucléaires deviennent des «délinquants» au regard du droit international.

En présentant en août 2020 l’étude «Sous le sable, la radioactivité ! Les déchets des essais nucléaires français en Algérie : ana- lyse au regard du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires»*, vous aviez indiqué que de nombreuses raisons techniques, juridiques et politiques expliquent pourquoi le dossier des essais nucléaires ne peut être clos. Là aussi, pouvez-vous être plus explicite ?

Il faudrait pouvoir sortir la gestion du dos- sier des conséquences des essais nucléaires français au Sahara de la question coloniale qui gangrène les relations entre les deux pays. Ce qui est extrêmement difficile, dans la mesure où l’Algérie est le seul pays à avoir subi des essais de son ancien colonisateur après en avoir eu comme colonisé. La majorité des essais – 11 sur 17 – ont eu lieu après 1962, donc de fait avec l’accord du gouvernement algérien.

Les accords d’Evian n’ont pas défini de cadre précis pour la restitution des zones où ont eu lieu les explosions nucléaires. Or, la situation nécessite une collaboration étroite entre les deux pays. Le dossier ne peut être clos juste en indemnisant quelques milliers de personnes ou en enfermant les déchets les plus visibles.

Nous sommes face à des problèmes qui s’ins- crivent dans une échelle de temps qui dépasse les évolutions politiques de nos sociétés, les conflits d’intérêts et donc qui nécessitent une véritable volonté politique de coopération sur le long terme en faveur du bien commun des populations.

En effet, les explosions nucléaires ont enfermé dans les galeries creusées dans le Tan Affela des quantités de matières hautement radioactives, et ce, pour des milliers d’années.

Un certain nombre de déchets laissés sur place, une partie des laves radioactives issues princi- palement de l’accident Béryl du 1er mai 1962, peuvent être récupérés et envoyés sur un site conçu pour le stockage des matières nucléaires.

Mais la boule de matières radioactives créée par l’explosion au fond des galeries peut se fis- surer et libérer de la radioactivité venant conta- miner, par exemple, la nappe phréatique ou la

chaîne alimentaire. De même, sur le plan sani- taire, l’impact des explosions ne concerne pas seulement les personnes présentes à l’époque des essais, mais également leurs descendants sur une ou plusieurs générations !

Qu’entendiez-vous lorsque vous avez af- firmé qu’avec cette étude, vous souhaitez contribuer à un «débat qui aborde les trois dimensions des essais nucléaires : leur irres- ponsabilité du point de vue de l’environne- ment et de la santé publique, leurs effets déstabilisateurs d’un point de vue politique et leur injustice d’un point de vue postcolo- nial» ?

Nous souhaitons sortir le débat des contin- gences historiques, politiques, dans lequel il est enfermé pour remettre au cœur du sujet la sécurité sanitaire, environnementale, des populations impactées par les essais contre leur gré. Les effets de la radioactivité ne se sont pas éteints avec le départ du colonisateur, comme nous le soulignons dans la question précédente.

Mais une prise en compte concrète des consé- quences sanitaires et environnementales du nucléaire nécessite également une remise en cause de la place de l’arme nucléaire au sein même de la société française, comme dans ses relations avec les autres Etats de la planète.

Comment expliquez-vous l’absence d’avancées diplomatiques sur ce dossier des essais nucléaires français en Algérie alors qu’une commission mixte a été mise en place en 2007 et qu’en 2014, un nouveau groupe de travail algéro-français a été désigné en appli- cation de la «Déclaration d’Alger sur l’amitié et la coopération entre la France et l’Algérie», signée le 19 décembre 2012 ? Lequel groupe de travail ne s’est réuni qu’une fois en Algérie en 2016...

Il me paraît important de préciser en préalable pour les lecteurs algériens que les victimes polynésiennes ou métropolitaines ren- contrent, elles aussi, de nombreuses difficultés pour faire valoir leurs droits. La loi de recon- naissance et d’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dite loi Morin, a été obtenue en 2010 après plus de dix ans d’actions menées par les associations et leurs soutiens auprès des parlementaires, des autori- tés politiques et militaires, des médias. Il a fallu ensuite encore quasiment une dizaine d’années pour que la loi puisse commencer à bénéficier

aux victimes. De janvier 2010 à décembre 2019, seulement 363 personnes ont reçu une indemnisation. Certes, parmi elles, seulement une personne réside en Algérie. C’est extrê- mement peu au regard du nombre de victimes ! Nous nous heurtons à une absence de volon- té politique et un refus des autorités françaises de reconnaître que les essais nucléaires - au Sahara comme en Polynésie - ont pu mettre en danger la vie et l’environnement d’une partie de la population.

Du côté de l’Etat algérien, la question, me semble-t-il, se complexifie avec l’imbrication de la question coloniale et du fait de l’accepta- tion de sa part de la poursuite des essais durant les cinq premières années de l’indépendance qu’il s’agit de masquer. Il y a aussi la diffi- culté des associations de victimes algériennes à pouvoir faire entendre leurs revendications de manière plus forte.

Qu’est-ce qui empêche, selon vous, la le- vée du secret-défense et la déclassification des archives soixante-et-un ans après les faits ?

La difficulté de l’Etat français de recon- naître son implication dans la prolifération nucléaire et qu’il a mis en danger, en connais- sance de cause, la santé et la sécurité des populations en Algérie comme en Polynésie.

L’ouverture des archives pourrait conduire, par exemple, à des actions juridiques à l’encontre de certains responsables. L’arme nucléaire a été imposée en France dans le secret, sans que soit organisé de débat sur sa pertinence, son coût, ses conséquences à tout point de vue, les risques que cela entraîne. Rendre visibles tous ces éléments entraînerait une remise en cause de sa pertinence, ce que les autorités politiques se refusent au mépris de la démocratie, au niveau national comme d’ailleurs au niveau international.

Dans son rapport sur «La colonisation et les mémoires de la guerre d’Algérie», Benja- min Stora fait un certain nombre de préconi- sations. Contribueront-elles à faire avancer le dossier, pour peu que le président Macron décide de les mettre en œuvre ?

La remise du rapport de l’historien Benja- min Stora au président Emmanuel Macron a provoqué une avalanche de réactions virulentes de part et d’autre de la Méditerranée, reposant souvent sur des malentendus et des jeux de concurrence des mémoires.

Parmi les nombreuses recommandations, celle concernant les essais nucléaires peut pa- raître bien «timide» et limitée face aux enjeux :

«la poursuite du travail conjoint concernant les lieux des essais nucléaires en Algérie et leurs conséquences». Quand on sait que la première décision de ce travail conjoint date de 2007, et qu’elle est restée lettre morte !

Mais il faut maintenant attendre la publi- cation du rapport et des recommandations que doit remettre Abdelmadjid Chikhi au président Tebboune. C’est à partir de la publication de ces deux documents que pourra s’élaborer une nouvelle feuille de route entre la France et l’Al- gérie. Pour que le dossier avance, il faut qu’il y ait une volonté partagée de part et d’autre d’accepter de sortir d’une résolution globale de la situation tumultueuse et conflictuelle entre les deux pays et mettre en place des actions pragmatiques en s’appuyant sur les différentes études déjà réalisées et les besoins exprimés par la population concernée. N. B.

*Coauteur avec Jean-Marie Collin de Sous le sable, la radioactivité ! Les déchets des essais nucléaires français en Algérie. Analyse au regard du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, étude de l’Observatoire des armements et de ICAN France, publiée par la Fondation Heinrich Böll, 2020. Disponible par téléchargement sur : www.obsarm.org Patrice Bouveret

Propos recueillis par Nadjia Bouzeghrane

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