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figurant au sixième alinéa de l’article 34 de la loi du 28 mars 1996, ainsi que les mots

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Commentaire

Décision n° 2016-579 QPC du 5 octobre 2016 Caisse des dépôts et consignations

(Renvoi à un accord collectif pour la détermination des critères de représentation syndicale)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 juillet 2016 par la Cour de cassation (chambre sociale, décision n° 1565 du même jour) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée pour la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Cette question était relative à l’article 34 de la loi n° 96-452 du 28 mars 1996 portant diverses mesures d’ordre sanitaire, social et statutaire, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques.

Dans sa décision n° 2016-579 QPC du 5 octobre 2016, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les mots : « , d’une part, sur la désignation et les compétences de délégués syndicaux communs pouvant intervenir auprès des personnes morales visées à l’alinéa précédent et bénéficiant des dispositions de la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre IV du code du travail. Ils portent, d’autre part, » figurant au sixième alinéa de l’article 34 de la loi du 28 mars 1996, ainsi que les mots : « Les délégués syndicaux communs et » figurant au septième alinéa du même article.

I. – Les dispositions contestées

A. – Historique et présentation des dispositions contestées

1. – Le groupe Caisse des dépôts et consignations, une structure employant à la fois des agents publics et des salariés de droit privé

La CDC a été créée par la loi de finances du 28 avril 1816. Son régime juridique a longtemps relevé d’une ordonnance royale du 22 mai 18161. Ces dispositions, modifiées, sont aujourd’hui codifiées aux articles L. 518-2 à L. 518-24 du code monétaire et financier (CMF).

1 Ordonnance du Roi du 22 mai 1816 contenant règlement sur l’administration de la caisse d’amortissement, et de la caisse des dépôts et consignations, créées par la loi du 28 avril 1816

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Commentaire

Dans sa décision n° 89-268 DC, le Conseil constitutionnel a jugé « que la Caisse des dépôts a été dotée par la loi du 28 avril 1816 qui l'a instituée et par les textes subséquents d'un statut particulier qui la place "sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative" ; que ce statut la soustrait à la généralité des règles de tutelle et de contrôle applicables aux établissements publics »2.

Compte tenu de sa qualité d’établissement public, la CDC était tenue, en principe, de n’employer que des fonctionnaires ou des agents publics contractuels. Toutefois, au cours des années 1980, elle a été conduite, en raison du développement de son activité, à recruter 1 700 salariés de droit privé, à comparer à un effectif de 5 000 agents publics. La Cour de cassation et le Conseil d’État ayant jugé que la CDC ne pouvait procéder ainsi, le législateur a dû intervenir pour valider les recrutements effectués.

C’est ce qu’a prévu l’article 34 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d’ordre sanitaire, social et statutaire.

Cet article a également autorisé la CDC à poursuivre le recrutement de salariés de droit privé, sous le régime des conventions collectives, « lorsque les exigences particulières de l’organisations de certains services ou la spécificité de certaines fonctions le justifient ». En vertu de ces dispositions, la CDC est donc devenue un établissement public administratif employant, à la fois, des agents publics et des salariés de droit privé, à l’image, aujourd’hui, de Pôle emploi ou de certaines autorités publiques indépendantes comme l’autorité des marchés financiers ou la haute autorité de santé.

Les salariés de droit privé de la CDC relevaient logiquement du code du travail.

Toutefois, l’article 34 de la loi du 28 mai 1996 prévoyait une dérogation : les dispositions sur les comités d’entreprise n’avaient pas vocation à s’appliquer à la CDC. Justifiant, lors des débats parlementaires, le renvoi opéré à un décret en Conseil d’État pour fixer les modalités d’application de l’article 34, le ministre, M. Hervé Gaymard, avait indiqué qu’il convenait « de maintenir un dispositif réglementaire permettant d’établir des modalités de représentation des agents publics et privés adaptées à un dialogue social constructif au sein de l’établissement »3.

Quelques années plus tard, l’article 143 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques a apporté une réponse à cette préoccupation.

2 Décision n° 89-268 DC du 29 décembre 1989, Loi de finances pour 1990, cons. 45

3 Séance au Sénat du 18 avril 1996

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Commentaire

Le débat portait sur les conséquences du regroupement, en une seule entité, des activités concurrentielles de la CDC dans le domaine bancaire et financier. Le but était de distinguer plus clairement les activités d’intérêt général, relevant de l’établissement public (recueil des dépôts des professions juridiques, consignations, gestion de l’épargne réglementée) et les activités concurrentielles relevant, pour une part, de directions de la CDC employant des agents publics et, pour l’autre part, de filiales n’employant que des salariés de droit privé.

Toutefois il était nécessaire de prévoir, pour ce faire, la mise à disposition, auprès de cette nouvelle filiale unifiée, de certains des agents publics appartenant aux directions en charge des mêmes activités au sein de l’établissement public. Tel était l’objet de l’amendement déposé par le Gouvernement, devenu article 143 de la loi du 15 mai 2001 (modifiant l’article 34 de la loi du 28 mai 1996). Il devait résulter de l’organisation ainsi mise en place, qu’au sein du groupe CDC, l’établissement public comme ces filiales emploieraient, dans des proportions inverses, des agents publics et des salariés de droit privé.

Or, en dépit de réelles convergences, ni les règles de représentativité, ni les institutions représentatives du personnel n’étaient les mêmes entre le secteur public et le secteur privé.

À la suite d’un sous-amendement du député Jean-Pierre Balligand, l’article 143 de la loi du 15 mai 2001 a donc modifié l’article 34 de la loi du 28 mai 1996 sur un autre point : il renvoyait à la négociation collective, au sein du groupe CDC, le soin de fixer, notamment, les modalités de désignation et les compétences de délégués syndicaux communs pouvant intervenir auprès des filiales de la CDC.

Pour l’auteur de cette proposition, compte tenu de la réorganisation opérée au sein de la CDC et de la clarification du rôle et de la place des filiales au sein du groupe public, il était nécessaire que le dialogue social puisse « s’exprimer dans des lieux fédérateurs. Pour que la qualité du dialogue social et des relations sociales s’en retrouvent renforcée, il est nécessaire de constituer un groupe social autour de l’établissement public, qui homogénéise les pratiques sociales et conclue des accords collectifs avec, pour partenaires privilégiés, les organisations syndicales représentatives »4.

Telle était l’ambition des dispositions contestées.

4 JOAN, 3e séance du jeudi 27 avril 2000, p. 3579.

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Commentaire

2. – Les dispositions contestées : une tentative de réponse à la question de la représentation syndicale commune au sein du groupe CDC

Trois alinéas de l’article 34 de la loi du 28 mai 1996 prévoient les modalités d’organisation de la représentation syndicale au sein du groupe CDC et de ses filiales.

S’agissant de la CDC elle-même, le quatrième alinéa de l’article 34 précité prévoit qu’un décret en Conseil d’État détermine les instances de concertation qui lui sont propres et précise les modalités selon lesquelles ses agents y sont représentés5.

S’agissant, en revanche, de l’ensemble du groupe CDC, son cinquième alinéa prévoit que « la CDC, représentée par son directeur général est par ailleurs habilitée à conclure des accords collectifs avec les organisations syndicales représentatives et une ou plusieurs des personnes morales liées à elle [c’est-à- dire ses filiales] ».

Conformément au sixième alinéa du même article, ces accords peuvent avoir deux objets.

Ils peuvent tout d’abord porter sur la désignation et les compétences des délégués syndicaux communs aux agents publics et privés des différentes entités du groupe. Dans le droit commun, « le délégué syndical est l’interlocuteur obligé de l’employeur à l’occasion des négociations, et particulièrement de la négociation collective annuelle obligatoire, qui ne peut intervenir qu’avec lui »6.

Les accords peuvent par ailleurs porter, d’une part, sur la création d’un « comité mixte d’information et de concertation », doté de moyens propres de fonctionnement et, d’autre part, sur toute autre instance représentative, dont les compétences et les moyens seraient fixés par la même voie conventionnelle.

Le groupe CDC s’est saisi des pouvoirs qui lui étaient ainsi conférés.

Par un accord collectif en date du 2 octobre 20017, il a été prévu qu’au sein du groupe CDC serait réputée représentative, d’une part, toute organisation

5 Ce qui a été prévu par le décret n° 98-596 du 13 juillet 1998 relatif aux conditions de recrutement d’agents contractuels sous le régime des conventions collectives par la Caisse des dépôts et consignations et aux instances de concertation propres à cet établissement.

6 Jean-Emmanuel Ray, Droit du travail, droit vivant, Éditions Liaisons, 23e éd., 2014, p. 479.

7 Accord ensuite révisé par avenant les 18 juin 2008 et 13 mai 2013.

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Commentaire

« représentative de plein droit, au plan national, au regard des [règles applicables au secteur privé et à la fonction publique] » et, d’autre part, toute organisation jugée représentative, en vertu des critères de droit commun, prévu à l’article L. 133-2 du code du travail (devenu par la suite l’article L. 2121-1 du même code), « dans des entités dont les effectifs cumulés représentent au moins 50 % de l’effectif total des entités » composant le groupe CDC.

3. – La non prise en compte, dans l’accord collectif en vigueur au sein du groupe CDC, des nouveaux critères de représentativité syndicale instaurés par le législateur

Longtemps, la question de la divergence entre les dispositions spécifiques relatives à la représentation syndicale au sein de la CDC et celles du droit commun ne s’est pas posée, dans la mesure où les premières s’inspiraient très largement des secondes.

Toutefois, la réforme des règles de la représentativité syndicale, en 2008, pour le secteur privé, et en 2010, pour le secteur public (cf., sur ce point, l’encadré ci- dessous) a conduit à une divergence entre l’accord collectif négocié au sein de la CDC et les nouvelles dispositions législatives en vigueur.

La représentativité syndicale dans le secteur privé et le secteur public, avant et après la réforme du 20 août 2008

Jusqu’à la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps du travail8, la représentativité syndicale dans les entreprises privées reposait sur deux piliers.

Le premier était la présomption irréfragable de représentativité dont bénéficiaient les cinq centrales syndicales historiques (CGT, CGT-FO, CFDT, CFTC et, seulement pour les cadres, la CGC-CFE), en vertu d’une reconnaissance spécifique par un arrêté ministériel du 31 mars de 19669.

Le second était l’article L. 2121-1 du code du travail (ancien article L. 133-2 du même code), qui fixait plusieurs critères de représentativité : ses effectifs, son indépendance, ses cotisations, son expérience et son ancienneté.

La situation était proche, dans le secteur public : le juge administratif utilisait les critères du code du travail pour apprécier la représentativité, locale ou nationale, du syndicat concerné.

Une loi du 16 décembre 1996 avait par ailleurs institué l’équivalent d’une présomption de représentativité générale des fonctionnaires, pour certains syndicats, en fonction de leur

8 Loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.

9 Arrêté du 31 mars 1966 relatif à la détermination des organisations appelées à la discussion et à la négociation des conventions collectives de travail.

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Commentaire

audience10. Pour pouvoir ensuite présenter des candidats au premier tour des élections professionnelles, il fallait avoir été reconnu représentatif en vertu de l’un ou l’autre de ces dispositifs.

La loi du 20 août 2008 a supprimé la présomption irréfragable de représentativité et modifié les critères de représentativité énumérés à l’article L. 2121-1 du code du travail, afin d’asseoir cette dernière principalement sur l’audience du syndicat dans l’entreprise ou la branche considérée. Pour être jugé représentatif, un syndicat doit d’une part bénéficier d’une ancienneté de deux ans, respecter les valeurs républicaines, être indépendant de l’employeur et être financièrement transparent. Il doit, d’autre part, avoir recueilli un certain pourcentage de voix (10 % dans une entreprise ou dans un groupe, 8 % au niveau de la branche professionnelle ou interprofessionnelle), disposer d’une certaine influence, au regard de son activité et de son expérience, ainsi que d’un nombre suffisant d’adhérents et de cotisations.

Ces trois derniers critères, qui mesurent l’audience ou l’importance du syndicat, s’apprécient globalement.

Les critères définis à l’article L. 2121-1 du code du travail relèvent de l’ordre public absolu : la Cour de cassation a jugé que « ni un accord collectif ni un engagement unilatéral de l’employeur ne peuvent avoir pour effet de modifier ce périmètre légal d’appréciation de la représentativité syndicale » (Cass. soc., 6 janvier 2011, n° 10-18.205).

Dans le secteur public, la présomption de représentativité générale dont bénéficiaient certains syndicats a été supprimée par la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique11. Cette même loi a prévu que peuvent se présenter au premier tour des élections professionnelles les organisations syndicales « légalement constituées depuis au moins deux ans à compter de la date de dépôt légal des statuts et [satisfaisant] aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance ».

En dépit de deux avenants des 18 juin 2008 et 13 mai 2013, l’accord collectif en vigueur au sein du groupe CDC a continué de faire référence à la présomption irréfragable de représentativité supprimée par la loi du 20 août 2008, sans tenir compte du nouveau critère d’audience utilisé pour mesurer la représentativité d’un syndicat (avoir obtenu au moins 10 % des suffrages aux élections professionnelles du groupe ou de l’entreprise).

10 Loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l’emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d’ordre statutaire. Cette représentativité était acquise, d’une part, aux syndicats disposant d’un siège au moins dans chacun des conseils supérieurs de la fonction publique, et, d’autre part, à ceux ayant recueilli au moins 10 % de l’ensemble des suffrages exprimés lors des élections organisées pour la désignation des représentants du personnels dans les commissions administratives paritaires des trois fonctions publiques et au moins 2 % des suffrages exprimés lors de ces mêmes élections dans chaque fonction publique.

11 Loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

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Commentaire

La mise à jour des critères de représentativité de l’accord collectif n’est intervenue que le 23 juillet 2014, par un troisième et dernier avenant. Toutefois, cette mise à jour fut postérieure au litige à l’occasion duquel la QPC a été posée.

4. – L’interprétation de l’article 34 de la loi du 28 mai 1996 par la Cour de cassation

Dans un arrêt du 8 juillet 2015, rendu dans le cadre du litige à l’origine de la QPC objet de la décision commentée, la Cour de cassation a jugé que l’article 34 de la loi du 28 mai 1996, dans sa rédaction résultant de la loi du 15 mai 2001, a créé une exception en faveur de la CDC au droit commun de la représentation syndicale : « l’article 34 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 en ce qu’il habilite la Caisse des dépôts et consignations à conclure des accords collectifs portant sur la désignation et les compétences de ces délégués syndicaux communs aux agents de droit public et aux salariés qui relèvent du code du travail, déroge aux dispositions de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 »12.

B. – Origine de la QPC et question posée

Estimant que ses résultats aux élections professionnelles de décembre 2013 (6,36 %) le qualifiaient comme syndicat représentatif au sein du groupe CDC, en vertu des critères en vigueur à cette date dans le cadre de l’accord collectif, le syndicat national unitaire des personnels du groupe de la Caisse des dépôts et consignations (SNUP-CDC), affilié à la fédération syndicale unitaire (FSU), avait procédé, le 2 avril 2014, à la désignation de ses délégués syndicaux.

La CDC avait contesté ces désignations devant le tribunal d’instance du septième arrondissement de Paris, le 4 avril 2014. Le 26 juin, le tribunal d’instance avait annulé les désignations effectuées.

Saisi par le syndicat SNUP-CDC-FSU, la Cour de cassation avait cassé ce jugement par l’arrêt susmentionné du 8 juillet 2015, aux motifs que, contrairement à ce qu’indiquait le juge d’instance, l’article 34 de la loi du 28 mai 1996, modifiée par celle du 15 mai 2001, avait créé une exception en faveur de la CDC au droit commun de la représentation syndicale.

Le 16 février 2016, le tribunal d’instance du sixième arrondissement de Paris, vers lequel l’affaire avait été renvoyée, avait, d’une part, rejeté la demande de transmission à la Cour de cassation d’une QPC et, d’autre part, annulé les

12 Cass. soc. 8 juill. 2015, req. n° 14-20.837.

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Commentaire

désignations effectuées par le syndicat SNUP-CDC-FSU, au motif qu’il n’établissait pas sa représentativité au regard des critères retenus dans l’accord collectif applicable au sein de la CDC.

Saisie une nouvelle fois par le syndicat SNUP-CDC-FSU, la chambre sociale de la Cour de cassation a, par un arrêt du 6 juillet 2016, décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel la QPC présentée, en sa qualité de partie en défense, par la CDC.

Cette question est ainsi formulée : « Attendu que la Caisse des dépôts et consignations soutient que l’article 34 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 qui l’habilite à conclure des accords collectifs portant sur la désignation et les compétences des délégués syndicaux communs aux agents publics et aux salariés qui relèvent du code du travail et qui, selon la jurisprudence de la Cour de cassation (Soc. 8 juillet 2015, n° 14-20.837, en cours de publication au Bulletin), déroge aux dispositions légales relatives à la détermination de la représentativité syndicale, sans préciser la nature et les conditions des dérogations susceptibles d’être apportées à ces règles légales, ni poser la moindre règle de nature à garantir la légitimité et l’aptitude des syndicats susceptibles d’être considérés représentatifs en vertu de ce dispositif dérogatoire à représenter et à engager l’ensemble des travailleurs de la Caisse des dépôts et consignations, n’est pas conforme au principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail prévu par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et à l’article 34 de la Constitution ».

II. – L’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées A. – La restriction du champ de la QPC

La société requérante et les parties à l’instance à l’occasion de laquelle la QPC avait été posée contestaient uniquement le fait que l’article 34 de la loi précitée du 28 mai 1996, tel que l’interprétait la Cour de cassation, écartait l’application du droit commun de la représentativité et renvoyait à l’accord collectif la détermination de la désignation et des compétences des délégués syndicaux communs à l’ensemble des entités du groupe CDC. Elles ne faisaient pas porter leur critique sur le renvoi à l’accord collectif pour la création du comité mixte d’information et de concertation ou de toute autre instance représentative du personnel.

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Commentaire

Le Conseil constitutionnel a donc restreint le champ de la QPC aux mots : « , d’une part, sur la désignation et les compétences de délégués syndicaux communs pouvant intervenir auprès des personnes morales visées à l’alinéa précédent et bénéficiant des dispositions de la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre IV du code du travail. Ils portent, d’autre part, » figurant au sixième alinéa de l’article 34 précité, ainsi que, par coordination, aux mots : « Les délégués syndicaux communs et », figurant au septième alinéa du même article (paragr. 4).

B. – Les griefs tirés de la méconnaissance du principe de participation des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail et de l’incompétence négative du législateur

La CDC soutenait que, compte tenu de l’interprétation qu’en a faite la Cour de cassation, qui reconnaît aux accords collectifs conclus au sein de la CDC le pouvoir de déroger aux règles de droit commun de la représentativité syndicale, les dispositions contestées portaient atteinte au principe de participation des travailleurs à la détermination de leurs conditions de travail, reconnu au huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

En outre, selon elle, ces dispositions étaient contraires à l’article 34 de la Constitution, puisque constitutives d’une incompétence négative du législateur.

Les parties à l’instance à l’occasion de laquelle la QPC avait été posée développaient la même argumentation.

Le Premier ministre et les parties en défense faisaient valoir que, loin de porter atteinte au principe de participation des travailleurs, les dispositions contestées en garantissaient l’application au sein d’un groupe mixte, composé d’entités publiques et privées. La partie en défense ajoutait qu’en tout état de cause le législateur avait défini de façon suffisamment précise le cadre que doivent respecter les accords collectifs en cause.

1. – La jurisprudence constitutionnelle

Le Conseil constitutionnel procède à une lecture combinée du principe constitutionnel de participation des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail et de l’article 34 de la Constitution, dont rend compte le considérant de principe suivant :

« Considérant que, si le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose en son huitième alinéa que :" Tout travailleur participe, par

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Commentaire

l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ", l’article 34 de la Constitution range dans le domaine de la loi la détermination des principes fondamentaux du droit du travail ; qu’ainsi, c’est au législateur qu’il revient de déterminer, dans le respect du principe qui est énoncé au huitième alinéa du Préambule, les conditions et garanties de sa mise en œuvre ;

« Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, il est loisible au législateur, après avoir défini les droits et obligations touchant aux conditions et aux relations de travail, de laisser aux employeurs et aux salariés, ou à leurs organisations représentatives, le soin de préciser, notamment par la voie de la négociation collective, les modalités concrètes d’application des normes qu’il édicte ; que le législateur peut en particulier laisser les partenaires sociaux déterminer, dans le cadre qu’il a défini, l’articulation entre les différentes conventions ou accords collectifs qu’ils concluent au niveau interprofessionnel, des branches professionnelles et des entreprises ; que, toutefois, lorsque le législateur autorise un accord collectif à déroger à une règle qu’il a lui-même édictée et à laquelle il a entendu conférer un caractère d’ordre public, il doit définir de façon précise l’objet et les conditions de cette dérogation »13.

Cette lecture combinée du huitième alinéa du Préambule de 1946 et de l’article 34 de la Constitution est justifiée par le fait qu’il s’agit de reconnaître aux partenaires sociaux la possibilité de décider, pour partie, du cadre qui les régit. Il convient donc de déterminer, préalablement, ce qui doit demeurer de la compétence du législateur, seul compétent pour fixer « les principes fondamentaux (…) du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale ».

13 Décisions n° 2004-494 DC du 29 avril 2004, Loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, cons. 7 et 8 et 2006-545 DC du 28 décembre 2006, Loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social, cons. 4 et 5. Cf., aussi, les décisions n° 93-328 DC du 16 décembre 1993, Loi quinquennale relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle, cons. 3 ; 94-348 DC du 3 août 1994, Loi relative à la protection sociale complémentaire des salariés et portant transposition des directives n° 92/49 et n° 92/96 des 18 juin et 10 novembre 1992 du conseil des communautés européennes, cons. 4 ; 96-383 DC du 6 novembre 1996, Loi relative à l’information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d’entreprises de dimension communautaire, ainsi qu’au développement de la négociation collective, cons. 8 et 9 ; n° 97-388 DC du 20 mars 1997, Loi créant les plans d’épargne retraite, cons. 6 ; 99-423 DC du 13 janvier 2000, Loi relative à la réduction négociée du temps de travail, cons. 28 ; 2004-507 DC du 9 décembre 2004, Loi portant dispositions relatives au sport professionnel, cons. 10 à 15 ; 2008-568 DC du 7 août 2008, Loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, cons. 14 ; 2010-91 QPC du 28 janvier 2011, Fédération nationale CGT des personnels des organismes sociaux (Représentation des personnels dans les agences régionales de santé), cons. 3 ; 2013-333 QPC du 26 juillet 2013 M. Philippe M. et autres (Représentation des salariés au conseil d’administration), cons. 5 ; 2014-388 QPC du 11 avril 2014, Confédération Générale du Travail Force Ouvrière et autre (Portage salarial), cons. 4 ; 2015-519 QPC du 3 février 2016, Mouvement des entreprises de France et autres (Critère de l’audience des organisations professionnelles d’employeurs pour l’appréciation de la représentativité), cons. 6.

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Commentaire

La jurisprudence précitée procède à une distinction et une précision.

Elle distingue, tout d’abord, d’une part, les conditions et les garanties de la mise en œuvre du principe de participation et, d’autre part, les modalités concrètes de leur mise en œuvre. Les premières relèvent du législateur, qui peut, en revanche, renvoyer, pour les secondes, aux accords collectifs conclus entre partenaires sociaux.

Elle précise ensuite que le législateur ne saurait permettre à ces derniers de déroger à une règle d’ordre public qu’il aurait lui-même édictée, sans définir précisément l’objet et les conditions de cette dérogation. Comme le rappelait le commentaire aux Cahiers de la décision de 2004 : « Le fondement constitutionnel de cette exigence est non le principe de faveur - qui n’a pas de valeur constitutionnelle - mais l’article 34 de la Constitution qui interdit au législateur, lorsque celui-ci arrête des règles impératives d’ordre public applicables en principe à toutes les entreprises et à tous les salariés, de permettre en même temps aux partenaires sociaux d’y déroger à leur guise par accord collectif. En retenant une matière dans l’ordre public social, tout en la déléguant aux partenaires sociaux, le législateur tomberait dans la contradiction et, par défaut de clarté et de cohérence, resterait en deçà de sa compétence »14.

Sur le fondement de cette jurisprudence, le Conseil a ainsi censuré le renvoi, par le législateur, à un accord national interprofessionnel pour fixer le cadre juridique du portage salarial15.

Il a, en revanche, admis le renvoi à un accord collectif pour déroger aux règles applicables en matière de communication d’informations au comité d’entreprise, compte tenu de la précision du cadre fixé par le législateur pour cette dérogation : en effet, la loi définissait, à la fois, la périodicité et le contenu obligatoires du rapport qui, dans une telle hypothèse, devait se substituer aux documents requis, ainsi que les modalités de sa communication aux membres du comité d’entreprise16.

Dans une autre décision, alors qu’il était saisi d’une disposition législative renvoyant à un accord de branche, la fixation des seuils d’effectif en deçà desquels il était possible de déroger aux règles de la négociation collective, le

14 Commentaire de la décision n° 2004-494 DC du 29 avril 2004, Les cahiers du Conseil constitutionnel, n° 17.

15 Décision n° 2014-388 QPC du 11 avril 2014 précitée, cons. 4 à 6. Dans cette décision, le Conseil a combiné les principes constitutionnels précités avec la compétence législative pour fixer les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales.

16 Décision n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006 précitée, cons. 7.

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Commentaire

Conseil constitutionnel a relevé qu’en principe la fixation de tels seuils relevait de la compétence du législateur. La disposition a toutefois échappé à la censure, pour deux raisons : en premier lieu, les procédures dérogatoires de négociation mises en place par accord de branche ne pouvaient intervenir qu’en l’absence des représentants du personnel normalement compétents pour conduire les négociations collectives (en l’espèce, les délégués syndicaux ou les délégués du personnel faisant office de délégués). En second lieu, le dispositif proposé s’inscrivait dans le cadre d’une expérimentation destinée à permettre au législateur d’adopter par la suite, après une évaluation pratique, des règles nouvelles17.

Ces différents exemples montrent que le contrôle auquel le Conseil constitutionnel soumet les renvois du législateur aux accords collectifs est d’autant plus précis que le renvoi en cause permet de déroger à une disposition législative d’ordre public absolu.

2. – L’application à l’espèce

Les griefs présentés par la CDC portaient sur les dispositions de l’article 34 de la loi du 28 mai 1996 telle qu’interprétées par la Cour de cassation. Le Conseil a donc tout d’abord rappelé qu’il peut connaître en QPC de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère aux dispositions contestées (paragr. 3). Tel était bien le cas en l’espèce, la Cour de cassation ayant non seulement jugé que les nouvelles règles relatives à la représentativité syndicale étaient d’ordre public18, mais aussi que les dispositions de l’article 34 permettaient à la CDC d’y déroger19.

Le Conseil constitutionnel a ensuite appliqué à la QPC dont il était saisi la jurisprudence précédemment évoquée.

Après avoir rappelé qu’il revient au législateur de déterminer, dans le respect du principe de participation des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail, les conditions et la garanties de sa mise en œuvre (paragr. 6), le Conseil a souligné qu’il lui est cependant loisible, « après avoir défini les droits et obligations touchant aux conditions et aux relations de travail, de laisser aux employeurs et aux salariés, ou à leurs organisations représentatives, le soin de préciser, notamment par la voie de la négociation collective, les modalités concrètes d’application des normes qu’il édicte »

17 Décision n° 96-383 DC du 6 novembre 1996 précitée, cons. 12.

18 Cour de cassation, chambre sociale, arrêt précité du 6 janvier 2011, n° 10-18.205.

19 Cour de cassation, chambre sociale, arrêt précité du 8 juillet 2015, n° 14-20.837.

(13)

Commentaire

(paragr. 7). Toutefois, comme dans ces décisions précitées de 2004 et 2006, il a précisé que, pour autant, « lorsque le législateur autorise un accord collectif à déroger à une règle qu’il a lui-même édictée et à laquelle il a entendu conférer un caractère d’ordre public, il doit définir d’une façon précise l’objet et les conditions de cette dérogation » (même paragr.).

Or, ni l’objet ni les conditions de la dérogation autorisée par les dispositions contestées n’ont à cet égard été jugées suffisamment précises.

Le Conseil constitutionnel a en effet observé que ces accords peuvent porter

« sur les conditions de désignation des délégués syndicaux communs aux agents de droit public et aux salariés de droit privé du groupe de la Caisse des dépôts et consignations, ce qui inclut, notamment, la définition des critères d’audience et de représentativité autorisant des organisations syndicales à nommer des délégués syndicaux communs ». Par ailleurs, il a relevé que « ces mêmes accords peuvent aussi porter sur la détermination des compétences de ces délégués syndicaux communs, sans que le législateur ait déterminé l’étendue des attributions qui peuvent leur être reconnues en matière de négociation collective au sein du groupe » (paragr. 8). À titre d’exemple, alors que le délégué syndical jouit en principe d’un monopole pour la négociation collective au sein de l’entreprise, l’accord collectif dérogatoire prévu par les dispositions contestées pouvait décider quelles organisations syndicales étaient autorisées, en fonction des critères de représentativité qu’il aurait fixés, à participer à la négociation collective et jusqu’à quel point les délégués syndicaux communs auraient été compétent pour conclure des accords collectifs applicables à l’ensemble du groupe CDC.

Dès lors, le Conseil constitutionnel a estimé qu’en adoptant les dispositions contestées, sans définir suffisamment précisément l’objet et les conditions de la dérogation qu’il instaurait, le législateur a méconnu l’étendu de sa compétence et le huitième alinéa du Préambule de 1946 (paragr. 9).

3.– La déclaration d’inconstitutionnalité et les effets dans le temps de la décision

La CDC et les parties à l’instance à l’occasion de laquelle la QPC avait été posée invitaient le Conseil constitutionnel à neutraliser la contrariété des dispositions contestées avec la Constitution par une réserve d’interprétation, plutôt qu’à prononcer une censure. Cette réserve aurait consisté à dire que l’article 34 de la loi du 28 mai 1996 ne saurait être interprété comme dérogeant

(14)

Commentaire

aux dispositions d’ordre public relatives à la représentation syndicale. Une telle réserve aurait eu pour effet de contredire la jurisprudence de la Cour de cassation. Il s’agissait, pour les intéressées, d’éviter que tous les accords négociés au sein du groupe CDC soient annulés, car privés de base légale.

Le Conseil constitutionnel n’a toutefois pas retenu cette option qui n’aurait en tout état de cause pas réglé la difficulté que pose la nature mixte du groupe CDC, qui emploie à la fois des salariés de droit privé et des agents publics. Qui aurait décidé de la conciliation à apporter entre les règles de représentativité syndicale applicables aux relations régies par le code du travail et celles applicables à la fonction publique ?

Le Conseil constitutionnel a donc déclaré les dispositions examinées contraires à la Constitution (paragr. 9). Il a, en revanche, reporté leur abrogation au 31 décembre 2017, dès lors qu’une abrogation immédiate aurait eu pour effet de supprimer toute représentation syndicale commune aux agents de droit public et aux salariés de droit privé au sein du groupe de la Caisse des dépôts et consignations (paragr. 11).

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