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LA CITOYENNETÉ DANS LA PHILOSOPHIE DE PLATON : QUELLE SOLUTION FACE A LA CRISE ACTUELLE DE LA CITOYENNETE ?pp. 159-171.

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Texte intégral

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Référence de cet article : SEY Kouassi Olivier, La citoyenneté dans la philosophie de platon : quelle solution face a la crise actuelle de la citoyennete ? . Rev iv hist 2018 ; 31 : 158-171.

LA CITOYENNETÉ DANS LA PHILOSOPHIE DE PLATON : QUELLE SOLUTION FACE A LA CRISE ACTUELLE DE LA

CITOYENNETE ?

SEY Kouassi Olivier Université Félix Houphouët-Boigny

olivier.sey@gmail.com

09 05 93 55 / 41 36 68 39 / 05 43 80 40

RESUME

Le concept de la citoyenneté est né avec l’avènement de la démocratie athénienne. Il a traversé des civilisations et des époques. Cette longue mutation laisse entrevoir de nos jours une citoyenneté de plus en plus dénuée de sens. Trouver une solution satisfaisante à un tel problème exige de nous un retour à l’origine pour questionner la citoyenneté grecque à travers Platon, le philosophe qui le premier pensa une théorie de la République. Cette réflexion expose le panorama de la citoyenneté, les droits et devoirs qui y sont rattachés et la nécessité d’une véritable éducation à la citoyenneté qui se poserait comme solution à la crise de la citoyenneté.

Mots clés : Platon, citoyenneté, droit, devoir, éducation, valeur.

ABSTRACT

The concept of citizenship was born with the advent of Athenian democracy. He went through civilizations and eras. This long mutation nowadays gives us a glimpse of a more and more meaningless citizenship. To find a satisfactory solution to that problem requires from us a return to the origin in order to ask the Greek citizenship through Plato, the philosopher who first thought a theory of the Republic. This reflection sets out the panorama of citizenship, the rights and duties attached to it, and the need for a real education for citizenship as a solution to the crisis of citizenship.

Key words: Plato, citizenship, law, duty, education, value.

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INTRODUCTION

La citoyenneté dans nos États contemporains semble être en crise. En effet, le concept de citoyenneté, non seulement y a perdu son sens, mais surtout semble ne plus y exister du fait de la montée de l’abstention lors des élections démocratiques, des incivilités, des violences, des exclusions, de l’individualisme... Et tout cela conduit à la désintégration des liens affectifs comme ceux de la famille, les relations amicales et les rapports de bon voisinage. Justifiant ainsi le vieil adage «chacun pour soi, Dieu pour tous1». Aussi les ambitions démesurées des hommes politiques, les désirs insatiables des citoyens, la corruption, l’égoïsme, la méchanceté et les injustices sont-ils le fruit d’une profonde faillite morale d’une époque où les intérêts personnels dominent la raison, où les richesses et les honneurs définissent l’homme, où le vice est préférable à la vertu.

Quel est l’idéal du bon citoyen chez Platon ? A travers cette réflexion sur la citoyenneté chez Platon, nous envisageons trouver des solutions aux problèmes auxquels sont confrontés nos États. Le souci d’analyser les possibilités de la vertu, nous a portés vers l’œuvre de Platon dont les dialogues abordent à juste titre des problématiques éthiques qui convenablement appliquées à l’individu pourrait bien être un rempart face à la crise de la citoyenneté de notre époque.

1.

La citoyenneté : un concept évolutif

La citoyenneté n’est pas un concept clos et achevé ; bien au contraire il est dynamique et évolutif. Telle que perçue aujourd’hui, cette notion est le résultat d’une longue mutation à travers des époques. Répondre donc à un questionnement du type : qu’est-ce que la citoyenneté ?, exige une connaissance de l’évolution histo- rique de cette notion. Le panorama de la citoyenneté présente pour ainsi dire trois points historiques qui ont modelé et façonné la compréhension de cette notion. Il s’agit notamment de la Grèce antique, la Rome antique et la Révolution française.

1.1. La Grèce antique

L’invention de la cité grecque ou polis au tout début du Ve siècle avant Jésus- Christ fait de la Grèce antique l’origine de la citoyenneté moderne. A en croire C.

Bruschi (1996, p. 2), la plupart des États de l’Antiquité ignoraient la citoyenneté. Ils ne connaissaient que la soumission des sujets au Souverain comme de purs et simples ressortissants. Dès l’Antiquité, se perçoit nettement une distinction entre participation à l’État et soumission à l’État ; participation à un État en tant que citoyen et soumission à un État en tant que ressortissant. En effet les cités grecques rompant avec les liens de type clanique, avaient créé une communauté politique (Politeia), la citoyenneté (elle aussi appelée Politeia) signifiait l’appartenance à cette communauté politique.

A cette époque, ce statut n’était réservé qu’à une poignée de personnes ; un dixième de la population environ. Le citoyen était un homme libre qui participait directement à la gestion des affaires publiques ; tour à tour gouvernant ou gouverné,

1 Ce passage traduit l’idée de solitude, d’individualisme. Ce qui compte, ce n’est plus « nous » mais

« je » c’est-à-dire les intérêts personnels.

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il délibérait sur l’Agora, se réunissait dans l’Ecclésia et se prononçait sur les princi- pales affaires de la cité. Seuls les citoyens avaient droit à la parole lors des débats et étaient enfin les seuls à posséder la terre2. Plusieurs critères définissaient l’octroi du statut de citoyen : il fallait être de sexe masculin, être homme libre, être de père citoyen, et, à partir de la loi Périclès de -451, être également de mère fille de père citoyen. Aussi, devait-il être majeur3 et obligatoirement faire son service militaire.

Vraisemblablement, Platon ne donne pas de définition précise au concept de citoyen- neté, quoique le terme citoyen soit bien récurrent dans ses œuvres. Dans Le Criton notamment, la notion de citoyen est utilisée pour désigner les membres de la communauté reconnus tel suivant les lois en vigueur. Dans la République, le citoyen est l’appellation commune de tous les hommes au sein de la cité idéale. Dans Les Lois, le citoyen est également un membre de la cité. Ainsi, du Criton à la République, de la République aux Lois, le citoyen est un homme libre différent de l’esclave et de l’étranger. Cela nous porte à croire que la citoyenneté chez Platon est celle de la cité grecque antique.

En phase donc avec son époque, Platon insiste cependant sur une dimension plus particulière de la citoyenneté. On peut affirmer qu’avec Platon, la citoyenneté n’a pas d’autre définition que le fait de partager les mêmes valeurs.

1.2. La Rome antique

Dans la Rome antique, la citoyenneté présentait approximativement les mêmes carac- téristiques que celle que nous concevons avec Platon. Mais à la différence, le droit de cité (étymologiquement la civis en Latin) était ouvert à un public plus large. En effet, si nous nous referons à Marcus Tillus Cicéron, les hommes libres devaient à l’origine s’inscrire à Rome ou dans l’une des villes fédérées ; devaient avoir à l’époque de la publication de la loi leurs domiciles en Italie ; devaient faire leur déclaration devant le prêteur dans le délai de 60 jours4. Après cela, ils étaient reconnus citoyen romain. Cependant, seuls les hommes libres avaient ce privilège ; les femmes et les enfants en étaient exclus. En -89 av. J.-C., le droit de cité fut étendu à tous les hommes libres d’Italie. Et, à cause de l’extension de l’empire romain et son souci de consolidation, l’édit de Caracalla5 proclama citoyens tous les hommes libres de l’empire en l’an 212. Cependant, le terme de citoyen disparaîtra au profit du sujet ; puisque l’empire était dirigé par une aristocratie politique qui assurait toutes les charges et prenait seule toutes les décisions.

Mais à partir du XVIe siècle, le concept de citoyen renaîtra avec une conception nouvelle qui diffère foncièrement de son origine grecque car ayant perdu avec le temps toutes les honneurs et tout le prestige chers aux athéniens. Le philosophe Nicholas Machiavel à travers son œuvre Le Prince et même l’économiste Jean Bodin6 à tra- vers son œuvre la République présentent le citoyen comme celui qui entre en conflit avec le prince ou le monarque pour le respect de ses libertés. Ensuite, à travers Le

2 Les esclaves et les métèques (étrangers) n’avaient pas droit à la possession de terres.

3 L’accession à la majorité civique était fixée à vingt ans. (www.cndp.fr/archive-musagora/citoyennete/

default.htm).

4 Conformément à la loi de Silvanus et de Carbon évoquée dans son Plaidoyer pour Aolus Licinius Archias.

5 Marcus Aurelius Antoninus BASSIANUS (188-217) surnommé Caracalla fut empereur romain de 211 à 217 où il mourut assassiné.

6 Economiste et écrivain politique français, né à Angers (1530-1576), il a développé dans son œuvre La République, les principes d’une monarchie tempérée par les états généraux.

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citoyen ou les fondements de la politique de Thomas Hobbes, le terme citoyen servira à désigner, au XVIIe siècle, la souveraineté initiale, la source de toute légitimité. Au XVIIIe siècle, Jean-Jacques Rousseau démontrera dans Du contrat social que tous les hommes sont libres et ont vocation à être citoyens.

1.3. La révolution française

La Révolution française constitue la phase ultime du modelage de la citoyenneté. En effet, Pendant la Révolution française, le terme citoyen a été réutilisé par opposition au sujet (du roi). Il permet de désigner tout homme sans notion de hiérarchie par opposition à la Noblesse antique. Notons que, durant cette période, les termes citoyen et citoyenne ont été utilisés pour remplacer monsieur, madame et mademoiselle. La Révolution française annonce l’abandon des privilèges de la noblesse et du clergé le 04 août 1789 et la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) le 26 août de la même année : le citoyen devient donc le titre universel de tous les hommes et le critère de la citoyenneté est alors l’adhésion volontaire à des valeurs politiques communes.

Sommairement, retenons avec E. Clément, C. Demonque, P. Kahn, L. Hassen-Love (2009, p. 73) que la citoyenneté est l’ensemble des normes juridiques et des pratiques sociales qui fondent le statut de citoyen. Elle comporte un ensemble de droits et de devoirs. A l’origine, le citoyen était un membre de la communauté politique se distin- guant du sujet des monarchies absolues, par sa participation au pouvoir politique. De nos jours, le citoyen se définit à la fois par le libre exercice de ses droits civiques et politiques et par sa participation aux décisions de l’État au nom de la volonté générale.

2. La citoyenneté : une question de droits et de devoirs 2.1. La citoyenneté, une garantie de droits

Dans ses œuvres, Platon évoque certains droits propres au citoyen. Ces droits sont garantis par la cité et les lois veillent jalousement à leurs applications. Nous considèrerons ainsi, trois aspects de la citoyenneté qui nous permettront de regrouper plusieurs droits qui sont rattachés à la citoyenneté civile, la citoyenneté politique et la citoyenneté sociale.

2.1.1. La citoyenneté statutaire

La citoyenneté statutaire est l’ensemble des droits civils et des droits politiques.

• La citoyenneté civile

La citoyenneté civile correspond aux libertés fondamentales. A l’époque de Platon, on ne pouvait penser la citoyenneté sans un minimum de liberté. Il faut souligner que la liberté constituait l’un des critères fondamentaux de la citoyenneté. Ces droits se retrouveront énoncés plus tard dans les articles de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen7. Il s’agit notamment :

- De l’égalité devant la loi (l’isonomie),

7 Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789. Ce texte affirme et consacre l’ensemble des droits inhérents à la nature humaine, au premier rang desquels figure la liberté (celle de penser, d’aller et venir), ainsi que les garanties qui permettent à tout citoyen d’exercer effectivement ces droits.

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Le terme égalité ne doit pas prêter à confusion dans la mesure où l’idée d’égalité telle que perçue d’ordinaire n’existe pas dans la cité idéale dont Platon fait mention dans la République. Dans le Criton cependant, l’égalité devant la loi annonce le carac- tère universel de celle-ci. La loi s’applique de façon identique à tout le monde. Tous les citoyens bénéficient d’un égal traitement et nul ne peut être au-dessus de celle-ci.

Il n’y a donc point de favoritisme parce que tous les citoyens sont considérés comme des enfants de la loi au même titre ; puisque c’est sous les auspices des mêmes lois que tous les citoyens naissent, sont élevés et éduqués de la même manière. Nous en voudrons pour preuve ce passage de la première prosopopée des lois dans lequel les lois s’adressent à Socrate en ces termes :

[…] C’est nous (les lois) qui t’avons fait naître, qui t’avons nourri et instruit ; nous t’avons fait part comme aux autres citoyens de tous les biens dont nous disposions, et nous ne laissons pas de proclamer, par la liberté que nous lais- sons à tout Athénien qui veut en profiter, que, lorsqu’il aura été inscrit parmi les citoyens et qu’il aura pris connaissance des mœurs politiques et de nous, les lois […].(Platon, Criton, 51 c-d).

Aussi, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen annoncera-t-elle en son article premier : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. »

- Il s’agit également du cadre pour l’échange et la parole (l’agora) connu aujourd’hui sous le nom de liberté d’expression.

La liberté de penser, la liberté d’opinion et la liberté d’exprimer ses pensées et opinions sont des droits liés à la citoyenneté depuis l’antiquité et cela transparait visiblement dans tous les œuvres de Platon. En effet, Platon présente dans ses dialogues un Socrate qui débat librement sur approximativement tous les sujets et pratiquement dans tous les lieux d’Athènes et avec tout le monde ; tant bien en privé qu’en public. Cela corrobore parfaitement cette idée de liberté d’expression. A cet effet, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen souligne ceci en son article 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

- Il s’agit aussi du droit de propriété

Nous savons que dans la République, Platon détruit toute espèce de propriété au profit de la plus grande unité de la cité. Mais dans Les Lois, il admet la propriété, pour rendre possible les lois ; car les lois civiles et politiques ne peuvent porter que sur la distinction du tien et du mien. Les Lois admettent donc la propriété, et c’est en cela même qu’elles se distinguent profondément de la République : « Posséder en commun, dit-il, serait trop demander aux hommes d›aujourd›hui : qu›ils aient donc des propriétés, mais que chacun d›eux se persuade que sa propriété n’est pas moins à l›État qu›à lui. » (Platon, Les Lois, Livre V,).

Ainsi chaque citoyen peut avoir une propriété : mais il la tient de l’État qui, primitivement, répartit la terre et les habitations entre les divers habitants. Cette propriété est un fonds inaliénable. La Déclaration en dit de même en son article 17 :

« La propriété est un droit inviolable et sacré ».

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• La citoyenneté politique

La citoyenneté politique quant à elle correspond au droit de participer aux affaires politiques de la cité. En effet, la démocratie athénienne tirait son fondement de la souveraineté populaire qui s’exprimait essentiellement à travers les tribunaux d’un côté et les assemblées de l’autre. Tout citoyen athénien était alors susceptible d’être délégué par le peuple pour occuper des charges publiques. C’est justement le cas de Socrate qui affirme dans l’Apologie (32 b) qu’il a été membre du conseil8.

Les droits politiques se sont donc construits essentiellement sur l’extension du droit de voter et du droit à être élu. Ces droits permettent au citoyen de prendre part activement aux processus démocratiques. A ceux-ci, s’ajoutent de nos jours d’autres droits et libertés politiques tels que : le droit d’accéder à certaines fonctions publiques, le droit d’être protégé par l’État à l’étranger, la liberté syndicale, la liberté de réunion, la liberté de manifestation…

2.1.2. La citoyenneté sociale

La citoyenneté sociale résulte de la création de droits socio-économiques. Elle prend en compte toute une série de droits sans lesquels, pour la majorité des citoyens, les deux autres volets de la citoyenneté (à savoir la citoyenneté civile et la citoyen- neté politique) seraient vraisemblablement formels. Platon a si bien mis en exergue cette nécessité de la citoyenneté sociale ; même si à cette époque elle n’avait pas une telle dénomination. En effet, Il fait remarquer dans la République que : « tout homme sensé reconnaîtra qu’il faut leur donner des habitations et des biens qui ne les empêchent pas d’être […] aussi parfaits que possible, et qui ne les portent point à nuire aux autres citoyens. » (Platon, République, Livre III, 416 c-d).

Cela sous-entend que pour un plein exercice de la citoyenneté, il faudrait que le citoyen bénéficie de certains droits qui à l’examen en constituent une condition : les droits à la santé, à l’éducation, à un travail, au logement, etc. semblent de toute évi- dence fondamentaux. Car, sans droits sociaux, les droits civils et politiques risquent de demeurer de grands principes sans traduction concrète.

2.2. La citoyenneté, une responsabilité face aux devoirs

Si le citoyen jouit légitimement de ses droits, il est aussi tenu de respecter des devoirs qui résultent également de sa qualité de citoyen.

2.2.1. Qu’est-ce que le devoir ?

Du point de vue juridique, un devoir est une obligation particulière et concrète.

C’est ce que l’on doit faire dans une situation donnée, ce à quoi on est tenu par pur respect d’un règlement, d’une loi, de la raison, de la morale, des convenances ou du fait de sa situation personnelle, de sa profession, de ses responsabilités.

8 La démocratie directe s’exprimant dans l’assemblée du peuple ne pouvait fonctionner sans disconti- nuer. Le peuple déléguait donc une partie de sa souveraineté à un corps qui constituait le seul organe représentatif du « démos ». Les bouleutes, au nombre de cinq cents (500) à raison de cinquante par tribus, étaient tirés au sort parmi les candidats de chaque dème.

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Aussi, le devoir désigne-t-il l’ensemble des règles générales qui guident la conscience morale. Il est accompli par obligation, en dehors de toute autre considé- ration de volonté ou de désir. Le terme de devoir renvoie ici à une réalité plus morale, qui doit guider le citoyen dans son comportement dans l’espace public.

Pour le philosophe Emmanuel Kant (1724-1804), un acte n’a de valeur morale que s’il est fait non seulement en conformité avec le devoir, mais par devoir. Ce devoir, qui fait appel à la raison, se situe au-dessus des intérêts et des passions, c’est un impératif catégorique qui s’impose à nous comme une obligation et n’admet pas d’alternatives.

Le devoir, c’est ce qui doit être, ou être fait. Pour Platon au contraire, le devoir exprime la fidélité à soi-même et à sa propre cohérence. Le devoir platonicien se présente comme une exigence morale qui guide les actes du citoyen dans la société.

Comme tel, toute action bonne, devra s’accorder avec le devoir. De ce faite, le devoir apparait comme une forme d’obligation, s’imposant au citoyen. Pour ce faire il est impératif que chaque citoyen connaisse ses devoirs.

2.2.2. Les sphères du devoir

Les sphères du devoir concernent les devoirs envers soi-même, envers les autres et envers la cité. Un citoyen est un individu qui, par la connaissance qu’il a de lui- même, de ses semblables et de l’ordre civil, peut tenir bien son rôle de citoyen.

• Devoir envers soi-même : être responsable de soi-même

Pour ce qui relève des devoirs envers soi-même, le principe de devoir n’autorise personne à se nuire à lui-même. Et il faut le dire, le véritable devoir envers soi-même, entendu comme ce pouvoir minimum de se conserver soi-même, serait alors le devoir de rester libre, d’être le sujet de son propre discours, de sa propre pensée, de sa propre histoire.

Mais il ne suffit pas de se conserver soi-même. Le devoir est aussi de désirer une vie descente, conforme au devoir, dirigée par l’idée de justice ; « concernant la façon de rendre votre âme la meilleure possible » (Platon, Apologie de Socrate, 30 a) car manifestement « le plus important n’est pas de vivre, mais de bien vivre » (Platon, Criton, 48 b). Et nous pouvons soutenir que « vivre dans le bien, comme il le faut et dans la justice, c’est la même chose. » (Platon, Criton, 48 b). Il faut donc avoir le souci de notre propre cohérence avec nous-même ; c’est-à-dire être en harmonie avec soi-même. Cela relève simplement de l’intégrité.

Plus positivement, accomplir nos devoirs pratiques et éthiques envers nous- mêmes contribue à nous rehausser non seulement dans notre propre estime, mais aussi dans celle des autres et, plus généralement, de l’ordre civil. E. Kant (1997, p.

49), affirmera à cet effet que : « moins un homme a de valeur intérieure, moins il est estimable [...]. Nous devons nous conduire de façon à mériter les honneurs. » Mais comment nous conduire de façon à mériter les honneurs ?

Voici, en effet, la vérité sur la question, Athéniens. Quelle que soit la place dans le rang qu’on occupe – qu’on ait choisi soi-même cette place comme la plus honorable ou qu’on y ait été placé par son chef –, le devoir impose, à mon avis

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du moins, d’y demeurer quel que soit le risque encouru, sans mettre dans la balance ni la mort ni rien d’autre, en faisant tout passer avant le déshonneur.

(Platon, Apologie de Socrate, 28 d).

Parmi les devoirs particuliers qu’un citoyen se doit à lui-même figure le devoir d’éducation. L’éducation en effet élève l’esprit et fortifie l’âme. « Elle vise à former à la vertu dès l’enfance et inspire un désir ardent de devenir un citoyen parfait, sachant commander et obéir selon la justice » (Platon, Les Lois, Livre I, 643 e).

• Devoir envers les autres

On ne peut traiter les autres comme soi-même que si on se connaît avant tout, puis on se traite soi-même comme un autre, également digne d’amour et de respect.

Selbourne David (1997, p.164) :

Sous la règle du principe du devoir, le devoir envers soi dicte souvent les mêmes actions que le devoir envers les autres. […] Accomplir nos devoirs pratiques et éthiques envers nous-mêmes contribue à nous rehausser non seulement dans notre propre estime, mais aussi dans celle des autres. […] Ainsi, accomplir son devoir envers soi permet simultanément d’accomplir son devoir envers.

C’est à en croire que le devoir envers soi régit le devoir envers les autres. Le devoir envers soi-même est à comprendre en miroir par rapport aux devoirs envers autrui. Le citoyen a également des devoirs envers les autres citoyens : le droit à la sécurité, à la liberté de circulation, par exemple, s’accompagnent du devoir de ne pas entraver celle des autres. Le devoir envers les autres prend en compte le bien-être des autres et le respect du domaine public. Il est de deux natures, juridique et morale.

Juridiquement, chaque citoyen doit par-dessus tout respecter les droits et les liber- tés des autres, parce que ceux-ci sont identiques aux siens. Comme le dit Platon :

« tout attentat aux droits de chaque citoyen […] appelle la répression de la justice. » (Platon, Les Lois, Livre X, §I). En effet, autant qu’un citoyen a droit au respect de sa vie privée, celui-ci également doit scrupuleusement respecter celle des autres. De plus, il a le devoir de laisser les autres s’exprimer librement quand bien même que ses propres idées seraient supposées supérieures aux siens. « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. » (Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, 26 août 1789, Article 4).

Notons qu’une liberté sans bornes peut conduit inexorablement au désordre, à l’anarchie et à la loi du plus fort. Si la liberté de chacun est sans limite, une personne ne tardera pas, au nom de sa propre liberté, à empiéter sur celle des autres. Mais les devoirs des citoyens les uns envers les autres ne se limitent pas à des obligations juridiques et doivent être complétés par une dimension morale.

Du point de vue moral, le citoyen doit vivre en citoyen en faisant preuve de civisme et de civilité. Vivre en bon citoyen rend la vie en société fort agréable. Les uns vivent ainsi en paix avec les autres. Platon dira alors que « le plus grand bien d’un État, est la paix et la bienveillance entre les citoyens » (Platon, Les Lois, Livre I, 628 c).

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Car, force est de constater que l’attitude des citoyens les uns envers les autres est primordiale pour rendre supportable la vie en société. La politesse, le respect, la capacité à venir en aide à une personne en difficulté sont des éléments capitaux pour une citoyenneté vécue au quotidien. Par contre, les manquements à ces règles élémentaires de vie en commun affaiblissent la notion de citoyenneté.

• Devoir envers la cité

Ce serait vraisemblablement une entreprise fastidieuse que de faire la liste exhaustive des obligations du citoyen envers la cité tant elles sont nombreuses.

Néanmoins, on peut évoquer les plus importantes en les regroupant sous trois obli- gations principales.

Tout d’abord, les citoyens doivent respecter la loi et s’efforcer, grâce à une attitude civique, de la faire respecter.

A l’égard de la cité et des citoyens, l’homme de beaucoup le meilleur est celui qui, avant la gloire d’être vainqueur aux jeux olympiques et aux autres luttes guerrières et pacifiques, place l’obéissance aux lois de son pays et s’en montre toute sa vie le plus fidèle serviteur. (Platon, Les Lois, Livre V, 260 c-d).

Ce qui est mis en avant ici avec Platon, est un argument moral très commun : qu’est-ce qui se passerait si tout le monde se comportait ainsi ? Lorsqu’un individu agit mal impunément, c’est comme s’il donnait la permission à tous les individus d’en faire autant. Il faut donc que l’individu pense aux retentissements de ses actions dans le cadre de la communauté et pas uniquement aux conséquences personnelles de son action individuelle. E. Kant (1997, p. 67), trouvera dans cette notion le principe de base de sa moralité, bien qu’il l’énonce d’une manière plus complexe : « je dois toujours me conduire de telle sorte que je puisse aussi vouloir que ma maxime devienne une loi universelle. »

Dans une vision démocratique, si les citoyens doivent respecter les lois, c’est essentiellement pour deux raisons :

Premièrement, les citoyens sont, au moins indirectement, les auteurs des lois.

Car, ayant participé, par l’élection de leurs représentants ou par la voie du Référen- dum, à l’élaboration des lois, les citoyens sont obligés de respecter les règles qu’ils se sont fixées. Dans ces conditions, ils sont moralement contraints de les respecter dans leur vie quotidienne, qu’il s’agisse de textes ayant trait à leur vie privée ou de textes relatifs à leur vie professionnelle. L’auteur, même indirect, d’une loi, ne peut se dispenser de son application. Car, notons-le : « nul n’est au-dessus de la loi ».

Deuxièmement, les citoyens sont obligés de respecter les lois afin de permettre une vie en société organisée tout en évitant le développement de la loi «du plus fort».

On serait alors dans une situation proche d’une véritable anarchie, chacun agissant selon son bon plaisir, sans souci de la règle commune. L’obligation pour tous les citoyens de respecter les lois est la meilleure assurance que la liberté, les droits et la sécurité de chacun d’eux soient garantis de manière effective.

- Ensuite, les citoyens doivent participer au financement des charges supportées par l’État au bénéfice de la communauté nationale.

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En ce qui concerne les impôts à payer au trésor public, il est nécessaire pour plusieurs raisons que chacun ait fait l’estimation de sa fortune et que les membres de chaque tribu remettent par écrit aux agronomes l’état de leur récolte annuelle, afin que, […] le fisc […] après délibération […] prenne ainsi une partie de la for- tune entière ou du revenu de chaque année. (Platon, Les Lois, Livre XII, § VII).

En effet, il est nécessaire que les citoyens participent à l’effort commun. Car l’impôt est la ressource économique indispensable à l’État pour accomplir sa mission. Et sans cette ressource, aucun service public (police, justice, éducation, hôpitaux, ramassage des ordures...) ne pourrait être financé. L’Article 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen stipule que : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »

Du coup, une société sans impôt impliquerait d’accepter une société dans laquelle tout service serait privé. Ainsi, à côté de son aspect positif ou technique, l’impôt a un aspect moral car il est obligatoire en conscience à la seule condition qu’il soit juste ou conforme au bien commun. Pour réaliser ce devoir, du point de vue moral, la vertu de la tempérance comme l’affirmerait Platon est nécessaire pour freiner l’égoïsme, l’avarice, et faire régner les règles de l’intérêt commun.

- Enfin, les citoyens doivent participer à la défense du pays, en temps de guerre, mais aussi en temps de paix.

Le devoir de défense est lié à la citoyenneté. Et Platon, dans les Lois nous dit à propos que : « Tous ceux qui auront été enrôlés ou chargés de quelque mission particulière iront à la guerre, et, si l’un d’eux abandonne l’armée sans le congé des généraux, il sera pour refus de servir accusé devant eux, à leur retour du camp. » (Livre XII, §II)

C’est dire que tout citoyen est donc susceptible d’être mobilisé afin de défendre le territoire national en cas d’attaque ennemie, ou, plus largement, de se battre pour son pays. Le service national est l’une des plus belles preuves d’amour qu’un citoyen puisse démontrer à sa patrie.

L’abnégation avec laquelle un homme lutte naturellement pour sa propre conser- vation ; laquelle conservation nous avons précédemment étiqueté au nombre des devoir envers soi-même, ce doit être avec la même déférence que le citoyen doit se battre pour la survie de sa patrie.

3. L’éducation à la citoyenneté comme solution à la crise de la citoyenneté 3.1. Plaidoyer pour une éducation à la citoyenneté

Platon regrette vivement le manque d’intérêt public ; il se plaint que tous les citoyens ne prennent pas part également aux mêmes exercices, d’où il résulte que l’État n’est que la moitié de ce qu’il serait, si tous les citoyens participaient également aux mêmes contributions et aux mêmes travaux : « de là il arrive qu’un État n’est que la moitié de ce qu’il serait, si tous (les citoyens) avaient mêmes travaux et contribuaient également aux charges publiques. ». (Les Lois, 805 a-b). C’est pourquoi, nous soulignons ici

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la nécessité d’une éducation à la citoyenneté. « Mais si tu me demandais en quoi l’éducation de toute la jeunesse intéresse le bien public, il ne serait pas difficile de répondre, que les jeunes gens bien élevés seront un jour de bons citoyens. » (Platon, Les Lois, 641 b).

Pour mieux éclaircir notre idée, faisons un détour par l’Antiquité grecque qui est très riche d’enseignements. En effet, la situation que nous vivons actuellement se situe en radicale opposition avec celle que connaissaient les Grecs. Conscients que les jeunes gens étaient appelés plus tard à soutenir la démocratie, les citoyens athéniens envoyaient leurs enfants dès leur bas âge à des pédagogues. Ceux-là avaient pour rôle de les cultiver ; de faire d’eux des hommes instruits, afin de les rendre aptes à exercer convenablement leur citoyenneté.

De l’enfance jusqu’à l’époque de son inscription sur les listes des citoyens, une chaîne ininterrompue d’actes éducatifs apprend à l’enfant, tenu d’emblée comme futur citoyen, les règles du civisme, le respect de la loi, la conscience des valeurs communes. La famille, « l’école », la Cité conduisent l’individu selon un processus continu d’acculturation civique. Sinon, autrement, le risque de la désintégration de la communauté viendrait à se manifester. (L. Bescond, 1992, p. 46).

Ainsi, il leur apparaissait nécessaire de construire d’abord un espace commun au sein duquel on élaborait les savoirs à apprendre. Si à cette époque la citoyenneté était réservée à une poignée d’individu, soulignons cependant qu’elle était le plus grand privilège qu’un individu puisse bénéficier dans la cité. C’est pourquoi les athéniens accordaient tant d’importance à la citoyenneté. Platon nous dit à cet effet que:

Quand ils sortent de l’école, c’est la cité qui les force à apprendre les lois et à y conformer leur vie. Elle ne leur permet pas d’agir librement à leur fantaisie; mais de même que les maîtres, pour les enfants qui ne savent pas encore écrire, tracent les lettres au stylet et leur remettent la page et les font suivre l’esquisse des lettres, de même la cité a tracé des lois inventées jadis par de vertueux législateurs, et elle oblige à s’y conformer ceux qui commandent et ceux qui obéissent. (Protagoras, 325-326 d).

A cette époque, l’éducation à la citoyenneté servait manifestement d’aliment à l’adolescence, d’occupation à la jeunesse et d’amusement à la vieillesse. L’impor- tance qu’ils accordaient à leur citoyenneté témoignait de leur dévouement à la cité.

Aujourd’hui, peu d’hommes ignorent assurément l’importance de la citoyenneté bien qu’ils se reconnaissent citoyens. Cette ignorance est l’image parfaite de leurs désengagements de la vie de la cité. Ce rapprochement confirme donc la nécessité d’une sérieuse éducation à la citoyenneté. « Elle doit contribuer à modeler le compor- tement des citoyens de telle sorte qu’ils soient amenés à obéir aux lois par habitude sans même y penser. Elle a une dimension collective et civique » (M. Kede Onana, 2011, p. 38).

Ceci permettra sans doute de stimuler l’engagement des citoyens envers la société

; il est nécessaire de faire passer le message civique, de faire comprendre aux jeunes gens qu’ils ont des droits et des devoirs, de leur faire prendre conscience de l’existence de valeurs fondamentales communes, pour leur permettre de devenir des citoyens

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actifs et responsables, afin de construire une société plus juste, plus tolérante et plus stable. L’éducation aux valeurs est, manifestement, le point le plus important.

L’éducation à la citoyenneté doit impérativement passer par une revalorisation de l’éducation aux valeurs. Car, sans valeurs partagées, il ne peut y avoir de citoyenneté.

3.2. Pas de citoyenneté sans valeur

La stabilité de la société évoque des relations empreintes de respect, qui reposent beaucoup sur l’attitude de chacun. Les valeurs nous aident à former notre propre per- ception du bien et du mal et influencent nos pensées, nos sentiments et nos actions.

Les valeurs facilitent pour ainsi dire les rapports avec autrui. L’attitude individuelle des citoyens est de ce fait très importante. Les comportements de civilité, de civisme, de solidarité et de fraternité… sont pour beaucoup dans le caractère apaisé d’une société.

Par civilité, entendons une attitude de respect des bienséances, aussi bien à l’égard des autres citoyens ; et ceci est symbolisé par la politesse, qu’à l’égard des lieux du domaine public et des bâtiments. C’est une reconnaissance mutuelle et tolérante des individus entre eux, au nom du respect de la dignité de la personne humaine, qui permet une plus grande harmonie dans la société. Pour Platon, à en croire Diogène Laërce (1847, p. 173) :

Il y a trois sortes de civilité : la politesse, comme rencontrer quelqu’un, le saluer, lui tendre la main, lui dire bonjour ; une autre sorte consiste à secourir un mal- heureux ; une troisième à banqueter avec des amis. Ainsi donc il y a trois sortes de civilité : la politesse, la bienfaisance, la sociabilité.

Le civisme désigne le respect, l’attachement et le dévouement du citoyen pour son pays ou pour la collectivité dans laquelle il vit. Plus généralement, le civisme est le dévouement pour l’intérêt public, pour la «chose publique». Il consiste, à titre individuel, à respecter et à faire respecter les lois et les règles en vigueur, mais aussi, il implique la connaissance de ses droits en tant que citoyen ainsi que de ses devoirs vis-à-vis de la collectivité. Le civisme, est l’état du citoyen respectueux de ses devoirs et des principes collectifs. De façon plus générale, le civisme est lié à un comportement actif du citoyen dans la vie quotidienne et publique. C’est agir pour que l’intérêt général l’emporte sur les intérêts particuliers.

La solidarité quant à elle, est le sentiment de responsabilité et de dépendance réciproque au sein d’un groupe de personnes qui sont moralement obligées les unes par rapport aux autres. Ainsi les problèmes rencontrés par l’un ou plusieurs de ses membres concernent l’ensemble du groupe. « Qu’il arrive donc à un citoyen un bien ou un mal quelconque, ce sera surtout une pareille cité qui fera siens les sentiments qu’il éprouvera, et qui, tout entière, partagera sa joie ou sa peine. » (Platon, Répu- blique, 452 d-e).

La solidarité conduit l’homme à se comporter comme s’il était directement confronté au problème des autres, sans quoi, c’est l’avenir du groupe (donc le sien) qui pour- rait être compromis. La solidarité est importante, en effet, dès lors que les citoyens, dans une conception classique, ne sont pas de simples individus juxtaposés, mais un ensemble d’hommes et de femmes attachés à un projet commun. Elle correspond

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à une attitude d’ouverture aux autres qui illustre le principe républicain de fraternité.

La fraternité est le lien fraternel et naturel ainsi que le sentiment de solidarité et d’amitié qui unissent ou devraient unir les membres de la même famille que représente l’espèce humaine. « Nos citoyens seront fortement unis dans ce qu’ils nommeront leur intérêt propre, et, unis de la sorte, éprouveront joies et peines en parfaite com- munion. » (Platon, République, 464 a). Elle implique la tolérance et le respect mutuel des différences, contribuant ainsi à la paix. La fraternité se distingue de la solidarité par la dimension affective de la relation humaine liée au sentiment d’appartenance à la même espèce, l’humanité, ce qui lui donne un caractère plus universel.

En conclusion, les valeurs guident et orientent la conduite des citoyens dans leurs rapports à leurs concitoyens. Ces valeurs sommairement énumérées donnent à la citoyenneté tout son sens en orientant constamment le citoyen vers le bien. Voici à coup sûr comment le comportement du citoyen peut garantir la stabilité dans la cité.

Être citoyen, c’est adhérer à un projet commun qui vise le bien être de la collectivité au détriment des intérêts égoïstes. Cultiver l’intérêt commun, renvoie à vivre sans perdre de vue les valeurs rattachées à la citoyenneté. Respecter ces valeurs, c’est aussi faire son devoir de citoyen. Et l’aboutissement de cette indéniable chaîne est une société stable.

CONCLUSION

La citoyenneté est l’état ou la qualité de citoyen. Elle permet à un individu d’être reconnu comme membre d’une société, d’une cité dans l’Antiquité, ou d’un Etat aujourd’hui, et de participer à la vie politique. Durant l’Antiquité gréco-romaine, la citoyenneté désignait tout homme appelé à exercer une autorité politique, à conduire les affaires de la cité selon le critère de la fortune, la renommée et du métier. Les Grecs sont à l’origine de la Polis conçue comme une communauté de citoyens. Et les Romains ont donné corps à la notion de citoyenneté à travers leur pratique des institutions. La révolution française quant à elle lui a conféré un titre universel. C’est à travers cette évolution historique que la citoyenneté obtint le sens que nous lui savons aujourd’hui.

Ainsi, de nos jours, le citoyen est un membre de la communauté politique. Il est un sujet de droits. Il dispose à ce titre de droits civils, de droits politiques et de droits sociaux. Si le citoyen jouit pleinement de ses droits, il a le devoir en retour de respecter les lois, de participer aux dépenses collectives en fonction de ses ressources et de défendre la société dont il est membre, si elle se trouve menacée. Car le principe du devoir inculque au citoyen une vie selon les principes du bon et du juste.

Le bon citoyen de ce fait ne peut en aucun cas être cet individu qui, s’occupant avec beaucoup d’intérêt de ces affaires personnelles, affiche un réel désintéressement de la vie publique ; que ce dernier qualifierait de niaiserie politique. Cette négligence est une grossière ignorance. C’est bien au contraire le bon citoyen qui jouissant de ses droits et s’acquittant de ses devoirs sait que la perfection de la cité commence par lui. Platon présente dans le Criton un Socrate pour qui l’important n’est point de vivre, mais de bien vivre. Vivre bien, c’est vivre dans une parfaite cohérence avec soi-même, une excellentissime symbiose avec ses semblables et une irréprochable

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conduite vis-à-vis de l’État. Telle est l’image du bon citoyen que nous proposons à notre monde contemporain et qui s’annonce comme solution à la crise de la citoyen- neté de notre époque.

Le bon citoyen est avant tout fier de sa citoyenneté. L’importance qu’un citoyen accorde à sa citoyenneté dépend justement de la vision qu’il se fait de la citoyen- neté en général, ou même de l’éducation reçue concernant la citoyenneté. Si les grecs tenaient tant à la citoyenneté, c’est parce qu’ils la considéraient comme l’état le plus noble pour un individu vivant en cité. Voilà pourquoi il est essentiel d’éduquer à la citoyenneté. Le comportement du citoyen est très déterminant pour une vie en communauté paisible. Car la citoyenneté véhicule avant tout, un certain nombre de valeurs dont leurs respects est une garantie pour un vivre ensemble parfait.

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