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DROIT DES OBLIGATIONS

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D ROIT DES OBLIGATIONS

T HEME 11

S ESSION 2013

Support pédagogique élaboré par Laurent S

OUBELET

Avertissement

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T HEME 11

L ES QUASI - CONTRATS

811.- Quatre quasi-contrats - La gestion d’affaires et la répétition de l’indu, qui sont les deux quasi-contrats prévus par le Code civil, seront envisagées en premier lieu (Chapitres 1 et 2). Suivra l’étude du quasi-contrat prétorien, de portée générale, que constitue l’enrichissement sans cause (Chapitre 3). Nous reviendrons enfin sur cette figure prétorienne de création récente, au champ d’application limité, le quasi-contrat de création d’apparence de gain lors d’une loterie publicitaire (Chapitre 4).

CHAPITRE 1. LA GESTION D’AFFAIRES (ARTICLES 1372 A 1375 DU CODE CIVIL)

812.-Définition - Il y a gestion d'affaires lorsqu'une personne s'immisce dans les affaires d'autrui, qu'elle gère à sa place.

Prévue aux articles 1372 à 1375 du Code civil, la gestion d'affaires est un quasi-contrat qui a un objectif identique à celui du contrat de mandat, à savoir « agir pour autrui », mais, à la différence du mandat, il s'agit d'agir pour autrui sans en avoir été chargé.

Section 1. Conditions de la gestion d’affaires

813.-Trois exigences afférentes à l’immixtion - L'immixtion doit revêtir trois qualités : il lui faut être volontaire, spontanée, utile et opportune.

Sous-section 1. Une immixtion volontaire

814.- La volonté de s’immiscer- La gestion purement fortuite, non recherchée, des affaires d'autrui n'est pas, à proprement parler, une gestion d'affaires.

Il peut y avoir gestion d'affaires lorsqu'une personne, tout en gérant ses propres biens, gère aussi volontairement ceux d'autrui, à condition que cette gestion ne soit pas le résultat fortuit de l'administration de ses propres biens.

La gestion ne serait pas volontaire si elle n'était que l'effet d'une erreur spontanée ou provoquée par dol, ou d'une contrainte physique ou morale exercée par un tiers.

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Sous-section 2. Une immixtion spontanée

815.- La spontanéité de l’immixtion - L'immixtion doit être spontanée. « Les personnes qui, légalement ou contractuellement, sont tenues d'accomplir certains actes, ne peuvent s'en prévaloir comme actes de gestion d'affaires », rappelle la Cour de cassation (Cass. soc., 11 octobre 1984).

Toute gestion d'affaires est donc exclue lorsqu'une personne ne fait qu'exécuter une obligation préalable telle qu'une obligation légale (Cass. civ. 1ère, 17 juillet 1996), une obligation alimentaire, une obligation d'assistance ou n'importe quelle obligation contractuelle. L'exécution d'une obligation naturelle est, elle aussi, incompatible avec la gestion d'affaires.

816.- Diversité des actes spontanément accomplis - Quant à l'acte accompli, il peut être matériel (ex : réparation d’un bien) comme juridique (ex : conclusion d'un contrat avec une entreprise pour réparer un bien). Il peut s'agir d'un acte d'administration, d'un acte conservatoire et même d'un acte de disposition (comme vendre des denrées périssables ou des valeurs mobilières menacées d’une chute de valeur). Les actes à caractère personnel sont exclus (comme accepter une donation ou reconnaître un enfant naturel).

817.- Indifférence de la connaissance de l’immixtion par le maître de l’affaire - Quant au maître de l'affaire, peu importe qu'il ait ignoré la gestion ou qu'il l'ait connue (article 1372 du Code civil).

S'il l'a connue, il suffit qu'il n'ait pas manifesté de volonté contraire, sinon l'acte du gérant serait illégitime et ce dernier pourrait engager sa responsabilité civile délictuelle sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. Les règles relatives à la gestion d'affaires sont, en effet, alors inapplicables : le gérant ne peut obtenir remboursement des frais engagés à l'encontre de la volonté du maître de l'affaire.

Évidemment, si connaissant la gestion, le maître de l'affaire avait donné son accord, il y a alors non pas gestion d’affaires mais contrat de mandat.

Sous-section 3.Une immixtion utile et opportune

818.- Exigence d’une intervention utile et opportune - L'intervention du gérant doit être réellement utile et opportune (voir, pour exemple Cass. civ. 1ère, 28 janvier 2010, document 1, p. 216 du Support documentaire, dans une hypothèse qui démontre que le quasi-contrat n’a peut-être pas dit son dernier mot face à la convention d’assistance bénévole que nous avons étudiée).

En règle générale, « l'utilité de la gestion d'affaires doit s'apprécier au moment où elle a été entreprise » (Cass. civ.1ère, 16 novembre 1955). C'est l'utilité initiale et non l'utilité finale qui compte.

Les obligations du maître se fondent, non sur l'enrichissement dont il a bénéficié à la suite de la gestion, mais sur l'appauvrissement subi par le gérant pour rendre service à autrui. Une utilité globale suffit : une fois l'utilité de la gestion établie, et « s'agissant d'une seule affaire, il n'est point permis au maître de diviser la gestion, de manière à n'être obligé d'indemniser le gérant de ses dépenses que pour celles des opérations qui sont avantageuses et de n'avoir pas à lui rembourser les frais nécessités par celles qui ne le seraient point », a précisé la Cour de cassation (Req., 28 février 1910).

Nos 818 à 822 réservés.

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Section 2 Effets de la gestion d’affaires

823.- Effets entre maître et gérant mais aussi à l’égard des tiers - Elle fait, en effet, naître des obligations réciproques (Sous-section 1) ; elle produit en outre des effets à l’égard des tiers (Sous- section 2).

Sous-section 1. Les obligations du gérant envers le maître

824.- Gestion sérieuse et soigneuse - Les articles 1372 à 1374 du Code civil mettent deux obligations complémentaires à la charge de qui s'immisce dans les affaires d'autrui : assurer à la fois une gestion sérieuse et une gestion soigneuse.

1 / L’exigence d’une gestion sérieuse

825.- Obligation de gestion sérieuse - « Celui qui gère contracte l'engagement tacite de continuer la gestion qu'il a commencée, et de l'achever jusqu’à ce que le propriétaire soit en état d'y pourvoir lui-même » (article1372 du Code civil). Ayant pris l'affaire en mains, le gérant doit la conduire à son terme, faute de quoi il engage sa responsabilité extracontractuelle vis-à-vis du maître.

« Il est obligé de continuer sa gestion, encore que le maître vienne à mourir avant que l'affaire soit consommée, jusqu'à ce que l'héritier ait pu en prendre la direction » (article 1373 du Code civil).

Les obligations du gérant s'étendent aussi à « toutes les dépendances » de l'affaire (article 1372 du Code civil). La loi assimile le gérant à un mandataire (article 1372 alinéa 2 du Code civil). Il faut notamment en conclure qu'il est tenu de rendre compte de sa gestion (article 1993 du Code civil) et qu'il répond de celui qu'il s'est substitué dans celle-ci (article. 1994 du Code civil).

2/ L’exigence d’une gestion soigneuse

826.-Obligation de gestion soigneuse - Dans tous les actes qu'il accomplit, le gérant « est tenu d'apporter à la gestion de l'affaire tous les soins d'un bon père de famille », dispose l'article 1374 alinéa 1 du Code civil. Se trouve ainsi fixé le degré des soins que le gérant doit apporter à l'affaire d'autrui : une diligence normale, raisonnable (appréciation in abstracto).

S'il ne remplit pas ses obligations, sa responsabilité peut être engagée par le maître. Toutefois, l'article 1374, alinéa 2, dispose que « les circonstances qui l'ont conduit à se charger de l'affaire, peuvent autoriser le juge à modérer les dommages et intérêts qui résulteraient des fautes ou de la négligence du gérant. ».

En revanche, le gérant ne répond pas des conséquences malheureuses d'un cas fortuit ou de force majeure

Sous-section 2. Les obligations du maître envers le gérant

827.-Obligation de remboursement des dépenses utiles ou nécessaires _ Quant aux obligations du maître envers le gérant, il est tenu de rembourser toutes les dépenses exposées ainsi que les intérêts au taux légal, et ce, depuis le jour de celles-ci (article 2001 du Code civil).

Encore faut-il qu'il s'agisse de « dépenses utiles ou nécessaires » (article 1375 du Code civil), ce qui exclut les dépenses somptuaires (ex : Cass. civ. 1ère, 18 avril 2000)

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Sous-section 3. Les effets à l’égard des tiers

828. - Sort des tiers - Quant aux obligations à l'égard de tiers cocontractants, dès lors que le gérant a agi en son nom personnel, ou sans indiquer qu'il agissait pour le compte d'autrui, il est personnellement engagé à son égard. L'article 1375 impose alors au maître de « l'indemniser de tous les engagements personnels ».

Lorsque le gérant a agi pour le compte du maître, celui-ci est directement engagé à l'égard du tiers.

CHAPITRE 2. LA REPETITION DE L’INDU (ARTICLES 1376 A 1381 DU CODE CIVIL)

829. — Définition de la répétition de l’indu -Une personne (l'accipiens) reçoit un paiement (une prestation) d'une personne (le solvens) qui ne lui doit rien. L'accipiens doit « répéter », c'est-à-dire restituer au solvens ce qu'il a indûment perçu : il s’agit, en conséquence, de paiement de l'indu1. La répétition de l'indu est prévue aux articles 1376 à 1381 du Code civil.

Section 1. Conditions de la répétition de l’indu

Deux conditions doivent être envisagées : l’absence de créance entre l’accipiens et le solvens (Sous-section 1) et, pour l’indu « subjectif », l’erreur du solvens (Sous-section 1).

Sous-section 1.Une absence de créance de l’accipiens contre le solvens

830. — La jurisprudence exige dans tous les cas que le paiement ait été fait « sans cause légitime », sans dette qui le justifie (Ex : Cass. com., 8 juin 1999 : « Attendu, en second lieu, que la demande en réparation du préjudice causé par le coût trop élevé de la prestation fournie pour réparer l’avarie n’est pas une action en répétition de l’indu qui suppose l’inexistence d’une dette ; que, sans méconnaître l’objet du litige, l’arrêt relève que les sociétés qui ont convenu du prix de la prestation et l’ont acquitté n’ont pas le droit d’en demander la révision ; que la cour d’appel a légalement justifié sa décision »).

Pas plus que l'exécution des dettes civiles, celle des dettes naturelles ne saurait donner lieu à répétition. C'est au solvens, qui exerce l'action en répétition, qu'incombe la preuve du défaut de cause, ce qu'il peut faire par tous moyens.

       

1 L'article 1235 alinéa 1er du Code civil dispose que « Tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition ».

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Sous-section 2.L’erreur du solvens ?

831. — Nécessaire distinction entre l’ « indu objectif » et l’ « indu subjectif » quant à l’erreur du solvens - Les articles 1376 et 1377 exigent la condition d'erreur, mais il convient, traditionnellement, de faire une distinction entre indu objectif et indu subjectif.

1/ L’exigence de l’erreur du solvens pour l’indu « subjectif »

832. — Un paiement en l’absence de dette à la charge du solvens - Aux termes de l'article 1377 alinéa 1 du Code civil « lorsqu'une personne qui, par erreur, se croyait débitrice, a acquitté une dette, elle a le droit de répétition contre le créancier ». C'est là ce que l'on nomme l'indu

« subjectif » : il y a bien une dette envers un créancier, mais celui qui la paie le fait à tort ; il se croyait débiteur alors qu'un autre l'était.

L'action en répétition lui est ouverte à condition qu'il prouve, d'une part, qu'il n'était pas débiteur et, d'autre part, qu'il a bien payé par erreur (Cass. civ. 1ère, 9 mars 2004, document 3, p. 217 du Support documentaire).

2/ L’indifférence de l’erreur du solvens pour l’indu « objectif »

833. — Un paiement en l’absence totale de créance au bénéfice de l’accipiens - « Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu » (article 1376 du Code civil).

L'on se place ici du point de vue de l’accipiens.

Cet accipiens  n'est pas créancier.  

S'il perçoit un « paiement », il ne le fait à aucun titre : l'indu est objectif et sa remise n'est un paiement que par analogie. La restitution s'impose alors même que l’accipiens était de bonne foi : il croyait - à tort - qu'il était vraiment créancier. À plus forte raison s'il était de mauvaise foi.

La jurisprudence est parfaitement claire : si l'accipiens n'est pas créancier, a jugé la Cour de Cassation dans un arrêt d'Assemblée plénière du 2 avril 1993, le solvens n'a pas à prouver son erreur, la démonstration de l'absence de dette étant suffisante à l’admission de la répétition.

Section 2. Régime et effets de l’action en répétition de l’indu

Envisageons le régime (Sous-section 1) puis les effets (Section 2) de l’action en répétition de l’indu.

Sous-section 1 Régime de l’action de la répétition de l’indu

834. — Prescription quinquennale de droit commun- Antérieurement à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile et sauf dispositions légales particulières (ex. : art. L. 332-1, C. Séc. soc), la prescription de l'action en répétition était de trente ans (article 2262 du Code civil) ou de dix ans (article L. 110-4 du Code commerce), à compter du jour de la naissance de l'obligation de rembourser. La prescription abrégée de l’article 2277 du Code civil ne pouvait, en

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tout état de cause, être appliquée à ce quasi-contrat (Cass. ch. mixte, 12 avril 2002 et Cass. civ.

3ème, 31 mai 2007). La prescription aujourd’hui applicable est la prescription quinquennale de droit commun.

835. — Preuve libre - La preuve, comme pour tout quasi-contrat, peut-être, s’agissait d’un fait juridique, administrée par tous moyens (v. Cass. civ. 1ère, 29 janvier 1991).

836. — Les sujets de l’action - Les sujets de l'action méritent aussi d'être précisés.

Côté actif, il n'y a pas de difficultés particulières. C'est évidemment le solvens qui devra agir en répétition. La faute du solvens n’est pas un obstacle, qu’il s’agisse d’un indu objectif ou subjectif (Cass. civ. 1ère, 27 février 1996 ; Cass. civ. 1ère, 17 février 2010, document 4, p. 217 du Support documentaire avec observations Olivier Deshayes ; certains auteurs continuent néanmoins à affirmer que la faute du solvens fait obstacle à son action en cas d’indu subjectif), à l’exercice de l’action en répétition de l’indu mais ouvre droit à une action en dommages-intérêts à son encontre.

Côté passif, les choses sont plus complexes.

A priori l'action doit être exercée contre celui qui a reçu paiement indu : l’accipiens ou, en cas de décès, ses héritiers. Il peut cependant arriver que celui-ci ne soit que le représentant d'une tierce personne, à laquelle il a remis les fonds. L'action en remboursement doit alors être exercée contre le représenté. En tout état de cause, c'est celui qui a véritablement profité du paiement indu qui doit être recherché (ex : Cass. civ. 3ème, 2 avril 2008). Par exemple, l'action en répétition du montant d'un virement effectué à tort par une banque sur le compte de l'un de ses clients doit être formée contre le client, non contre la banque.

Sous-section 2 Effets de l’action en répétition de l’indu

837. — Effets à l’égard de l’accipiens et du solvens - Lorsqu'elle est déclarée recevable et bien fondée l'action en répétition produit des effets tant à l'égard de l’accipiens qu'à l'égard du solvens.

1 / Effets de l’action en répétition de l’indu quant à l’accipiens

838. — Etendue de la restitution -L'accipiens de bonne foi se voit dispensé de restituer les fruits et les intérêts (article 549 du Code civil) ; s'il a vendu la chose, il doit restituer le prix de vente ; en cas de destruction de la chose, il en doit restitution si la destruction est due à son fait, mais si elle provient d'un cas fortuit, il en est dispensé.

L'accipiens de mauvaise foi subit un sort moins favorable, puisqu'il est tenu de restituer les fruits ou les intérêts (article 1378 du Code civil) ; en cas de vente de la chose, il doit restituer la valeur de la chose qui peut s'avérer supérieure au prix de vente ; enfin, en cas de destruction, il doit restitution même si la destruction provient d'un cas fortuit.

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2 / Effets de l’action en répétition de l’indu quant au solvens

839. — Obligation de remboursement des éventuelles dépenses de conservation ou d’amélioration - Dans la mesure où l’accipiens a exposé des dépenses pour maintenir en état ou améliorer la chose reçue, il paraît juste d'obliger le solvens, à l'instar d'un prêteur, à les lui rembourser. Peu importe ici que l'accipiens ait été de bonne ou de mauvaise foi (article 1381 du Code civil).

Les autres dépenses, purement somptuaires, ne le seront pas.

Nos 840 à 844 réservés.

CHAPITRE 3

L’ENRICHISSEMENT SANS CAUSE

845. — Un quasi-contrat général, d’origine purement prétorienne - L’enrichissement sans cause est appréhendé par l’action de in rem verso : en répétition de l'enrichissement. Cette action n'est autorisée par aucun texte : il s'agit d'une création purement jurisprudentielle2.

La Cour de Cassation a dégagé une théorie générale de l'enrichissement sans cause dans l'arrêt dit « du marchand d'engrais » rendu le 15 juin 1892, en consacrant l'action de in rem verso et en affirmant que cette action « dérivant du principe d'équité qui défend de s'enrichir au détriment d'autrui et n'ayant été réglementée par aucun texte de nos lois, son exercice n'est soumis à aucune condition déterminée. Il suffit que le demandeur allègue et offre d'établir l'existence d'un avantage qu'il aurait, par un sacrifice ou un fait personnel, procuré à celui contre lequel il agit ».

846. — Resserrement d’une formulation initialement trop large - La formule initialement retenue par la Cour de cassation s'avérait cependant beaucoup trop large. À la suivre, tout le droit des obligations aurait pu être considéré comme une série d'applications particulières de l'action de in rem verso. La Cour de cassation prit rapidement conscience de ce risque. S'inspirant d'une formule proposée par AUBRY et RAU, elle décida, à partir de 1914, que « l'action de in rem verso, fondée sur le principe d'équité qui défend de s'enrichir au détriment d'autrui, doit être admise dans tous les cas où, le patrimoine d'une personne se trouvant sans cause légitime, enrichi aux dépens de celui d'une autre personne, cette dernière ne jouirait, pour obtenir ce qui lui est dû, d'aucune action naissant d'un contrat, d'un quasi-contrat, d'un délit ou d'un quasi-délit » (not. Civ.

2 mars 1915).

Ainsi naquit, à proprement parler, l'action d'enrichissement sans cause, action subsidiaire mais autonome pouvant être exercée à compter de l'enrichissement et aboutissant à obliger l'enrichi à verser une indemnité à l'appauvri en compensation de ses pertes.

       

2 Néanmoins, quelques textes épars font référence à l’idée d'enrichissement sans cause. Il s'agit des articles 548 et 1381 du Code civil qui font application (sans la fonder) de la théorie des impenses (frais engagés pour la conservation d'un bien), l'article 555 relatif à l'accession (constructions faites sur le terrain d'autrui), l'article 1437 relatif aux récompenses entre époux (l'un ayant tiré profit des biens de la communauté), l'article 280-1 (relatif à l'époux divorcé ayant collaboré à la profession de son conjoint).

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A l’étude des conditions de l’action de in rem verso (Sous-section 1), succèdera celle de ses effets (Sous-section 2).

Section 1. Conditions de l’enrichissement sans cause

847. — Quatre conditions - Le succès de l'action suppose d'abord établi qu'une personne s'est appauvrie et que cet appauvrissement a été la source de l'enrichissement d'une autre personne (Sous-section 1)

Doivent en outre être établis une absence de cause à cet enrichissement, une absence de faute de l’appauvri et une absence d’action alternative (Sous-section 2).

Sous-section 1. Un appauvrissement et un enrichissement corrélatif

848. — Un transfert d’actif de patrimoine à patrimoine largement entendu- L’action n'est ouverte que si un individu s'est enrichi, un autre appauvri, et s'il existe un lien direct entre l'enrichissement et l'appauvrissement.

La jurisprudence a une conception très souple de l'appauvrissement. L'appauvrissement est constitué quand il existe une perte financière réelle appréciable en argent ou un manque à gagner tel un salaire ou une rémunération non versée (Cass. civ. 1ère, 14 mars 1995).

L'enrichissement doit être effectif (Cass. civ. 3ème, 27 septembre 2000). Ici aussi, la jurisprudence fait preuve de souplesse : l'enrichissement s'entend dans un sens large, parce qu'il existe différentes façons de s'enrichir. Il peut s’agir de l'acquisition d'un bien, de la réalisation d'une plus-value, de l'utilisation d'une chose à titre gratuit, mais encore de la diminution d’un passif (Civ.

1ère, 1er février 1984 : hypothèse du mari qui élève l'enfant d'un autre, lequel réalise une économie substantielle relative aux frais d'entretien et d'éducation de l'enfant), ou d’une dépense évitée, tel un salaire non versé…

Enfin, un lien de causalité direct doit exister entre l'enrichissement et l'appauvrissement.

L'enrichissement provoqué doit être la conséquence de l'appauvrissement souffert.

Sous-section 2. Une absence de cause

849. — L’absence de justification juridique à l’enrichissement de l’un au détriment de l’autre -

« L’absence de cause » (attention : cela n’a pas de lien avec la cause contractuelle…) signifie qu'aucune règle juridique ne doit fournir un fondement à l'enrichissement (qui doit être sans cause).

Ainsi, l'enrichissement ne doit pas être justifié par l'existence d'un contrat valable (ex :Cass. civ.

1ère, 5 novembre 2009, document 6, p. 218 du Support documentaire ; Cass. com. 23 octobre 2012 : document 10, p. 220 du Support documentaire), ni une décision de justice (Cass. civ. 2ème, 14 oct.

1992), ni une intention libérale (ex : Cass. civ. 1ère, 19 janvier 1988 ; Cass. civ. 1ère, 3 mars 2010, document 8, p. 219 du Support documentaire) et encore moins d'une règle légale3.

       

3 Ainsi, la liberté du commerce et de l'industrie permet à un commerçant de s'enrichir au détriment du concurrent qui s'appauvrit…

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Dès lors que l'enrichissement est fondé, il n'y a pas enrichissement sans cause, et l'action de in rem verso est fermée.

Il faut donc que l'appauvri démontre l'absence de cause. Mais il ne peut revendiquer les règles de l'enrichissement sans cause s'il s'est appauvri dans l'espoir d'obtenir un avantage personnel :

« l'enrichissement sans cause ne peut être invoqué par celui qui a exécuté des travaux à ses risques et périls et dans son intérêt » (Cass. civ. 3ème, 26 février 1992 ; Cass. civ. 1ère, 24 septembre 2008.

Sous-section 3. Absence de faute ?

850. — Interrogations - À partir des années 1970, la jurisprudence s'est souvent demandée s'il ne fallait pas fermer à l'appauvri l'action de in rem verso lorsque son appauvrissement lui est imputable à faute.

Cette question a donné lieu à de longues hésitations et même à des divisions entre les diverses chambres de la Cour de cassation appelées à statuer : première et deuxième chambres civiles, chambre commerciale, chambre sociale.

851. — La faute dolosive fait barrage à l’action de in rem verso - Toutes ces formations sont d'accord pour admettre que si, à l'origine de son appauvrissement, le demandeur a commis une faute dolosive, cette acceptation délibérée des conséquences dommageables de son comportement lui interdit toute demande en indemnisation

852. — Jurisprudence divergente quant à la faute d’imprudence ou de négligence - En revanche, la division au sein de la Cour de cassation subsiste lorsqu'il s'agit de fautes d'imprudence ou de négligence.

D'une part, contrairement à ce qu'elle a longtemps décidé, la première chambre civile de la Cour de cassation estime désormais que « le fait d'avoir commis une imprudence ou une négligence ne prive pas celui qui en s'appauvrissant a enrichi autrui de son recours fondé sur l'enrichissement sans cause » (Cass. civ. 1ère, 11 mars 1997 ; v. également Cass. civ. 1ère, 13 juillet 2004, document 9, document 9, p. 220 du Support documentaire avec observations au document 11 - problème de

« copier /coller »…-; adde Cass. civ. 1ère, 19 décembre 2006, document 12, p. 221 du Support documentaire). La deuxième chambre civile paraît adopter aussi cette position (Cass. civ. 2ème, 2 décembre 1998).

D'autre part, contrairement à ce qu'elle admettait auparavant, la chambre commerciale juge aujourd'hui que « l'action de in rem verso ne peut aboutir quand l'appauvrissement est dû à la faute de l'appauvri » (Cass. com., 18 mai 1999).

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Sous-section 4. Absence d’action alternative (ou le caractère subsidiaire de l’action)

853. — Subsidiarité de l’action de in rem verso - L’action de in rem verso suppose l’absence d’action alternative, ce qui revient à, poser le caractère subsidiaire de cette action : « l'action de in rem verso ne pouvant être introduite pour suppléer à une autre action qui se heurte à un obstacle de droit » (Cass. com., 16 mai 1995 ; adde, dans le même sens, Cass. civ. 1ère, 25 juin 2008, document 13, et observations au document 14, pp. 221-222 du Support documentaire ; Cass. civ.

1ère, 5 novembre 2009, document 6, p. 218 du Support documentaire ; Cass. civ. 1ère, 31 mars 2011, document 15, p. 222 du Support documentaire).

L'action est irrecevable lorsque l'appauvri dispose d'une autre action juridique contre l'enrichi, ou lorsque, pouvant utiliser une autre voie de droit, il se heurte à un obstacle juridique tel une prescription ou une déchéance. Ainsi par exemple, si l'appauvri disposait d'une action contractuelle qu'il n'a pas exercée dans les délais et que cette action est prescrite, il ne peut plus agir sur le fondement de l'action de in rem verso. L'action lui est fermée (Cass. civ. 1ère, 18 février 1981).

Àdéfaut de cette condition, l’on admettrait le contournement des règles du droit commun, ce qui est inacceptable.

Section 2. Effets de l’enrichissement sans cause

854. — Rééquilibrage des patrimoines - Condamné pour s'être enrichi sans cause, l'enrichi est tenu de procéder à un rééquilibrage des patrimoines par le versement d'une indemnité à l'appauvri.

La jurisprudence a précisé le mode de calcul de cette indemnité. Elle pose en principe que, de droit commun, « l'indemnité due à l'appauvri est égale à la moins élevée des deux sommes représentatives l'une de l'enrichissement, l'autre de l'appauvrissement » (Cass. civ. 1ère, 15 février 1973).

855. — Modalités de détermination du montant de l’indemnité - Quant au moment auquel il convient de se placer pour déterminer, respectivement, l'appauvrissement du demandeur et l'enrichissement du défendeur :

 pour l'appauvrissement, il n'y a pas de difficulté. Celui-ci ne peut être déterminé qu'au moment où il a eu lieu ;

 pour l'enrichissement, en revanche, la jurisprudence retient le jour où l'action d'enrichissement sans cause est intentée (Cass. civ. 1ère, 18 janvier 1960). Elle admet toutefois que le juge puisse s'autoriser de « circonstances exceptionnelles » pour fixer l'indemnité à la date des faits d'où procède l'enrichissement (ibid.).

C'est à compter du jour de la naissance de l'obligation d'indemniser que courent les intérêts moratoires. Par application de l'article 1153-1 du Code civil, les intérêts de l'indemnité d'enrichissement sans cause courent du jour où l'indemnité est prononcée par le juge (v. Cass.

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com., 6 janvier 1987). Mais celui-ci peut en fixer le point de départ à une date antérieure, au jour de la demande notamment.

CHAPITRE 4. LE QUASI-CONTRAT DE PROMESSE DE GAIN NON EXECUTEE

(OU, EN L’ETAT DU DROIT, LE QUASI-CONTRAT DE LOTERIE PUBLICITAIRE)

855. — Renvoi - Nous avons déjà traité de cette question, à l’occasion de l’évocation du contentieux des loteries publicitaires (v. numéro 125 du présent Support pédagogique).

N’oubliez pas qu’il s’agit d’une innovation majeure, portée par deux arrêts de Ch. Mixte en date du 6 septembre 2002 (lire les documents 5 à 7, pp. 6 et 7, du Support documentaire), même si l’on peut sérieusement douter de ses vertus.

Deux arrêts, en date du 10 juillet 2013, démontrent à nouveau que la Cour de cassation n’entend pas laisser toute latitude au juge du fond dans l’appréciation de l’existence ou de l’absence d’aléa.

En d’autres termes, si les juges du fond sont souverains dans l’appréciation des faits qui leur sont soumis, la Cour de cassation entend sérieusement contrôler la qualification juridique de ces faits.

Les voici :

Cass. civ. 1ère, 10 juillet 2013

Sur le moyen unique : Vu l'article 1371 du code civil ;

Attendu que l'organisateur d'un jeu publicitaire qui annonce un gain à personne dénommée sans mettre en évidence à première lecture l'existence d'un aléa s'oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que faisant valoir qu'elle avait reçu de la société Biotonic, devenue la société Montaigne direct, différents documents lui annonçant qu'elle avait gagné des sommes d'argent, mais n'avait pu obtenir la délivrance de ses gains, Mme X... a fait assigner cette société en paiement de ces sommes ;

Attendu que pour rejeter ces demandes, l'arrêt, après avoir relevé que les documents contenaient, notamment, les mentions suivantes : « dès réception de votre prochaine commande le règlement "de 7 950 euros par chèque bancaire"* sera expédié sous pli scellé par porteur spécial, envoi garanti sous contrôle d'un huissier de justice assermenté... OUI, Mme Y... c'est un engagement ferme et définitif !... Nous n'attendons que votre commande pour procéder à l'envoi immédiat de votre règlement*... après délibération de la commission de remise des prix et des règlements... toutes nos plus sincères félicitations... » retient, par motifs propres et adoptés, que si le texte utilisé par la société peut paraître

exagérément attractif, tous ces documents comportent un astérisque après le terme « règlement » renvoyant en bas de page, que l'explication plus ou moins claire à laquelle renvoie ce signe permet de découvrir qu'il ne s'agit pas du règlement d'une somme d'argent mais du règlement d'un jeu, que si ces renvois sont écrits en caractères beaucoup plus petits que ceux annonçant le gain, la lecture complète des documents et l'apposition systématique d'un astérisque ne pouvaient faire naître chez un consommateur normalement diligent l'espérance d'obtenir le règlement des sommes en cause ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'annonce du gain ne mettait pas en évidence, à première lecture, l'existence d'un aléa, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE,

Cass. civ. 1ère, 10 juillet 2013

Sur le moyen unique : Vu l'article 1371 du code civil ;

Attendu que l'organisateur d'un jeu publicitaire qui annonce un gain à personne dénommée sans mettre en

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évidence à première lecture l'existence d'un aléa s'oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que faisant valoir qu'elle avait reçu de la société Agence de marketing appliqué différents documents lui annonçant qu'elle avait gagné des sommes d'argent, mais n'avait pu obtenir la délivrance de ses gains, Mme X... a fait assigner cette société en paiement de ces sommes ;

Attendu que pour rejeter ses demandes, l'arrêt énonce que si les documents publicitaires adressés à Mme X..., destinés à l'inciter à passer commande, entretiennent volontairement une ambiguïté de par les termes employés, leur formulation, leur emplacement, pouvant laisser croire, au vu d'une lecture incomplète, que la destinataire était effectivement gagnante des gains annoncés, il est toutefois mentionné le règlement du jeu qui indique clairement l'aléa par un nouveau tirage au sort, que la nécessité de prendre connaissance du règlement est mise en évidence par la mention en gras et lettres capitales "A lire attentivement - règlement officiel et complet du jeu", que la présentation du règlement s'avère suffisamment lisible, même si elle demande une

certaine attention qui peut légitimement être exigée de la part du bénéficiaire potentiel au regard des enjeux financiers, que ce procédé commercial largement répandu est en outre connu du grand public et ne peut sérieusement abuser une personne de cet âge, née en 1954, recevant à plusieurs reprises en quelques mois des annonces de gains différents ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'annonce des gains ne mettait pas en évidence, à première lecture, l'existence d'un aléa, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il écarte la demande de sursis à statuer, l'arrêt rendu le 12 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Nos 856 à 865 réservés.

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