4 | La Lettre du Cardiologue • N° 531-532 - janvier-février 2020
ÉDITORIAL
Une stratégie invasive ne fait pas mieux que le traitement médical intensif pour améliorer le pronostic des coronariens stables : l’étude ISCHEMIA
An invasive strategy is no better than intensive
medical therapy for improving outcomes of patients with stable coronary artery disease
L’
événement du congrès de l’American HeartAssociation de 2019 a clairement été la présentation de l’étude ISCHEMIA sur le rôle de la revascularisation chez les patients coronariens stables. Après les études COURAGE et BARI‑2D, qui avaient montré, il y a près d’une dizaine d’années, l’absence de
bénéfice pronostique d’une stratégie de revascularisation large chez les coronariens stables par rapport à un traitement médical intensif seul, il persistait une incertitude liée au possible biais de recrutement et de randomisation : les cas les plus graves avec des lésions coronaires proximales authentifiées à la coronarographie avaient pu être exclus de la randomisation, et les résultats de ces études pouvaient par conséquent ne pas être applicables à ces patients. Pour s’affranchir de cette difficulté, l’étude ISCHEMIA a posé une question légèrement différente : y a‑t‑il un bénéfice à une stratégie de coronarographie en vue de revascularisation chez les patients coronariens stables ayant une ischémie myocardique moyenne à sévère démontrée par des tests non invasifs et chez qui
une lésion serrée du tronc commun de la coronaire gauche a été exclue par un coroscanner ? Après avoir inclus plus de 5 000 patients et après un suivi de plus de 5 ans, les résultats montrent l’absence de bénéfice pronostique de la stratégie de revascularisation par rapport à un traitement médical intensif bien conduit. Il est à noter que la revascularisation a été conduite dans trois quarts des cas par angioplastie coronaire et dans un quart des cas par pontage chirurgical. On observe également que la qualité de vie est améliorée par la stratégie de la revascularisation initiale chez les patients fortement gênés par des symptômes angineux et que, a contrario, lorsque l’angor est mineur ou absent, il n’y a pas d’amélioration de la qualité de vie. Ces résultats sont renforcés par une seconde étude parallèle portant sur la même randomisation chez les patients ayant une insuffisance rénale avancée avec un débit de filtration glomérulaire inférieur à 30 mL/min ou en dialyse, l’étude ISCHEMIA‑CKD, qui elle non plus ne montre pas de bénéfice d’une stratégie invasive même dans les cas les plus graves avec insuffisance rénale.
Pr Philippe Gabriel Steg
Réseau FACT, hôpital Bichat, AP-HP ; université Paris-Diderot et Inserm U1148, Paris.
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ÉDITORIAL
L’analyse des résultats d’ISCHEMIA doit néanmoins être nuancée par le constat que les courbes de survie sans événement se croisent vers 2 ans, avec initialement un surcroît d’infarctus
périprocéduraux dans le bras revascularisation mais, au‑delà de 2 ans, une réduction de la survenue d’infarctus du myocarde spontanés dans le bras revascularisation. Ceci suggère que si le suivi de l’étude était prolongé davantage, un bénéfice pourrait éventuellement apparaître dans le bras revascularisation. Il ne s’agit néanmoins pour l’instant que d’une hypothèse. En attendant, il apparaît qu’une stratégie de traitement médical initial bien conduit permet d’éviter un grand nombre de procédures de revascularisation inutiles sans risque pour le patient autre que celui de devoir changer d’attitude si les symptômes réfractaires apparaissent sous traitement antiangineux.
Les résultats de cette étude internationale, à laquelle la France a participé, posent la question d’une restriction des indications de la revascularisation myocardique chez les patients coronariens stables, au moins lorsqu’ils ne sont pas franchement symptomatiques.
Ils posent également la question de l’intérêt du dépistage d’une ischémie myocardique chez les coronariens asymptomatiques et du rôle des tests non invasifs de surveillance systématiques, qui devraient voir leur place diminuer dans les années qui viennent. La publication détaillée
des résultats d’ISCHEMIA va engendrer à coup sûr un vaste débat dans la communauté cardiologique.
P.G. Steg déclare avoir des liens d’intérêts avec Amarin, Bayer, Sanofi, Servier (bourses de recherche et honoraires en tant que consultant ou orateur) et Amgen, AstraZeneca, Boehrin- ger-Ingelheim, Bristol-Myers Squibb, Idorsia, Novartis, Pfizer (honoraires en tant que consul- tant ou orateur).
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