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Les gestes professionnels des professeurs d’école débutants, leur acquisition en formation initiale

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Les gestes professionnels des professeurs d’école débutants, leur acquisition en

formation initiale

Denis BUTLEN

Extrait du Cahier du Formateur, Tome 1- Perpignan 1997.

Cet article présente une analyse des gestes professionnels des professeurs d’école débutants, une typologie de certaines régularités observées est établie autour de six critères. Quelques réflexions sur les modes de construction et d’acquisition de ces gestes professionnels sont données en conclusion.

1. INTRODUCTION 1-1. Notre problématique

Cet exposé porte sur l'analyse de pratiques de professeurs d'école débutants, plus précisément de pratiques de professeurs d'école stagiaires de seconde année de formation initiale, observées lors de différents stages : stage de pratique accompagnée ou stage en responsabilité.

Ces travaux ont pour origine, une série de questions de formateurs.

Un travail de rationalisation de pratiques de formateur a précédé cette recherche.

Il s'agissait, pour moi comme pour beaucoup de collègues, de réfléchir à des dispositifs visant à améliorer la formation initiale des futurs professeurs d'école.

Les travaux de A. Kuzniak, C. Houdement comme ceux de M.L. Peltier analysent les contenus de formation comme les stratégies des formateurs. Il nous est paru indispensable de dépasser ce stade et de nous intéresser aux pratiques effectives des professeurs en formation pour en cerner certaines caractéristiques et si possible pour mieux comprendre comment elles se constituent et comment elles évoluent au cours de cette formation.

Nous sommes partis d'une première hypothèse, issue de notre expérience professionnelle de formateur : on ne peut pas adopter le même point de vue, la même approche pour analyser les pratiques des enseignants de mathématique que celle mises en œuvre pour analyser les pratiques des élèves apprenant des mathématiques. L'approche utilisée pour comprendre comment les étudiants en formation font des mathématiques (en tant qu'élève) et modifient à cette occasion leurs conceptions sur les mathématiques ne peut être reproduite telle quelle pour étudier la manière dont ils font faire des mathématiques à leurs élèves.

Cela nous amène à penser que l'on ne forme pas au métier d'enseignant de mathématiques comme on forme les élèves à l'apprentissage des mathématiques.

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Nous avons donc essayé d'enrichir nos analyses, pour diagnostiquer puis concevoir des situations de formations mieux adaptées.

Notre but est donc :

1- D’extraire, spécifier, hiérarchiser, découper pendant la classe des actions (ce qui peut être vu, entendu par une observation) précises qui sont isolables, partagées par plusieurs individus (régularités dans les pratiques) et qui caractérisent plutôt les débutants.

2- D’étudier, en nous appuyant sur l'hypothèse que ces pratiques peuvent s'acquérir en formation ou du moins, si elles préexistent, peuvent être fragilisées et même modifiées, comment accélérer cet apprentissage.

L'idée générale qui est à la base de cette étude est donc la suivante : les professeurs d'école débutants font en général pendant la classe des actions maladroites qui fragilisent leur enseignement, les fatiguent, les rendent moins efficaces.

De ce fait, il apparaît important d'essayer de les repérer avec précision afin d'essayer d'accélérer leurs transformations en actions "confirmées".

Nous avons été amenés à dépasser ces questions de formation et à nous inscrire dans une problématique de recherche.

Ces travaux sont en cours. Ils se proposent :

1- De contribuer à une modélisation des pratiques de professeurs d'école en formation, plus particulièrement en cernant les modalités de mises en actes de leurs projets d'enseignement.

Nous avons été amenés à distinguer, comme Aline Robert1, plusieurs composantes dans les pratiques : une composante "en amont de la classe"

(correspondant pour aller vite au projet global ou limité de l'enseignant), une composante en termes de "mises en actes", correspondant soit à des actes élémentaires (écriture au tableau, ton de la voix, supports utilisés, etc.) ou à des mises en actes plus globales.

Nous avons retenu le terme de gestes professionnels pour décrire les modalités selon lesquelles un enseignant singularise et conduit effectivement, en temps réel, son projet, interagit avec ses "vrais" élèves, adapte plus ou moins consciemment ses préparations en fonction de la conjoncture, prend des décisions instantanées... Ces gestes correspondent donc à la seconde composante décrite ci-dessus.

2- De cerner certaines régularités dans les pratiques et dans leurs mises en actes 3- D'analyser plus précisément les situations de formation qui contribuent directement à la constitution, à l'amélioration des pratiques des futurs enseignants.

1 A.Robert (1996), Cahier DIDIREM n°26

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4- De préciser plus largement les conditions dans lesquelles se transmettent, s'acquièrent, se construisent les pratiques, et les gestes.

5- De s'appuyer sur ces résultats et sur les acquis de la didactique des mathématiques (théorie des situations et dialectique outil-objet notamment) pour optimiser un apprentissage professionnel.

Avant de décrire le dispositif que nous avons mis en place pour observer ces pratiques, nous nous devons de préciser ce que nous entendons par gestes professionnels.

1-2. Des gestes professionnels liés à un enseignement mathématique

Existe-il des gestes professionnels du professeur d'école qui sont spécifiques d'un enseignement de mathématiques ? Ou sont-ils tous transdisciplinaires ?

Nous pouvons déterminer au moins deux types de gestes professionnels : des gestes transdisciplinaires et des gestes plus spécifiquement attachés à un enseignement de mathématiques.

On peut s'appuyer sur certaines conceptions « naïves », notamment sur l'expérience des formateurs, pour commencer à définir ces gestes.

Ce sont des aspects plutôt techniques des pratiques professionnelles - souvent implicites, voire automatisés

- rarement décrits ou du moins, ils le sont sans référence à un contenu d'enseignement,

- maîtrisés avec l'expérience professionnelle,

- dont une mauvaise maîtrise risque d'entraîner des difficultés dans la gestion de la classe ou un accroissement de fatigue (dû à un investissement personnel plus important durant le cours).

Compte tenu du caractère polyvalent du métier de professeur d’école, compte tenu de la nature pluridisciplinaire de certains apprentissages effectués à l'école élémentaire, on peut penser qu'une part importante de la fonction de professeur d'école échappe à (ou dépasse) une définition prenant directement en compte les contenus à enseigner. On peut donc penser qu'il existe des gestes transdisciplinaires.

Ces gestes professionnels non disciplinaires ou transdisciplinaires devraient concerner :

- la gestion globale du temps : organisation de la journée, de la semaine, répartition effective entre les temps de travail, d'écoute, d'inaction, de détente, répartition des différentes disciplines...

- la gestion des interventions métacognitives de l'enseignant non attachées à un contenu, voire stimulant d'éventuels transferts ou généralisations (en particulier la gestion de la cohérence de ces interventions),

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- la gestion des moments de transition entre différents enseignements disciplinaires,

- la communication dans la classe (règles générales de travail, apprentissage du travail en groupe...).

Ces gestes ne sont pas directement ceux auxquels nous comptons nous intéresser.

En effet, il semble intéressant de cerner d'autres gestes plus liés à un enseignement de mathématiques, voire à l'enseignement d'un contenu mathématique et d'analyser comment les premiers se manifestent et éventuellement se précisent à travers un enseignement de contenus.

Nous faisons l'hypothèse qu'il existe des gestes marqués par un enseignement disciplinaire. Pour cela, nous nous appuyons sur des observations que nous avons pu faire à propos des pratiques de maîtres confirmés, mais aussi sur les "erreurs"

de gestion que nous avons pu constater chez de nombreux professeurs débutants.

2. DESCRIPTION DE NOTRE DISPOSITIF EXPERIMENTAL

Nous avons mis au point plusieurs dispositifs visant à analyser les pratiques des PE stagiaires.

Nous essayons de mieux cerner les gestes professionnels des stagiaires à travers trois types d'analyse.

1- L'observation et l'analyse de séquences menées par des professeurs débutants dans des conditions de stages variés (pratique accompagnée, en responsabilité).

2- L'analyse du discours de différentes catégories de formateurs lors des visites de stage.

Nous analysons en particulier les entretiens qui suivent une visite entre le PIUFM de mathématiques et le stagiaire.

Notre but ici est multiple :

- repérer, dans le discours du formateur basé sur une analyse à chaud de la prestation observée, les régularités éventuellement détectées avec le premier type d'analyse afin de confirmer nos résultats,

- analyser ce type de situations de formation, sa place, sa fonction et son impact sur la formation initiale actuelle des P.E. Nous avons été amenés en particulier à préciser, en utilisant notamment les travaux sur la structuration du milieu de G.

Brousseau et C. Margolinas2, les positions respectives occupées par les différents acteurs de la situation : formateur, professeur stagiaire, élèves...

2 G.Brousseau (1989), « Le contrat didactique, le milieu », RDM 9.3, La Pensée sauvage, Grenoble. C. Margolinas (1995), « La structuration du milieu », Les débats de didactique des mathématiques, Annales 93.94.

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- préciser certaines normes régissant les actions des formateurs mais aussi celles des professeurs stagiaires. Les informations que nous pouvons tirer de ces analyses dépendent non seulement des points de vue épistémologiques, didactiques, éthiques des formateurs observés mais aussi de nos propres conceptions sur ces questions. Afin de prendre, en tant que chercheur le maximum de précautions, il nous paraît indispensable de cerner les normes éventuelles qui sous-tendent les prises de positions et les jugements susceptibles d'être exprimés.

Un deuxième type de dispositif (inspiré de l'éthnométhodologie) nous permet de compléter ces éventuelles normes : analyse à chaud, à partir d'une vidéo, de formateurs (4 ou 5 formateurs différents, rassemblés ou non).

3- La construction de situations visant à améliorer une formation professionnelle, centrées sur l'observation et l'analyse des pratiques des professeurs débutants mais s'appuyant en amont, comme justifiant en aval, une formation intégrant un enseignement d'éléments de didactique des mathématiques (avec le sens que nous donnons à ce terme dans la communauté organisée autour de l’Association pour la Recherche en Didactique des Mathématiques).

Nous ne détaillerons ici que les résultats issus du premier dispositif, confirmés, pour une grande part, par notre analyse des discours des formateurs.

3. QUELQUES RESULTATS PORTANT SUR LES PRATIQUES DES PROFESSEURS D'ÉCOLE DEBUTANTS

Nous avons été amenés à dégager, pour cerner les gestes professionnels des débutants, six axes de singularisation de ce qu'Aline Robert3 appelle donc des lignes d'actions, la première composante des pratiques professionnelles, ce que nous avons désigné ci-dessus sous le terme de projet de l'enseignant :

- les modes de gestion ou d'utilisation de matériels ou de supports pédagogiques, - les modes de gestion simultanée de plusieurs variables didactiques,

- la dévolution du problème,

- la prise d'information sur les élèves,

- la gestion des phases de synthèse, de bilan, de correction et plus généralement des phases d'institutionnalisation,

- la gestion de certains équilibres.

3-1. Les modes de gestion (ou d'utilisation) de matériels ou de supports pédagogiques

Semble relever de cette catégorie tout ce qui concerne la gestion

3 A.Robert (1996), « Une approche de la formation professionnelle initiale d’enseignants de mathématiques », Cahier DIDIREM n°26

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- d'un matériel relativement spécifique de l'enseignement d'un contenu donné : objets "pédagogiques" à manipuler, supports divers,

- de l'espace dans la classe en fonction de la situation, du temps,

- du tableau, de différents supports pédagogiques (ordinateurs, rétroprojecteurs, manuels...).

Nous considérons ici les aspects les plus techniques du métier. Cet axe ne se situe pas au même niveau que les cinq autres. Nous le désignons quand même sous le même terme il nous semble très difficile de séparer aspects techniques et mises en actes plus globales.

Cette première catégorie de gestes professionnels, très techniques, est très souvent absente de la formation professionnelle "théorique" des professeurs d'école. Leur description est souvent laissée à la charge des conseillers pédagogiques qui déploient à cette occasion, un discours très technique.

L'apprentissage semble se faire par observation, imitation et reproduction plus ou moins personnalisée.

Leur étude acquiert un statut "noble" à deux occasions seulement, lors :

- de l'étude de la notion de variable didactique (les supports cités ci-dessus sont alors vus comme un moyen efficace d'agir a priori sur les apprentissages), - des essais de formation de type «micro-enseignement » où une analyse très pointue des effets de certaines gestions est souvent développée.

Bien que cet aspect de l'enseignement soit considéré comme important par les

"formateurs professionnels" (PIUFM), il ne semble pas qu'il soit réellement intégré à leur enseignement, peut-être parce qu'ils ne savent pas comment le prendre en compte.

3-2. Les modes de gestion simultanée de plusieurs variables didactiques La préparation d'une séquence de mathématiques nécessite de fixer a priori un certain nombre de variables de différents types.

Il semble exister des modes de gestion, implicites, de ces variables.

En particulier, les enseignants confirmés semblent les fixer a priori mais aussi gérer (adapter) automatiquement leurs valeurs, lors du déroulement de la séquence. Ils prennent évidemment en compte, pour cela, les divers documents ou supports pédagogiques disponibles (manuels) et s'appuient sur leur expérience professionnelle. Cette tâche est souvent implicite, rarement explicitée par le maître tuteur du stagiaire. C'est le cas notamment quand il s'agit de fixer, en même temps la taille des nombres et le temps laissé aux élèves lors d’un calcul.

La maîtrise de ce geste peut se révéler en particulier dans les adaptations improvisées lors du déroulement effectif de la séquence.

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Pour illustrer les maladresses de beaucoup de professeurs stagiaires dans ce domaine, nous allons évoquer l'analyse que nous avons faite d'une activité de calcul de produits au CM2, elle porte en particulier sur la gestion simultanée et implicite, par un professeur stagiaire, de plusieurs variables : données numériques, forme de travail et temps accordé aux élèves pour la résolution (rythme de travail).

Il s'agit d'un professeur d'école stagiaire de seconde année qui conduit une séquence de mathématiques en présence de son professeur de mathématiques de I'IUFM effectuant une visite lors d'un stage de pratique accompagnée (tutelle).

La stagiaire a préparé la séquence avec l'Instituteur-Maître-Formateur, titulaire de la classe qui lui a donné le thème de la leçon, il lui a donné certaines indications mais n'a pas précisé les «détails». C'est justement ce contexte qui nous a permis ici de mettre en lumière un phénomène souvent repéré par ailleurs chez les débutants en stage.

La stagiaire propose dans un premier temps des exercices de calcul mental de deux types ; voici un exemple pour chacun :

- « 7 est diviseur de 42, donnez l'autre »...

- « Encadrez 78 par les deux multiples de 9 les plus proches »

Le domaine numérique ainsi exploré ne dépasse pas celui des traditionnelles tables de multiplication. Le temps consacré à ces exercices est raisonnable pour une activité de calcul mental.

Dans une seconde phase, la stagiaire propose un problème, à résoudre par écrit, dont le texte est le suivant :

« Avec 50 francs, combien de stylos bille à 9 francs peux-tu acheter ? »

Les procédures de résolution prévues font intervenir soit des décompositions multiplicatives et additives obtenues à partir du traitement de multiplications à trou, soit des encadrements à l'aide d'une exploration d'une liste de multiples et des productions d'écritures du type précédent.

Ainsi, les données numériques sont assez proches de celles des exercices précédents ; par contre la résolution est écrite et le temps laissé aux élèves est nettement supérieur (23 minutes contre 2 à 4 minutes précédemment).

Cette durée excessive et le recours à l'écrit conduisent les élèves à mobiliser des procédures peu économiques. Cette résolution laborieuse se termine par une démobilisation collective des élèves. Certains d'entre eux font des erreurs sans rapport avec l'habileté calculatoire manifestée précédemment. La durée consacrée à ce travail va aggraver encore la démobilisation et l'hétérogénéité des performances des élèves : certains élèves vont devoir faire un deuxième exercice, en attendant les autres, exercice qui va être corrigé collectivement alors qu'une partie des élèves n'a pas pris connaissance de son énoncé.

Le professeur stagiaire semble s'apercevoir du malaise lors du déroulement de la séance, mais elle se révèle incapable de remédier à la situation pour deux raisons sans doute indissociables : elle n'identifie pas les causes et elle s'accroche à sa préparation.

Un enseignant confirmé, comme le prouve le témoignage de l’IMF, aurait changé les valeurs des variables.

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La réaction de la stagiaire est plutôt de l'ordre de "l'acharnement pédagogique", multipliant les explications, les questions sans réponses, créant des malentendus.

Et ceci résulte d'un manque d'informations sur les performances effectives des élèves, d'un manque de références passées, d'une timidité devant tout changement par rapport à la préparation.

Elle ne s'autorise pas à réduire le temps (au détriment temporaire des élèves faibles), ou à changer la forme de l'activité (calcul rapide au lieu de résolution écrite standard).

3-3. La dévolution du problème

De manière assez unanime, les formateurs de professeurs d'école, qu'ils soient PIUFM ou IMF, soulignent les difficultés de gestion des phases de passation de la consigne.

Ils soulignent les maladresses des stagiaires. La dévolution ne se limite évidemment pas à la passation de la consigne mais cette dernière est souvent révélatrice des difficultés rencontrées.

Là encore, l'apprentissage semble se faire par monstration, reproduction accompagnée d'essais et d'erreurs répétés.

Il faut toutefois noter que les PIUFM essaient de prendre en charge le traitement de cette question à l'occasion de l'étude de vidéos (en temps réel ou montées), de l'étude de protocoles (plus rarement) et le plus fréquemment lors d'évocations de séances (épisodes racontés)...

En fait, nous nous sommes plus particulièrement intéressés à deux éléments : les différents types de passation ou de présentation de la consigne et la négociation de celle-ci, en particulier la négociation des contraintes prévues accompagnant la consigne.

Cela nécessite évidemment d'observer plus particulièrement ces phases, et d'analyser les distorsions enregistrées entre le prévu et le réel.

L'analyse des pratiques des débutants permet de relever trois types de difficultés fréquentes :

- négociation individuelle et à la baisse de la consigne (en particulier quand il s'agit d'élèves en difficulté),

- utilisation maladroite des supports pédagogiques classiques (polycopiés, livres) se caractérisant souvent par de longues paraphrases des questions posées dans le livre,

- perte de temps occasionnée par la volonté de faire inventer les consignes par les élèves.

Ces maladresses sont souvent le résultat de compromis mal compris entre une impossibilité à réellement dévoluer la tâche et la volonté de prendre en compte

"l'idéologie dominante" de I'IUFM, souvent réduite à des slogans du type "tout doit venir de l'enfant", "il faut individualiser les apprentissages".

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A cela s'ajoutent la prise en compte de la pression des élèves eux-mêmes, des problèmes de légitimité ou l'inexpérience technique...

Pour illustrer les trois derniers axes, nous ferons référence, très brièvement, à la conduite par un autre professeur stagiaire des phases de correction d'exercices de calcul mental. Pour la commodité de l'exposé, nous allons dans un premier temps résumer les résultats de nos différentes observations.

3-4. La prise d'informations sur les élèves

C'est une trivialité de dire que l'enseignant ne peut pas tout prévoir, qu'il doit prendre des décisions "à chaud" devant un imprévu, qu'il a des choix importants à faire à certains moments. Nous faisons l'hypothèse que ces choix ne sont pas aléatoires chez les professeurs confirmés et qu'ils sont effectués grâce à une prise en compte, souvent implicite et automatisée, d'éléments divers.

Les maîtres confirmés interrogés à ce sujet disent que ces choix ne sont pas toujours conscients et qu'ils prennent leurs décisions en s'appuyant sur leur expérience professionnelle, en particulier en se référant à :

- une typologie plus ou moins grossière de procédures ou erreurs ou performances déjà observées,

- des prévisions qu'ils peuvent faire sur le niveau de performances de leurs élèves. Ils semblent se référer là encore à des catégories d'élèves représentées par des prototypes, ils comparent grossièrement quelques élèves de leur classe à des élèves prototypiques. Nous reprenons ici l'idée développée par Tochon4 : l'enseignant ne voit pas ses «vrais » élèves mais des prototypes d'élèves,

- différents déroulements observés précédemment,

- des sollicitations de certains élèves prenant facilement la parole.

En fait, les enseignants expérimentés ne prennent pas beaucoup d'informations sur les productions ou performances de leurs élèves, tout au plus, confirment-ils leurs prévisions en observant quelques élèves.

Le professeur débutant n'a pas cette expérience. Nous allons donc nous intéresser à la manière dont il gère ces imprévus. En particulier, comment il essaie de combler son manque d'expérience par une prise d'informations sur la classe.

En fait, nos analyses montrent qu'il est très souvent "prisonnier" des demandes individuelles des élèves. Lors des phases de recherche, il se laisse accaparer par les élèves en difficulté ou par la correction individuelle de chaque élève. Il ne pense pas à noter ce qu'il voit ou ne voit que superficiellement.

Il n’arrive pas à prendre le recul nécessaire pour mener une auto observation même partielle. Ce défaut s'explique par le fait qu'il agit et n'est donc pas disponible pour observer et aussi par la volonté de bien faire, d'aider les élèves, de prévenir les difficultés.

4 Tochon (1993), « L’enseignant expert », Nathan, Paris

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3-5. La gestion des phases de synthèses, de bilan, de correction, plus généralement d'institutionnalisation

Cette gestion dépend des informations dont dispose le maître et de son projet.

Nous avons là encore observé la fréquence des témoignages des formateurs sur la difficulté de gestion de ces moments.

Nous pouvons faire des hypothèses semblables à celles listées plus haut concernant les modes de gestion des professeurs confirmés.

Les modes de gestion des professeurs débutants vont par contre prendre en compte d'autres facteurs :

- le déroulement prévu,

- les pressions exercées par les élèves (demandant par exemple de passer au tableau),

- les objectifs d'apprentissage de la séquence.

Nous avons essayé de cerner différents types de fonctionnement des professeurs stagiaires, nous allons en décrire quelques aspects dans la suite de cet exposé mais pour compléter notre analyse nous devons auparavant expliciter notre sixième axe d'analyse.

3-6. La gestion de certains équilibres

Nous essayons d'analyser comment les enseignants débutants gèrent certains équilibres.

Nous nous intéressons à la gestion de certains équilibres entre certitude et incertitude, entre plaisir et contrainte, entre recherche et sécurité, entre fidélité à une préparation et improvisation contrôlée, entre individuel et collectif.

Nous regardons ici le fonctionnement du maître à divers moments de la classe.

En effet, cela concerne à la fois les prévisions effectuées (préparation), les prises d'informations, le temps de parole laissé aux élèves lors de différentes phases, les initiatives accordées, prévues, et plus généralement le degré et la nature de la participation des élèves aux formulations, validations et institutionnalisations des notions enseignées.

Pour illustrer ces quatrième, cinquième et sixième entrées, nous présentons la conduite par un professeur stagiaire des phases de correction d'exercices de calcul mental.

Pour analyser les interventions du professeur et des élèves, nous avons découpé leur discours en unités significatives de sens qui sont constituées par un groupement de mots ou de phrases, insécables, exprimant une seule idée.

Le maître se propose de corriger deux calculs effectués mentalement : « 3 x 8 et 3 x 7 ». Il semble poursuivre trois objectifs : tester la mémorisation de «la table de 3 », faire apparaître des moyens mnémotechniques pour la retenir et enfin

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montrer aux élèves qu'il plus facile de retenir le résultat du produit que de le retrouver à l'aide d'une addition.

En fait dans les deux cas, nous constatons une gestion du dialogue entre l'élève interrogé et le maître qui conduit à un malentendu.

Ainsi, nous constatons dans la correction du premier calcul, une gestion des dialogues sous la forme de questions-réponses. L'élève n'a pas vraiment le droit à la parole, tout au plus peut-il s'inscrire dans le questionnement du professeur, il n'a pas vraiment l'initiative et ses interventions sont très courtes. Toutes les interventions d'élèves sont des réponses à des questions posées par le professeur.

L'enseignant interrompt fréquemment l'élève interrogé soit pour confirmer ou valider ses dires, soit pour guider, induire ses interventions.

Deux élèves se sont trompés, ces erreurs ne sont pas reprises, ces élèves ne sont pas interrogés par la suite.

Dans le second calcul, le maître interrompt immédiatement une amorce de débat entre quelques élèves, débat qu'il a sollicité mais qu'il a peur de ne pas maîtriser au risque de ne pas donner les explications nécessaires au seul élève qui semblait en avoir besoin.

Pour préciser les parts respectives prises par les élèves et le maître dans le dialogue, il suffit de compter la longueur et la nature des interventions de chaque partenaire.

Ainsi lors des corrections de chaque exercice, on compte 33 interventions du professeur et 28 interventions d'élèves mais la longueur des interventions sont très différentes : deux interventions d'élèves sur 28 comportent plus de six mots.

On peut penser que fréquentes interruptions (validations partielles, questionnement fermé, engagements à poursuivre, simples ponctuations) visent à réduire l'incertitude que le maître pressent dans les réponses des élèves. On peut aussi penser qu'elles veulent accélérer le rythme du dialogue, réduire le temps consacré au bilan.

Tout se passe comme si le fait d'interroger les élèves correspondait à un rite vide de sens. Pour ce maître, seul le professeur peut vraiment donner la bonne réponse. C'est sans doute un compromis entre les représentations de cet enseignant, les contraintes de la conduite de la classe, son statut de remplaçant, son manque d'expérience dans la conduite de bilan et enfin la représentation officielle de l'enseignement de l'IUFM (participation de l'enfant à la construction des savoirs).

Ce compromis amène le professeur stagiaire à gérer une caricature de participation des élèves aux phases de bilan.

Cela est d'autant plus étonnant que cette angoisse devrait être diminuée par le fait que l'exercice est correctement réussi et que les élèves interrogés sont des élèves, souvent volontaires pour répondre, ayant réussi le calcul ou ayant mémorisé les produits.

Tout se passe comme si le maître avait oublié cette donnée.

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Cela amène des malentendus. L'élève, étant interrompu, essaie de deviner ce que veut le maître, il reconstruit et improvise une solution possible, cela peut le conduire à produire une erreur...

En voulant réduire le temps et l'incertitude, le professeur obtient souvent un résultat inverse : apparition d'erreurs, d'incompréhension... C'est le cas dans la correction du deuxième calcul où l'élève interrogé invente une autre méthode pour essayer de répondre au désir du maître et régresse à un calcul additif alors qu'il a fait appel à un fait numérique.

On peut aussi expliquer ces maladresses par le peu d'habitude à conduire un débat ou tout simplement un questionnement.

Si on peut déceler ici des maladresses de débutant, on peut là encore se demander si ce questionnement formel des élèves lors des phases de bilan n'est pas une pratique courante de professeurs d'école. Toutefois, ceux-ci évitent les malentendus, en écourtant le questionnement.

Nous constatons l'absence de prises d'informations, du moins consciente, chez les étudiants observés visant à préparer les phases de bilan ou de synthèse.

L'institutionnalisation quand elle existe ne semble pas s'appuyer sur les actions et les productions des élèves bien que ce souci soit présent dans les préparations.

Nous avons vu que le stagiaire se laisse guider par les manifestations des élèves pour décider qui envoyer au tableau, qui interroger. Il semble subir la pression des élèves plutôt qu'agir de façon consciente et préparée.

Cela le conduit à chaque fois à vouloir canaliser les dires des élèves, à ne pas leur laisser la parole.

Cette prise d'informations n'est pas aisée, en effet elle nécessite de prendre du recul par rapport à la classe, elle doit sans doute être plus ou moins pensée à l'avance, elle doit s'appuyer sur une certaine connaissance des élèves et surtout, pour être assez complète, elle impose des moments de travail autonome des élèves.

Nous relevons une pratique courante : le stagiaire ne s'adresse qu'à un seul élève oubliant presque le reste de la classe. Certes, ce défaut existe chez les maîtres confirmés, mais ils arrivent plus facilement à instaurer des règles de vie dans la classe qui imposent, sinon une écoute attentive des autres élèves, du moins un calme relatif. C'est loin d'être le cas pour certains stagiaires.

L'analyse de trois entretiens menés par un même formateur avec trois stagiaires différents confirme la pertinence de ces axes notamment en ce qui concerne la gestion des variables didactiques, la gestion des phases de formulation et d'institutionnalisation, les prises d'informations et la gestion de certains équilibres.

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4. QUELQUES REMARQUES ET PISTES DE TRAVAIL SUR LES

CONDITIONS D'APPROPRIATION DE CES GESTES

PROFESSIONNELS

Je termine cet exposé par quelques remarques sur les modes d'appropriation des gestes professionnels décrit ci-dessus.

Le professeur stagiaire précédent commet d'autres maladresses dans la deuxième partie de la séquence suite à un entretien avec le PIUFM lors de la récréation.

L'élément essentiel retenu par le stagiaire porte sur le temps de parole accordé aux élèves. Il ressort de l'analyse de cet entretien et de celui, très court, ayant suivi la seconde partie de la séquence que le stagiaire a voulu appliquer immédiatement ce qui lui a été signalé (laisser la parole aux élèves afin de faire expliciter les procédures mises en œuvre, de traiter les erreurs éventuelles).

C'est, d'après lui, cette volonté qui le conduit à mener la correction du problème posé par la suite. L'argument essentiel donné est le suivant : "j'ai laissé parler les élèves, comme vous me l'avez dit. C'est pour cela que cela a duré si longtemps ! ".

Nous assistons ici à une tentative maladroite de tenir compte de remarques contextualisées (l'explicitation des procédures a été signalée à propos d'activités de calcul mental) par la mise en œuvre d'un compromis dangereux entre la nécessité institutionnelle de laisser parler les élèves et la volonté de réduire au maximum l'incertitude ainsi créée. Ce mauvais compromis se traduit par un malentendu accru entre les élèves et le professeur. Notons que ce malentendu risque, à terme, de l'amener à opter définitivement pour un mode de gestion fermé car plus confortable. C'est d'ailleurs ce qui semble ressortir du dialogue qui a suivi cette seconde prestation.

Cette interprétation mécanique de conseils, souvent constatée lors d'entretiens, montre bien le défaut d'une formation trop rapide, basée essentiellement sur des observations à chaud et partielles. L'impossibilité matérielle de décrire, de façon suffisamment riche, les pratiques observées amène sans doute le formateur à caricaturer ses remarques, à ne pas séparer les différents niveaux de son exposé et le formé à ne retenir que les aspects superficiels du discours du premier.

Ici, laisser parler les élèves, va revenir à les forcer à expliquer la multiplication 18 x 1 pour déterminer le prix d'un objet coûtant 18 F. Les élèves ne peuvent pas le faire, d'où un "acharnement pédagogique" du maître, des décalages importants et, à court terme, le risque d'un refus de prise en compte des arguments avancés.

Là encore, nous voyons que pour être pertinent ce type d'action de formation doit pouvoir au moins s’appuyer sur un faisceau cohérent d'observations, sur un niveau minimal de connaissances "théoriques" sur les procédures des élèves et sur des aller-retour fréquents entre ces différents aspects de la formation.

Ces remarques nous ont conduit, dans d'autres travaux, d'une part à essayer de modéliser certaines situations de formation, les visites en particulier, d'autre part à tester un dispositif de formation visant à optimiser un apprentissage de pratiques se faisant pour une grande part par compagnonnage (observation,

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imitation, reproduction plus ou moins maladroite et appropriation de gestes professionnels) s'appuyant sur un enseignement d'éléments de didactique des mathématiques et sur l'observation et l'analyse des pratiques effectives des débutants.

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