La Lettre du Pharmacologue • Vol. 31 - n° 1 - janvier-février-mars 2017 |
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GASTRONOMIE
C’
est entendu, Alain Ducasse est un personnage immense. Contrôlant plus de 20 établissements, corna- quant 1 400 employés, comptant trois fois 3 étoiles à son firmament, il tutoie les sommets.L’idée de faire une critique gastronomique sur l’un de ses restaurants du même nom paraît le comble de l’impudence.
Toutefois, du haut de son Olympe, il n’a pas perdu de vue le sens des réalités, ni l’existence du commun des mortels. Dans cette population aussi, il y a des plaisirs à prodiguer et de la monnaie à prendre. Par conséquent, à côté de ses palaces, il y a de la place pour une restauration plus modeste.
Mais là aussi, il entend mettre sa marque, sortir du banal. L’idée lui est venue de concevoir la brasserie contemporaine, d’un style différent des classiques hérités du siècle précédent, voire de celui d’encore avant1 : le Champeaux est son nom2.
Le résultat oscille, selon les points de vue, entre le hall d’aéroport et la cafétéria d’entreprise. La salle est située sous la Canopée3, au Forum des Halles. Après avoir connu des heures sombres, être devenue une cour des miracles et une plaque tournante du trafic de substances drola- tiques, la place vient d’être réhabilitée. Elle voit circuler 150 000 personnes par jour, c’est dire le gisement de clientèle potentielle.
salés ou sucrés, par exemple, aux asperges ou au chocolat…
Vins au verre ou en bouteille, à des tarifs pari- siens. Service variable, parfois balourd, parfois expéditif, en général sans fioritures inutiles, selon arrivage.
Les journalistes spécialisés se sont divisés en deux camps : les uns louangeurs − dame, c’est Ducasse −, les autres armés de dents dures − hé, c’est Ducasse. Entre le goupillon et la kalachnikov. Sans constituer un must, le lieu est de ceux où l’on revient, lorsqu’on a quelque chose à voir à Beaubourg. Pour deux, 130 euros, en restant modeste sur les breu-
vages… C’est Ducasse. ■
* La Canopée, Forum des Halles, porte Rambuteau, 75001 Paris. Tél. : 01 53 45 84 50.
1 Dont il exploite quelques spécimens : Allard, Aux Lyonnais, Benoit, etc.
2 La brasserie XXIe siècle a repris le nom d’un restau- rant disparu en 1918, situé place de la Bourse, évoqué par Émile Zola dans son roman L’Argent.
Du neuf avec du vieux…
3 Canopée : nom donné au sommet de la forêt équatoriale humide, mais également au ciel du lit à baldaquin.
Les essais en ouvert d’Alex Corton
Alex Corton, gastrologue de garde Restaurant Champeaux*
Entrons… Selon l’orientation de la table, on peut voir, à l’extérieur, le profil de l’église Saint-Eustache, à l’intérieur, un grand tableau noir à tablettes tournantes, identique à celui annonçant les avions en partance, où seront inscrits, dans un cliquetis, les plats disponibles, les cocktails du moment. C’est ouvert tous les jours, de 8 heures à minuit. En face de l’entrée, un bar, avec les tabourets à la bonne hauteur…
Un peu bruyant, décor minimaliste, vaste miroir augmentant l’impression d’espace. Et dehors, le flot incessant de passants.
Dans l’aspect de la carte se manifeste égale- ment le souhait d’être original : un papier imprimé plié en deux puis mis en accordéon expose les préparations disponibles classées par catégories. Un semainier classique, avec la blanquette du lundi, des entrées brasserie (œufs mimosa à prix d’appel), du bœuf dont on choisit sa pièce favorite (bavette, filet, faux- filet, entrecôte), sa sauce préférée (poivre, béarnaise, échalote), et la garniture, orientée vers la punition (salade, haricots verts) ou le dérapage (frites). Plats principaux à l’appella- tion sans mystère, francs du collier, desserts tels qu’il est d’usage de les trouver dans ce style de table. La particularité de l’inventaire : une liste de soufflés (20 minutes de préparation),
