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N° 496 - juin 2016CONGRÈS RÉUNION
Compte-rendu du 37 e Congrès de la Heart Rhythm Society
San Francisco, 4-7 mai 2016
V. Algalarrondo*
,**
* Service de cardiologie, hôpital Antoine-Béclère, Clamart.
** Laboratoire d’électrophysiologie du Dr Nattel, Institut de cardiologie de Montréal.
Ablation ou escalade des antiarythmiques dans les tachycardies
ventriculaires : l’essai VANISH
D’après la communication de John L. Sapp et al.
Il s’agit d’une étude multicentrique regroupant des équipes canadiennes et quelques équipes américaines (22 centres). Elle a été publiée simultanément dans le New England Journal of Medicine (1).
Rationnel
La prise en charge des patients après un épisode de tachycardie ventriculaire (TV) peut être complexe.
On distingue classiquement 2 possibilités de prise en charge rythmique : l’augmentation du traite- ment antiarythmique et l’ablation. L’essai VANISH compare ces 2 stratégies.
Méthode
L’étude était randomisée, contrôlée, ouverte et multicentrique (22 centres). Les patients étaient tous implantés de défibrillateurs et avaient présenté au moins un épisode d’arythmie ventriculaire. Les 2 stratégies de prise en charge étaient l’ablation par radiofréquence dans les 2 semaines qui suivaient
l’épisode clinique ou l’augmentation du traitement antiarythmique : ajout d’amiodarone ou augmenta- tion des doses d’amiodarone (de 200 à 300 mg/j). La programmation des défibrillateurs était standardisée dans les 2 groupes. Le critère primaire d’évaluation était composite et incluait les décès toutes causes, la récidive de TV nécessitant un choc ou un orage rythmique.
Résultats
Deux cent cinquante-neuf patients ont été inclus, principalement porteurs de cardiopathies ischémiques (FEVG moyenne : 31 % ; âge moyen : 68 ans). Les 2 groupes étaient similaires au début de l’étude. Après un suivi moyen de 27,9 ± 17,1 mois, le critère primaire a été observé dans 59,1 % des cas dans le bras ablation versus 68,5 % des cas dans le bras traitement médical.
Une réduction significative de l’objectif primaire dans le groupe ablation a été observée (HR : 0,72 ; IC
95: 0,53-0,98 ; p = 0,037) [figure 1]. Le résultat était dû à une réduction significative des TV dans le groupe ablation (critère de mortalité, p = 0,86). En termes de complications, 3 décès ont été attribués à des compli- cations de l’amiodarone versus aucun dans le groupe ablation (2 tamponnades). Dans les analyses en sous- groupes, il faut noter que la stratégie ablative était particulièrement efficace chez les patients dont la TV initiale permettant l’inclusion était survenue sous amiodarone (HR : 0,55 ; IC
95: 0,38-0,80 ; p = 0,003).
Au “menu” cette année à l’HRS, on ne note pas de révolution conceptuelle, mais plusieurs avancées techniques novatrices. Les nouveaux appareils sans sonde intracardiaque semblent avoir des profils de sécurité rassurants (études EFFORTLESS et LEADLESS II). En resynchronisation, l’optimisation de la stimulation ou des délais était à l’honneur (études MPP et RESPOND). En électrophysiologie, plusieurs études négatives sur l’ablation des FA persistantes montrent qu’il reste encore beaucoup à faire. À l’inverse, la place des techniques ablatives dans les arythmies ventriculaires semble progresser (étude VANISH). Voici donc quelques-unes de ces études.
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CONGRÈS RÉUNION
1,0 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0,0
0 1 2 3 4
Ablation
HR = 0,72 ; IC
95: 0,53-0,98 AAD p = 0,037
Pr obabilit é de sur vie sans é vénemen t
Suivi (années)
Patients à risqueAblation 132 80 40 20 8
AAD 127 61 25 17 6
Figure 1. Évolution du critère principal d’évaluation : mort, TV traitée (d’après [1]).
Ces patients présentaient en effet un taux de récur- rence élevé malgré l’augmentation des doses.
Conclusion
Chez les patients atteints d’une cardiopathie isché- mique et ayant présenté une TV, une stratégie d’ablation précoce semble supérieure à l’escalade des traitements médicaux, en particulier si le patient était déjà traité par amiodarone, et ce avec un meilleur profil de tolérance.
Commentaire
La place de l’ablation des arythmies ventriculaires se confirme et devient prépondérante dans la prise en charge précoce des patients souffrant de cardio- pathie ischémique. Il faut cependant noter que la dose d’amiodarone utilisée dans le groupe médical pouvait être particulièrement élevée (300 mg/j), alors même que l’on sait que ces doses sont associées à un risque accru de complication, sans gain significatif sur l’effi- cacité. Ainsi, même s’il semble clair que l’ablation doit devenir la stratégie prioritaire en cas d’échec d’une première ligne de traitement par amiodarone, le cas des patients qui n’en ont jamais reçu est moins tranché, et les 2 stratégies peuvent être encore discutées.
Ablation thoracoscopique des plexus ganglionnaires dans le traitement
de la fibrillation atriale avancée : l’essai AFACT
D’après la communication de Joris R. de Groot et al.
Rationnel
Les patients présentant une fibrillation atriale (FA) persistante ou associée à un remodelage atrial, ou encore ceux pour lesquels une première procédure a échoué ont un risque accru de récidive quand seule l’isolation des veines pulmonaires est réalisée. La dénervation atriale pourrait améliorer l’efficacité de cette prise en charge.
Méthode
L’essai AFACT a testé l’efficacité de l’ablation des plexus ganglionnaires (GP) dans la prise en charge de la FA lors d’un essai randomisé, contrôlé et ouvert. Les patients recevaient tous le traitement suivant par thoracoscopie :
isolation des veines pulmonaires éventuellement asso- ciée à des lignes du toit et du trigone. Dans le groupe GP était ajoutée à la procédure l’ablation des 4 GP atriaux ainsi que celle du ligament de Marshall. Après une période aveugle de 3 mois, les antiarythmiques étaient arrêtés, et la survenue d’une arythmie atriale de plus de 30s était recherchée par des Holter répétés durant 1 an (critère primaire).
Résultats
Deux cent quarante patients ont été inclus (âge moyen : 60 ± 8 ans, 73 % d’hommes, durée de FA moyenne de 5,7 ± 5,1 années, 59 % de FA persistante, volume atrial gauche moyen de 40 ml/m
2) et randomisés en 1:1 dans le groupe GP ou contrôle. Le temps de procédure était de 185 ± 54 (groupe GP) et 168 ± 54 minutes (groupe contrôle, p = 0,015). L’ablation des GP permet- tait d’éliminer 100 % des réponses vagales évoquées (versus 87 % des patients positifs pour une réponse vagale dans le groupe contrôle). Après 1 an, 4 patients étaient décédés (tous dans le groupe GP, sans lien avec la procédure, p = 0,055). L’évaluation du critère primaire était négative : après 1 an, les taux de rythme sinusal étaient de 80 versus 75 % (GP versus contrôle, p = 0,6) dans les formes paroxystiques et de 66 versus 63 % (p = 0,9) dans les formes persistantes de FA. Les récurrences se faisaient plus souvent sous la forme de tachycardies atriales (TA) dans le groupe GP (TA versus FA : 78 % versus 22 %) que dans le groupe témoin (TA versus FA : 51 % versus 49 %, p = 0,026). Des saigne-
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ments majeurs ont été observés uniquement dans le groupe GP (9 patients versus 0, p < 0,001), dont un nécessitant une sternotomie. De plus, des dysfonctions sinusales ont été observées chez 12 versus 4 patients (GP versus contrôle, p = 0,038), dont 6 (5 %) issus du groupe GP ont finalement nécessité l’implantation d’un stimulateur (p = 0,013).
Conclusion
L’ablation des plexi ganglionnaires n’augmente pas l’efficacité de l’ablation de la FA et est associée à des taux accrus de complications : plus de saignements, plus de dysfonctions sinusales. Elle ne présente donc aucun avantage clinique dans la prise en charge de la FA avancée.
Commentaire
Il existe un contraste frappant entre cette étude clairement négative et la littérature actuelle, qui était plutôt favorable à l’idée d’associer une déner- vation atriale à l’isolation des veines pulmonaires.
Cependant, la publication princeps la plus citée sur le sujet (1 057 citations !) [2] ne portait pas sur la même population (FA paroxystique uniquement) et ne concernait pas la même technique de déner- vation (endovasculaire). De plus, la dénervation vagale complète n’y était obtenue que chez un tiers des patients, ce qui pourrait expliquer les différences observées dans les taux de complications. Rappelons que, sur le plan physiopathologique, l’hyperactivation vagale semble impliquée plutôt dans la genèse de la FA sur cœur sain que dans celle survenant sur un substrat remodelé. Loin de mettre un coup d’arrêt au concept de neuromodulation dans la prise en charge de la FA, cette étude en pose donc plutôt les bornes…
Optimisation des délais de stimulation lors de la resynchronisation
par le système SonR : résultats de l’étude RESPOND-CRT
D’après la communication de Josep Brugada Terradellas et al.
Rationnel
On estime que chez un quart à un tiers des patients, l’implantation d’un système de resynchronisation (CRT) n’entraîne pas d’amélioration clinique signi-
fivative (patient non répondeur). Pour ces patients, une optimisation des délais de stimulation entre oreillettes et ventricules (délais AV) et entre les ventricules droit et gauche (délais VV) est recom- mandée et peut permettre de récupérer un meilleur profil de réponse. Parallèlement à la technique de référence actuelle (optimisation sous échocardiogra- phie), des systèmes d’optimisation embarqués dans les prothèses sont actuellement en cours de valida- tion. L’étude actuelle intéresse le système SonR, qui se fonde sur la perception du premier bruit cardiaque à l’aide d’une sonde atriale droite dédiée.
Méthode
Il s’agit d’un essai de non-infériorité, prospectif, randomisé, en double aveugle, multicentrique, comparant 2 techniques d’optimisation : l’échocar- diographie versus le SonR. Les critères d’inclusion reprenaient ceux, classiques, de la CRT. Le critère principal de jugement, évalué à 12 mois, reflète la réponse à la CRT et comprend l’absence de décès ou d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque et l’amélioration de la classe NYHA ou de la qualité de vie.
Résultats
Au total, 998 patients ont été randomisés sur 125 sites. L’âge moyen était de 67 ans, 96 % des patients étaient en classe III NYHA et la FEVG moyenne était de 29,5 %. Avec un taux de répon- deurs de 70 % dans le bras échocardiographie versus 75 % dans le bras SonR, le critère de non-infériorité était atteint, mais pas celui de supériorité. Le profil de sécurité de la sonde atriale dédiée était bon.
Conclusion
Le système SonR est équivalent à l’échocardiographie dans l’optimisation des patients porteurs d’une CRT.
Commentaire
Cette étude confirme que l’optimisation continue des délais AV et VV dans la CRT est identique voire supérieure à la technique d’optimisation par échographie. Elle s’inscrit dans une série d’études évaluant des algorithmes “maison” pour chaque compagnie (SonR®, Quick Opt®, AdaptivCRT®, SmartDelay® AV). Si les délais recommandés par les différentes techniques et l’échographie sont proches, les algorithmes embarqués permettent
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1,0 0,8 0,6 0,4 0,2
0,0
0 3 6 9 12 15 18
Isolation des VP et des foyers non veineux
Ablation FIRM + isolation des VP (veines pulmonaires)
Ablation FIRM seule
Log-rank p < 0,0001
Fr eedom fr om AF/A T
Time to Recurrence (mois)
Figure 2. Évaluation du critère principal de jugement : patient sans récurrence d’arythmie atriale.
leur réévaluation périodique (hebdomadaire pour l’algorithme SonR) et l’adaptation de la program- mation des prothèses. Sur un plan pratique, il faut de plus garder à l’esprit que l’optimisation à l’échographie ne se pratique pas actuellement de manière systématique dans la plupart des centres ; le gain en termes de réponse est certes réel mais marginal (5 à 10 % selon les études), et 20 à 30 % des patients restent non répondeurs. Toutefois, dans la mesure où la plupart des prothèses seront équipées de manière systématique avec de tels algorithmes, leur utilisation sera probablement généralisée dans un futur proche.
Impact des ablations de rotors chez les patients atteints de FA persistantes : l’essai randomisé OASIS
D’après la communication de A. Natale et al.
Cette étude a été publiée dans The Journal of the American College of Cardiology (JACC) [3].
Rationnel
L’ablation des rotors et des impulsions focales (FIRM) est une technique innovante dont les premiers résultats étaient prometteurs dans l’abla- tion de fibrillation atriale (FA). L’étude actuelle précise et évalue la place de ce type d’ablation par rapport aux autres stratégies plus convention- nelles : isolation des veines pulmonaires, ablation des foyers non veineux.
Méthode
Il s’agit d’une étude randomisée comparant 3 groupes : l’ablation FIRM seule, l’ablation FIRM associée à l’iso- lation des veines pulmonaires (VP) et l’ablation des VP associée à l’ablation des foyers non veineux. Le critère de jugement principal était l’absence de récidive de toute arythmie atriale.
Résultats
Cent treize patients en FA persistante ont été inclus (âge moyen : 65 ans, FEVG moyenne : 55 %, IMC moyen : 32 kg/m
2). Une moyenne de 4 rotors ont été caractérisés dans les groupes FIRM (2,5 dans l’OG ; 1,4 dans l’OD). L’ablation des FIRM augmentait de manière significative la durée des procédures (d’en-
viron une heure et demie). Après un suivi moyen de 12 ± 7 mois, les taux de patients en rythme sinusal étaient de 14%, 52 % et 76 % respectivement pour les groupes ablation FIRM seule, ablation FIRM + isolation des VP et isolation des VP + des foyers non veineux (les 3 groupes différaient de manières significative) [figure 2]. Au vu des mauvais résul- tats du groupe ablation FIRM seule, l’inclusion des patients a été interrompue avant la fin de l’étude.
Conclusion
L’ablation FIRM seule dans les FA persistantes donne de moins bons résultats qu’une stratégie classique d’ablation. Elle est en outre associée à une durée de procédure plus longue.
Commentaire
Ce travail illustre un mouvement de balancier clas- sique dans les avancées médicales. Les premières études de l’équipe de Narayan rapportaient que l’ablation guidée par les FIRM semblait plus efficace que les stratégies classiques (4, 5). Elles ont été remises en question depuis l’été dernier par une série de publications qui ne reproduisaient pas ces résultats initiaux. Cette étude est la première qui évalue la technique de manière randomisée, et ses résultats limitent clairement l’enthousiasme initial.
D’un point de vue plus mécanistique, elle alimente le débat sur la stabilité des rotors et sur leur capacité à maintenir la FA de manière autonome dans les
substrats remodelés. ■
Références bibliographiques
1. Sapp JL, Wells GA, Parkash R et al. Ventricular tachycardia abla- tion versus escalation of antiar- rhythmic drugs. N Engl J Med 2016 May 5 [Epub ahead of print].
2. Pappone C, Santinelli V, Manguso F et al. Pulmonary vein denervation enhances long-term benefit after circumfe- rential ablation for paroxysmal atrial fibrillation. Circulation 2004;109(3):327-34.
3. Mohanty S, Gianni C, Mohanty P et al. Impact of rotor ablation in non-paroxysmal AF patients:
results from a randomized trial (OASIS). J Am Coll Cardiol 2016 Apr 28 [Epub ahead of print].
4. Narayan SM, Baykaner T, Clopton P et al. Ablation of rotor and focal sources reduces late recurrence of atrial fibrillation compared with trigger ablation alone: extended follow-up of the CONFIRM trial (Conventional Ablation for Atrial Fibrillation With or Without Focal Impulse and Rotor Modulation). J Am Coll Cardiol 2014;63(17):1761-8.
5. Narayan SM, Krummen DE, Shivkumar K et al. Treatment of atrial fibrillation by the ablation of localized sources: CONFIRM (Conventional Ablation for Atrial Fibrillation With or Without Focal Impulse and Rotor Modu- lation) trial. J Am Coll Cardiol 2012;60(7):628-36.
V. Algalarrondo déclare avoir des liens d’intérêts avec Biotronik, Boston Scientific, Medtronic, Sorin, St Jude Medical.
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