LA COLCHICINE AU MAROC : QUELLE PHARMACOVIGILANCE ?
Houda Sefiani
Centre antipoison et de pharmacovigilance du Maroc
Appelez, nous écoutons. Notifiez, nous agissons.
24h/24 - 7J/7 Numéro Eco: 0801000180 Num: 0537686464
RÉFÉRENCES
1 Biscarini L. Drugs used in gout. In : Dukes MNG and Aronson JK, Eds. Meyler’s Side Effects of Drugs. Amsterdam : Elsevier, 14ème ed, 2000 : 310-314.
2 Martindale -Thee complete drug reference- 36ème ed, The Pharmaceutical Press, London 2009 : 552-560
Effet indésirable Nombre Pourcentage
Diarrhée 2 189 26.8
Vomissement 658 8.1
Nausée 524 6.4
Rash 398 4.9
Douleur abdominale 392 4.8
Insuffisance rénale aiguë 379 4.6
Prurit 340 4.2
Alcaloïde du colchique, la colchicine fait partie des médicaments à marge thérapeutique très étroite. C’est un médicament très utile, qui par toxicité directe liée à son action antimitotique, poison du fuseau, prédispose à des effets indésirables parfois très graves.
L’AMM au Maroc est accordée pour cinq indications qui sont : la goutte, la chondrocalcinose, le rhumatisme à hydroxyapatite, la maladie périodique et la maladie de Behçet. Aujourd’hui la colchicine est de plus en plus prescrite hors indications, comme anti- inflammatoire, en particulier chez le sujet âgé pour éviter la prise chronique des anti-inflammatoires non stéroïdiens qui pourraient prédisposer aux insuffisances rénales.
Sa prescription devant toute douleur articulaire est à éviter, sachant
que une bonne partie des effets indésirables observés chez les patients sont évitables (indication non justifiée, posologie non adaptée, erreur de prise, non prise en compte des premiers signes de surdosage, etc.) Au niveau national, les données de pharmacovigilance sont très faibles, seulement 50 cas ont été rapportés avec la colchicine, ceci est particulièrement dû aux problèmes de sous notification. Cependant, la base de données internationale Vigibase© compte 8170 cas d’effets indésirables liés à la prise de la colchicine. La diarrhée étant l’EI le plus rapporté avec plus de 26% des cas
La diarrhée n’est pas toujours un effet indésirable banal, et peut être un des premiers signes de surdosage à la colchicine. Négliger une diarrhée peut engager le pronostic vital du patient.
Par ailleurs, la colchicine étant métabolisée par la P-glycoprotéine (P-gp) et le cytochrome P450 (CYP3A4), l’association avec les inhibiteurs de la P-gp et/ou du CYP3A4 (Macrolides, Verapamil, pristinamycine.) peuvent entrainer des interactions médicamenteuses avec augmentation du risque d’effets indésirables de la colchicine.
Le CAPM recommande une vigilance particulière lors de la prescription de la colchicine et rappelle à tous les professionnels de santé de déclarer tout effet indésirable observé afin d’assurer une meilleure sécurité du patient.
DRESS ET ALLOPURINOL
RISQUE INUTILE DANS LES HYPERURICÉMIES ASYMPTOMATIQUES
Ghita Benabdallah, Fatima Abadi
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RÉFÉRENCES
1 Sukasem Cand al HLA-B (*) 58: 01 for Allopurinol-Induced Cutaneous Adverse Drug Reactions : Implication for Clinical Interpretation in Thailand. Front Pharmacol. 2016 Jul 18 ; 7 : 186.
2 Frédéric Lioté*, Thomas Bardin. Traitement de la goutte. Revue du Rhumatisme 74 (2007) 160 –167.
L’allopurinol, inhibiteur de la xanthine oxydase est la première cause de toxidermies bulleuses graves et est l’un des premiers pourvoyeurs de syndromes DRESS (Drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms) dans le monde. Il est indiqué dans le traitement des hyperuricémies symptomatiques, de la goutte, ainsi que dans le traitement et la prévention des lithiases uriques et calciques.
Le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse ou Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms (DRESS) est une forme rare (1/1000), sévère de toxidermie associant des manifestations cutanées et une atteinte systémique. Le délai d’apparition habituel se situe entre 2 et 8 semaines après l’initiation du traitement. Il est d’origine médicamenteuse dans 70 à 90 % des cas et les médicaments les plus souvent suspectés sont l’Allopurinol, les antiépileptiques (phénobarbital, carbamazépine, phénytoïne, lamotrigine), les AINS, la minocycline, la dapsone, certains antirétroviraux (névirapine, abacavir), les sulfamides comme la sulfasalazine, la sulfadiazine et le sulfaméthoxazole, les sels d’or, et les inhibiteurs de la pompe à protons.
La physiopathologie du DRESS est encore très discutée. L’hypothèse actuelle étant que le DRESS serait la résultante d’une association entre une réaction d’hypersensibilité retardée et une réactivation virale. L’évolution est le plus souvent favorable (pouvant être prolongée de quelques mois à un an même après arrêt du médicament) avec un risque de décès dans 10 % des cas par complications systémiques.
Le Centre de Pharmacovigilance du Maroc a reçu 31 cas de DRESS syndrome sous Allopurinol prescrit pour hyperuricémie asymptomatique dans 80% des cas.
Afin de prévenir l’apparition de DRESS syndrome sous Allopurinol et d’assurer son usage rationnel, le CAPM recommande de:
• Respecter les indications de l’allopurinol et de ne pas instaurer de traitement en cas d’hyperuricémie asymptomatique.
• Procéder à un interrogatoire poussé avant la prescription: antécédents d’allergies, prise concomitantes d’autres produits de santé…
• Instaurer un traitement à base d’allopurinol, si indication, de manière progressive à partir de la dose efficace la plus faible
• Adapter la posologie usuelle en fonction de l’uricémie qui doit être régulièrement contrôlée
• Tenir compte de l’association avec les pénicillines, en particulier l’Amoxicilline et l’Ampicilline qui augmentent de façon notoire de risque de réactions cutanées.
• Informer les patients des risques de survenue de réactions cutanées graves et sur la nécessité d’arrêter immédiatement le traitement en cas de survenue d’une éruption cutanée ou d’autres signes d’hypersensibilité.
• Notifier tous les cas au centre de pharmacovigilance afin d’améliorer la sécurité du patient.