R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
G UENOT
II. Exemples divers d’application des méthodes statistiques (analyse du carbone - essais de résistance au choc -
comparaison des méthodes d’élaboration d’acier)
Revue de statistique appliquée, tome 2, n
o4 (1954), p. 103-107
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II
EXEMPLES DIVERS D’APPLICATION DES MÉTHODES STATISTIQUES
(Analyse du carbone - Essais de résistance
auchoc
Comparaison des méthodes d’élaboration d’acier)
par M. GUENOT
Chef de Recherches à la Société des Forges et Ateliers du Creusot
M. GUENOT (chef de recherche Société des
Forges
et Ateliers du Creusot)signale qu’il
existedepuis
1950 au Laboratoire du Creusot une section de Recherches Statis- tiques travaillant en étroite collaboration avec les servicesproducteurs
pour mettre aupoint, améliorer,
et rechercher les causes dedérèglage
des fabrications courantes.Depuis
sacréation,
cette sectionpossède
à son actif une trentained’applications
fructueuses destechniques statistiques
modernes à desproblèmes métallurgiques
variés.Il n’est pas question de passer ici en revue toutes ces
applications,
mais troisexemples typiques
permettront de donner une idée des méthodes mises en oeuvre.*
**
Le
premier exemple
concernel’analyse
du carbone dans les aciers à roulement.Entre les résultats de coulées donnés par les chimistes de
plateforme (dosages rapides)
etceux donnés par le Laboratoire
(dosages
de contrôle) on observait certains désaccords et désirait savoir si les différences observées pouvaients’expliquer
parl’imprécision
desdosages.
L’étude statistique a confirmé l’existence d’une différence
faible,
maissignifica-
tive
qu’on
pouvait estimer à 24 millièmes %. La cause de cette différence fût décelée etéliminée.
En même temps furent mis en lumière par voie statistique, des faits
beaucoup plus
importants. On découvritqu’à
l’erreurd’analyse
proprementdite,
estimée à-+- 30 millièmes % (limites à 95
%), s’ajoutait
unedispersion
du même ordre provenant duprélèvement
des limailles.Les calculs statistiques ont montré que cette
dispersion
neprovenait
pas des différences entrelingotins
d’une mêmecoulée,
mais des différences entre limailles d’un mêmelingotin ;
une amélioration des conditions deprélèvement
apermis
de réduire cette erreur.L’importance pratique
de cette étude est surtout d’avoir montréqu’on perdait
souvent son temps à vouloir augmenter la
précision
ou le nombre descontre-analyses
sur la même limaille en
négligeant
l’erreur deprélèvement
et cette conclusion est àrapprocher
de celle de Mlle ULMO concernant l’essai MICUM.Pour déterminer la teneur en carbone de la coulée avec le maximum de
précision
et caractériser cette
précision,
il estindispensable,
enprincipe,
deprocéder
à desrépé-
titions
complètes
dudosage depuis
lesprélèvements
delingotins
sous lapoche;
en faitl’étude montre d’ailleurs
qu’il
suffit deprocéder
àplusieurs prélèvements
de limaille surle même
lingotin.
Il est
fréquemment plus difficile qu’on
le croit, enexpérimentation industrielle,
de saisir dans sa totalité la variance
d’erreur;
lesrépétitions qu’on
effectue sont souventincomplètes,
c’est-à-dire ne laissent pas agir librement toutes les causes dedispersions
incluses dans cette variance.
C’est ainsi
qu’au
cours de la même étude on avait cru constater uneplus grande précision
dans lesanalyses rapides
que dans lesanalyses
de contrôle. Ce résultat para- doxal provenaitsimplement
du fait que lesanalyses rapides
étaient doublées le mêmejour
par le mêmeopérateur;
laprécision
apparente des résultats était alors biensupé-
rieure à la
précision
réellepuisque
se trouvaient exclus de la varianced’erreur
le facteurpersonnel
et les différencespossibles
de conditionsopératoires
d’unjour
à l’autre.Le second
exemple,
qui mérite unplus long développement,
concerne la fabrica- tion des c0153urs de voie en acier aumanganèse
destinés à la S.N.C.F.En même temps que
chaque
coeur sont coulés et traités des barreaux de chocs attenants qui doivent fournir au moins 10 chocs avant rupture dans les conditions pres- crites par le cahier descharges.
A la suite d’une baisse
inquiétante
dans les résultats de chocs la section statis-tique fût
chargée
d’améliorer laproduction.
On cherchait notamment àexpliquer
comment des coulées apparemment
identiques
pouvaient donner à l’essai de chocs des résultats moyens aussi différents.L’hypothèse
laplus simple, proposée
parl’aciérie,
était que les différences entre moyennes de couléesxi s’expliquaient
parl’imprécision
de l’essai de choc( ou plus
exactement, par ladispersion
des résultats de chocs au sein des coulées).La variance V caractérisant cette
dispersion
était en effet considérable. Pour le mois dejanvier 1953,
parexemple,
on obtenait de V l’estimation trèsprécise
(240degrés
de liberté)
s:
=6,79,
ce quicorrespond
danschaque
coulée à une variationpossible
de ± 5
chocs.
Dans la même
période,
et en se bornant seulement aux k = 16 coulées ayant fourni le même nombre n = 16 debarreaux,
onpouvait
estimer ladispersion
entremoyennes de coulées
xi
par la formule s2= 03A3 (xi-x)2 k-1 =1,385.
Si
l’hypothèse proposée
étaitjuste,
s2 constituait une estimation deV n
et suivantle
procédé classique
del’analyse
de variance lacomparaison
des2e
et de n s2 devaitpermettre
d’éprouver
cettehypothèse.
2
Dans
l’exemple,
le rapport F= n s 2 = 3,2 était significatif
au niveau 99 % de
certitude. Il existait donc entre les coulées
des variations réelles (variance W) et non
imputables
à l’imprécision
des essais de chocs.
Précisons à ce stade que tous les c0153urs d’une même coulée étaient traités simul- tanément et ce
qu’on appelait
brièvement « variations entre coulées » necomprenait
pas exclusivement des facteurs d’élaboration maiségalement
des variationspossibles
dansles conditions de traitement
thermique.
Le
problème
consistait donc à rechercher lesprincipaux
facteurs élaboration et de traitement contribuant à ladispersion
entre coulées (ou si l’onpréfère
entre«
charges
»). Accessoirement on seproposait
de rechercherégalement
les causes dedispersion
au sein des coulées. Pour chacun des facteurs successivementévoqués
onprocédait
à uneanalyse
de varianceaprès
regroupement des coulées en classes ou, dans certains cas (influence de latempérature
de coulée)après
estimation du coefficient derégression
linéaire.Bornons-nous à illustrer la méthode sur les 16 coulées considérées
précédemment
en cherchant à
préciser
lerôle,
souventincriminé,
du rapport (C/Mn).Après
regroupement en classes de même rapportC/Mn
ladécomposition complé-
mentaire se
présente
de lafaçon
suivante :Les trois composantes de la
dispersion
au sein des couléesproviennent
du faitque
chaque
coeur comporte un barreau côté coulée et un barreau côté évent.Seule la deuxième composante s’avère
significative.
Des estimationsplus précises
ont
donné,
en moyenne, un choc deplus
pour les barreaux côté coulée. Dans les condi- tionsactuelles,
le choix de ce type de barreaux estplus
avantageux; ce serait d’ailleurs l’inverse si latempérature
de coulée étaitplus
élevée etconduisait,
de cecôté,
à une cristallisationaiguillée.
Quant
aux deux composantes de ladispersion
entrecoulées,
elles ne diffèrent passignificativement,
montrant que, dans les limites très strictes où ont maintenues les compo- sitions, les variations du rapport(C/Mn)
ne contribuent pasappréciablement
à ladisper-
sion des résultats.
Cette conclusion ne
signifie
en aucunefaçon
que le résultat de choc soit indé-pendant
du rapport(C/Mn);
sipetite
que soit la contribution de cefacteur,
il est tou-jours possible,
enopérant
sur ungrand
nombre de coulées de la mettre effectivement enévidence et même de la chiffrer (au moyen d’une
régression
linéaire).Des études
analogues
montrèrent que tous les autres facteurs d’élaboration incri- minables avaient une influencenégligeable
et, parélimination,
on a été conduit à attri-buer aux conditions de traitement la
place prépondérante
dans ladispersion
entre coulées.Quelques expériences
ont confirmé etprécisé
cettehypothèse,
ce qui a conduit àentreprendre
une révisioncomplète
des fours de traitement. Le succès adépassé
toutesles
espérances puisque
les chiffres de choc ont immédiatementaugmenté
de 5 chocsen moyenne.
Accessoirement,
l’étude a révélé certainesparticularités
intéressantes de la fabri- cation et de l’essai de choc (influence de l’ordre decoulée,
de l’état desurface,
de la santé interne...) surlesquelles
nous n’insisterons pas.A l’intention des
spécialistes
del’expérimentation industrielle,
il y acependant
lieude revenir
quelques
instants sur le tableauprécédent
et montrer comment on peut y faireapparaître
le rôle de laposition
P du coeur dans la coulée.La
quasi-totalité
des fabricationssidérurgiques
constituent une suited’opérations
allant de la constitution du lit de fusion à la mesure d’une
caractéristique
essentielle duproduit
fini et, comme Mlle ULMO l’a faitjustement
remarquer, lamajorité
des schémasexpérimentaux correspondants
sont constitués de blocs inclus les uns dans les autres.A
chaque étape, l’hétérogénéité
desproduits
obtenus et ladispersion
qui sera introduite par lesopérations
ultérieures constituent une variance résiduelle d’autantplus
faible
qu’on
se trouve à uneétape plus
avancée de lafabrication,
le cas limite étantl’étape
finale où ne subsisteplus
que l’erreur de mesure.Le schéma
expérimental
actuel se rattache à ce type :Si l’on réunit en une seule
ligne
INTRA(C,
P) les deux dernières colonnes dutableau,
on retrouve degauche
à droite les composantesclassiques
des schémas à blocs inclus les uns dans les autres :INTER-G,
INTRA-G -INTER-C, INTRA-C, -
INTER-Pet I NTRA
(C,
P).Dans ce mode de
décomposition,
l’ordre de rangement des coeursPl, P2, ... P8
dans la coulée n’intervient pas et peut être modifié dans une coulée
quelconque;
il enest de même de l’ordre des
éprouvettes E1’ E2 d’un
même coeur ou des coulées d’un même groupe G.Le schéma actuel s’écarte de ce schéma
classique
parcequ’il
établit une corres-pondance physique
entre toutes leséprouvettes
portant le même numéro d’ordreEt
(coulée) ou
E2
(event) et de ce fait l’ordre des deuxéprouvettes
dechaque
c0153ur n’estplus indifférent; c est
ce qui a conduit à subdiviser laligne
INTRA(C,
P) en INTER-E etE x (C,
P).Chaque
coulée comportant le même nombre de coeurs, il estpossible
de pour- suivre ladécomposition
en attribuantégalement
unesignification physique
au rang duc0153ur dans la coulée.
Abstraction faite du
super-bloc G,
ladécomposition
seprésente
alors formellementcomme celle d’une
expérimentation
factorielle pure à trois facteursC, P, E,
et s’effectueexactement de la même manière.
Ce schéma
pseudo-factoriel fréquent
constitue, enfait,
unegénéralisation
du typesplit-plot
et lacomparaison
des différents quotients doit tenir compte de cettestructure.
Ainsi les
quotients
depremière
et deuxièmeligne
doivent ê trecomparés
au quo- tient de troisièmeligne
(C x P) et non aux composantes d’interaction contenues dans l’INTRA(C,
P)(qui correspond
à une erreur résiduelleplus
faible).Dans
l’exemple,
on trouverait une influence faiblementsignificative
du facteurP,
c’est-à-dire du rang de coulée des coeurs. Cephénomène
d’intérêt purementthéorique
aété confirmé sur
plusieurs
mois.Le troisième
exemple signalé
par M. GUENOT a fait seulementl’objet
d’unexposé
très
bref,
mais il serapublié
ultérieurement dans la Revue deStatistique Appliquée.
Le
problème
qui se posait étaitl’expérimentation
d’une nouvelle variante d’élabo- ration Martinplus économique
que la marcheclassique,
maisqui
risquait d’être moins efficace en ce qui concerne l’élimination del’hydrogène
et par suiteplus dangereuse
pour la santé interne des
pièces.
On sait, en
effet, qu’une
teneur enhydrogène
aussi réduite quepossible
à tous les stades de fabrication des grossespièces
deforge
en acier allié constitue le moyen leplus
sûr pour lutter contre la formation des « flocons ».Au cour d’une même campagne, 23 coulées furent effectuées suivant la marche
classique
A et 8 seulement suivant la variante B(pour
limiter les risques en cas d’échec).Toutes ces coulées portaient sur des nuances de
forge
pratiquementidentiques;
néan- moins, ladispersion
deschiffres d’hydrogène
entre les coulées était tellequ’aucune
diffé-rence
significative
ne pouvait être mise en évidence entre les groupes A et B(par
le testt
classique).
La solution consistant à
prolonger l’expérience
risquait d’être coûteuse. Il parutpréférable
de rechercherquel
facteur incontrôlé venait grossir la variance d’erreur.A
plusieurs
reprises, il avait étésignalé
que la teneur en humidité del’atmosphère pouvait
avoir unerépercussion
-sur la teneur enhydrogène
del’acier; d’ailleurs,
les aciéristes du Creusotsignalaient
que lesplus
basses teneurs enhydrogène
s’obtenaientgénéralement
en hiver ou l’humidité absolue del’atmosphère
est faible.Le calcul confirma ces opinions en prouvant
qu’il
existait effectivement dans le cadre de nos fabrications(malgré
lesprécautions
introduites par leséchage
des entrées)une étroite corrélation entre la teneur en
hydrogène
de l’acier y et la teneur en eau x del’atmosphère.
Sur le
diagramme
de corrélation relatif à ces deuxvariables,
les coulées A et Bapparaissaient
comme deux nuages de pointsauxquelles correspondaient
deux droites derégression (y en
x) différentes.La différence paraissait
faible,
euégard
à ladispersion,
maisl’analyse
de cova-riance
permettait
de montrer que les ordonnées àl’origine
différaientsignificativement.
A humidité
égale,
c’était la variante B qui donnait les chiffresd’hydrogène
lesplus faibles;
cerésultat
a conduit àadopter
immédiatement la varianteB,
à lafois, plus
sûre et