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La réflexivité soignante, plus qu une pratique, un concept au service d une éthique au quotidien

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Beaumont Cedric Promotion 2017/2020

Date de restitution :24/05/2020

La réflexivité soignante, plus qu’une pratique, un concept au service d’une éthique au quotidien

Directeur de mémoire : Madame Bougadba Aicha

Unité d’enseignement 5.6-S6 :

Analyse de la qualité de données scientifiques et professionnelles

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Note aux lecteurs : « Il s'agit d'un travail personnel et il ne peut faire l'objet d'une publication en tout ou pour partie sans l'accord de son auteur. »

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Remerciements :

Je tiens tout d’abord à remercier Aicha BOUGADBA, ma directrice de mémoire, pour le soutien, l’aide, le temps personnel fournis à la guidance de mon travail et ainsi que pour ses conseils tout au long de l’élaboration de mon travail de fin d’étude.

Je tiens également à remercier Charlotte, ma compagne pour le soutien inconditionnel dont elle a fait preuve durant c’est trois années d’étude.

Je souhaite également remercier mon cadre pédagogique Bernard Collet qui m’a suivie tout au long de mon parcours d’étudiant infirmier.

Je remercie également tous les professionnels qui ont participé à la réalisation de mon mémoire de fin d’étude malgré les difficultés rencontrées pendant la crise sanitaire.

Je remercie toutes les personnes ayant de près ou de loin influer sur la réalisation de ce travail.

Enfin, pour finir je remercie mes amis et camarades de promotion pour ces trois années passées ensemble.

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Table des matières

Introduction : ... 1

1. Les situations d’appel ... 3

1.1 Présentation de la première situation d’appel ... 3

1.2 Présentation de la deuxième situation d’appel ... 7

1.3 Synthèse des questionnements et axes de recherches induits ... 11

1.4 Ma question de départ ... 11

2. Cadre de Référence ... 12

2.1 Cadre réglementaire au vu de la population cible ... 12

2.1.1 L’infirmier d’un point de vue législatif ... 12

2.1.2 L’infirmier d’un point de vue déontologique ... 13

2.1.3 Infirmier mais soignant avant tout ... 14

2.2 Une approche philosophique du Soin ... 15

2.2.1 Le soin ... 15

2.2.2 Prendre soin ... 16

2.3.3 Le care et le cure ... 16

2.3 Penser, pensée et réfléchir au regard du soin ... 17

2.3.1 Définition de « penser » et « pensée » ... 17

2.3.2 Qu’est-ce que « penser le soins » ... 18

2.3.3 Réfléchir ... 19

2.4 La réflexivité au cœur d’une pratique qui se veut éthique ... 19

2.4.1 Qu’est-ce que la réflexivité ? ... 19

2.4.2 Posture réflexive ... 21

2.4.3 Analyse des pratiques professionnelles, une amorce à la posture réflexive ... 22

2.5 Quels peuvent-être les conséquences lorsqu’on censure la réflexivité ... 23

2.5.1 Banalisation de l’humain dans le contexte du soin ... 23

2.5.2 Souffrance au travail, notion d’habitude et d’actes automatisés ... 25

2.5.3 Atteinte de l’autonomie, de la dignité du soigné et le risque de déshumanisation 26 3. La méthode explorative : ... 28

3.1 Présentation de la méthode choisie ... 28

3.2 Déroulement de la phase exploratoire et des entretiens ... 29

4. Analyse des données recueillies ... 31

5. Hypothèses de recherche ... 37

Conclusion ... 38

Bibliographie :... 39

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Annexes ... 41

ANNEXE I : GLOSSAIRE ... 42

ANNEXE II : GUIDE D’ENTRETIENS ... 43

ANNEXE III : LETTRE TYPE DEMANDE D'ENTRETIEN ... 44

ANNEXE IV : ENTRETIENS RETRANSCRITS ... 45

ANNEXE V : GRILLES D'ANALYSE ... 71

ANNEXE VI : AUTORISATION DE DIFFUSION DU MEMOIRE ... 84

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Introduction :

« La parole appartient ici au praticien, celui qui connait la pratique de son art et travaille à la mise en œuvre des connaissances apprises en les adaptant et les affinant sans cesse au gré des situations changeantes et souvent imprévisibles ». (Schön, 1994)1

Tout au long de mon parcours d’étudiant, ainsi qu’au travers des diverses expériences professionnels que m’apporte les stages, j’observe et je constate l’influence que peut avoir la réflexion du soignant sur la condition de prise en charge de la personne soignée. En effet, le rôle d’observateur et le regard extérieur que ma apporté la place d’étudiant infirmier durant mes stages en institution, m’ont permis d’être le témoin d’une pratique pas toujours conscientisé. Je me suis également rendu compte que le métier de soignant procure un statut particulier, qui donne le droit de rentré dans l’intimité des gens, de leur faire « du mal pour leur bien » et même parfois de penser ce qui est mieux pour l’autre. Je relève aussi que certains professionnels exécutent des tâches sans y donner du sens, que la standardisation de la prise en charge des patients peut influer sur la façon de penser le soin. Cependant, j’ai également remarqué que certains actes techniques doivent être d’abords complétement intégrer, mentaliser et mémoriser afin qu’il puisse laisser place à la relation pendants sa pratique. Faire un geste de façon automatique ou presque, permet d’être plus disponible dans la relation verbale et plus attentif à l’autre pendant que l’on effectue celui-ci. Pratiquer de façon automatisée un soin c’est permettre au soignant de développer la capacité de penser le soin. J’observe aussi qu’avec le temps certains soignants ont tendance à banaliser le mal que procure un soin, à le minimiser voir même à l’occulter.

L’expérience antérieur que m’a apporté le métier d’aide-soignant, celle apportée par les stages infirmier ainsi que la réflexion induite par les situations d’appel, m’ont interpellé sur la posture réflexive du soignant dans un contexte de soins et les répercussions que cela peut avoir sur la personne soignée. C’est pourquoi j’ai choisi d’explorer ce sujet dans mon travail de fin d’étude. Je me suis alors interrogé sur les causes qui pouvait poussée l’infirmier à ne plus pensé

1 Le praticien réflexif : A la recherche du savoir caché dans l’agir professionnel de Donald A. Schön,p13 (1994)

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le soin, à l’effectuer de manière conditionnée et les dégâts qu’une telle pratique peut occasionner sur une personne. Je pense que ce travail sera bénéfique pour ma future posture professionnelle, sur le fait qu’il faut toujours interroger sa pratique afin d’être le plus pertinent possible dans ma prise de décision et la réfection des soins au quotidien. Au vu des responsabilité qui nous incombe à l’égard de la personne soignée, en tant que futur soignant nous devons sans cesse remettre en question nos pratique afin d’adopter la meilleure prise en charge possible.

Ce mémoire de fin d’étude débutera par deux situations vécues lors de deux stages différents qui illustre parfaitement les conséquences de la posture réflexive dans le soin. Ensuite nous poursuivrons par le cadre de référence, qui débute par un cadre réglementaire définissant la profession d’infirmier et les textes législatifs qui la régissent. Nous poursuivrons ce travail de recherche en abordant la philosophie du soin sous différents points de vue et tenter de le définir dans sa globalité. Ensuite afin de définir le concept de réflexivité dans un contexte de soin, il est primordial d’expliciter les termes « pensées » et « réfléchir » afin de comprendre les mécanismes en action dans la mise en œuvre de nos pratiques. Afin d’étendre nos recherches sur ce qui peut influencer notre réflexivité nous poursuivrons sur la répercussion que peut avoir les habitudes et la réfection de tâches de manière automatique voir même « robotisée » sur notre travail au quotidien. Nous parlerons donc de banalisation du soin et de la personne soignée, de souffrance au travail et du risque de déshumanisation dans le contexte du soin.

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1. Les situations d’appel

1.1 Présentation de la première situation d’appel

La situation que je m’apprête à vous présenter se déroule lors de mon premier stage du semestre trois, dans un service de cardiologie de la région. Je suis à la troisième semaine de mon stage et j’effectue une semaine de nuit. La patiente concernée dans cette situation n’était pas à ma charge jusqu’à présent, cependant lors de la relève l’infirmière de jour indique à celle de nuit qui est de retour après ses repos hebdomadaire, qu’une prescription de contention a été effectuer par l’équipe de nuit au cours de la semaine pour Madame Rose. L’infirmière de jour lui explique que Madame Rose était très agitée le soir.

Au cours de cette nuit nous sommes quatre à travailler, une infirmière, deux aides- soignantes et moi-même, étudiant infirmier en deuxième année. Le service est composé de trente lits environs, divisée en trois couloires, dont un qui est dédié aux personnes sous monitoring nécessitant une surveillance en continue.

Nous nous organisons sous la forme de deux binômes. Les aides-soignantes sont ensemble et entreprennent le premier tour pour installer les patients et réaliser les soins d’hygiènes et de conforts si nécessaire. L’infirmière et moi-même restons ensemble et nous passons dans chacune des chambres après les aides-soignantes pour effectuer les surveillances cliniques, hémodynamiques, la distribution de médicaments, les injections parentérales et les soins requis par les patients ayant enduré une intervention chirurgicale durant la journée.

En arrivant dans la chambre de Madame Rose, nous constatons avec l’infirmière qu’elle est attachée avec des contentions fixées aux deux bras et aux de jambes. La vision de cette scène me frappe, je reste comme figé quelques secondes, embarrassé et j’observe que l’infirmière affiche le même désarroi. Je ne comprends pas à ce moment précis l’intérêt de cette contention, je croise alors le regard de l’infirmière et il me semble qu’elle a le même ressenti. En effet, elle ne prononce aucun mot mais je perçois à travers l’expression de son visage et son attitude qu’elle est gênée par la situation tout comme moi.

Nous nous approchons de Madame Rose qui a les traits tirés, le visage crispé, elle semble apeuré et dit : « Je n’arrive pas à respirer, j’étouffe ». Elle se sent oppressée et je me demande si le fait de l’avoir attaché s’avère pertinent. Est-ce que cette contention pourrait

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accentuer voire provoquer cet état d’anxiété ? Elle est privée de tout mouvement contrainte à l’immobilité, comme prise dans un étau, dépourvue en quelques sorte de liberté. Or, elle ne parait pas agitée, elle est plutôt calme ; malgré ses troubles cognitifs elle exprime clairement et de façon cohérente son angoisse. Il faut souligner qu’elle souffre d’une pathologie cardiaque qui compte tenu de ses difficultés à respirer la rend d’autant plus vulnérable. Mais qu’est ce qui provoque cette sensation d’oppression ? Est-ce en lien avec ses pathologies somatique et psychique ? Ou est-ce en cause avec son installation et cette contention ? Si la contention a été nécessaire voire indispensable pour la protéger de certains risques à un moment donné au cours de son hospitalisation, cette même contention est-elle toujours bénéfique ce soir-là ?

Madame Rose au cours des nuits précédentes enlève plusieurs fois son cathéter, ses lunettes à oxygène dont elle a besoin, est passe par-dessus la barrière du lit au risque de chuter et la démence dont elle souffre entraine des difficultés dans le respect des consignes qui lui sont données concernant sa santé. En effet, elle ne comprend pas toujours ce qu’on ne lui fait ni pourquoi. Cependant ce soir Madame Rose n’a plus de traitement parentéral mais seulement par voie orale, elle ne risque donc plus d’arracher son cathéter, elle n’est plus sous oxygénothérapie et elle n’a pas tenter de déambuler. Ses troubles cognitifs majorés par la brutalité et l’incompréhension de l’hospitalisation au cours des premiers jours peuvent s’atténuer ou du moins être considéré et traité par d’autres alternatives que la contention. Est- ce que les Aides-soignantes se sont posé la question quand elle l’on attaché ?

J’ignore pourquoi elles l’ont attaché. Qu’est ce qui a motivé leur façon d’agir ? Ont- elles cherché à respecter une prescription sans tenir compte de la situation a l’instant présent ? L’indication et la prescription de la contention ont-elles fait l’objet d’une réévaluation ?

Ce sont souvent les personnels paramédicaux qui sollicitent ce type de prescription médicale, n’est-ce pas également à eux de rester vigilants et de ne pas la mettre en pratique lorsqu’elle est devenue inadaptée ? De la réévaluer quotidiennement et d’interroger son utilité lorsqu’elle semble inadaptée ?

Comment les deux aides-soignantes ont « vu » la patiente ? Quel regard ont-elles posé sur Madame Rose ? Qu’ont-elles entendu, compris et identifié de ses besoins ? Ont-elles appliqué cette contention pensant respecter la prescription et « bien faire » ? Compte tenu de l’état assez calme de Madame Rose à ce moment, pourquoi ne pas interpellé l’infirmière pour discuter de l’intérêt de cette contention ? Ont-elles perçu que cette contention pouvait devenir

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délétère pour la patiente ? Se donnent-elles les moyens de conscientiser leur pratique, de l’interroger, de la penser afin de la remettre en question pour préserver les intérêts du patient ? Ont-elles agi ainsi pour « la protéger » d’un éventuel risque de chute et cela dans l’intérêt de la patiente, ou dans le but de « se protéger » et de ce fait éviter en termes de responsabilité d’avoir à assumer un éventuel préjudice ? Nos pratiques face à la gestion des risques, ne peuvent-elle pas entrainer des conduites excessives potentiellement nuisibles aux patients ?

A travers cette situation, je découvre la violence des actes de soins et plus particulièrement la contention. Aux vues de la charge de travail et du nombre d’actes effectués par les soignants, ont-ils toujours conscience de la violence que parfois ceux-ci procurent ? Je constate accepter ces actes à caractère violent et je perçois leur légitimité des lors où ils m’apparaissent indispensables pour préserver l’intégrité physique et psychique du patient. En revanche, je ressens ces mêmes actes comme agressifs, insupportables et inacceptables selon l’évolution de l’état du patient, c’est-à-dire lorsqu’ils me paraissent inappropriés.

Après quelques minutes auprès de la patiente je sens que l’infirmière reste toujours perplexe face à la décision prise par les deux aides-soignantes et me demande mon avis. Je lui fais comprendre que cette décision anticipée me dérange également, l’image de cette patiente qui demande à être détachée, et qui ne peut plus bouger dans son lit, entraîne en moi un sentiment de culpabilité. L’infirmière dit : « après tout c’est nous les responsables du service se soir » et prend la décision de détacher les deux membres inférieurs afin que Madame Rose puisse bouger un peu. Le fait que l’infirmière me demande et prenne en compte mon avis a été valorisant pour moi, cependant comment faire lorsqu’il faut remettre en cause la décision d’un collègue ? Comment faire face à la difficulté du positionnement dans la prise de décision concernant ce type de situation ?

Avant de quitter la chambre, l’infirmière dit : « si vous vous tenez tranquille pendant la nuit, je vous détacherais les contentions au niveau des poignets ». Après ça nous quittons la chambre en laissant la porte de celle-ci ouverte. Madame Rose est restée toute la nuit entravée et n’a pas beaucoup dormi, cependant elle a été relativement calme et s’est endormie au petit matin sans que les contentions lui soient retirées pendant la nuit. Promettre quelque chose à un

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patient sous condition qu’il se tienne tranquille n’est-il pas une forme de chantage ? Le chantage a-t-il sa place dans une relation soignant/soigné ? Si oui, pourquoi agir ainsi ? Est-ce que le soignant perd toute crédibilité lorsqu’il ne respecte pas les engagements qu’il a pris envers le patient ? Cette façon d’agir entache-t-elle la confiance du patient à son égard ?

Cette situation suscite de nombreuses questions concernant nos pratiques soignantes.

Quel est la posture réflexive du soignant dans un contexte de soin ? Est-ce que les contraintes organisationnelles peuvent avoir une répercussion sur la capacité du soignant à penser et agir selon sa propre volonté ?

Pour qui, et pourquoi agit-on ? Qu’est-ce qui motive nos actes et agissements en tant que soignant ?

Agir sans réflexion, comme par automatisme, par conditionnement, est-ce compatible avec le « prendre soin » ? Dans quel contexte et de quelle manière, l’action par automatisme a- t-elle sa place dans le soin ?

Comment expliquer la banalisation du mal par le soignant face à un acte devenue agressif ?

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1.2 Présentation de la deuxième situation d’appel

A l’issu de cette expérience vécue pendant le semestre trois et des questions que celle- ci m’a suscité. Il s’avère qu’une seconde situation à laquelle j’ai été confronté durant le second stage du semestre trois m’interpelle, venant faire écho à la première. Celle-ci se passe pendant mon deuxième stage du semestre trois alors que je suis en stage dans un EHPAD2 de la région.

C’est une structure accueillant environs soixante résidents répartit à nombre égale sur deux étages. Le première étage est occupé par les résidents les plus autonomes et le deuxième étage où je suis affecté, les personnes les plus grabataires. L’équipe est composée de la manière suivante, une infirmière avec trois aides-soignantes par étage le matin et une infirmière avec trois aides-soignantes l’après-midi pour les deux étages. Il y a donc environ trente résidents pour une infirmière le matin et soixante résidents pour une infirmière l’après-midi. Selon les modalités de fonctionnement du service l’infirmière arrive à sept heures, cependant il n’y a pas de relève orale car le départ de l’équipe de nuit se fait à six heures et demie après l’arrivée des aides-soignantes. De ce fait, la première tâche de l’infirmière est de lire les transmissions écrites de la nuit ainsi que de vérifier et noter les retards de selle de chaque résident de l’étage.

L’infirmière note sur une feuille toutes les personnes qui ont besoin de laxatif et celle à qui il faut effectuer un lavement pendant la matinée.

L’infirmière agit selon un protocole établit dans le service en fonction du retard de selles, à savoir : « J1 sans selle : un verre d’eau fraiche et une compote de pruneau ; J2 sans selle : laxatif par voie orale ; J3 sans selle : suppositoire à la glycérine ; J4 sans selle : Microlax ; J5 sans selle : Normacol sondé ». Ce protocole est standard, il ne figure aucune autre indication à considérer selon la situation spécifique de la personne soignée. Cependant j’observe et je constate que certaines infirmières appliquent le protocole avec rigueur, d’autres donnent des laxatifs dès le premier jour de retard sans prendre en considération la singularité de la personne puis d’autres, distribuent et administrent en tenant compte des habitudes du résident.

Peut-on standardiser un tel protocole sachant que le transit intestinal demeure propre à chacun et qu’il est sous l’influence de nombreux paramètres ? Dans ce cas, pourquoi décider que tous ces résidents émettent des selles chaque jour ?

2 Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendante

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Je constate un respect aléatoire du protocole par les infirmières alors que celui-ci reste une prescription médicale. Y déroger n’est-il pas une façon de souligner les limites que peut avoir un protocole ne prenant pas en compte la singularité de chacun ?

Ce matin-là, je suis avec une infirmière intérimaire qui effectue des remplacements à l’EHPAD depuis quelques temps. En relevant la fiche de retard des selles, l’infirmière constate que Madame Tulipe a un retard de cinq jours et qu’il va falloir lui faire dans la matinée un Normacol sondé3. Elle me demande si j’ai déjà effectué ce soin au cours de mes stage précédents. Or n’ayant jamais pratiqué ce soin, elle me propose de le faire. En ce qui concerne Madame Tulipe c’est une résidente dite « en fin de vie », elle reste alitée toute la journée, ne communique plus, elle ne mange plus et elle est hydratée par voie parentérale. Du fait de cette alitement prolongé, Madame Tulipe est très raide, elle a adopté des positions « vicieuses ». En effet elle a une escarre située entre ses deux omoplates au niveau du rachis cervical, favorisé également par son état de dénutrition.

Lorsque vient le moment de pratiquer le soin, l’infirmière me demande de préparer le matériel nécessaire, une sonde d’environ quarante centimètre de longueur, une paire de gants, des compresses avec de la vaseline et le Normacol. Avant de rentrer dans la chambre elle me donne la marche à suivre afin que je pratique le soin. Je frappe à la porte et m’approche doucement de Madame Tulipe qui semble dormir. Je lui dis bonjour et lui prend la main afin qu’elle sente ma présence, elle ouvre les yeux légèrement et bien sûr ne me répond pas. Je lui explique que cela fait cinq jours qu’elle n’a pas eu de selle et que je dois lui faire un normacol à l’aide d’une sonde. Cependant je reste intrigué face à l’intérêt de ce soin qui demeure agressif compte tenue de l’état général de la résidente.

A ce moment-là, je me sens mal à l’aise car la résidente au vu de son état et étant dans l’incapacité de me répondre ne me donne pas son consentement. J’ai comme l’impression d’abuser de son état de vulnérabilité à l’idée d’introduire ce dispositif dans une partie intime de son corps sans qu’elle ne puisse donner son avis. Je me mets quelques secondes à sa place et imagine ce que je pourrais penser dans son état, si un jeune étudiant viendrais me dire : « Je viens pour vous faire un normacol à l’aide d’une sonde » et que je ne puisse pas lui répondre.

3 C’est un laxatif introduit dans l’ampoule rectale à l’aide d’une sonde

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Dans tous soins il est de notre devoir de chercher à avoir le consentement du patient, or dans ce genre de situation comment pratiquer un soin sans l’approbation de celui-ci ? Est-ce que suivre un protocole à la lettre, peut parasiter la capacité du soignant à penser le soin jusqu’à oublier sa propre capacité de jugement ? De même, le choix de faire un sondage évacuateur est- il pertinent au regard de l’état de la patiente ? En revanche, connaissant les complications et le risque vital que peut entrainer plusieurs jours de constipation, peut-on laisser une personne subir un-t-elle sort sous prétexte qu’elle est en fin de vie ?

Ensuite, l’infirmière dit à Madame Tulipe qu’elle va la positionner en décubitus latéral afin que je puisse effectuer le sondage. Après le soin, nous repositionnons la patiente dans son lit avec une protection pour l’évacuation des selles. Avant de quitter la chambre, l’infirmière explique à Madame Tulipe qu’il faut attendre un peu pour que le laxatif fasse son effet et que les aides-soignants vont bientôt venir lui faire les soins d’hygiènes et de conforts.

Par la suite, nous continuons à prodiguer les soins ainsi que la réfection des pansements aux autre résidents de l’étage.

Au moment des transmissions en fin de matinée, les aides-soignantes informent l’infirmière et moi-même que le laxatif effectué à Madame Tulipe plutôt n’a donné qu’une petite quantité de selle dans la protection. Je me demande alors si dans le cas de Madame Tulipe, qui ne mange pas ou peu, qui est hydraté par voie parentérale et en fin de vie, au regard de la gêne occasionnée et du résultat obtenu, est-ce que ce soin a été pertinent ?

Comment distinguer la place qu’occupe un acte de soins entre la notion « du bien et du mal » ? Comment juger de sa légitimité en termes de bénéfice pour la personne et de son illégitimité en cas de préjudice ? N’est-ce pas à travers la nécessité de « penser le soin » ?

Les protocoles sont faits afin de limiter le risque d’erreurs dans certains cas. Concernant cette EHPAD, il est pratiqué car le médecin n’est présent qu’un seul après-midi par semaine au sein de la structure. Ayant lui-même son propre cabinet libéral, il ne peut pas voire tous les jours chaque résident. De ce fait le protocole permet aux infirmières d’effectuer certains actes de soins concernant leurs rôle prescrit. Cependant n’influe-t-il pas sur la posture réflexive et la prise de décision dans un contexte de soin bloquant toute possibilité d’initiative pour le soignant ? Les diverses raisons organisationnelles comme le nombre de résidents, le nombre

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d’infirmières, peuvent elle mettre en péril la qualité du soin ? Comment ces contraintes sont- elles vécues par les soignants ?

De nombreux soins prodigués au patient ayant pour objectif de le soigner, reste pour la plupart des actes invasifs difficile à vivre pour la personne qui les reçois. Néanmoins pourquoi toujours penser que le soin doit être quelque chose d’agréable ? Mais est-il cependant possible de le rendre plus acceptable pour celui qui le reçoit ?

Du fait de sa fonction le soignant fait partie des rare personne ayant l’autorisation légale d’entrer dans l’intimité d’une personne tant d’un point de vue physique que psychique. Un tel pouvoir entraine de grandes responsabilités envers le patient, le soignant se doit d’être attentif à respecter certaines valeurs éthiques et morales. Chaque soin, même le plus anodin qu’il soit, ne doit-il pas être penser, adapter et évaluer par le soignant avant chaque pratique ? La chronicité des actes n’entraine-t-elle pas une certaine « habitude » chez le soignant, oubliant toute singularité chez le sujet et de ce fait conduisant à la banalisation du soin ?

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1.3 Synthèse des questionnements et axes de recherches induits

Au regard de ces deux situations vécues et des questions qui sont venue à moi tout au long de ma réflexion, plusieurs thématiques peuvent être ici traiter. En effet nous pourrions traiter du sujet de la contention, de son cadre réglementaire ainsi que de son utilité ou non dans le cadre du soin. Nous aurions pu par exemple, décider de travailler d’un point de vue organisationnel, sur les contraintes institutionnel et les répercussions quelles peuvent avoir sur la personne soignée. Ou encore il serait possible de diriger nos recherches sur la thématique du consentement et comment l’obtenir lorsque la personne soignée n’est plus en mesure de l’exprimer. Cependant au vu du temps imparti et ne pouvant pas étudier chaque thématique, je décide de diriger mes recherches sur : En quoi les habitudes peuvent-elles altérer la réflexivité du soignant dans un contexte de soin et quelles sont les répercussions d’une-t- elle banalisation sur la personne soignée ?

1.4 Ma question de départ

En quoi les habitudes peuvent-elles altérer la réflexivité du soignant dans un contexte de soin et quelles sont les répercussions d’une-t-elle banalisation sur la personne soignée ?

A savoir, qu’est-ce que l’on entend par « réflexivité du soignant » ? En quoi le fait de penser et réfléchir le soin peut favoriser à maintenir l’intégrité morale et physique de la personne soignée, veiller au respect de sa dignité et de son autonomie.

Pour tenter de répondre à cette question portant sur l’éthique, il est nécessaire de clarifier les valeurs et les concepts qu’elle sous-tend, ce que je vais m’efforcer de réaliser à travers le cadre de référence dans la partie qui suit.

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2. Cadre de Référence

Mon questionnement de recherche traitant de la réflexivité du soignant, du soin, de l’autonomie du soignée et du respect de sa dignité. Il m’apparait important tout d’abord de préciser le cadre réglementaire qui régis la profession d’infirmier, de définir ce qu’est un soignant et de comprendre ce qu’est le soin. Ensuite je poursuivrais par des recherches autour de termes et de concepts que l’on retrouve souvent tout au long de ce travail afin de tenter dans clarifier l’usage. Puis je continuerai sur la faculté de penser, de réfléchir et sur le concept de réflexivité en liens avec la pratique soignant. Pour finir, je traiterai les risques que peut engendrer une pratique non réflexive en faisant référence à la notion de routine, le non-respect de l’autonomie du patient et le risque de déshumanisation.

2.1 Cadre réglementaire au vu de la population cible

2.1.1 L’infirmier d’un point de vue législatif

Les personnels de santé médicaux, paramédicaux et dans notre cas les infirmiers diplômés d’état, sont soumis au respect du code de déontologie et du code de santé publique, autant de texte législatif et de décrets visant à respecter les droits du patient mais également les devoirs du soignant envers celui-ci.

En quoi consiste le champ d’intervention des infirmiers selon l’article R4311-1 du code de santé publique : « L'exercice de la profession d'infirmier ou d'infirmière comporte l'analyse, l'organisation, la réalisation de soins infirmiers et leur évaluation, la contribution au recueil de données cliniques et épidémiologiques et la participation à des actions de prévention, de dépistage, de formation et d'éducation à la santé. »

L’exercice de la profession d’infirmier peut s’exercer de deux manières différentes, le rôle propre et le rôle prescrit qui sont régit par le code de santé publique et que nous allons définir.

Le rôle propre est une expression employée pour désigner le domaine spécifique de la fonction infirmière dans lequel lui sont reconnus une autonomie et la capacité de jugement et

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d'initiative. Dans ce domaine l'infirmière est responsable des décisions qu'elle prend et de leur réalisation. Sur le plan législatif et selon le CSP4, le rôle propre de l'infirmier est défini par le décret 2004-802 du 29 juillet 2004, dans l'article R. 4311-3 : « Relèvent du rôle propre de l'infirmier ou de l'infirmière les soins liés aux fonctions d'entretien et de continuité de la vie et visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution d'autonomie d'une personne ou d'un groupe de personnes ».

« Dans ce cadre, l'infirmier ou l'infirmière a compétence pour prendre les initiatives et accomplir les soins qu'il juge nécessaires conformément aux dispositions des articles R. 4311- 5 et R. 4311-6. Il identifie les besoins de la personne, pose un diagnostic infirmier, formule des objectifs de soins, met en œuvre les actions appropriées et les évalue. Il peut élaborer, avec la participation des membres de l'équipe soignante, des protocoles de soins infirmiers relevant de son initiative. Il est chargé de la conception, de l'utilisation et de la gestion du dossier de soins infirmiers ».

Le rôle prescrit quant à lui concerne tous les actes que l’infirmier peut effectuer la plupart du temps de manière autonome mais seulement à la demande du médecin et sous couvert d’une prescription médicale établie en bonne et due forme. Il est également régit par le CSP qui indique que, « L'infirmier ou l'infirmière est habilité à pratiquer les actes défini par le décret n°2019-835 du 12 août 2019 - art. 2 soit en application d'une prescription médicale ou de son renouvellement par un infirmier exerçant en pratique avancée dans les conditions prévues à l'article R. 4301-3 qui, sauf urgence, est écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, soit en application d'un protocole écrit, qualitatif et quantitatif, préalablement établi, daté et signé par un médecin ».

2.1.2 L’infirmier d’un point de vue déontologique

D’après les concepts en sciences infirmières 2ème édition rédiger en 2012, le mot déontologie du grec deon-deontos fait référence à une réflexion sur des règles, des devoirs, des obligations de comportement. Etymologiquement, il donc presque synonyme de morale ou d’éthique. En ce qui concerne plus précisément le code de déontologie des infirmiers, paru le 25 novembre 2016, voici plusieurs de ces valeurs :

4 Code de Santé Publique

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Le devoir d’humanité, « Art. R. 4312-3. – L’infirmier, au service de la personne et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine. Il respecte la dignité et l’intimité du patient, de sa famille et de ses proches. Le respect dû à la personne continue de s’imposer après la mort ».

Le respect des principes fondamentaux, « Art. R. 4312-4. – L’infirmier respecte en toutes circonstances les principes de moralité, de probité, de loyauté et d’humanité indispensables à l’exercice de la profession ».

Le respect de l’intérêt du patient et du cadre d’exercice, « Art. R. 4312-10. – L’infirmier agit en toutes circonstances dans l’intérêt du patient. Ses soins sont consciencieux, attentifs et fondés sur les données acquises de la science. Il y consacre le temps nécessaire en s’aidant, dans toute la mesure du possible, des méthodes scientifiques et professionnelles les mieux adaptées. Il sollicite, s’il y a lieu, les concours appropriés ».

Nous avons défini le rôle ainsi que les obligations de comportements de l’infirmier d’un point de vue législatif, déontologique. Nous entendons souvent le terme de soignant dans notre langage courant pour parler des infirmiers cependant il nous reste encore à déterminer ce que veut dire le mot « soignant ».

2.1.3 Infirmier mais soignant avant tout

« Guérir parfois, soulager souvent, écouter toujours ». Louis Pasteur (XIXe siècle) Tout au long de notre réflexion il est souvent employé le terme de soignant pour définir le rôle de l’infirmier mais également d’autre professionnel de santé. Il est alors important de clarifier ce qu’est un soignant et a quelle pratique renvoi ce terme. Le terme "soignant" vient du verbe "soigner" qui étymologiquement, vient du latin "soniare" qui signifie "s'occuper de".

D’un aspect strictement littéraire le Larousse.fr défini le terme comme « une personne qui donne des soins à quelqu'un ».

Nous pouvons donc en déduire qu’au sens strict du terme le soignant est une personne bienveillante dont le rôle est de prendre soin des autres et de soigner. Nous pouvons aussi constater grâce au cadre réglementaire qu’il doit répondre à certaines valeurs ainsi qu’à certains devoirs représentant la profession. Le soignant est un compositeur du quotidien, chaque jour il doit composer avec de nouvelles personnes ayant pour chacune d’entre elles une personnalité bien distincte, en fonction de leur vécu, leur culture et leur histoire de vie. Tant d’éléments à

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apprécier et auxquelles le soignant doit sans cesse s’adapter et affiner sa pratique afin de respecter la singularité de chacun.

2.2 Une approche philosophique du Soin

« Le soin constitue alors une forme d’impératif moral, une exigence vis-à-vis de soi- même qui nous pousse à répondre activement et sans condition à l’appel de celui qui souffre et demande de l’aide. Il constitue à cet égard une forme essentielle d’agir, mais aussi de don. » (Svandra, 2009)

En effet, on remarque que le mots « soin » peut avoir différentes dimensions, il peut être utilisé au sens restreint du terme concernant que la partie technique, ou il peut avoir une dimension plus large comme « prendre soin » ou bien cela peut être tout un concept différenciant le « care » et le « cure ». C’est pourquoi il est important que nous éclaircissions ces différents points de vue par différents auteurs.

2.2.1 Le soin

Selon le Larousse.fr « Soin », nom masculin qui signifie : « L’attention que l'on porte à faire quelque chose avec propreté, à entretenir quelque chose, devoir de veiller à quelque chose, de s'en occuper ».5

Selon le dictionnaire médical.fr : « La médecine consiste à prodiguer des soins à des patients, et donc à les soigner. Ces soins médicaux doivent être attentifs et conformes aux données actuelles de la connaissance médicale, selon le code de déontologie. »6

On constate que d’un point de vue essentiellement médical, ce terme consiste à effectuer des soins sans considérer la dimension relationnelle et le caractère singulier de chacun. Nous allons voir que pour d’autre auteur le soin ne se résume pas seulement dans la pratique d’actes techniques et s’avère plus complexe que ça.

5 Larousse.fr https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/soin/73236?q=soin#72406

6Le dictionnaire médical.fr https://www.dictionnaire-medical.fr/definitions/558-soin/

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« Le soin est nécessaire à la vie, à toute forme de vie – humaine, animale, végétale ainsi qu’à la vie symbolique que dans l’intimité voire le secret de sa conscience l’on souhaite donner à tel ou tel objet. Là où il y a du vivant, il faut que l’on en prenne soin pour que ce vivant puisse vivre, également, à la fois de manière plus subtile et exigeante en termes de relation, pour qu’il puisse exister, et ce jusqu’à son dernier souffle. En effet, si l’on ne porte pas une attention particulière à la vie et à l’existence du vivant, si l’on n’en prend pas soin, il s’abîme, il se détériore voire se détruit, et puis se meurt ». W. Hesbeen (2012)7

2.2.2 Prendre soin

D’après W. Hesbeen (2012), infirmier et docteur en santé publique « Il ne suffit pas de bien faire des soins pour se révéler un professionnel compétent dans une situation de soins. Cela équivaut à constater que l’on peut soigner une personne sans en prendre soin, c’est- à-dire qu’on peut administrer des actes de soins de qualité sans se soucier véritablement et sincèrement de la personne à qui ces soins sont prodigués. Or, les hommes et les femmes malades ainsi que leur entourage attendent, aujourd’hui et bien plus qu’hier, de la considération, de l’estime pour les humains qu’ils sont et la prise en compte de la situation singulière et donc particulière qui est la leur ». A travers ce constat l’auteur explique que pour lui on ne peut pas soigner sans prendre soin et qu’il demeure nécessaire de prendre en soin le malade dans sa globalité. Prendre soin ne consiste pas seulement à effectuer un soin de la meilleure manière qu’il soit, mais il convient d’intégrer à celui-ci une dimension relationnelle en tenant compte de la personne qui le reçoit. Chaque soin doit être unique, il ne doit pas être seulement considéré comme un acte mais aussi comme une rencontre, une relation entre deux personnes et il se doit de respecter la singularité du soignée.

2.3.3 Le care et le cure

Cité par André (2015) dans un article8 et selon D. Winnicott, pédiatre et psychanalyste britannique (1970) le soin se définit par deux concepts, le cure comme un « traitement, l’éradication de la maladie et de sa cause ». Le « care » quant à lui est considéré comme « soin,

7 W. Hesbeen, Le soignant, les soins et le soin ; Éditions Seli Arslan, 2012

8 La professionnalisation des relations de care : le cas des référents de parcours de santé à l’Association Française contre les Myopathies (André, 2015)

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intérêt, attention ». D’après ce concept deux sortes de soins se distinguent, l’un abordant l’aspect purement technique et l’autre un aspect plus philosophique où le soin est une attention portée à l’autre.

D’après N. Noddings, philosophe, féministe et professeur américaine, « Le care constitue une forme de relation interpersonnelle avec plusieurs spécificités ». (1984). Le

« cure » serait le soin d’un côté essentiellement médical ne considérant que le symptôme, en revanche le « care » prend en compte la personne dans sa globalité et considère la relation, l’attention et l’intérêt porté à l’autre comme faisant partie du soin. Nous pouvons penser qu’il advient de ne pas séparer ces deux façons de voir le soin et les envisager comme complémentaire l’une de l’autre si l’on veut être le plus efficient possible dans nos pratiques soignantes.

Dans ce passage nous avons tenté d’expliciter dans le concept du soin le sens le plus complet pouvant participer à améliorer nos pratiques, cependant quels mécanismes interviennent pendant que nous prodiguons ce soin ? Il est certains qu’il ne suffit pas de considérer seulement une attention comme soignante mais qu’il est nécessaire de réfléchir cette agir de manière à le rendre singulier et adapter à la personne qui en a besoin. C’est pour cela que la prochaine partie abordera l’aspect de l’action mental produite par le soignant dans sa pratique du quotidien.

2.3 Penser, pensée et réfléchir au regard du soin

« Je pense donc je suis » célèbre citation du penseur (René Descartes, XVIIe Siècle).

2.3.1 Définition de « penser » et « pensée »

Dans cette partie, nous allons tenter de comprendre et de définir l’action de penser, la pensée et le mot réfléchir afin dans déterminer le processus. Cela va nous permettre de comprendre en quoi la réflexion est essentielle aux soins et ainsi comment elle donne du sens à la pratique.

Tout d’abord d’un point de vue littéraire, d’après le Larousse.fr le verbe « penser » :

« c’est considérer quelque chose comme vrai (ou non), comme probable (ou non) ». En revanche le nom féminin « pensée » représente : « L’ensemble des processus par lesquels l'être

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humain au contact de la réalité matérielle et sociale élabore des concepts, les relie entre eux et acquiert de nouvelles connaissances ».9

Selon Descartes, mathématicien, physicien et philosophe français du XVIIe siècle, « Par le mot de penser, j’entends tout ce qui se fait en nous de telle sorte que nous l’apercevons par nous-mêmes ; c’est pourquoi non seulement entendre, vouloir, imaginer, sentir aussi est la même chose ici que penser ».10

2.3.2 Qu’est-ce que « penser le soins »

Penser le soin permet d’appréhender la partie technique du soin, de l’anticiper et d’intégrer la dimension relationnelle dans le soin afin de prendre en compte la personne soignée dans toute sa singularité. Cela permet de soigner, mais également de « prendre soin ».

Pour Marie-André Vigil-Ripoche grande pionnière de la profession infirmière reconnue mondialement pour son expertise (2006), penser le soin revient à « construire un raisonnement intelligible pour rendre compte de son action en la rendant lisible par d’autres professionnels de santé. La représentation aide à visualiser une situation indéterminée et à la transformer pour la rendre problématique et dégager des stratégies de résolution. Elle permet également de construire un sens à l’action qui fait que l’action devient une action professionnelle. La représentation rend possible la simulation et l’anticipation. Ce passage est une mise à distance qui intervient après l’expérience vécue et précède la conceptualisation c’est-à-dire la mise en mots, elle est une reconstruction, une ré interprétation de l’action réalisée ».

Se représenter le soin de façon psychique permet une mise à distance, de se placer en tant qu’observateur et non en tant qu’acteur. De ce fait, cette mise à distance permet une critique de l’action effectué et également de l’adapter à une personne dans un temps donné. Autrement dit, penser le soin revient à effectuer une remise en question sur l’action et également sur sa façon de pratiquer le soin et de ce fait envisager chaque acte et chaque personne comme unique.

9 Larousse.fr https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/pensée/59266

10 Descartes, Principes de la philosophie, Pléiade p. 574

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19 2.3.3 Réfléchir

La réflexion se différencie de la pensée par son action qui nécessite un travail mental, réfléchir c’est un effort psychique sur la pensée afin d’examiner les données d’un problème alors que les pensées sont des idées qui traversent notre esprit, « on réfléchit sur quelque chose, on pense à quelque chose ». La pensée peut être également le moyen d’expression du résultat d’une réflexion, par exemple « on réfléchit » un soin et « on pense » qu’il est mieux de le faire comme cela après l’avoir réfléchi.

Selon le Larousse.fr, le verbe réfléchir désigne, « Penser longuement, en examinant, en pensant » c’est également, « concentrer son attention sur une idée, une question » il y a donc une notion de temporalité et de travail mental lors de la réflexion.

Si on ramène la réflexion dans un contexte de soin, cela serait le travail mental que le soignant effectue au travers de la pensée avant ou pendant le soin dans le but d’adapter celui-ci à la singularité de la situation. Par conséquent le résultat à cette réflexion est l’action que le soignant « pense » être la plus concordante au contexte. La réflexion est donc une action psychique conduit par la pensée et dont le résultat est aussi exprimé par la pensée.

Nous venons de définir ce qu’est la réflexion, un travail mental qui tente de résoudre un problème, ensuite nous allons tenter d’expliciter le terme qui désigne la réflexion sur soit même, sur l’action que l’on effectue ou que l’on a effectué. Ce terme se nomme la réflexivité et nous allons essayer de l’expliquer à l’aide de différents auteurs ayant travaillé autour de ce concept.

2.4 La réflexivité au cœur d’une pratique qui se veut éthique

« Si l’on a besoin d’une sage-femme pour nous mettre au monde, nous avons besoin d’un homme encore plus sage pour nous l’en sortir ». D’après M. Montaigne, célèbre philosophe du XVIe siècle.

2.4.1 Qu’est-ce que la réflexivité ?

D’un point de vue philosophique, la réflexivité est la capacité à pouvoir réfléchir sur soi-même. Selon Galle-Gaudin C. Docteur en sciences de l’éducation et d’après son article Tournant réflexif dans la pratique soignante paru dans la revue EMC- Savoirs et soins infirmier

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en 2013 « Une démarche réflexive en science social consiste en une prise de conscience et un examen approfondi de sa propre démarche scientifique. Il s’agit de « se regarder faire ». Le praticien réflexif réfléchit à sa propre manière d’agir de façon à la fois critique et constructive.

Son but n’est pas de se flageller, mais d’apprendre de l’expérience, de construire des savoirs qui pourront être réinvestis dans les situations et les actions à venir ». D’après elle « le praticien devient réflexif dès lors qu’il entre dans une zone de turbulence avec lui-même et avec les autres » ce que l’auteur cherche à exprimer c’est que le soignant entre en réflexion lorsqu’il rencontre une difficulté à laquelle il advient de s’adapter. La réflexivité émane souvent de situations qui ont conduit à un échec et faisant appel à des transgression morale difficilement acceptable par le soignant. « Cette posture n’est pas de l’ordre du savoir mais du rapport au savoir, du regard sur l’action, de la posture critique, de la compétence » (C.Galle-Gaudin, 2013) , la posture réflexive ne réside pas seulement dans l’apport théorique et les connaissances d’une discipline mais également sur le regard critique que l’on peut porter à ce savoir et la capacité de remise en question.

La réflexivité autour d’une situation rencontrée n’est pas seulement individuelle mais peut aussi être induite par l’interdisciplinarité. La communication ainsi que l’écoute dans les différents temps d’échanges entre professionnel de santé, peuvent parfois permettre d’avoir une autre opinion que le sien et favoriser la réflexivité. Cet échange entre praticiens permet de prendre du recul sur sa propre pratique, favorise la relation entre les soignants mais également le travail en équipe et l’apport de connaissance. « Avant de débuter le diplôme interuniversitaire j’avais peur que le fait de mélanger différents soignants soit un handicap pour la transmission du savoir. Je me suis rendu compte que c’était en fait une richesse permettant une ouverture d’esprit, nous aidant à mieux appréhender le rôle de chacun pour mieux travailler ensemble.

Cette pluridisciplinarité est vraiment enrichissante » (C.Galle-Gaudin, 2013) .

La réflexivité nécessite que l’on accepte de se remettre en cause, de faire preuve d’humilité et pouvoir se rendre compte que parfois on a tort dans le but de faire mieux.

« Réfléchir sur ce que l’on fait, pourquoi et comment on le fait, sous-entend comment le faire et comment le faire pour un meilleur résultat » (C.Galle-Gaudin, 2013) .

Il parait inconcevable de parler de ce concept sans citer l’un des grands auteurs qui a approfondit ce sujet, Donald A. Schön dans son ouvrage le praticien réflexif, à la recherche du savoir caché dans l’agir professionnel paru en 1994, « Des phrases comme « penser en marchand », « garder sa présence d’esprit » et « apprendre en faisant » suggère non seulement

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que nous pouvons penser à faire mais aussi penser à ce que nous faisons tout en exécutant cette tâche » (Schön, 1994, p. 82). Dans cette partie l’auteur parle de réflexion en cour d’action et sur l’action. Une sorte de savoir cacher dans l’agir, un « savoir en cour d’action » qui permet d’analyser ce que l’on fait afin de conserver cette bonne pratique ou de la corriger. On peut parler d’une sorte d’apprentissage réflexive par la pratique.

Une attitude réflexive permet que tout évènement rencontré dans nos soins au quotidien soit porteur de sens, que notre action soit cohérente et vivante. Elle permet d’éviter les habitudes et les automatismes de chaque jour dans le souci de rendre cet acte de soin singulier. La réflexivité demande une certaine volonté de la part du professionnel de santé car ce n’est pas une façon de faire naturelle. Elle implique un processus mental perpétuel de remise en question et de conflits psychique pour ensuite un retour à la normal qui n’est pas sans efforts pour le soignant. « Se regarder faire n’est pas chose naturelle, il convient déjà de faire et de savoir le faire avant de se demander pourquoi et comment le faire, pour mieux le faire. Cette systémie demande en première intention une volonté puis du temps » (C.Galle-Gaudin, 2013) .

2.4.2 Posture réflexive

« La posture réflexive passe par un aller-retour permanent entre la théorie et une réelle pratique, donnant à cette pratique purement intuitive ou maitrisée par des habilités ou acquise

« sur le tas » la compréhension des gestes, la réflexion sur ses propres agir et ceux de l’autre.

Cet aller-retour théorie/pratique s’installe dans le dosage d’un dialogue, une « dialogique » : dialogue logique en théorie et pratique. » (C.Galle-Gaudin, 2013)

Adopter une posture réflexive est un juste milieu entre le savoir, l’apport de connaissance indispensable, le savoir-faire et la capacité de réflexion ainsi que de remise en question sur sa manière de faire. C’est la capacité de pouvoir s’observer en train de faire ou après avoir fait un soin. Mais aussi la possibilité de se remettre en cause au contact de l’autre et de l’apport d’un autre savoir venant d’autre professionnels de santé.

Cette posture réside dans la propriété qu’a le praticien à maitriser son art mais également à prendre du recul sur celui-ci, il se positionne en tant qu’observateur de sa propre pratique dans l’intérêt d’une conduite qui se veut éthique. Cette réflexivité peut également être amorcé par l’analyse des pratiques professionnelles dans le but d’améliorer le soin et ce que nous allons développer dans la prochaine partie.

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2.4.3 Analyse des pratiques professionnelles, une amorce à la posture réflexive L’analyse des pratiques professionnelles (APP) et un outil essentiel qui vise à amorcer une posture réflexive chez le soignant et dont l’objectif est d’améliorer la qualité des soins.

D’après M. Lamy formateur en analyse de pratiques et selon N. Leon cadre paramédical de santé, formateur à l’institut de formation en soins infirmier, L’analyse des pratiques professionnelles est un outil d’amélioration des pratiques professionnelles mais également une aide à la professionnalisation des personnels soignant. « La verbalisation de son « agir professionnel » entraîne une prise de recul et permet l’amorce d’une réflexion » (M.Lamy &

N.Leon, 2014). Ce que les deux auteurs entendent par le terme de professionnalisation ne réside pas seulement dans le fait d’augmenter ses compétences mais également de revenir sur ses propres pratiques d’une manière réflexive dans le but de les améliorer. Cette posture réflexive selon eux fait partie de ce que l’on attend d’un professionnel soignant. Au vu de l’importance de la professionnalisation dans l’amélioration des soins, les étudiants en soin infirmiers sont dès le début de leur formation sensibilisé à adopter cette posture réflexive. Pour que professionnels et étudiants puisse entreprendre une réflexion sur leur pratique il est nécessaire qu’ils parlent de ce qu’ils font lors d’échange en groupe. Cette méthode socio-constructiviste réside dans l’émergence de questionnement induit par le groupe donnant naissance à de nouvelles réflexions enrichies par la diversité des pratiques. C’est se remettre en question et apprendre par le groupe. « Former des professionnels par et à l’analyse de pratique, grâce à la verbalisation de leur pratique, c’est développer chez eux la « méta-compétence » du « savoir analyser » (M.Lamy & N.Leon, 2014). Le fait de verbaliser une situation professionnelle permet de se mettre à distance et ainsi permettre la réflexivité et une certaine prise de conscience. Les deux auteurs parlent d’un savoir complémentaire le « savoir analyser » induit par des techniques de questionnement, une posture réflexive et une prise de conscience quels que soient les différentes situations. Il existe divers outils en matière d’analyse des pratiques professionnelles portant sur des axes de travails variés. Le premier est le groupe d’entraînement à l’analyse de la situation professionnelle (GEASP), une personne verbalise une action vécue au travers d’une situation, celle-ci permet un questionnement du groupe puis l’émergence de différentes hypothèses de compréhension. C’est un exercice qui s’articule autour d’une situation cherchant à apporter des propositions d’action nouvelle au narrateur et portant à la réflexivité grâce à des façons de faire différentes. Ensuite il y a le groupe d’échange de pratiques professionnelles (GEPP), le but et le même que pour le GEASP seulement le contexte est gommé au profit de la pratique. L’échange du groupe et centré autour de l’agir professionnel

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de chacun, la pratique et au cœur de la réflexion. Pour finir, voici un autre outil de l’APP plus récent, la simulation en santé qui est une méthode pédagogique cherchant à reproduire une mise en situation professionnel au travers d’un scénario réaliste. Cette méthode s’effectue à un ou deux acteurs et elle a pour objectif d’analyser les compétences médico-techniques des personnes comme la pause d’une voie veineuse périphérique ou une ponction veineuse. Les soignants sont filmés lors du scénario et ils peuvent ensuite regarder la vidéo et analyser leur méthode. Pour conclure, il est important d’initier étudiants et professionnels de santé à l’APP dans le souci d’une constante réflexion éthique, visant à l’amélioration de la qualité des soins ainsi qu’à l’adoption d’une pratique réflexive au quotidien. L’analyse des pratiques professionnelles apparait indubitablement comme un outil indispensable à l’émergence d’une pratique qui se veut éthique et réflexive. « L’analyse de pratique renforcent de façon complémentaire la capacité de réflexion, l’identité professionnelle par la réflexion du groupe, le développement de compétences et de la professionnalité. C’est-à-dire la mobilisation des savoirs pour agir efficacement, le perfectionnement est un moyen de progresser » (M.Lamy &

N.Leon, 2014).

2.5 Quels peuvent-être les conséquences lorsqu’on censure la réflexivité

« L’accès au savoir, quand il ne comprend pas une historisation de sa place et ne donne pas espace aux questions éthiques de son usage, peut aboutir à une emprise qui s’avère aussi nocive que l’ignorance. » (Kominck, 2000)

2.5.1 Banalisation de l’humain dans le contexte du soin

« La banalisation de l’humain, c’est l’oubli, au sein des pratiques du quotidien, de l’humanité même de l’humain, de sa singularité, de sa sensibilité » (Hesbeen, Dupuis, &

Gueibe, 2011, p. 19). Ce que l’auteur veut nous dire par cette définition qui selon lui représente la banalisation de l’humain dans un contexte de soin, c’est qu’il est nécessaire d’apporter une attention particulière à la personne que nous prenons en soin. Comme nous l’avons vu précédemment le soin est une attention particulière porter à une personne, une prise en considération de sa singularité et ainsi permettre à la personne de se sentir Homme. Il est donc primordial de ne pas oublier cette notion dans nos pratiques au quotidien afin de leurs donner du sens afin éviter tout risque de maltraitance envers le soignée. Afin de ne pas banaliser

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l’humain dans le système de soin il demeure important d’adopter des principes éthiques permettant de se remettre en question et d’être soucieux du bien-être de la personne prise en soin. Cette philosophie doit être appliqué dans nos pratiques au quotidien avec le souci de respecter et de prendre en considération l’aspect singulier de l’autre. Pour W. Hesbeen, la réflexion éthique apparait comme indispensable et doit guider nos pratiques au quotidien « Elle apparaît comme une condition indispensable pour qu’au sein des équipes se pensent ce qui contribue au bien des hommes et des femmes malades et tout ce qui pourrait conduire à les banaliser » (Hesbeen, Dupuis, & Gueibe, 2011, p. 27).

D’après Michel Dupuis célèbre philosophe et président du comité consultatif de bioéthique de Belgique, « que le mal s’introduise dans le travail quotidien sans vraiment le perturber, voilà un premier trait de la banalisation de l’humain même dans le soin » (Hesbeen, Dupuis, & Gueibe, 2011, p. 33). L’auteur fait référence aux travaux de Hannah Arendt concernent la banalisation du mal11, qui pour lui est un trait de la banalisation de l’humain. Pour résumer si on ne s’interroge pas sur sa pratique, que l’on ne remarque plus la douleur provoquée à l’autre par un soin. Si cette situation ne conduit pas une démarche réflexive dans le but de faire autrement de prendre en compte l’autre et sa douleur, nous banalisons le mal et de ce fait l’humain en souffrance.

L’objectification fait également partie d’un des traits de la banalisation, en effet si l’on instrumentalise l’autre qu’on le considère alors comme objet de soin nous traitons la personne comme une « chose ». M. Dupuis parle de cette objectification de la personne et en fait un des points clefs de la banalisation de l’humain.

Il aborde un autre aspect de la banalisation qu’il nomme la « mêmeté » c’est une façon réductrice de considérer que chaque être est pareil et se ressemble. C’est une manière qui occulte totalement la singularité de chaque être humain et qui de ce fait conduit à le banaliser.

Pour l’auteur « l’humain banaliser change de nature ; d’une certaine façon, il disparaît, il est englouti parmi les choses, il devient en quelque sorte invisible, inaudible, insaisissable.

Devenue ordinaire, c’est-à-dire inséré sans difficulté dans la trame du quotidien » (Hesbeen, Dupuis, & Gueibe, 2011, p. 39).

On constate d’après ces différents auteurs que la banalisation de l’humain dans un contexte de soin va à l’encontre d’une démarche bienveillante. On remarque également que

11 H. Arendt, Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal, Paris, Gallimard, coll. « quarto », 2002

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cette banalisation peut s’installer lorsque que la réflexivité n’intervient pas dans nos pratiques, lorsqu’on ne prend pas du recul sur une situation et que l’on ne considère pas la personne pris en soin comme singulière. Afin de ne pas instrumentaliser l’homme ou la femme en face de nous il advient de donner du sens à sa pratique, d’effectuer au quotidien un travail de considération de l’autre comme être libre et respectable.

2.5.2 Souffrance au travail, notion d’habitude et d’actes automatisés

En effet la réflexivité permet de donner du sens à ce que l’on fait, à se sentir épanoui et satisfait des soins prodiguer au malade chaque jour. Par conséquence, si le soignant ne réfléchis plus ce qu’il fait, dispense tous les soins de la même façon et considère tous les patients comme similaire. Il devient difficile de donner du sens à sa pratique, le soignant ne se sent plus en accords avec ses principes et ses valeurs. Cela entraine une certaine chronicité des actes, une banalisation des soins et de l’humain aboutissant pour le professionnel de santé à un mal être au travail. De plus le soignant n’étant plus en accords avec lui-même, il se créer une forme de discordance en ce qui désire faire et ce qu’il fait. Il se forme alors une sorte de conflit psychique contradictoire entre les valeurs du soignant et son agir entrainant une souffrance professionnelle. « La souffrance éthique, est responsable de la majorité des situations de burn- out, cet état d’épuisement professionnel, psychique et émotionnel, qui provoque très souvent anxiété, dépression, troubles psychologiques, comportements violents, décompensations ou effondrements » (Gineste & Pellissier, 2007). Les deux auteurs expliquent également dans leur ouvrage « La souffrance éthique », que les soignants pour se protéger en arriveraient à banaliser le soin, la souffrance et l’humain. C’est pour eux un mécanisme de défense à cette souffrance.

En ce qui concerne l’habitude, selon JC kauffmann et paru dans le livre des Concepts en sciences infirmières 2ème édition en 2012, « c’est une action quotidienne considéré comme un confort psychologique du rétrécissement des choix, et libérant l’individus de l’infinité de micro-décisions qui lui rendraient la vie impossible ». On constate donc que les habitudes sont à l’opposé de la posture réflexive qui elle ne cherche pas un confort psychologique mais qui au contraire est sans cesse en conflit intrapsychique pour démêler les situations diverses. « Le personnel enserré dans un réseau étroit de priorités et de contradictions, impliqué dans des relations éprouvantes, mets en place des systèmes de défense diversifiés. La routine revêt, en ce sens, un aspect protecteur : la rigidification des attitudes, l’organisation des tâches « à la chaîne » permette de ne pas réfléchir ni de se poser de questions, de maîtriser l’angoisse liée à

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des risque d’interpellation trop intime » (Badey-Rodriguez, 2007). Ce positionnement du soignant dans le but de se protéger va à l’encontre des principes éthiques induit par une posture réflexive et peut même aboutir à de la maltraitance par la banalisation de certains actes et de l’humain. « C’est ainsi que l’on s’ennuie parfois du médecin de famille d’autrefois, celui qui est censé s’occuper de « toute la personne » et il arrive que l’on accuse les spécialistes d’aujourd’hui de traiter une maladie particulière en isolant du reste de l’expérience de vie du patient. De plus, à mesure que la pratique devient tacite et spontanée, le praticien peut rater d’importantes occasions de penser à ce qu’il fait » (Schön, 1994, p. 89). Le travail peut parfois devenir très répétitif pour le soignant, enchainant toilette sur toilette, repas sur repas, coucher sur coucher et s’apparenter à du travail à la chaîne. Pour ne pas tomber dans les dérives de cette

« robotisation du soin » imposé par des contraintes organisationnelles, on mesure l’importance d’une pratique qui se veut éthique émanant de la posture réflexive adoptée par le soignant. La pratique réflexive prend alors, tout son sens.

Pour conclure sur cette partie le soignant est au quotidien confronté à la maladie, la mort, la souffrance, engagé dans des relations éprouvantes. Pour se protéger lui mais également le patient, il doit s’efforcer chaque jour de ne pas tomber dans une « routine », une banalisation, une objectification, qui peuvent entrainer de la maltraitance et une souffrance professionnelle.

Pour cela la réflexivité au quotidien est primordiale afin de donner du sens à sa pratique et ainsi évité toute forme de « culpabilité du soignant ».

2.5.3 Atteinte de l’autonomie, de la dignité du soigné et le risque de déshumanisation

Afin de comprendre le terme de déshumanisation il advient dans un premier temps de définir ce qui fait que l’Homme, est Homme. Pour ce faire nous allons définir trois piliers qui le constitut, l’autonomie, la dignité et la verticalité.

D’après Nathalie Warchol infirmière et cadre de santé « L’autonomie peut se définir comme la capacité d’agir avec réflexion, en toute liberté de choix, mais elle peut être également simplement physique » (Warchol, 2012). Une personne conserve toute son autonomie lorsqu’elle conserve sa liberté dans la prise de décision, ses envies et ses capacités de réflexion.

De ce fait on prive toute personne de son autonomie dès lors ou nous décidons pour lui et ne prenons pas en compte ses choix. C’est une dérive qui peut parfois survenir dans la prise de décision concernant le patient, le soignant pense et choisie pour lui le privant de son autonomie.

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