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Discours. Paris, mardi 14 février Chère Anne Queffélec,

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Discours

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SEUL LE PRONONCE FAIT FOI

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Discours de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, prononcé à l'occasion de la cérémonie de remise des insignes de Commandeur de l’ordre national du Mérite à Anne Queffélec, d'Officier de l'ordre des Arts et des Lettres à Claire Gibault, de Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres à Gaël Darchen.

Paris, mardi 14 février 2012 Chère Anne Queffélec,

Pour reprendre les célèbres pages consacrées à la sonate de Vinteuil dans Un amour de Swann de Marcel Proust, un auteur qui vous est particulièrement cher, il y a un art de mener la mélodie « ici d’abord, puis là, puis ailleurs, vers un bonheur noble, inintelligible et précis ».

Cet art, c’est le vôtre. Vous l’avez perfectionné auprès des plus grands pianistes, comme Alfred Brendel ou Paul Badura-Skoda.

Un art dévoué à un répertoire des plus vastes, depuis Scarlatti jusqu’à Dutilleux - dont vous avez enregistré l’intégrale de l’œuvre pour piano, et pour lesquels vous restituez, à chaque interprétation, la juste intelligence de l’écriture et ce mélange de retenue et de jubilation profonde qu’on ne peut offrir que lorsque la musique est devenue expérience de soi.

« [Swann] avait cherché à recueillir la phrase ou l’harmonie (…) qui passait et qui lui avait ouvert plus largement l’âme », écrit Proust. Le Münchener Zeitung titrait à votre sujet « Anne Queffélec : la découverte d’une âme ».

Telle semble être votre approche de la musique, faite de ferveur, où le rôle de l’artiste semble constamment questionné et dévoué à la rigueur d’un apprentissage jamais achevé, et relève d’une ascèse.

Cette constante exigence et cet amour tenu intact pour la musique doivent beaucoup à une éducation au sujet de laquelle vous exprimez une profonde gratitude à l’égard de vos parents. Une éducation dont vous évoquez avec humour l’aspect « préhistorique » : pas de voiture, pas de télévision, pas de radio, pas d’appareil photo. Nous sommes pourtant bien en plein XXème siècle. A peine un tourne-disque. Mais un piano et des livres, oui, certainement. Votre mère et votre père, le romancier des terres et des eaux bretonnes, Henri Queffélec, vous transmettent dès l’enfance les valeurs de l’art et de l’érudition.

Très naturellement, vous vous tournez vers la musique après une année d’hypokhâgne, et vous intégrez le Conservatoire national supérieur de musique où vous effectuerez des études brillantes, aussi bien en piano qu’en musique de chambre, dont le répertoire vous est tout aussi cher.

Votre entrée en cycle de perfectionnement vous autorise à choisir l’enseignement auprès d’un artiste de renommée internationale, et c’est auprès du grand Alfred Brendel que vous courez Vienne et les premiers concours internationaux comme ceux de Munich en 1968 ou de Leeds une année plus tard, et dont les succès augureront votre carrière internationale de pianiste.

La suite est une série de pays, de villes, de festivals, d’orchestres et de grands noms qui accompagnent vos prestations orchestrales - comme

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John Eliot Gardiner, Pierre Boulez ou Christoph Eschenbach -, un peu partout dans le monde, depuis l’Albert Hall jusqu’aux salles de Tokyo ou de Hong-Kong. C’est un tour du monde des salles de concert et des orchestres des plus prestigieux, où vous jouez pour un public où se côtoient les néophytes et les plus avertis, tous subjugués par la générosité de votre jeu et par la main que vous lui tendez pour plonger dans Beethoven, Ravel, Chopin, Haydn, Schubert, ou bien sûr Mozart.

De tous, peut-être, Mozart est votre préféré, celui que vous appelez

« l’homme de votre vie », celui qui selon vous connaissait tout des « états amoureux ». Vous dites que vous avez à son égard une dette d’amour dont vous ne pourrez jamais vous acquitter ; et que même dans les œuvres apparemment galantes, rien n’est gratuit.

Cette déclaration, vous la reconduisez à chacune de ses mesures, faisant vibrer le piano tour à tour de sonorités de quatuor à cordes ou de clarinette, pour mieux en révéler les variations et la fantaisie, la profondeur et l’humour – jusque dans votre participation à l’enregistrement de la bande originale du film Amadeus de Miloš Forman, sous la direction de Sir Neville Marriner. Vous revenez tout juste, d’ailleurs, d’un tournage pour un documentaire télévisé qui lui est consacré, à Vienne, Prague et Bologne.

Quelques jours auparavant, vous participiez aux « Folles Journées de Nantes », en rendant hommage au répertoire russe. Votre agenda s’annonce toujours aussi rempli pour cette saison où vous participerez à nouveau, et pour notre plus grand bonheur, au Festival de La Roque D’Anthéron, ou encore aux 10èmes Musicales de Blanchardeau avec des partitions plus italiennes et hispaniques.

Alors que vous êtes considérée comme l’une des pianistes les plus populaires de notre pays, d’ailleurs consacrée « Meilleure interprète de l’année » aux Victoires de la musique classique en 1990, il est impossible d’évoquer votre expérience musicale sans rappeler vos exceptionnelles qualités de pédagogue, pour lesquelles vous jouez de générosité, lors de master-class françaises ou japonaises, lors de classes d’été, ou part le biais des innombrables jurys de concours internationaux, auxquels vous prenez si régulièrement part, ou de concours nationaux comme celui de piano d’Ile-de-France que vous présidez depuis 1999.

Vous savez également mettre votre musique au profit des causes des plus louables. Depuis 22 ans, vous êtes présidente de l’association

« Ballades », qui fait découvrir à tous les publics les musiques traditionnelles et qui œuvre également dans les hôpitaux. Vous donnez également des récitals pour le financement de nouvelles thérapies.

Chère Anne Queffélec, votre talent, votre discipline, votre charisme enchanteur à chacune de vos apparitions sur scène, la subtilité et la maestria avec lesquelles vous restituez chaque œuvre, votre lien constant avec le public, votre générosité, sont autant de composantes de cette aura avec laquelle vous rayonnez sur le monde musical, en France et dans le monde.

Chère Anne Queffelec, au nom du Président de la République, nous vous faisons Commandeur de l’ordre national du Mérite.

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Chère Claire Gibault,

Elias Canetti écrivait dans Masse et puissance : « Il n’est pas d’expression plus concrète de la puissance que l’activité du chef d’orchestre ». Cette expression d’autorité aura longtemps été exclusivement dominée par des figures uniquement masculines ; aussi je suis très heureux d’honorer une personnalité dont le talent remarquable aura contribué à modifier cet état de fait.

L’ arrivée des femmes dans le sérail très prisé des chefs d’orchestre fut un événement marquant, tant ce domaine était réservé aux hommes. Vous aimez raconter que France Soir, en juillet 1969, avait titré « Un homme a marché sur la lune », en l’occurrence, Neil Armstrong, et sur la même page en bas à droite : « Une femme a dirigé un orchestre ! » ; cette femme, c’était vous.

Si aujourd’hui la direction d’orchestre s’est heureusement féminisée, c’est aussi parce que vous avez joué le rôle de pionnière dans la reconnaissance du talent artistique face aux préjugés du sexisme. Avec vous, la musique aura contribué à faire évoluer les mœurs.

Dans votre parcours, à travers la musique comme à travers vos responsabilités politiques, vous n’avez eu de cesse de vous engager à la fois pour le statut des femmes et la protection des artistes.

Après un premier prix de violon et de musique de chambre au Conservatoire du Mans avant d’entrer au Conservatoire national supérieur de Paris où vous obtenez les premiers prix Direction d’orchestre, Harmonie, Fugue et Contrepoint, vos débuts révèlent très vite le grand chef d’orchestre que l’on reconnaît aujourd’hui dans le monde entier.

De 1976 à 1983, vous êtes la directrice musicale de l’Orchestre de chambre de Chambéry, puis de 1983 à 1989, l’assistante de John Eliot Gardiner, alors directeur musical de l’Orchestre de l’Opéra national de Lyon. En 1995, vous devenez la première femme à diriger l’orchestre de La Scala à l’occasion de la création de l’opéra La Station Thermale de Fabio Vacchi, sur un livret de Myriam Tanant. Vous serez chargée de la direction de l’Atelier lyrique et de la Maîtrise de l’Opéra de Lyon de 1991 à 1998, où vous assurerez notamment la direction de Pelléas et Mélisande, du Barbier de Séville, de L’Enlèvement au sérail, de Roméo et Juliette de Berlioz, de l’Orfeo de Monteverdi, des Brigands d’Offenbach, ou encore d’Iphigénie en Tauride de Gluck, pour ne citer que quelques unes de vos interprétations marquantes.

À l’aise dans tous les répertoires, du baroque jusqu’à Ravel ou Bernstein, vous avez néanmoins une prédilection - vous aussi - pour Mozart. Lorsque de 2000 à 2002 vous devenez directrice musicale de Musica per Roma, où vous créez Il Laboratorio Voci in Musica, vous y présentez Hänsel et Gretel de Humperdinck, le Comte Ory de Rossini, ou encore Marie Stuart de Donizetti, tout en réservant une place de choix aux opéras mozartiens - Les Noces de Figaro, La Clémence de Titus, Mithridate, Idoménée, Cosi fan tutte - ainsi qu’à ses Singspiele comme Bastien et Bastienne, L’enlèvement au sérail, Le Directeur de théâtre, Zaïde, ou encore La Flûte enchantée.

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Parmi les rencontres qui furent pour vous déterminantes, on trouve Claudio Abbado ;il y a également, tant pour votre cheminement personnel que pour votre rapport à la direction d’orchestre, le Père Syméon, un moine orthodoxe. Deux personnalités qui vous donneront des interprétations différentes et complémentaires du mot « perfection ».

Le premier vous aidera à développer votre réflexion musicale ; vous l’assistez pour Pelléas et Mélisande au Royal Opera House, à la Scala et à l’Opéra de Vienne, et devenez son adjointe pour l’ensemble dont il est à l’origine, l’Orchestre Mozart de Bologne, de 2004 à 2007. Le second consolidera la générosité et l’humilité qui vous caractérisent tant, et qui font de vous une interprète aimée et respectée.

Vous dirigez des orchestres prestigieux dans le monde entier à l’instar de l’Orchestre Philarmonique de Berlin, du Philarmonique de Copenhague et de l’Orchestre de l’Opéra de Washington, avec notamment le grand Placido Domingo dans le rôle-titre d’Idoménée.

Je ne peux résumer votre parcours tant il est aussi riche qu’éclectique ; il sort pourtant des sentiers battus, car en dehors d’être un chef d’orchestre reconnu, vous avez mené votre engagement hors les murs des théâtres et des salles de concerts : sur la scène du Parlement européen.

A l’occasion des élections européennes en 2004, vous vous présentez aux côtés de Michel Mercier pour le Modem. Vous êtes élue au Parlement européen, où vous serez également membre de la commission de la Culture et de l’Education. Durant votre mandat, vous œuvrez pour les intermittents, le droit des femmes et des enfants. Vous avez été rapporteur d’un projet sur le statut social des artistes en Europe et sur l’égalité de traitement et d’accès entre les hommes et les femmes dans les arts du spectacle.

Ces questions ont été également au cœur de votre engagement au sein de la commission des Droits de la femme et de l’Egalité des genres, dans les dossiers relatifs aux femmes et à la pauvreté, à la conciliation de la vie professionnelle et familiale, ainsi qu’aux femmes migrantes.

En 2008, en dirigeant à Strasbourg le Concert de clôture de la Présidence française de l’Union Européenne avec l’Orchestre Philarmonique de Slovaquie dans un programme dédié à Berlioz, avec la cantatrice Anna Caterina Antonacci, vous avez donné une très belle illustration de cette double casquette que vous portez avec tant de passion et de conviction.

Depuis décembre 2010 vous êtes membre du Conseil économique, social et environnemental, où vous êtes vice-présidente de la Section Culture et Education.

Lorsque vous retournez à votre premier métier en 2009, vous décidez de créer votre propre orchestre, le Paris Mozart Orchestra, qui poursuit en musique vos engagements sociaux, en se produisant aussi bien dans des salles de prestige qu’en prison ou dans les hôpitaux.

Par votre talent, par votre détermination et votre altruisme, vous faites partie de celles qui, parmi les grands noms de la musique classique, se sont mises au service à la fois des œuvres, des droits des artistes et des droits de la femme. « Par la force de la musique nous traversons joyeux la

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sombre nuit des épreuves », chantent Pamina et Tamino dans La Flûte enchantée : c’est nourrie de ces réflexions que vous êtes devenue une voix de progrès.

Chère Claire Gibault, au nom de la République française, nous vous faisons Officier de l’ordre des Arts et des Lettres.

Cher Gaël Darchen,

Depuis plus de deux décennies, vous consacrez votre passion pour les voix d’enfants à des projets de formation musicale et scénique. A la tête de la Maîtrise des Hauts-de-Seine depuis vos vingt neuf ans, vous avez hissé cette institution au rang des plus demandées et des plus attractives de France. Reconnu comme un grand spécialiste des voix d’enfants, votre talent de chef de chœur et de directeur a permis à la Maîtrise de devenir une référence en matière de chœur d’enfants.

Pianiste et trompettiste de formation, vous vous orientez très rapidement vers la direction de chœur au début des années 1990 ; vous commencez par diriger des ensembles d’adultes. Animé par une sensibilité particulière pour les voix d’enfants, vous devenez donc en 1999 directeur de la Maîtrise des Hauts-de-Seine, créée en 1985 par le Conseil général des Hauts-de-Seine afin de former gratuitement au chant choral des garçons et des filles âgés de 8 à 16 ans. Avec 450 enfants conciliant leur scolarité et leur vie de choriste, issus de toutes les catégories sociales, auxquels vous avez joint un ensemble vocal féminin et un chœur d’hommes, vous êtes à la tête d’une remarquable institution musicale, riche de sa variété et des multiples talents qui la composent.

Votre approche pédagogique repose sur la prise en considération des compétences et des faiblesses de chacun, afin de pouvoir valoriser à la fois les qualités intrinsèques de chaque choriste et l’harmonie de l’ensemble. Vous composez avec la matière vocale de tous, sans omission. Vous savez en outre jouer des parcours et des personnalités, afin de permettre l’épanouissement de chacun dans le plaisir du chant.

Devenue en 1995 le chœur d’enfants de l’Opéra de Paris en 1995, la Maîtrise des Hauts-de-Seine a attiré les collaborations les plus prestigieuses : James Conlon, Seiji Ozawa, Valery Gergiev, José van Dam, Roberto Alagna, Nathalie Dessay ou encore Felicity Lott. Avec vos jeunes ambassadeurs de la musique vocale française, vous avez parcouru le monde entier, pour des représentations dans les hauts lieux de la scène musicale et lyrique mondiale, depuis l’Egypte ou le Costa Rica jusqu’à la Basilique Saint-Pierre de Rome ou le Palais de l’Escurial, en passant par les Opéras de Bordeaux ou de Lille, ou encore les sites antiques de Palmyre ou de Baalbek. On ne dénombre plus les festivals auxquels vous êtes invité.

Vous donnez à entendre aussi bien le répertoire classique, avec Pergolèse, Bach, Mozart, Poulenc, Delibes, de l’oratorio à l’opéra, en vous ouvrant également aux comédies musicales et aux musiques de films, comme pour Blueberry ou encore aux jeux vidéo, avec Obscure. Savante, éclectique, moderne, la Maîtrise des Hauts-de-Seine séduit autant par sa virtuosité que par son originalité.

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Cette maîtrise c’est à un formateur, un pédagogue, un chef et un artiste de votre exigence et de votre talent qu’elle doit son rayonnement exceptionnel. Je suis très heureux que nous puissions vous écouter ce soir à l’issue de cette cérémonie, et je tiens à saluer chaleureusement chacun des choristes pour ce moment musical d’exception que vous allez nous offrir.

Cher Gaël Darchen, au nom de la République française, nous vous faisons Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres.

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