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U dvûf OTTAWA

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Texte intégral

(1)

U dVûf OTTAWA

39003000-122807

(2)

^

(3)

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by

the Internet Archive

in 2011 with funding from Universityof Toronto

littp://www.arcliive.org/details/lettredefnelonOOfn

(4)
(5)

LETTRE

DE FÉNÉLON

A

LOUIS XIV.

(6)
(7)

LETTRE

r jr

DE FENELON

LOUIS XIV

^

BIBUOTHEQUes%

PARIS,

ANTOINE- AUGUSTIN RENOUARD.

M

DCCCXXV.

JMPKIMÉ CHEZ PAUL UENOCAHD,

(JtBDSl.'lllKpSDïLJ.B,». 22,

B'BUOTHtCA

J^/ensis^^^

(8)
(9)

AVERTISSEMENT.

On nu

l'ignoroit point l'existence d'une lettre de Fénélon, contenant detrèsvives représentations et remontrances à Louis XIV, mais cette pièce re-

marquable nétoit connue que par des copiesdont rien n'établissoit l'authenticité, et qui ne prou- voient point d'une manière incontestable qu'elle appartînt à l'immortel auteur de Télémaque.

Une

minute de cette lettre, entièrement de la main de Fénélon, mentionnée, il est vrai, par D'Alembert, dans ses notes sur l'Eloge de Fénélon , mais en- sevelie et

comme

perdue dans le cabinet d'un cu- rieux*,vient d'être

, pour ainsi dire, révélée au

*Cettelettreoriginaleétoit tellementinconnue que M. le cardinalBausset, dans son Histoirede Fénélon, dit positive- ment :«Lemanuscrit original n'existe point. M. D'Alembert

'n'aeu connoissanceque delamême copie quiest entre nos

Imains,etquilui futcommuniquéeilyatrente-huitans,»Do

(10)

AVRUTISSEMKM.

publicpar sonapparition dans une vente delivres.

J'enai faitl'acquisition*, et une pièce de cette ini-

cequ'iln'apuenvoirl'original,M.de Baussettirecettecon- clusion,devenue fausse jjarle fait

,Querien n'estmoins au- thentiqueque cettelettre publiéepar D'Alembert,et qu'ilne croit pas devoir l'attribuer indiscrètement àFénélon.Voyez

HistoiredeFéntlon, tom.I, pag. 394-5-6.

Voltairenonplus,necroyoitpasà l'authenticitédecet écrit; illetémoigne dansune lettreàCondorcet,non imprimée, et

queje viensdevoirchezM. le général O'Connor,gendre de Condorcet,etcetitre,propriétairedesespapiers,etdeceux deD'Alembert.

J'y aivuaussila copiemanuscrite quiaservi à la première impressiondela lettrede Fénélon.En marge de cette copie, etdelamainde D'Alembert, sont lesnotesqu'il aimprimées aveccettelettre.Danslapremièredecesnotesmanuscrites,on

lit:L'originalque nous avons vu estécrit,toutentierdelamain de Fénélon,phraseque D'Alembert n'apointimprimée. 3'ignore quelle raisonilapuavoirdelasupprimer dans sonlivre;mais, ce qui est certain, et que je viens de voir de mes prt)pres yeux,c'estqu'elleestécritedesamaindanslanote.Condorcet, dansunelettreàVoltaire,ditaussi:Lemanuscritexiste.D'Alem- bertet Condorcetl'avoient doncvu. Au reste, ceprocès est terminé,puisquelapièce originaleestmaintenantproduite.

*Le26 février iSaS,i'ilaventedeslivresdefeuM.Gentil, à Paris.

(11)

AVEKTISSEMENT. r

.portance étant impérieusement réclamée par l'iiis-

toire,j'aicru devoirm'empresser delapubliersous

ladoubleformed'une édition de quelque luxe*qui fût une sorte d'hommage rendu à son illustre au- teur,eten

même

tempsdecetteseconde impression

,

non moins soignée, mais d'un bien plus bas prix, et susceptible, surtout, d'êtreajoutée àlasuitedes éditionsin-8*^ de Télémaque etdes diverses œuvres de Fénélon.

Au

haut de la première des vingt-quatre pages dontsecompose lemanuscrit original,est écritela

notesuivante, dela main du marquis de Fénélon,

petit neveu de l'auteur, celui qui, en Hollande

,

a fait faire l'édition in-4° et in-folio de Télémaque

et des OEuvres spirituelles.

Minutted'unelettredeM. Labbéde Fenelon au Rojr, aqui ellefutremisedansletempsparItl.leD.deD. etquiloindes'en indisposer, choisit au contrairequelquetemps aprèscet abbt- pourprécepteur des princessespetitsEnfants. Cette minutteest touttedelescrituredeM. Labbéde Fenelon depuis archevesque

deCambray

.

Cettenote n'estpoint exacte.Fénélon étoit, dès l'année 1689, précepteur de M. le duc de Bour-

*Mapremière édition est en grand papiervélin,d'unplus gros caractère,etavecles portraitsdeLouisXIV et Fénélon.

(12)

8 AVERTISSEMI-M.

gogne; et sa lettre faisant mention de Louvois

comme

n'existant plus, n'a pu t^tre écrite qu'après la mortde ceministre, arrivéele i6juillet i6"8i. Il

est probable qu'elle est de 1694, année dans la-

quelle la cherté du pain occasionna plusieurs émeutes.

On

trouvera à la suite de cette Lettre le

même

fac-similé qui est dans la grandeédition, etqui re-

présente avec exactitude la première page du ma-

nuscrit,

ANT. AUG. RENOUARO.

Paris,le 10mai 1825.

(13)

LETTRE

r r

DE FENELON

LOUIS XIV.

J-jA personne, Sire, qui prend la liberté de vous écrire cette lettre, n'a

aucun

intérêt en ce

monde.

Elle ne l'écrit ni par chagrin, ni par ambition, ni par envie de se mêler des grandes affaires. Ellevous aime sans êtrecon-

nue

de vous; elle regarde Dieu en votre per- sonne. Avec toute votre puissance vous ne pouvez lui

donner aucun

bien qu'elle désire

,

et il n'yaaucun

mal

qu'ellenesouffrît de

bon

cœur pour

vous faire connoître les vérités

(14)

lo 1,1 ni;I Di: Fi;Ni;r/)\

néccssaii-es à votre salut. Si elle vous parle fortement, n'en soyez pas étonné, c'est

que

la vérité est libre et forte.

Vous

n'êtes guère

accoutumé

à l'entendre. Les gensaccoutumés à êtreflattés prennent aisémentpour chagrin

,

pour

âpreté. et pour excès, ce qui n'est

que

lavéritétoute pure. C'est la trahir,

que

dene vous la

montrer

pas dans toute son étendue.

Dieu est témoin

que

la personne qui vous parle le fait avec

un cœur

plein de zèle, de respect, de fidélité , et d'attendrissement sur tout ce qui regarde votre véritable intérêt.

Vous

êtes né, Sire, avec

un cœur

droit et équitable; mais ceux qui vous ont élevé, ne vous ont

donné pour

science de gouverner

que

la défiance, la jalousie, l'éloignement de

la vertu, lacrainte detout mérite éclatant, le

goût des

hommes

souplesetrampants, la hau- teur, et l'attention àvotre seul intérêt.

Depuis environ trente ans vos principaux ministres ont ébranlé et renversé toutes les

anciennes

maximes

de l'État, pour faire

mon-

(15)

\ LOLIS XIV. 1 t

ter jusqu'au

comble

votre autorité, qui étoic

devenue la leur parce qu'elle étoit dans leurs mains.

On

n'a plus parlé de l'État ni des rè- gles; on n'a parlé

que du

Roi et de son

bon

plaisir.

On

a poussé vos revenus et vos dé- pensesà l'infini.

On

vous aélevéjusqu'au ciel

pouravoir effacé,disoit-on,lagrandeur detous vosprédécesseurs ensemble, c'est-à-dire

pour

avoir appauvri la France entière, afin d'intro- duire à la cour

un

luxe

monstrueux

et incu- rable. Ils ont voulu vous élever surles ruines de toutes les conditions de l'État,

comme

si

vous pouviez être grand en ruinant tous vos sujetssurqui votre grandeurestfondée. Ilest vrai

que

vous avez été jaloux de l'autorité, peut-être

même

tropdans les chosesextérieu- res; mais pour le fond chaque ministre a été lemaîtredansl'étenduedesonadministration.

Vous

avez crugouverner,parce

que

vousavez réglé les limites entre ceux qui gouvernoient.

Usont bien

montré

au public leurpuissance

,

et

on

ne l'a que trop sentie. Us ont été durs,

(16)

12 LETTRE DE FÉNÉLOJV

hautains, injustes, violents, de mauvaise foi.

Ils n'ont

connu

d'autre règle, ni

pour

l'admi- nistration

du

dedans de l'État, nipour les né- gociations étrangères,

que

de

menacer

,

que

d'écraser,

que

d'anéantirtout ce qui leur ré- sistoit. Ilsne vous ontparlé

que pour

écarter de voustout mérite qui pouvoitleur faire

om-

brage. Ilsvous ont

accoutumé

à recevoir sans cesse des louanges outrées qui vont jusqu'à l'idolâtrie, et

que

vous auriezdû,

pour

votre

honneur,

rejeteravecindignation.

On

arendu votre

nom

odieux, et toutela nationfrançoise insupportable à tous nos voisins.

On

n'a con- servé

aucun

ancienallié

, parcequ'onn'avoulu

que

des esclaves.

On

a causé depuis plus de vingt ans des guerressanglantes. Par exemple

,

Sire,

on

fit entreprendre àVotre Majesté,en 1672 , laguerre de Hollande

pour

votre gloire et

pour

punir les Hollandois, qui avoient fait

quelque raillerie, dans le chagrin où

on

les avoitmis en troublantles règles du

commerce

établiesparlecardinal deRichelieu. Je cite eTi

(17)

A LOUIS XIV. J3 particulier cetteguerre

, parce qu'elle a été la source de toutes les autres. Elle n'a eu

pour fondement

qu'un motif de gloire et de ven- geance , ce qui ne peut jamais rendre

une

guerre juste; d'où il s'ensuit que toutes les frontières

que

vous avez étendues par cette guerre sont injustement acquises dans l'ori- gine. Il est vrai, Sire

,

que

les traités de paix subséquents semblentcouvrir et réparer cette injustice, puisqu'ils vous ont

donné

les places conquises : mais

une

guerre injuste n'en est pas

moins

injuste pour être heureuse. Les

traités de paix signés par les vaincus ne sont point signés librement.

On

signe le couteau sous la gorge :

on

signe malgré soipour éviter de plus grandes pertes :

on

signe,

comme on donne

sa bourse,

quand

il la faut donner

ou

mourir. Il faut donc, Sire, remonter jusqu'à cette origine de la guerre de Hollande pour examiner devant Dieu toutes vos conquêtes.

Il est inutile de dire qu'elles étoient néces- saires à votre État : le bien d'autrui ne nous

(18)

l4 LETTRP l)i; riCNKLON

est jamais nécessaire, (le qui nous est vérita- l)lement nécessaire,c'c^std'observer

une

exacte justice. Il ne faut pas

même

prétendre

que

vous soyez en droit de retenir toujours cer- taines places, parce qu'elles servent à la sû- reté de vosfrontières. C'est à vous à chercher cettesiiretépar de

bonnes

alliances, par votre modération,

ou

par les places

que

vous pou- vez fortifier derrière;mais enfin, le besoinde

veillerànotre sûreténe nous

donne

jamais

un

titre de prendrela terredenotre voisin. Con- sultez là-dessusdes gensinstruits etdroits; ils

vousdiront

que

ce

que

j'avanceest clair

comme

lejour.

En

voilà assez, Sire,

pour

reconnoître

que

vousavez passé votrevieentière hors

du

che-

min

de la vérité et de lajustice, et par con- séquent hors de celui de l'Evangile. Tant de troubles affreux qui ont désolétoute l'Europe depuis plus de vingt ans, tant de sang ré-

pandu,tantdescandales

commis,

tantde pro- vinces saccagées, tant de villes et de villages

(19)

A LOUIS XIV. l5 mis en cendres, sont les funestes suites de

cette guerre de 1672, entreprise

pour

votre gloireet

pour

la confusion des faiseurs de ga- zettes et demédailles de Hollande.Examinez, sans vous flatter, avec des gens de bien, si

vouspouvezgarder tout ce

que

vouspossédez en conséquencedestraitésauxquels vousavez réduit vos ennemis par

une

guerre si

mal

fondée.

Elle est encore la vraie source de tous les

maux que

la France souffre. Depuis cette guerre vous avez toujours voulu donner la

paix en maître, et imposer les conditions, au

lieu de les régler avec équité et modération.

Voilà ce qui fait

que

lapaix n'a

pu

durer.

Vos

ennemis, honteusementaccablés, n'ont songé qu'à se relever et qu'à se réunir contre vous.

Faut-ils'enétonner?vousn'avezpas

même

de-

meuré

dans les termesde cette paix

que

vous aviez donnée avec tant de hauteur.

En

pleine

paixvous avez fait la guerre et des conquêtes prodigieuses.

Vous

avezétabli

une chambre

des

(20)

i6 LETTRE DE FENELON

réunions pourêtretoutensemble jugeet par- tie: c'étoit ajouter l'insulte et ladérisionà l'u-

surpation et àla violence.

Vous

avez cherché dans le traitéde Westphalie des termes équi- voques

pour

surprendre Strasbourg. Jamais

aucun

devosministres n'avoit osé depuis tant d'années alléguer ces termes dans aucune né- gociation

, pour montrer

que

vous eussiez la

moindre

prétention sur cette ville.

Une

telle

conduitearéuniet

animé

toutel'Europe contre vqus.Ceux

mêmes

qui n'ont pas osése déclarer ouvertement souhaitent

du moins

avecimpa- tience votre affoiblissement et votre humilia- tion,

comme

laseule ressource

pour

laliberté et pour le repos de toutes les nations chré- tiennes.

Vous

qui pouviez, Sire,acquérirtant de gloire solide et paisible à être le père de vos sujets et l'arbitre de vos voisins,

on

vous a

rendu

l'ennemi

commun

de vos voisins, et

on

vous expose à passer

pour un

maître dur dans votre royaume.

Le

plus étrange effet de ces mauvais con-

(21)

A LOUIS XIV. ly seils, est la durée de la ligue formée contre vous. Les alliés aiment

mieux

faire la guerre avec perte

que

de conclure lapaix avec vous, parce qu'ils sont persuadés, sur leurpropre expérience,

que

cette paixne seroitpoint

une

paix véritable,

que

vous ne la tiendriez

non

plus

que

les autres, et

que

vous vous en ser- viriez

pour

accabler séparément sans peine chacun de vos voisins dès qu'ils se seroient désunis. Ainsi plus vous êtes victorieux, plus

ils vous craignent et seréunissent

pour

éviter l'esclavage dont ils se croient menacés.

Ne

pouvant vous vaincreils prétendent

du moins

vous épuiser àla longue. Enfin ils n'espèrent plus de sûreté avec vous qu'en vous mettant dansl'impuissancedeleur nuire.Mettez-vous.

Sire,

un moment

en leur place, et voyez ce

que

c'est

que

d'avoirpréférésonavantage àla justice et à la

bonne

foi.

Cependant vos peuples,

que

vous devriez aimer

comme

vos enfants, et qui ontétéjus- qu'ici si passionnés

pour

vous,

meurent

de

(22)

10 LETTHi: DE FENELON

faim.

La

culture des terres est presque aban- donnée; les villes et la

campagne

se dépeu- plent; tous lesmétiers languissent etne nour- rissent plus les ouvriers.

Tout commerce

est anéanti. Par conséquent vous avez détruit

h

moitié des forces réelles

du

dedans de votre état,

pour

faire et

pour

défendre de vaines conquêtes au dehors.

Au

lieu de tirer de l'ar-

gent de ce pauvre peuple, il faudroit lui faire

l'aumône et lenourrir.

La

Franceentièren'est plus qu'un grandhôpital désolé etsans provi- sion. Les magistrats sont avilis et épuisés.

La

noblesse, dont tout le bien est en décret, ne

vit

que

de lettres d'état.

Vous

êtes importuné delafouledes gens qui

demandent

etqui

mur-

murent. C'est

vous-même,

Sire,quivous êtes attiré tous ces embarras; car,toutle

royaume

ayant été ruiné, vous avez tout entre vos mains, etpersonne ne peut plus vivre

que

de vos dons. Voilà ce grand

royaume

si florissant sous

un

roi qu'on nous dépeint tous lesjours

comme

les délices

du

peuple, et quileseroit

(23)

A LOUIS XIV. 19 en effet si les conseils flatteurs ne l'avoient point empoisonné.

Le

peuple

même

( ilfaut tout dire

) quivous a tant aimé, qui a eu tant de confiance en vous,

commence

à perdre l'amitié, la con- fiance,et

même

lerespect.

Vos

victoires etvos conquêtes ne le réjouissent plus; il est plein d'aigreur etde désespoir.

La

séditions'allume peu-à-peu de toutesparts. Ils croient

que

vous n'avezaucunepitiédeleurs

maux, que

vousn'ai-

mez que

votreautoritéetvotregloire. SileRoi

,

dit-on,avoit

un cœur

depère

pour

son peuple,ne mettroit-ilpas plutôtsagloire àleurdonner

du

pain,etàles fairerespireraprèstantde

maux

,

qu'à garder quelques places de la frontière qui causent la guerre? Quelleréponse à cela, Sire? Les émotions populaires qui étoient in-

connues depuis si long-temps deviennent fré- quentes.Paris

même

, siprès devous, n'enest pas exempt. Lesmagistrats sont contraints de tolérer l'insolence desmutins et defaire cou-

ler sous

main

quelque

monnoie pour

les apai-

(24)

20 LlîTTUE DE FL.NELOIV

ser; ainsi

on

paie ceux qu'il fauclroit punir.

Vous

êtes réduit à la honteuse et déplorable extrémité,

ou

de laisser la sédition impunie

,

et de l'accroître par cette impunité ,

ou

de

faire massacrer avec inhumanité des peuples

que

vous mettez au désespoir, en leur arra- chant , par vos impôts

pour

cette guerre, le

pain qu'ils tâchent de gagner à la sueur de leurs visages.

Mais , pendant qu'ils

manquent

de pain

,

vous

manquez vous-même

d'argent, et vous ne voulez pas voir l'extrémité où vous êtes ré- duit. Parce

que

vous avez toujours été heu- reux, vous ne pouvez vous imaginer

que

vous

cessiezjamaisdel'être.

Vous

craignez d'ouvrir

les yeux; vous craignez qu'on ne vous lesou- vre; vous craignez d'être réduit à rabattre quelquechosedevotregloire.Cette gloire, qui endurcit vôtre

cœur,

vous est plus chère

que

lajustice,

que

votre propre repos,

que

lacon- servation devospeuples quipérissent tous les

jours des maladies causées par la famine,enfin

(25)

A LOUIS XIV. 21

que

votresalutéternel incompatible aveccette idole de gloire.

Voilà, Sire, l'état

vous êtes.

Vous

vivez

comme

ayant

un

bandeau fatal sur les yeux; vous vousflattez sur lessuccèsjournaliers qui ne décident rien, et vous n'envisagez point d'une vue générale le gros des affaires qui

tombe

insensiblement sansressource.Pendant

que

vous prenez , dans

un

rude

combat

, le

champ

de bataille et le canon de l'ennemi, pendant

que

vous forcez les places, vous ne songez pas

que

vouscombattez sur

un

terrain qui s'enfonce sous vos pieds,et

que

vousallez

tomber

malgré vos victoires.

Tout

le

monde

levoit, etpersonnen'osevous

lefaire voir.

Vous

leverrezpeut-êtretroptard.

Le

vraicourage consiste àne sepointflatter,et àprendre

un

partifermesurlanécessité.

Vous

ne prêtez volontiers l'oreille, SiRE,*^u'à ceux quivousflattentdevaines espérances.Lesgens

que

vousestimez lesplussolidessontceux

que

vouscraignez et

que

vous évitezleplus.Il fau-

(26)

22 LI-TTHi: DE FKNI-LON

droit allerau-devantdela véritépuisque vous êtes roi, presser les gens de vous la dire sans adoucissement, et encourager ceux qui sont troptimides.

Tout

au contraire,vous ne cher- chez qu'à ne point approfondir; mais Dieu saura bien enfin lever le voile qui vous cou- vre les

yeux

, et vous montrer ce

que

vous évitez devoir. Ily a long-tempsqu'iltientson braslevésurvous: maisilestlentàvous frap- per, parce qu'il a pitié d'un prince qui a été toute sa vieobsédé de flatteurs, etparce que,

d'ailleurs, vos ennemis sont aussi les siens.

Maisilsaurabien séparer sa causejusted'avec

lavôtrequinel'estpas, etvoushumilier

pour

vousconvertir; carvous neserez chrétien

que

dans l'humiliation.

Vous

n'aimez point Dieu

,

vous ne le craignez

même que

d'une crainte d'esclave;c'estl'enfer et

non

pasDieu

que

vous craignez. Hotre religion ne consiste qu'en su- perstitions, enpetitespratiques superficielles.

Vous

êtes

comme

les juifs dont Dieudit:Pen- dant qu'ils in honorent des lèvres, leur

cœur

(27)

A LOUIS XIV. a 3 est loin de moi.

Vous

êtes scrupuleux sur des bagatelles, et endurci sur des

maux

terribles.

Vous

n'aimez

que

votre gloire et votre

com-

modité.

Vous

rapportez tout à vous

comme

si

vous étiez le Dieu de la terre, et

que

tout le resten'eût étécréé

que pour

vousêtresacrifié.

C'est, au contraire, vous

que

Dieu n'a mis au

monde que pour

votre peuple.Maishélas!vous ne

comprenez

point ces vérités.

Comment

les goûteriez-vous?vousneconnoissez point Dieu, vous ne l'aimez point, vous ne le priez point

du cœur,

et vous ne faites rien

pour

le con- noître.

Vous

avez

un

archevêque*

corrompu,

scan- daleux, incorrigible, faux, malin, artificieux ,

ennemi

de toute vertu, et qui faitgémir tous les gens de bien.

Vous

vous en

accommodez

parce qu'il ne songe qu'à vous plaire par ses flatteries. Ilya plusdevingtans qiHbnprosti-

* Harlay de Chanvallon, alorsarchevêque de Paris, mort en 1695.

(28)

2 4

LETTUli l)i; FÉJSliLON

tuant son honneur,iljouitdevotre confiance.

Vous

luilivrez les gens de bien,vous lui lais- sez tyranniser l'Église, et nul prélat vertueux n'est traité aussi bien

que

lui.

Pour

votreconfesseur *, il n'estpas vicieux

,

mais il craint la solide vertu, et iln'aime

que

les gens profanes et relâchés : il est jaloux de son autorité

que

vousavez pousséeau-delàde toutes les bornes. Jamais confesseurs des rois n'avoient fait seuls les évéques, et décidé de toutesles affaires de conscience.

Vous

êtesseul en France, Sire, à ignorer qu'il ne sait rien,

que

son espritestcourt etgrossier, et qu'ilne

laisse pas d'avoir son artifice avec cette gros- sièreté d'esprit. Les Jésuites

même

le mépri-

sent, et sont indignés de le voir si facile à l'ambition ridiculedesafamille.

Vous

avezfait d'un religieux

un

ministre d'État; ilnesecon<«

noît

poinPen hommes, non

plus qu'en autre chose. Ilestla

dupe

detous ceuxquileflattent

* Le P.LaChaise.

(29)

A LOUIS XIV. l5

et lui font de petits présents. Il ne doute ni n'hésitesuraucune questiondifficile.

Un

autre

très droit et très éclairén'oseroit déciderseul.

Pour

lui il ne craint

que

d'avoir à délibérer avec des gens qui sachentles règles. Ilva tou- jourshardimentsanscraindre devouségarer;

ilpenchera toujours aurelâchement, etàvous entretenir dans l'ignorance.

Du moins

il ne penchera auxpartis conformesauxrègles

que quand

il craindra de vous scandaliser. Ainsi, c'est

un

aveugle qui en conduit

un

autre, et

,

comme

ditJésus-Christ,ils tomberonttous

deux

dans lafosse.

Votre archevêque et votre confesseur vous ontjetédans les difficultésdel'affairedela ré- gale, dans les mauvaises affaires de

Rome;

ils vousontlaissé engager parM. de Louvoisdans celle de Saint-Lazare, et vous auroient laissé

mourir dans cette injustice, si M. de Louvois eûtvécu plus

que

vous.

On

avoit espéré, Sire ,

que

votre conseil voustireroitdece

chemin

siégaré;maisvotre

(30)

iG i,i:ttrl dk i'ljniîlon

conseiln'a ni force nivigueurpourle bien.

Du moins madame

de

M.

et M. le D. de B. * de- voient-ils se servir de votre confiance en eux

pour

vous détromper; maisleur foiblesse et leur timidité les déshonorent et scandalisent tout le

monde. La

.Franceestauxabois; qu'at- tendent-ils

pour

vous parlerfranchement?

que

toutsoitperdu!Craignent-ilsdevousdéplaire?

ils ne vous aiment

donc

pas; car il faut être prêt à fâcher ceux qu'on aime plutôt

que

de

les flatter

ou

de les trahir par son silence.

A

quoi sont-ils

bons

, s'ils ne vous montrent pas

que

vous devez restituer les pays qui ne sont pas à vous, préférer la vie de vos peuples à

une

fausse gloire, réparer les

maux que

vous avezfaitsàl'Eglise, etsongeradevenir

un

vrai chrétien avant

que

la

mort

vous surprenne?

Je sais bien que,

quand on

parle avec cette liberté chrétienne,

on

court risque de perdre

la faveur des rois. Maisvotre faveur leur est-

*Madamede MaintenonetM.leDucdeBeauvilliers.

(31)

A LOUIS XIV. 27

elle plus chère

que

votre salut? Je sais bien aussi qu'ondoitvousplaindre, vousconsoler, voussoulager,vousparler aveczèle, douceur

et respect; mais enfin il faut dire la vérité.

Malheur,

malheur

à euxs'ils ne la disentpas;

et

malheur

à vous sivous n'êtespas digne de l'entendre! Il est honteux qu'ils aient votre confiance sansfruitdepuistant detemps.C'est àeux àse retirersivous êtestrop

ombrageux

,

etsivous nevoulez

que

desflatteursautour de vous.Vousdemanderezpeut-être,Sire,qu'est-ce qu'ils doivent vousdire; le voici : ils doivent vousreprésenterqu'il fautvoushumilier sous la puissante

main

de Dieu, si vous ne voulez qu'ilvoushumilie; qu'ilfaut

demander

lapaix et expier par cette honte toute la gloire dont vousavezfaitvotre idole;qu'il faut rejeterles conseils injustesdespolitiquesflatteurs

;qu'en- fin il faut rendre

au

plus tôt à vos ennemis

pour

sauverl'Etat, desconquêtes

que

vous ne pouvezd'ailleursretenirsansinjustice.N'êtes- vous pas tropheureux dansvosmalheurs,

que

(32)

t8 LETTRE DE FENELON A LOUIS XIV.

Dieu fasse finir les prospérités qui vous ont aveuglé, et qu'il vous contraigne de faire des restitutions essentielles à votre salut ,

que

vous n'auriez jamais

pu

vous résoudre à faire

dans

un

étatpaisible et triomphant?

La

per- sonne qui vous ditcesvérités, Sire, bien loin d'être contraire à vos intérêts, donneroit sa vie

pour

vousvoir tel

que Dieu

vousveut, et elle ne cesse de prier

pour

vous.

,:^^*!g^Versitas

^^

(33)
(34)

La Bibliothèque Université d'Ottawa

Echéance

UltHAa032(|{l ùiù

The Library University

of

Ottawa

Date Due

(35)

ip IIImilPII

a39003 000^4228076

(36)

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