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Prise en charge des personnes âgées dépendantes : quels enjeux économiques ?

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Academic year: 2021

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https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00705568

Submitted on 28 Jan 2015

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Agnès Gramain, Jérôme Wittwer

To cite this version:

Agnès Gramain, Jérôme Wittwer. Prise en charge des personnes âgées dépendantes : quels enjeux

économiques ?. Regards sur l’actualité : mensuel de la vie publique en France , La Documentation

Française, 2010, pp.46-60. �halshs-00705568�

(2)

Prise en charge

des personnes âgées dépendantes :

quels enjeux

économiques ?

A

GNÈS

G

RAMAIN

,

professeur de sciences économiques, BETA (CNRS, Nancy Universités) J

ÉRÔME

W

ITTWER

,

professeur de sciences économiques, LEDA (Université Paris-Dauphine)

D epuis le début des années 1990, la question de la prise en

charge des personnes âgées dépendantes et de son fi nan-

cement a pris place dans l’agenda politique. Marqué en France par

l’instauration de la prestation spécifi que dépendance (PSD) en 1997,

puis de l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA) – entrée en

vigueur le 1

er

janvier 2002 –, le débat s’oriente aujourd’hui sur la place

à donner au fi nancement privé, notamment via l’assurance-dépendance

privée. Comme le rappelle Stéphane Le Bouler dans ce dossier, de

nombreux rapports publics, publiés dans les dix dernières années,

offrent une description détaillée de la situation actuelle et à venir en

termes démographiques et épidémiologiques. La réalisation de l’en-

quête Handicap-Incapacité-Dépendance (HID) en 1998-1999 a joué en

la matière un rôle décisif. Ces rapports font également le point sur la

place et les modalités d’intervention publique : ils mettent en lumière

l’enchevêtrement des nombreux dispositifs mobilisés pour le fi nance-

ment et la régulation, directs et indirects, de ce secteur. À l’issue de

cet état des lieux, nous présentons les principales interrogations que

soulève l’analyse économique concernant le fi nancement collectif du

coût de la dépendance. Elles portent sur la forme du fi nancement

public lui-même et sur la part laissée aux autres modes de fi nancement

que sont la solidarité familiale et l’assurance privée.

(3)

État des lieux

Le fi nancement collectif de la prise en charge de la dépendance mobilise actuellement en France plusieurs dispositifs répondant à différentes logiques de solidarité. Leur combinaison conduit à une utilisation ni très lisible, ni très cohérente, des ressources publiques.

Les dispositifs de fi nancement public

Au cœur du système se trouvent les dispositifs destinés explicitement au fi nancement de la dépendance. L’APA (1) est le plus important. Cette alloca- tion est accordée aux personnes dépendantes quel que soit leur lieu de rési- dence, domicile ou institution. Son montant dépend du « GIR » du demandeur, c’est-à-dire de son degré de dépendance (2). Enfi n, elle prévoit une participa- tion fi nancière du bénéfi ciaire (sorte de ticket modérateur (3)) dont le taux augmente avec le revenu (voir encadré pour plus de détail). À l’APA s’ajoutent plusieurs mécanismes de réduction d’impôts ou d’exonération des charges sociales accordés aux personnes dépendantes ou en invalidité.

À côté de ces fi nancements dédiés aux personnes dépendantes, d’autres types de fi nancement ne leur sont pas réservés, mais, dans la situation actuelle, leur bénéfi cient « quasi exclusivement », pour reprendre l’expression de la Cour des comptes (4). Il s’agit pour l’essentiel du fi nancement des établissements d’hébergement collectif (5) qui accueillent aujourd’hui essentiellement des personnes dépendantes. Ces prises en charge relèvent d’une part de l’acti- vité de soins – et sont à ce titre couvertes par une dotation de l’assurance maladie – ; et d’autre part de l’hébergement (du gîte et du couvert) – et sont alors supportées par les conseils généraux dans le cadre de l’aide sociale à l’hébergement (ASH), pour les personnes à faible niveau de ressources uniquement. Dans la même catégorie se trouve également le fi nancement, par l’assurance maladie, des services de soins infi rmiers à domicile (SSIAD) qui interviennent auprès de personnes nécessitant des soins à long terme mais vivant à domicile ou dans des établissements non médicalisés (6).

Enfi n, une partie des dépenses de l’assurance maladie en soins de ville et d’hospitalisation peut être considérée comme participant à la prise en charge

1. Le rythme des réformes du fi nancement est assez rapide puisque l’APA, introduite en remplacement de la PSD, instaurée par la loi du 24 janvier 1997, a été réformée par la loi n° 2003-289 du 31 mars 2003.

2. Pour une analyse critique de la grille AGGIR, voir, par exemple, Vincent Coutton « Évaluer la dépendance à l’aide de groupes iso- ressources (GIR) : une tentative en France avec la grille AGGIR », Gérontologie et société n° 99, 2001.

3. Le ticket modérateur est la partie des dépenses de santé qui reste à la charge de l’assuré après le remboursement de l’assurance maladie.

4. Cour des comptes, Les personnes âgées dépendantes, rapport au président de la République suivi des réponses des administrations et des organismes intéressés, 2005, p. 153.

5. On entend par « établissement d’hébergement collectif » les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ( EHPAD) et les unités de soins de longue durée des hôpitaux.

6. Depuis 2004, l’intervention des SSIAD n’est plus réservée aux personnes âgées dépendantes, mais peut aussi bénéfi cier à des personnes handicapées ou en ALD. Dans la pratique, les données disponibles montrent que leur patientèle est âgée et dépendante (Karine Chevreul (dir.), Les patients en SSIAD. Le coût de leur prise en charge et ses déterminants, La Documentation française, septembre 2009).

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de la dépendance : les personnes âgées dépendantes ont en effet des dépenses en soins de ville et en hospitalisation environ deux fois plus élevées que celles des personnes du même âge en affection de longue durée (ALD) (7).

Coûts et sources de fi nancement

Les dépenses qui ne sont pas explicitement réservées aux personnes dépen- dantes mais qui, dans la pratique, leur bénéfi cient presque exclusivement sont deux fois plus élevées que les dépenses dédiées (cf. tableau 1). Au total, le montant global que les pouvoirs publics consacrent visiblement au fi nance- ment de la dépendance des personnes âgées est de l’ordre de 1 % du PIB (8).

C’est à peu près le résultat obtenu par la Cour des comptes, pionnière dans l’exercice du chiffrage des dépenses publiques consacrées à la dépendance : 15 milliards d’euros pour l’année 2003 (9). C’est encore l’estimation à laquelle aboutit l’actualisation de cet exercice dans le cadre de la mission du Sénat sur le cinquième risque (19 milliards pour l’année 2008 (10)) ou encore le récent rapport Rosso-Debord (11) pour l’année 2009.

La multiplicité des dispositifs mobilisés conduit à des circuits de fi nancement assez enchevêtrés, qui impliquent essentiellement quatre budgets – ceux de l’État, de la Sécurité sociale (maladie, retraite et famille), des conseils géné- raux et de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Cet entremêlement souvent déploré refl ète une ambiguïté plus profonde qui touche les principes de solidarité mis en œuvre dans la prise en charge de la dépendance. Globalement, ce sont les revenus du travail qui sont les plus largement mis à contribution pour fi nancer la solidarité publique en direction des personnes âgées dépendantes : les cotisations sociales et la contribution sociale généralisée couvraient, en 2003 (12), les deux tiers de la dépense.

(cf. tableau 2). Et contrairement aux idées reçues, la solidarité en direction des personnes dépendantes mobilise peu la fi scalité locale et s’organise essentiel- lement à l’échelle nationale et non départementale : les conseils généraux sont aujourd’hui les chefs de fi le de l’action publique en direction des personnes

7. Plus précisément, la Cour des comptes compare les dépenses en soins de ville et hospitalisation des personnes âgées de 75 ans ou plus et recevant des actes infi rmiers de nursing, assimilées à des personnes dépendantes, avec celles des patients en affection de longue durée qui ne bénéfi cient pas d’un tel service. En moyenne, la consommation de ces derniers est inférieure de moitié à celle des patients considérés comme dépendants : le surcroît de dépenses en soins de ville et hospitalisation aurait donc été d’environ 2 milliards d’euros pour 2003. Cf. Cour des comptes, op. cit., p. 146.

8. Cette estimation ne comprend qu’une petite partie des dépenses de soins des personnes âgées dépendantes et n’inclut pas les exo- nérations fi scales pour l’emploi de personnes à domicile, qui, dans le cas des personnes âgées, sont très probablement liées de facto à la dépendance.

9. Cour des comptes, op. cit., p. 158.

10. Rapport d’étape d’Alain Vasselle fait au nom de la Mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque, rapport du Sénat n° 447, 2008, p. 17.

11. V. Rosso-Debord, Rapport d’information déposé par la commission des affaires sociales en conclusion des travaux de la mission sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes, Assemblée nationale, n° 2647, 23 juin 2010.

12. L’analyse en termes de sources de fi nancement n’a pas été reconduite dans les rapports plus récents, mais les formes de fi nancement sont restées relativement stables. Malgré les réformes des institutions, les ordres de grandeurs restent donc valables aujourd’hui, même si la place de la fi scalité locale a un peu augmenté.

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Tableau 1 – L’effort public en faveur de la prise en charge

de la dépendance par type de fi nancement en 2008 (en millions d’euros)

Organismes

fi nanciers Actions fi nancées Montant

Dépenses dédiées aux personnes âgées dépendantes

État – Dépenses directes (crédits consacrés aux personnes âgées dans le programme 157 « Handicap et dépendance » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ») (prévision pour 2008)

17

– Dépenses fi scales spécifi quement centrées sur le traitement de la dépendance (exonération d’impôt sur le revenu des sommes versées au titre de l’APA et réduction d’impôt sur le revenu au titre des frais de dépendance et d’hébergement pour personnes dépendantes accueillies en établissement spécialisé) (prévision pour 2008)

370

Assurance maladie Exonération de cotisations sociales liées à la prise en charge de la dépendance (prévision pour 2008)

1 508

Départements (Conseils généraux)

Dépenses relatives à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) (en 2007)

3 100

Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA)

– Participation au fi nancement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) (prévision pour 2008)

1 572

– Dépenses relatives à la promotion d’actions innovantes et au renforcement de la professionnalisation des métiers de service (prévision pour 2008)

66

– Dépenses d’animation, de prévention et d’études (prévision pour 2008) 10 Caisse nationale

d’assurance vieillesse

Dépenses consacrées au maintien à domicile (en 2007) 321 Dépenses consacrées aux lieux collectifs (en 2007) 49

SOUS-TOTAL 7 013(*)

Dépenses bénéfi ciant presque exclusivement à des personnes dépendantes Assurance maladie – Dépenses de soins des établissements et services sociaux

et médicosociaux (crédits destinés au fi nancement des Ehpad et des Ssiad retracés dans l’« Ondam médicosocial – personnes âgées », ainsi que les crédits destinés au fi nancement des USLD) (prévision pour 2008)

6 775

– Dépenses hospitalières et dépenses de soins de ville des personnes âgées dépendantes (prévision pour 2008)

4 600

Départements (CG) Dépenses nettes relatives à l’aide sociale à l’hébergement (en 2007) 1 100 CNSA Participation au fi nancement des établissements ou services sociaux

et médicosociaux (prévision pour 2008)

930

SOUS-TOTAL 13 405(*)

Source : Rapport d’étape d’Alain Vasselle fait au nom de la Mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque, rapport du Sénat n° 447, 2008, p. 17.

(*) : le total est différent du total fi gurant dans le rapport Vasselle qui recense quelques lignes de dépenses supplémentaires, telles que les dépenses d’aide personnalisée au logement (APL) et d’allocation logement à caractère social (ALS) fi nancées par la Caisse nationale d’allocation familiale (568 millions d’euros), ainsi que les dépenses sociales des Caisses régionales d’assurance maladie (CRAM) (10 millions d’euros) et les cofi nancements d’opérations d’investissement par la CNSA (390 millions d’euros).

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dépendantes (13), mais les fi nancements relèvent pour plus de huit dixièmes de la solidarité nationale (14).

Tableau 2 – Répartition des sources de fi nancement en 2003 (en Md ) Ressources propres

des collectivités

Ressources de l’État

CSG et ITAF

Cotisations

sociales Autres Total

1,789 1,965 5,138 5,746 0,906 15,544

Source : Cour des comptes, op. cit., p. 160.

Les bénéfi ciaires de la solidarité publique

Côté « dépenses », les critères d’éligibilité ou d’accès à la solidarité publique varient selon les dispositifs. Le résultat fi nal apparaît donc relativement brouillé.

En ce qui concerne le degré de dépendance tout d’abord, le système accorde des prestations plus importantes pour les personnes les plus dépendantes et pour celles qui vivent en établissement. Cependant, un niveau plus consé- quent d’aide publique ne signifi e pas que le reste à charge soit plus faible, au contraire. L’APA couvre par exemple une même proportion du plan d’aide quel que soit le degré de dépendance du bénéfi ciaire, à revenus donnés. Or, le montant des plans d’aide croît avec le degré de dépendance : pour les personnes à domicile par exemple, le montant mensuel moyen s’échelonnait en 2009 d’environ 350 euros pour les personnes en GIR4 à 1 000 euros pour les personnes en GIR1 (15). Le reste à charge augmente donc mécanique- ment avec le degré de dépendance, en l’occurrence 70 à 200 euros respecti- vement si la personne participe pour 20 % du total. Qui plus est, le montant des plans d’aide semble augmenter moins vite que les besoins, ce qui signifi e que les personnes les plus dépendantes doivent probablement plus souvent compléter les leurs.

En ce qui concerne la répartition de l’aide en fonction du revenu, c’est, in fi ne, l’accès à la solidarité publique des plus pauvres et des plus aisés qui est encou- ragé. Ceci refl ète l’existence d’incohérences non résolues entre différents dispositifs de fi nancement, pensés séparément les uns des autres et repo- sant sur des logiques différentes en matière de redistribution. Les dépenses de soins remboursées par l’assurance maladie sont, par principe, prises en charge indépendamment du revenu. En revanche, dans le cadre de l’APA, la

13. Article L. 113-2 du Code de l’action sociale et des familles : « Le département défi nit et met en œuvre l’action sociale en faveur des personnes âgées. Il coordonne, dans le cadre du schéma départemental d’organisation sociale et médico-sociale mentionné à l’article L. 312-4, les actions menées par les différents intervenants, défi nit des secteurs géographiques d’intervention et détermine les modalités d’information du public. ».

14. Tout d’abord une part des dépenses d’APA versées par les Conseils généraux est fi nancée par un transfert spécifi que de la CNSA.

D’autre part, les recettes de fonctionnement des conseils généraux reposent pour presque un tiers sur des concours fi nanciers de l’État et pour un autre tiers sur une fi scalité indirecte en partie transférée (TIPP, TSCA…). Cf. Observatoire des fi nances locales, Les fi nances des collectivités locales en 2010, rapport 2010, annexe 2.

15. Clotilde Debout et et Seak-Hy Lo, « L’allocation personnalisée d’autonomie et la prestation de compensation du handicap au 30 juin 2009 », Études et Résultats n° 710, Drees, novembre 2009.

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participation exigée du bénéfi ciaire, en proportion du plan d’aide, croît avec ses revenus : le dispositif est donc plutôt redistributif. Les prestations d’aide sociale, telle que l’aide à l’hébergement, sont quant à elles réservées aux plus démunis, et donc encore plus redistributives. Mais les aides fi scales (crédit d’impôt et majoration de part (16)) bénéfi cient aux plus aisés, et sans plafond pour la majoration de part pour invalidité. In fi ne, la superposition des disposi- tifs conduit à une courbe en U : c’est pour les niveaux de revenu intermédiaire que l’aide publique est la plus faible.

16. Pour une liste précise des avantages fi scaux en faveur des personnes âgées dépendantes, voir le rapport d’Hélène Gisserot à Monsieur Philippe Bas, ministre délégué à la Sécurité sociale, aux Personnes âgées, aux Personnes handicapées et à la Famille, Perspectives fi nancières de la dépendance des personnes âgées à l’horizon 2025 : prévisions et marges de choix, mars 2007, annexe 10, page 164 et suivantes.

L’Allocation personnalisée d’autonomie

Peuvent ouvrir droit à l’APA, les personnes âgées d’au moins 60 ans résidant de manière stable et régulière en France et qui rencon- trent des diffi cultés pour accomplir les actes ordinaires de la vie courante, qu’elles résident à domicile ou dans un établisse- ment d’hébergement collectif. L’attribution de l’APA n’est pas liée à une condition de ressources. Toutefois, le montant de l’aide tient compte des revenus.

L’instruction du dossier comprend une phase d’évaluation du degré d’autonomie du demandeur de l’APA. Cette évalua- tion est effectuée par un médecin et un travailleur social sur la base de la grille nationale AGGIR (Autonomie, Géronto- logie, Groupes Iso Ressources). Les données recueillies à l’aide de la grille permettent de classer les demandeurs en six groupes (GIR de 1 – dépendance la plus lourde – à 6 – absence de dépendance). Les personnes classées dans l’un des groupes 1 à 4 de la grille (GIR 1 à GIR 4) bénéfi cient de l’allocation personnalisée d’autonomie sous réserve de remplir les conditions d’âge et de résidence.

Un plan d’aide est alors proposé, qui détermine le montant de l’allocation ainsi que son affectation.

La décision d’attribution de l’APA est prise par le président du conseil général après l’avis d’une commission spécialisée.

Le montant du plan d’aide est déterminé en fonction des besoins relevés et de la nature des aides nécessaires (rémunération de l’aide à domicile, paiement de services rendus par des accueillants familiaux agréés, frais de transports éventuels...),

La part du plan d’aide fi nancée par l’APA (et celle fi nancée par le bénéfi ciaire) est déterminée en fonction des revenus du bénéfi ciaire.

Si le bénéfi ciaire de l’APA réside dans un établissement, l’allocation permet de prendre en charge les frais liés à la dépendance. Lorsque le bénéfi ciaire vit à son domicile, l’APA peut être utilisée : – pour réaliser certains aménagements du logement,

– pour rémunérer les services d’une asso- ciation agréée de services à la personne ou d’un centre communal d’action sociale, – pour rémunérer un salarié exerçant une activité entrant dans le champ des services à la personne (entretien de la maison, travaux ménagers, garde-malade…), y compris un proche.

Source : d’après le site internet

de l’Urssaf, www.urssaf.fr.

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Si l’on considère le fi nancement collectif de la dépendance dans son ensemble, on constate donc que la solidarité reste essentiellement mise en œuvre à l’échelle nationale (échelle de la Sécurité sociale, de la CNSA, des politiques fi scales) et que la superposition des différents dispositifs de fi nancement amène, au total, à favoriser l’accès à la solidarité publique des plus pauvres et des plus aisés.

Quelles formes

pour le fi nancement public ?

Pour éclairer cet état des lieux, l’analyse économique offre quelques pistes.

Elle conduit en particulier à questionner trois caractéristiques de l’organi- sation actuelle du fi nancement : l’universalité des prestations, le niveau de dépendance couvert et enfi n la forme même des prestations, en nature ou en espèces.

Universalité ou condition de ressources

Le choix d’une assurance dépendance universelle, sur le modèle de l’assu- rance maladie, ou au contraire d’une assistance sous condition de ressources, comme pour l’aide au logement par exemple, comporte évidemment une dimension redistributive. Ne fi nancer les aides à la dépendance que pour les plus démunis dans une logique d’assistance sera, a priori, plus redistributif.

Cependant, on peut arguer, comme les fondateurs de la Sécurité sociale, que la redistribution sera plus facile à mettre en œuvre dans un dispositif universel, car les plus riches fi nanceront d’autant plus largement une assurance publique qu’ils en bénéfi cient eux-mêmes (17) et que les systèmes « assistanciels » sont toujours, pour des raisons politiques, réduits au minimum. Cet argument se trouve évidemment conforté si le risque de devenir dépendant est corrélé négativement avec le revenu (18) : dans ce cas, même un dispositif universel serait redistributif, puisque les assurés les plus aisés auraient une plus faible probabilité d’être dépendant et donc d’en bénéfi cier. Le critère de justice sociale ne permet donc pas vraiment de trancher entre système universel et système sous condition de ressources.

Le critère de l’effi cience économique n’est pas davantage déterminant. En effet, le système universel a l’inconvénient de s’imposer à tous : il contraint donc à l’assurance des personnes qui auraient préféré ne pas s’assurer si elles avaient eu le choix, des personnes suffi samment riches pour prendre le

17. Haut comité consultatif de la population et de la famille, Politique de la vieillesse, Rapport de la commission d’études des problèmes de la vieillesse, présidée par P. Laroque, Paris, La Documentation française, 1962.

18. M. Duee et C. Rebillard, « La dépendance des personnes âgées : une projection à long terme », Document de travail G2004/02, Insee, 2004.

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risque d’avoir à fi nancer seules leurs aides le jour venu si besoin (19), ou des personnes auxquelles la vie en situation de dépendance paraît totalement dénuée d’intérêt. Cependant, un fi nancement sous condition de ressources a lui aussi un défaut majeur en termes d’effi cience, largement documenté par les économistes anglo-saxons : il induit des comportements stratégiques, consistant à s’organiser pour bénéfi cier du système d’assistance (20). Plusieurs études américaines suggèrent par exemple que certaines personnes entrent dans des maisons de retraite coûteuses, en comptant sur le fait que le système d’assistance publique les prendra en charge une fois qu’elles se seront ruinées.

Un tel argument reste probablement très secondaire dans un contexte à la française où le niveau de vie des personnes âgées repose plus sur le système de retraite que sur l’exploitation d’un patrimoine privé.

Dans le cas de la prise en charge de la dépendance, il apparaît donc diffi cile de trancher la question de l’universalité ou de la conditionnalité du fi nance- ment public que ce soit par des arguments d’éthique sociale ou d’effi cience économique. Dans la pratique, si l’on excepte la politique fi scale en faveur des personnes reconnues invalides, le système français de fi nancement des aides à la dépendance, qui combine aide sociale sous condition de ressources d’une part et APA universelle d’autre part avec un ticket modérateur croissant en fonction du revenu, peut apparaître comme une solution mixte entre les deux cas polaires. Mélange volontaire ou hésitation entre deux options politiques ?

Dépendance lourde ou dépendance large ?

Le niveau minimum de dépendance couvert constitue un deuxième paramètre décisif du fi nancement public de la dépendance. Le parallèle avec l’assurance maladie peut être fait à nouveau pour souligner la particularité du risque de dépendance. Les prestations qui sont utiles aux malades ont peu d’intérêt pour les bien-portants : qui se ferait ôter l’appendice sans appendicite ? En revanche, les prestations profi tables aux personnes dépendantes sont pour une part appréciées de tous telle l’aide au ménage en particulier. En consé- quence, alors que l’assurance maladie peut fonctionner très largement sans critère d’éligibilité (21), ce n’est pas le cas pour l’assurance dépendance. Il n’est pas envisageable de fi nancer collectivement des heures d’aide au ménage, sans fi xer des conditions précises pour bénéfi cier de la solidarité publique (22).

La fi xation d’un critère d’éligibilité revient à délimiter le périmètre théo- rique du dispositif de fi nancement collectif. C’est dans cette optique que la

19. La pension de retraite moyenne est d’environ 1 400 euros par mois pour une carrière complète, en 2010.

20. On retrouve ici des arguments assez proches de ceux qui sont utilisés pour critiquer les dispositifs de revenu minimum : des personnes productives, qui pourraient travailler, peuvent préférer vivre de la solidarité publique. Ces comportements constituent une double perte pour la société : une source d’impôts et de cotisations en moins, une dépense en plus.

21. Le remboursement de certains soins et médicaments est conditionné au fait qu’ils soient prescrits par un professionnel conventionné.

Mais la logique est quelque peu différente : il ne s’agit pas tant de vérifi er la légitimité de la demande que de garantir la pertinence de la thérapeutique et d’inciter les assurés à consulter un médecin avant de prendre des molécules actives.

22. A priori, les critères semblent moins nécessaires dans le cas d’une prise en charge en maison de retraite car nous nous représentons des maisons de retraite tellement médicalisées qu’elles offrent un service qui relève plus du soin que de l’aide à la vie quotidienne.

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situation des personnes en GIR 4, qui représentent les bénéfi ciaires actuels les moins dépendants, mais aussi les plus nombreux, pose question. Au 31 décembre 2009, près d’un bénéfi ciaire sur deux relevait de cette caté- gorie (23). Les plans d’aide octroyés à ces personnes sont certes faibles : à domicile (24), rappelons que le plan d’aide moyen est d’environ 350 euros par mois pour les personnes en GIR4. Mais d’un point de vue macro- économique, le fi nancement collectif des seules personnes en GIR 4 vivant à domicile représente cent quinze millions d’euros par mois (25) ; soit presque autant que les dépenses d’APA pour l’ensemble des personnes en institution (132 millions d’euros).

D’un point de vue théorique, l’intérêt de couvrir cette catégorie de population n’a rien d’évident. Plus le coût de prise en charge est faible, plus la propor- tion de personnes préférant ne pas s’assurer et faire face le moment venu est élevée. C’est donc pour les personnes en GIR4 que la perte d’effi cience liée à l’obligation d’assurance est potentiellement la plus importante. Ne vaudrait-il pas mieux consacrer ces sommes à augmenter les aides en direc- tion des personnes les plus dépendantes (en GIR1) ? Dans le contexte actuel de restrictions budgétaires, les ressources sont rares, et choisir d’assurer le risque de dépendance modérée nécessite de renoncer à améliorer l’assurance du risque de dépendance lourde.

Nature ou espèces ?

Une troisième caractéristique enfi n peut être discutée, celle de la forme de l’aide : opte-t-on pour un revenu complémentaire (prestation en espèces) ou pour la gratuité de l’accès à certains services (prestation en nature), solution qui prévaut actuellement en France. L’analyse économique prescrit classique- ment de préférer les prestations en espèces au motif qu’elles permettent une plus grande liberté de choix au bénéfi ciaire (26). Cependant, dans le cas de l’assurance du risque de dépendance, la question est plutôt celle de l’unité dans laquelle on exprime la prestation garantie : en euros ou en heures d’aide.

Fixer le montant de la prestation en euros revient à ne pas assurer pleinement le risque, car le coût de la prise en charge risque d’augmenter rapidement.

Il faudra certainement, en effet, augmenter sensiblement les salaires dans le secteur de l’aide aux personnes dépendantes pour dépasser la pénurie du vivier traditionnel de main-d’œuvre du secteur (les femmes de plus de 50 ans sans qualifi cation) et attirer de nouveaux profi ls. Autrement dit, si on garantit le versement d’un certain montant en euros par mois, le nombre d’heures d’aide fi nancées se réduira au fur et à mesure de l’augmentation des salaires

23. Pour plus de précisions, voir Clotilde Debout et et Seak-Hy Lo, op. cit.

24. Environ quatre cinquièmes des bénéfi ciaires de l’APA en GIR 4 sont pris en charge à domicile.

25. 290 euros par personne hors ticket modérateur pour 400 000 bénéfi ciaires

26. L’analyse économique pose ici comme postulat que personne mieux que le bénéfi ciaire lui-même ne sait ce qui peut améliorer sa situation.

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dans le secteur (27). À l’inverse, stipuler une prestation en heures d’aide risque de conduire à une augmentation rapide du coût de la dépendance pour les budgets publics à moyen terme (28). Enfi n, dans ce débat, il ne faut pas négliger le souci des pouvoirs publics d’identifi er le véritable bénéfi ciaire de la prestation. Un revenu complémentaire risque toujours d’être détourné par un entourage peu scrupuleux. D’une certaine manière, la question se pose même dans le cas où l’APA est utilisée pour fi nancer le salaire d’un aidant familial. La nature de l’aide apportée en contrepartie de l’APA est alors diffi cilement contrôlable et échappe aux outils classiques de régulation des organismes d’aide.

L’articulation entre fi nancements public et privé

La forme retenue pour le fi nancement public de la dépendance dessine par contraste la place des autres modes de fi nancement envisageables : la solidarité familiale d’une part, l’assurance privée d’autre part.

La solidarité familiale

La prise en charge familiale est quantitativement très importante en France : à domicile, plus de 8 personnes dépendantes sur 10 reçoivent, de leur entou- rage familial, une aide pour la réalisation des activités quotidiennes (29). Cette aide s’étend avec l’accroissement de la dépendance jusqu’à atteindre plusieurs heures par jour (30). Il semble même diffi cile d’envisager des prises en charge à domicile sans mobilisation familiale, au moins lorsque la dépendance devient sévère (31). L’entourage peut contribuer fi nancièrement, mais sa mobilisation repose, pour l’essentiel, sur des transferts en nature, hébergement et aide en temps pour les activités de la vie quotidienne (32). Sensiblement plus adap- table, plus plastique que l’aide professionnelle, ce soutien a également souvent été présenté comme moins coûteux pour la société. Pourtant, le rôle que peut jouer la solidarité familiale dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes et ses liens avec l’aide publique posent encore question.

27. Sauf bien sûr à revaloriser le montant de la prestation en fonction du niveau des salaires. Mais cela reviendrait en fait à fi xer la prestation en heures de travail.

28. Voir les projections en termes de coût dans l’article de Stéphane Le Bouler dans ce dossier.

29. R. Fontaine, A. Gramain et J. Wittwer, « Les confi gurations d’aide familiales mobilisées autour des personnes âgées dépendantes en Europe », Économie et statistique, n° 403-404, 2007, pp. 97-115.

30. S. Petite, A. Weber, « Les effets de l’allocation personnalisée d’autonomie ... dispensée aux personnes âgées », Études et résultats, Insee n° 459, Drees, janvier 2006.

31. D. Bouget, R. Tartarin (Eds), M. Frossard et P. Tripier, Le prix de la dépendance. Comparaison des dépenses des personnes âgées selon leur mode d’hébergement, Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), Paris, La Documentation française, 1990.

32. F.-C. Wolff & C. Attias-Donfut, « Les comportements de transferts intergénérationnels en Europe », Économie et Statistique, Insee, 2007, n° 403-404, pp. 117-141.

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Tout d’abord, une question de principe, de norme : l’aide collective doit-elle être seulement complémentaire par rapport à l’aide familiale et donc n’inter- venir qu’après la mobilisation de l’aide familiale ? Dans ce cas, la subsidiarité est avant tout un principe de droit qui concrétise un devoir moral. En l’état actuel, l’APA n’est pas soumise à obligation alimentaire (33), en revanche, l’aide sociale à l’hébergement l’est. Le principe de subsidiarité existe donc bien en droit français en matière de prise en charge des personnes âgées dépendantes. Et contrairement à ce qui se passe dans les pays anglo-saxons, ce principe est largement appliqué dans le cas des personnes hébergées en institution (34).

Par ailleurs, l’aide collective vient-elle favoriser l’aide de l’entourage ou conduit-elle à un désengagement des familles ? Et si désengagement il y a, est-ce socialement souhaitable ou dommageable ? Les travaux empiriques consacrés à l’éviction de l’aide familiale par l’aide publique suggèrent que son ampleur est très variable selon le type de tâches réalisées par les aidants, le niveau de dépendance et la confi guration familiale. Elle serait sensible princi- palement pour les personnes qui vivent seules dans le cas où l’aide publique subventionne des aides pour le ménage. Le fi nancement public d’aides profes- sionnelles agirait essentiellement sur le mode de résidence, permettant aux personnes de rester seules au lieu d’aller vivre chez leurs enfants (35).

33. La PSD qui a précédé l’APA était soumise à l’obligation alimentaire. À la fi n de l’année 2001, soit trois ans après la généralisation de la PSD sur l’ensemble du territoire, à peine plus de 150 000 personnes en bénéfi ciaient. Un an plus tard, 600 000 personnes âgées dépendantes percevaient l’APA. L’extension du champ de la prestation à des personnes moins dépendantes n’expliquant qu’un peu plus de la moitié de cet accroissement spectaculaire, on pense que nombre de personnes âgées avaient choisi de renoncer à la PSD pour protéger leurs héritiers mais ont demandé l’APA. Cf. R. Kerjosse, « L’allocation personnalisée d’autonomie au 31 décembre 2002 », Études et résultats n° 226, Drees, mars 2003.

34. Aux États-Unis, par exemple, le principe existe dans plus de la moitié des États mais n’est qu’exceptionnellement appliqué dans le cas ascendant.

35. Pour les analyses pionnières, concernant le type de tâches, voir S.L. Ettner, « The effect of the medicaid home care benefi t on long-term care choices of the elderly », Economic Inquiry, 1994, n° 32, pp. 103-127. Concernant le mode de résidence, voir L.E. Pezzin, P. Kemper et J.D. Reschovsky, « Does publicly provided home care substitute for family care », Journal of Human Resources, 1996, n° 31(3), pp. 650-676.

Pour une analyse plus récente sur données européennes, voir E. Bonsang, « Does informal care from children to their elderly parents substitute for formal care in Europe ? », Journal of Health Economics, 2008.

La solidarité économique dans la famille selon le Code civil

Pour ce qui est de la vie quotidienne, le droit civil organise la solidarité économique dans la famille à l’aide de quatre types d’obliga- tions qui défi nissent une sorte d’ordre de proximité. En résumé :

– le conjoint doit partager son niveau de vie avec son conjoint (devoir d’assistance), – les parents doivent donner à leurs enfants les moyens de se faire une place dans la société (obligation d’entretien),

– les enfants, les beaux-enfants et les petits-enfants doivent, en fonction de leur

capacité, aider leurs père et mère, beau- père et belle-mère, grand-père et grand- mère tombés dans le besoin (obligation

alimentaire simple),

– les autres membres de la famille (en parti- culier les collatéraux, i.e. les frères et sœurs, neveux et nièces) ne doivent rien, mais s’ils aident, ils ne peuvent en réclamer un quelconque remboursement (obligation

naturelle).

Source : Code civil, article 206 et suivants.

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L’existence d’un effet d’éviction ne suffi t pas pour conclure à l’ineffi cience de l’aide publique. L’aide familiale est évidemment moins coûteuse pour les budgets publics que l’aide professionnelle subventionnée qui s’y substitue, mais raisonner en termes d’effi cience suppose de considérer le coût social dans son ensemble. Les études qui comparent les coûts de prise en charge en institution et à domicile se sont heurtées à cette question du coût social. Si les prises en charge institutionnelles sont très généralement plus onéreuses pour les budgets publics, la différence de coût apparaît beaucoup plus faible dans une perspective générale où le temps des aidants familiaux est compté (36).

Pour mesurer le coût social de la prise en charge familiale, il ne suffi t pas d’affecter l’équivalent d’un salaire aux heures d’aide de l’entourage, il faut en outre considérer le bien-être des personnes dépendantes elles-mêmes et celui des aidants informels. La mesure directe du coût physiologique et psycholo- gique de l’aide, la mesure du « burden » ou « fardeau », est d’usage courant en épidémiologie sociale (37) et dans les études d’évaluation de modes de prise en charge ou de thérapies (38). Elle ne fournit cependant qu’une infor- mation parcellaire. Sans entrer dans une arithmétique discutable, l’évolution des modes de vie, en particulier le développement de l’activité professionnelle des femmes, rend sûrement la prise en charge familiale de la dépendance plus coûteuse pour l’entourage. S’occuper de ses parents dépendants signifi e renoncer à travailler, à s’occuper de ses petits-enfants, et à profi ter de ses premières années de retraite, etc.

Enfi n, la solidarité familiale ne peut pas constituer une alternative au fi nan- cement public de la prise en charge car elle ne permet pas d’assurer contre le risque de dépendance. En effet, d’une part, plus de 10 % des personnes âgées sont sans entourage familial au moment où la dépendance survient (39).

D’autre part, la réduction du nombre d’enfants par femme conduit à faire peser la charge sur un nombre d’individus plus restreint : la descendance fi nale des femmes passerait de 2,13 pour les générations nées entre 1950 et 1960 à 1,95 pour les générations nées après 1975 (40). Au total, faire reposer la prise en charge de la dépendance sur la solidarité familiale revient essentiellement à déplacer le risque des parents à leurs enfants (41). Non seulement le risque n’est pas assuré, mais le transfert entre générations modifi e sa distribution : le risque pèse sur ceux des enfants dont les parents ne sont pas assez aisés

36. Pour une étude pionnière très détaillée sur données françaises voir Bouget, Tartarin, Frossard et Tripier 1990. Pour une revue de la littérature internationale non exhaustive voir A. Gramain, « The costs of long-term care according to living arrangements : a survey », Document de travail, OCDE, Paris, 1998. Enfi n, pour le cas particulier des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer, voir E. Cozette, A. Gramain et M.-E. Joël, « La mesure de la contribution économique des aidants », in A. Colvez, M.-E. Joël et D. Mischlich (eds), La maladie d’Alzheimer. Quelle place pour les aidants ?, coll. Âges, santé, société, Masson, Paris, 2002, pp. 63-79.

37. S.H. Zarit, P.A. Todd et J.M. Zarit, « Subjective Burden of Husbands and Wives as Caregivers : A Longitudinal Study », Gerontologist, 1986, n° 26, pp. 260-266.

38. Voir par exemple A. Gramain et L. Malavolti, « Evaluating the effect of care programs for elderly people with dementia on caregiver’s well-being », Health Economics in Prevention And Care, 2004, n° 5(1), pp. 6-14.

39. M. Duee et C. Rebillard, op. cit.

40. L. Richet-Mastain, « Bilan dé mographique 2005. En France, la fé condité des femmes augmente toujours », Insee première n° 1 059, Insee, 2006.

41. P. Genier, « La gestion du risque de dépendance : le rôle de la famille, de l’État et du secteur privé », Économie et statistique, Insee, n° 291-292, 1996, pp. 103-117.

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pour fi nancer seuls leur prise en charge, c’est-à-dire essentiellement sur les tranches les moins aisées elles-mêmes (42).

Le maintien à domicile d’une personne âgée dépendante nécessite de toute façon l’implication familiale dans la prise en charge. Assurer le risque écono- mique lié à la dépendance suppose donc de compenser le coût de cette prise en charge, par une aide fi nancière ou matérielle. La solidarité publique vient alors, en quelque sorte, encourager la solidarité privée.

L’assurance privée

Contrairement à la solidarité familiale, le recours aux assureurs privés offre, a priori, une véritable alternative assurantielle au fi nancement public des coûts induits par la dépendance. Pourtant, là encore, l’analyse économique incite à la prudence. Le risque de dépendance est en effet diffi cilement assurable par des assureurs privés. L’irréversibilité de la dépendance, lorsqu’elle est due au vieillissement, conduit à envisager un système de primes et d’indemnités qui s’équilibrent sur le long terme. Or, en la matière, la mise en œuvre de contrats

42. A. Gramain, J. Wittwer, C. Rebillard et M. Duée, « Les contributions privées au fi nancement de la dépendance dans le cadre de l’obli- gation alimentaire : pratiques judiciaires et implications distributives », Économie et Prévision n° 177, La Documentation française, 2007, pp. 35-54.

Une partie de Loto à la maison de retraite Saint-Vincent, le 22 juin 2005 à Givors.

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d’assurance se heurte à l’incertitude qui entoure l’évolution du risque. Les assureurs privés ne peuvent notamment pas faire face à une évolution rapide et imprévisible du coût moyen de la prise en charge (43). En conséquence, ils proposent essentiellement des produits versant des prestations sous forme de rentes, en euros, plutôt que des contrats offrant une couverture en nature. En outre, pour faire face à l’incertitude sur le risque lui-même, c’est- à-dire sur la prévalence de la dépendance à long terme, des comportements de sur- provision (44) sont probables, ce qui conduit à des primes élevées et dissuasives.

Deux schémas très différents peuvent être envisagés. Tout d’abord, instituer une obligation de s’assurer contre la dépendance auprès d’assureurs privés, comme c’est le cas pour l’assurance automobile en France. Les caractéristi- ques du risque de dépendance impliqueraient alors une forte intervention publique : à tout le moins, fi xation d’un contrat d’assurance type et péré- quation des primes, tout comme pour le risque maladie en Suisse ou aux Pays-Bas. Ce schéma est malgré tout peu crédible compte tenu de la diffi culté, rappelée à l’instant, des assureurs privés à s’engager à long terme sur des prestations en nature.

La seconde option consisterait à confi er aux assureurs privés un rôle facultatif, en complément d’un fi nancement public. Cette seconde option a en général un inconvénient majeur : elle confronte les assureurs privés au phénomène de sélection adverse (45). Les données empiriques disponibles montrent néanmoins que les personnes qui choisissent de s’assurer, lorsque l’assurance est facultative, ont un risque de dépendance plus faible que la moyenne (46).

Reste alors à choisir une ligne de partage entre le domaine du fi nancement collectif et celui de l’assurance privée facultative. On peut imaginer trois types de découpage :

– par panier de prestations : la solidarité collective fi nance un ensemble de prestations données ou un montant donné, libre à chacun de s’assurer en complément pour fi nancer des prestations moins essentielles,

– par niveau de revenu : le fi nancement collectif ne bénéfi cie qu’aux personnes les plus défavorisées, libre aux plus aisés de s’assurer ou de faire face seul, – et enfi n par type de risque : le fi nancement public est focalisé sur la dépen- dance lourde, libre à chacun de s’assurer par ailleurs contre le risque de dépendance légère.

43. D.M. Cutler, « Why Doesn’t the Market Fully Insure Long-Term Care ? », National bureau of economic research (NBER) Working Paper n° 4301, 1993.

44. Un comportement de sur-provision consiste, dans un contexte d’incertitude, pour les assureurs privés à demander par prudence des niveaux de prime plus élevés que le niveau nécessaire en l’état de nos connaissances.

45. On désigne par « sélection adverse » le mécanisme selon lequel, pour un niveau de prime donné, seules les personnes qui pensent avoir un risque de dépense supérieur s’assurent, ce qui conduit mécaniquement l’assureur à la faillite.

46. L’explication proposée repose sur l’hypothèse d’un degré variable d’aversion pour le risque : les individus qui sont fortement averses au risque de dépendance auraient à la fois tendance à s’assurer et à investir en prévention, alors que ceux qui le sont moins auraient tendance à ne faire ni l’un ni l’autre. A. Finkelstein et K. McGarry, « Multiple dimensions of private information : Evidence from the long-term care insurance market », American Economic Review, vol. 96, n° 4, 2006, pp. 938-958.

(16)

Ces différents partages peuvent bien sûr se combiner. Les arguments évoqués précédemment pourraient par exemple conduire à envisager une couverture universelle de la dépendance la plus lourde, doublée d’un fi nancement public sous conditions de ressources en cas de dépendance modérée, qui laisserait aux assureurs privés la couverture facultative de la dépendance modérée des plus aisés.

* *

*

Le fi nancement public des diverses aides aux personnes dépendantes ne repose donc pas sur une forme de solidarité qui soit simple, unique, cohé- rente. Il emprunte tout à la fois à l’universalisme de l’assurance maladie et à l’assistance aux démunis, à l’aide sociale, tout en usant de mécanismes fi scaux incitatifs aux effets clairement anti-redistributifs. Le dispositif emblématique de l’APA, à la fois universel et sous condition de ressources, est symptoma- tique des hésitations du législateur en la matière. Du point de vue des risques couverts, le fi nancement de la dépendance s’éloigne également des principes qui régissent l’assurance maladie, les risques lourds (GIR1) étant encore « plus mal » couverts que les risques légers (GIR4). Construit « au fi l de l’eau » et dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, la couverture publique du risque dépendance souffre de l’éclatement de ses sources de fi nance- ment et des mécanismes qui régissent la collecte et l’usage de ces fonds.

Les réformes à l’étude gagneront à ne pas faire l’impasse sur la cohérence

des principes mis en œuvre dans le fi nancement de la dépendance. L’appel à

l’assurance privée envisagé pour élargir la couverture du risque dépendance

demande de toute façon une clarifi cation d’ampleur sur le périmètre d’action

du fi nancement public.

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