HAL Id: jpa-00233720
https://hal.archives-ouvertes.fr/jpa-00233720
Submitted on 1 Jan 1940
HAL is a multi-disciplinary open access
archive for the deposit and dissemination of
sci-entific research documents, whether they are
pub-lished or not. The documents may come from
teaching and research institutions in France or
abroad, or from public or private research centers.
L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est
destinée au dépôt et à la diffusion de documents
scientifiques de niveau recherche, publiés ou non,
émanant des établissements d’enseignement et de
recherche français ou étrangers, des laboratoires
publics ou privés.
La transparence de l’atmosphere. VI. La brume blanche
J. Duclaux
To cite this version:
LE
JOURNAL
DE
PHYSIQUE
E7’
LE
RADIUM
LA TRANSPARENCE DE
L’ATMOSPHERE.
VI. LA BRUME BLANCHEPar M. J. DUCLAUX.
Sommaire. 2014 On
a souvent interprété les mesures de l’absorption atmosphérique en représentant
les coefficients d’absorption par la somme de deux termes, l’un de diffusion moléculaire, l’autre
indé-pendant de la longueur d’onde. Ce second terme correspondrait à une brume blanche, faisant disparaître les objets sans modifier leur couleur. Cette brume blanche ne peut être qu’exceptionnelle; dans l’immense majorité des cas, les effets obtenus par les filtres colorés en photographie, et l’observation
visuelle, montrent que la brume absorbe les rayons d’autant plus que leur longueur d’onde est plus
courte. Des mesures faites spécialement conduisent au même résultat. La décomposition de l’absorption
en un terme de diffusion et un terme de brume blanche est donc un artifice qui ne peut donner que des
résultats sans valeur.
SÉRIE N-111. - TOME 1. :B° 2. FÉVRIER 19M.
1. - Les mesures du coefficient
d’absorption
k del’atmosphère
ont été très souventreprésentées
parune formule du
type
~~.=cc+~~-»~
dans
laquelle
ba,-»L est le termecorrespondant
à la diff usionmoléculaire,
tandis que a est un termeindépendant
de lalongueur
d’onde,
correspondant
à ce quej’appellerai
une brume blanche. Ce mode dedécomposition
del’absorption
totale revient àadmettre
qu’il n’y
a que deux modesd’affaiblis-sement de la lumière : la diffusion moléculaire et la brume
blanche,
à l’exclusion de toute brumebleue,
c’est-à-dire absorbant les rayons d’autant
plus
forte-ment que leur
longueur
d’onde estplus
courte.Ce mode de
décomposition
estpurement
arti-ficiel et
soulève,
dèsqu’on
veut lui donner uneappli-cation
générale,
de gravesobjections [1, 2].
Desobser-vations très
simples
montrent eneffet,
de la manièrela
plus
évidente,
que la brumeblanche,
si elleexiste,
ne
peut
êtrequ’exceptionnelle,
et nepeut
par suite intervenirqu’exceptionnellement
dansl’interpré-tation des mesures. Dans la très
grande majorité
des cas, la brume(en désignant
par ce mot,opposé
au mot
brouillard,
cequi
limite la visibilité à desdistances de l’ordre du kilomètre ou
davantage)
a unpouvoir
absorbant d’autantplus grand
que lalongueur
d’onde estplus
faible.Si la brume blanche existait
seule,
avec une densité variable d’unjour
àl’autre,
le Soleilaurait,
à unemême hauteur au-dessus de
l’horizon,
toujours
la mêmecouleur,
avec une brillance variable.L’obser-vation montre au contraire
qu’à
unepetite
hauteur le Soleilpeut
avoir toutes les colorations entre leblanc et le rouge.
Si la brume blanche existait
seule,
l’emploi
desfiltres colorés en
photographie
seraitinutile,
pour des distances de l’ordre de 10 km ouplus
faibles.En
effet,
pour ces distances le terme de diffusionmoléculaire est
petit.
Soit unobjet
noir sur fondblanc. Admettons
qu’il
ne soitperceptible
à distance quelorsque
la différence de brillance entrel’objet
et le fond du ciel est
supérieure
à 2 pour 100, etque ce chiffre soit atteint à 1o km pour les rayons
bleus
o,45
[.).
Un calculsimple
montre que ladiffé-rence des
brillances,
ou contraste, sera 0,026 enlumière
jaune,
c’est-à-dire quel’emploi
d’un filtrejaune monochromatique
se
traduira par une augmen-.tation de contraste de 0,006
seulement,
absolumentinappréciable.
Pour une limite de visibilitéde 10
km en lumièrejaune,
le contraste pour unobjet
noir situéà 4
km serait 0,231(bleu)
eto,246
(jaune).
Des millionsd’expériences
faites par lesphotographes
attestent que les différences réelles sontbeaucoup
plus grandes,
et que par suite la brume blanche nepeut
êtrequ’exceptionnelle (1).
2. - Pour le
vérifier,
l’emploi
de laphotographie
n’est pasindispensable,
et il suffit d’examiner des(1) Pour un objet vert ou jaune (feuillage) l’emploi d’un filtre vert ou jaune diminuerait les contrastes au lieu de les
augmenter, c’est-à-dire que les photographes devraient au
contraire employer un filtre bleu. On voit par là combien
l’hypothèse de la brume blanche éloigne de la réalité.
42
objets
lointains au travers de filtresapproximati-vement
monochromatiques.
Depuis plusieurs
années,j’ai
faitbeaucoup
d’observations de ce genre dansdes lieux très
divers,
et dans toutes les circonstancesla substitution d’un filtre
jaune
ourouge- à
un filtrebleu a amélioré considérablement les contrastes,
même à courte distance
quand
la diffusion molé-culaire n’intervenait que pour uneproportion
négligeable
del’absorption.
Je ne veux pas enconclure que la brume blanche n’existe pas, mais
elle est si rare
qu’après plusieurs
années onpeut
très bien ne l’avoir
jamais
rencontrée.En faisant les observations de très bonne
heure,
lorsque l’atmosphère
estprès
dupoint
de rosée,l’avantage
du filtrejaune
ou rouge est moinsgrand
que
quelques
heuresplus
tardquand
l’air s’est échauffé. Ceci montrequ’à
mesure quel’atmosphère
tend vers la
saturation,
l’absorption
serapproche
de celle d’un nuage, derrière
lequel
le Soleildisparaît
sans
changer
de coloration d’une manière évidente.Je dois noter
qu’en
plusieurs
occasions,
avec uneatmosphère
très voisine de lasaturation,
les contrastes en lumièrejaune
ont paruplus
fortsqu’en
lumière rouge. Il est doncpossible
que dansces cas il y ait un minimum relatif
d’absorption
pour une
longueur
d’onde voisine deo,~~
z.3. Mesures. - Les faits
qui précèdent
sont sigénéraux
et sifrappants qu’on
s’étonnequ’ils
puissent
être aussi souvent méconnus.Cependant
on
pourrait
leurobjecter qu’ils
ne sont pasappuyés
sur des
nombres;
qu’il
y a des différences selon lacouleur dans la
perception
descontrastes,
soit parl’oeil,
soit par laplaque photographique;
et queles
objets
observables sont colorés et non noirs.Soumises au
calcul,
cesobjections
se montrent sansvaleur;
cependant j’ai
tenu à vérifier par des mesuresde contraste les résultats
qui précèdent.
Les vérifications sont si nettes
qu’on
peut
employer
une méthode très
simple. Supposons qu’une
surface noire soit observée d’unpoint éloigné,
situé sur lamême
horizontale,
en un lieu tel que la surface seprojette
sur le fond du ciel. La brillance de cettesurface sera celle de la couche d’air
interposée,
etelle tendra vers une limite
quand
la distance croîtraindéfiniment,
si l’éclairement del’atmosphère
resteconstant sur toute cette distance. La limite sera
la brillance du fond du ciel
adjacent
à la mire. Le contraste entre la brillance b de la mire et la brillance B du fond duciel,
c’est-à-dire la gran-deurB-b/B,
nedépendra
que du coefficientd’absorp-tion de
l’atmosphère.
Si donc la brume estblanche,
le contraste sera
indépendant
de lalongueur
d’onde,
si du moins les distances sont assez courtes pour
que la diffusion moléculaire n’intervienne pas.
Les contrastes ont été mesurés par
photométrie
photographique
pour différenteslongueurs
d’onde isolées par des filtres. Les circonstancesatmosphé-riques
n’ont pas étéfavorables;
alorsqu’il
auraitfallu des brumes
denses,
rapprochant
la limite devisibilité à moins de 1o km, cette limite n’a
jamais
été inférieure à 20 km en lumièrejaune
Dans cesconditions,
la diffusion moléculaire intervient commecorrection. Pour en tenir
compte,
les observationssont calculées de la manière suivante :
i° On détermine le contraste pour le début de l’ultraviolet
(lumière
deWood)
et l’on en déduitle coefficient
d’absorption correspondant
à cettelumière;
2~ En
soustrayant
le terme de diffusionmolé-culaire,
on obtient la densité de labrume,
densitéindépendante
de lalongueur
d’onde si la brume estblanche;
30 Admettant que la brume est
blanche,
enajou-tant à sa densité constante celle de la diffusion
moléculaire pour les
longueurs
d’onde des différentsfiltres,
on obtient le contraste calculé pour cesfiltres;
4 °
Soit 3 la différence(contraste
observé-contrastecalculé).
En cas de brume blanche et de mesuresparfaites,
tous les devraient êtrenuls;
par suitedes erreurs de mesure,
qui
sont une fractionimpor-tante des
quantités
à mesurer, on trouvera des nombrespositifs
etnégatifs
dont la sommealgé-brique
sera nulle ou trèspetite.
Si au contraire labrume est
bleue,
toutes leslongueurs
d’onde utiliséesétant dans le
spectre
visible,
c’est-à-direplus grandes
que celle de la lumière deWood,
les A serontsystéma-tiquement positifs.
Résultats. - Lesmesures ont été faites à onze
dates
différentes,
pour
sept
filtres laissant passer leslongueurs
d’onde0,37,
0,42, o,45, o,Ci.8, o,54,
o,58,
o,65 li. Je ne donnerai pas le détail des résultatsobtenus,
mais seulement le résultat d’ensemble.i° Nombres bruts. - Sur 53 différences :
31 sont
positives
Somme 1 , 8(j22 sont
négatives
Somme o,g~Ainsi les nombres
positifs l’emportent
du doublesur les
négatifs;
on doit en conclure que la brumeblanche,
si elleexiste,
n’est en tout cas pas la seule : cequi
suffit à ruiner le mode dedécomposition
incriminé.
20 Nombres
corrigés.
- Cettepremière
conclusionest rendue
incomparablement plus
nette par unexamen
plus
attentif. Pour des études de ce genre, une mire noire artificielle nepeut
êtreemployée,
car il faudrait lui donner des dimensions
prohibitives
(de
l’ordre denom).
Il fautdonc,
comme danstoutes les études de visibilité
qui
fontpartie
du programme desmétéorologistes,
utiliser les miresnaturelles :
je
me suis servi d’un rideau defeuillage
vert. J’aidéjà
montré[I]
que cette mire a un albedofaible,
même dans lejaune
et le vert. Sa brillanceest presque
négligeable
vis-à-vis de celle du fond du ciel dansl’ultraviolet,
mais elleaugmente
à43
que faiblement dans le rouge, le ciel lui-même étant peu brillant pour cette couleur. A la condition que
toutes les mesures soient faites à la même
heure,
la brillance de la mire parrapport
au ciel est peuvariable et l’on
peut
envisager
des valeurs moyennesqui
sont lessuivantes,
en fonction de lalongueur
d’onde que laissent passer les filtres :Les contrastes observés seront donc inférieurs aux
contrastes
qu’aurait
donnés une mirenoire;
unecorrection facile
permet
de passer des uns auxautres. Nous continuerons à
appeler
contrastesobservés les nombres ainsi
corrigés.
Lacomparaison
des contrastes observés et
calculés,
faite comme ilest dit au
paragraphe précédent,
donne les résultatssuivants :
42 différences
positives
Somme 3,39Moyenne
z08010 »
négatives
» o,37 »0,03~
La somme des valeurs
positives
est maintenant neuf foisplus grande
que celle desnégatives,
celles-ciétant d’ailleurs en moyenne de l’ordre des erreurs
possibles.
On
peut
en conclure que la brumeblanche,
ensupposant
qu’elle
existe,
est en tout casexcep-tionnelle. Normalement la brume est
bleue,
commeles
expériences qualitatives
le faisaientprévoir.
Mesures en lumière bleue. - Les nombres obtenuspour le filtre bleu
(o,45~)
sont anormaux. Pourtoutes les autres
couleurs,
le contraste observé est enmoyenne,
après
correction de brillance demire,
nota-blement
supérieur
au contraste calculé. Au contrairepour le bleu la différence moyenne est
négligeable.
-
--- , j J - -- - -
- ) - - - ) - - - - , - , - - - - ) - -. - , - - , /
Il y aurait
donc,
un excèsd’absorption
dans lebleu. Il est
remarquable
queje
suisdéj à
arrivé à lamême conclusion dans une étude
précédente [i]
de telle sorte que l’existence de cet excès
d’absorption
est maintenant
appuyée
par deux sériesd’expé-riences
indépendantes.
J’avais attribué cet excès à la
présence
possible
duperoxyde
d’azote. J’ai sudepuis
queReynolds
[3]
avait effectivement constaté la
présence
deperoxyde
d’azote et en avait fait ledosage;
il a été retrouvé par Paneth etEdgar [4].
Monhypothèse
est doncconfirmée,
au moinsqualitativement.
Lesquantités
trouvées sont en
général
inférieures à celles quej’avais
envisagées
(par
mètrecube,
0,03 mgmaximum au lieu de 0,02 mg
moyenne),
maiscomme
j’avais
reconnu la trèsgrande
variabilitédu
~TO~
iln’y
a pas pour le moment contradictionentre ces
chiffres,
qui
sont du même ordre.Si du tableau des différences nous
éliminons,
comme nous avons le droit de lefaire,
cellesqui
sontrelatives à la lumière
bleue,
l’inexistence de la brumeblanche devient encore
plus
nette :32 différences
positives
donnent pour somme... 3, io3 »
négatives
» » ..,0?03
4. Loi réelle de
l’absorption
de la brume. -Bien que lesexpériences qui précèdent
n’aient pasété conduites comme des mesures de
précision,
on
peut
en tirer une valeur moyenne despropriétés
optiques
de la brume dans les conditions de cesexpériences.
Les valeurs moyennes des contrastes,corrigées
pour la brillance propre de lamire,
sont :La distance de la
mire,
réduite à la densité normalede
l’atmosphère,
est 7
3oo m. Sid’après
ces nombreson calcule les coefficients
d’absorption,
et si l’on enretranche les valeurs données par la formule de
Rayleigh (considérées
comme unepremière
approxi-mation
grossière),
on obtient les coefficientsd’absorp-tion K de la brume moyenne. Ces coefficients sont à peu
près
en fonction inverse de lalongueur
d’onde,
car leproduit
K)B-1 est à peuprès
constant :Nous retrouvons dans ces chitfres le
supplément
d’absorption spécifique
pour lebleu,
déjà
signalé.
5. Brume de surface et brume d’altitude.-Ces mesures ont été faites en août et
septembre,
dansun pays entièrement couvert de
végétation
et àl’abri des fumées. La brume n’était pas
épaisse,
puisque
la limite de visibilité enjaune
étaitcomprise
entre 25 et 120 km. Elle était nettement
bleue,
comme on vient de le voir.
Si la brume de surface est
bleue,
rien n’autoriseà penser que la brume d’altitude soit blanche. Il faudrait admettre que les
particules qui
la forment sontplus
grosses que cellesqui
existentprès
du sol.Cette
hypothèse
demanderait une preuveformelle,
sanslaquelle
elle estinacceptable.
Quand
cette preuve n’est pasdonnée,
nous avonsle droit de dire que la
décomposition
del’absorption
atmosphérique
àgrande
altitude,
en un terme de diffusion moléculaire et un termeindépendant
dela
longueur
d’onde,
est un artificequi
necorrespond
pas au
phénomène
réel,
et que lesconséquences
tirées de ce mode de
décomposition
sont sans valeur.Manuscrit reçu le iu juin ~ 1 VJv.
BIBLIOGRAPHIE.
[I] J. DUCLAUX, J. de Physique, I935, 6, p. 40I. 2014 [2] J. DUCLAUX, J. de Physique, I939, 10, p. 367. 2014
[3] REYNOLDS, Nature, I938, 142, p. 571; J. Soc. Chem. Ind., I930, I68 T. 2014