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Alors, quoi de neuf depuis l'an 2000?

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Academic year: 2021

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HAL Id: halshs-00695324

https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00695324

Submitted on 7 May 2012

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Jean-Loïc Le Quellec

To cite this version:

Jean-Loïc Le Quellec. Alors, quoi de neuf depuis l’an 2000?. Les Cahiers de l’AARS, Saint-Lizier : Association des amis de l’art rupestre saharien, 2007, pp.157-181. �halshs-00695324�

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1 — Tour d’horizon des sites rupes-tres nouvellement découverts au Sahara

Maroc

En ce pays où la destruction des sites bat son plein, les publications de documents rupestres, même s’il ne s’agit pas de vrais corpus, sont des plus précieuses (A. Rodrigue 2001a). Ainsi, de nouveaux anthropomorphes isolés ont-ils été signalés par Bouchra Kaache au pré-Sahara marocain: un à Aït Ouazzik, accompagné à un bouclier rectangulaire emboîté et à au moins une épée (B. Kaache 2001, fig. 1), un autre à Bourkerkour (Msissi) (ib., fig. 2), un troisième à Anou n’Ouamersemlal (Tazzarine) (ib., fig. 3). Seuls des relevés sont publiés, et le premier spécimen est attribué à l’ensemble Ib (aux jam-bes filiformes et corps plein) correspondant au Bronze ancien, vers 4000 BP. Des peintures monochromes (rouge à violacé) — découver-tes par des nomades dans un abri de Laoui-nat à 130 km au sud-est de Tan-Tan — ont fait l’objet d’une publication préliminaire par Susan Searight et le regretté Guy Martinet (S. Searight & G. Martinet 2001). On y remarque une scène collective impliquant des archers ithyphalliques très allongés, une frise de 23 petits anthropomorphes, d’autres personnages portant peut-être une jupe mi-longue, trois chars schématiques d’aspect plus récent que le reste, du type «joug en tenailles» et sembla-bles à ceux qui sont gravés partout dans le Sud marocain (ib., fig. 3, 5). Le bestiaire comprend mouton, boviné, antilope, autruches, une pro-bable girafe, et un quadrupède (âne ?) monté. L’importance de cette découverte ressort du fait que, ces œuvres se rapprochent davantage de celles du Sahara central que toutes celles des douze autres sites à peintures connus au Maroc (autant par le style des personnages que

par l’absence de signes géométriques) — mais le rapprochement le plus direct s’effectue avec les peintures de Tifariti dans la Saguiet el-Hamra, qui se trouvent à une centaine de kilomètres plus au sud (cf. infra). Il convient de signaler quelques contributions modestes aux inventaires de sites déjà partiellement connus, comme ceux de Biouafen, Taouraght et Tamzarar, dans la région d’Akka (D. Des-gain & Searight 2004), de Wazzouzount dans la région de Taghjijt (A. Rodrigue et al. 2004) et du Jebel Rat dans le Haut Atlas (A. Rodri-gue 2001b), ou totalement nouveaux, comme l’ensemble gravé en style tazinien du Jbel Talrazit au sud du Jbel Ouarkiz, les quelques peintures de l’oued Asleg (Ph. Masy 2004), le site iii de Taouz, comportant une

quaran-taine de gravures de gazelles et bovinés (W. Pichler 2002, fig. 8, 9), sept nouveaux sites d’Imâoun où prédominent les bovinés (A. Salih & R. Heckendorf 2000) ou encore les deux localités de Tiouli, inhabituelles en ce que les gravures (de bovinés) sont situées sur le plateau et non dans une vallée (W. Pichler et A. Rodrigue 2001). Le site à gravures de la Guelta Oukas, dans l’oued Tamanart sur le flanc sud de l’Anti-Atlas, a fait l’objet d’un relevé complet, avec plan de situation de tou-tes les œuvres (Cl. Blanc et al. 2003). Le bœuf y est omniprésent (80 exemplaires sur 178 gravures) mais l’originalité du lieu vient de la présence d’une trentaine de caprinés, ce qui indique un début d’appauvrissement du cou-vert végétal. Néanmoins, la faune sauvage est toujours représentée avec une dizaine d’élé-phants, des autruches et antilopes, un félin, et un curieux serpent (ib., fig. 53) à une seule et longue corne: peut-être est-ce un reptile mythique comme on en connaît plusieurs au Sahara central ?

Jean-Loïc Le Quellec

Notes de lecture

So, what’s new since 2000 ? Reading list in two parts:

first, a general survey of the main rock art discoveries made in the Sahara since 2000; then the inventory of a series of recent publications (completing those previ-ously published in the AARS Newsletter).

Notes en deux parties : d’abord un tour d’horizon des principales découvertes effectuées en art rupestre au Sahara depuis l’an 2000, et ensuite les recensions d’une série de publications récentes (complétant celles précédemment publiées dans La Lettre de l’AArs).

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Sahara occidental (Western Sahara) Une expédition anglo-italienne conduite en septembre-octobre 2002 a parmis à ses mem-bres de visiter les gravures rupestres en style de Tazina à Slugilla : antilopes, boviné, autruche (N. Brooks et al. 2003, fig. 4), mais aussi de découvrir d’autres gravures sur le même site: éléphant, rhinocéros (ib., fig. 5) de patine plus foncée et d’un style différent, qui a paru plus ancien aux visiteurs. En fait, ce site fait partie de ceux qu’étudient depuis 1995 les chercheurs de l’Université de Girone à Slugilla Lawaj, mais aussi à Blubzeimat, Leyuad, Dirt et Gleb Dan Dan. Sluguilla est un site homogène à gravures sur dalles horizontales en style de Tazina, où 24 secteurs comprenant 471 localités, soit plus de mille figures gravées, ont été documentés. On compte 180 zoomorphes dont 84 bovidés, 19 rhinocéros, 17 oiseaux (autruches et autres), 15 girafes, une dizaine de carnivores (félins et canidés), six éléphants, quatre équidés. Parmi les bovidés on distingue douze gazelles, huit oryx, diverses antilopes qu’il ne faut sans doute pas chercher à identifier trop précisément, deux grands buffles antiques, trois capridés, et 22 figures indéterminables. Sur la vingtaine de «signes» observés, il n’y a pas moins de seize «nasses» (N. Soler Masferrer et al. 2005: 82-84). Blugzeimat (aussi appelé auparavant Gleb Terzug, par erreur) n’a livré que des gravures piquetées, surtout des zoomorphes (Bovinés, girafes, rhinocéros), trois anthropomorphes cer-tains (d’autres douteux) parmi lesquels figurent un archer (ib., fig. 2) et un personnage tenant vraisemblablement un bouclier rond (ib., fig. 3). Des figures énigmatiques (ovales, empreintes de sandales, lacertiformes) ont également été relevées. (ib.: 81). À Leyuad, ensemble de sites anciennement connu, ont été inventoriées quel-ques peintures, mais surtout des gravures d’ani-maux (certains montés), des anthropomorphes, des zigzags et d’autres figures énigmatiques (grands arceaux de 2m. et 1m. d’extension). Dans le grand abri de la « Cueva del Diablo », un groupe d’anthropomorphes en bas-relief, de grandeur quasi-naturelle, est particulièrement remarquable (ib.: 82). Le gisement de Dirt 1 se caractérise par des gravures en style de Tazina de patine saturée (cinq en tout: 1 carnivore, 1 bovidé, 1 éléphant et 2 antilopes) comme à Slu-guilla Lawaj, mais elles y ont été réalisées sur les bords verticaux d’affleurements et blocs de grès. Les autres figures, piquetées, consistent en « symboles géométriques » et inscriptions en caractères tifinâgh, le tout réparti sur des surfa-ces horizontales et de patine très claire. L’école de Tazina est également représentée à Dirt 2, par 4 figures: une autruche, un éléphant, une paire de bovinés ayant sur le cou un trait

pou-vant représenter un collier — le tout à patine totale; puis viennent des signes géométriques de patine plus claire, et une inscription arabe (ib.: 85-86). Gleb Dan Dan est un gisement inédit découvert en 2001, et actuellement le plus méri-dional du Sahara occidental. Environ cinquante gravures y sont piquetées superficiellement (la roche est très dure) : zoomorphes, anthropo-morphes, et signes géométriques complexes, mais l’étude n’en est qu’amorcée (ib.: 86). Un inventaire des sites à peintures a été publié: il y en a cinq dans le Zemmur, trois sur le plateau du Tiris, sept dans massif de Leyuad. Ces loca-lités offrent des images de la grande faune sau-vage (rhinocéros, girafes, antilopidés, félidés, canidés), des anthropomorphes (dont quelques archers) et des cavaliers, ainsi que des figures géométriques et des inscriptions en caractères tifinâgh et arabes, mais il n’a pas été possible d’obtenir des datations directes, ni de mettre ces images en relation avec les autres sites archéo-logiques (J. Soler Subils et al. 2005). Un autre membre du groupe de Girone, Joan Escolà Pujol, a livré une étude iconographique com-plète du grand abri de Rkeiz, situé au nord-est de Tifariti : les mains positives y comptent pour plus de 53% des figures, et sont numériquement suivies par les anthropomorphes (22%) et les zoomorphes (25,4%) — surtout des girafes et des autruches, avec aussi quelques bovidés (J. Escolà Pujol 2003). Un nouveau site à peintures a été découvert à Bou Dheir par d’autres cher-cheurs (N. Brooks et al. 2003, fig. 8-11). Le bes-tiaire sauvage y est peint dans « a specific local style » (ib.: 69) souvent de grandes dimensions (jusqu’à 140 cm), et un grand buffle antique remarquable y figure (ib., fig. 10).

Mauritanie

Les sites à peintures rupestres étant assez rares dans le pays, celui qu’ont signalé Mie Suy et notre regretté sociétaire Jacques Choppy dans la chaîne de reliefs d’el-Aguer, située au sud-est d’Aïn Safra, mériterait d’être mieux documenté. Il comporte des personnages allongés, parfois en bâton, et un troupeau de bovins à pieds en pince (sabots bisulques), deux vaches ayant le pis entre les pattes arrières, comme au Sahara oriental, tout en étant d’un autre style (M. Suy & J. Choppy 2001). Les sites à gravures n’ont été publiés qu’épisodiquement, le plus souvent sous forme de relevés, ce qui rend l’inventaire en cours de Pascal Lluch et Sylvain Philipp par-ticulièrement prometteur (P. Lluch et S. Philip 2003). Dans un premier tour d’horizon, ils ont livré des clichés de documents provenant de l’oued Ifenouar (gravures de grands personna-ges gravés et d’un rhinocéros suivant son petit, peintures de bovins, personnages, et chevaux), d’el-Kneibis ou se trouvent deux chars

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schéma-tiques (ib., fig. 7). Ils illustrent aussi des gravures de l’oued Enghegdâne (personnages schéma-tiques, bovinés parfois ornés de spirales et/ou à pendeloque, lézard, frise d’antilope, éléphant et son petit près d’un rhinocéros et d’un bovin) ainsi que, du même site, un char schématique peint en rouge parmi des tracés géométriques ib., fig. 21). Ils complètent enfin la documenta-tion des gravures des environs du cirque d’el-Beyyed: bovinés à pendeloques (ib., fig. 31, 32), girafe (ib., fig. 33), char schématique (ib., fig. 34), autruche aux ailes déployées (ib., fig. 35), et des ensembles gravés autour de la source de Tililit : cavaliers, antilopes et incriptions libyco-berbè-res (ib., fig. 36), éléphant à oreilles en ailes de papillon (ib., fig. 37), autruche et lancier au petit bouclier rond (ib., fig. 37). Toutes ces images sont le plus souvent liées à des points d’eau, ou se trouvent sur d’anciens points de passage.

Îles Canaries

Le vaste projet d’inventaire commencé à l’initiative de Werner Pichler va permettre à terme nombre de constatations utiles. Le premier volet publié concerne les gravures du nord de Fuerteventura avec 2866 figures individuelles. Toutes les localisations précises sont données, ainsi que de nombreuses statistiques et typolo-gies, mettant particulièrement en évidence une orientation préférentielle des panneaux ornés vers le Sud. L’auteur distingue les cupules (6 exemplaires), lignes (640), signes géométriques (98), écritures (latine antiques: 1251, latines récentes: 80, libyco-berbères: 171), signes iconi-ques (représentations anthropomorphiiconi-ques par-tielles telles que les 225 empreintes de pieds, 102 bateaux, pour seulement 2 zoomorphes et aucun anthropomorphe complet). Ce travail exemplaire est accompagné d’un catalogue visuel de relevés (W. Pichler 2004). La publica-tion d’une gravure d’anthropomorphe d’Aripe 2 (Tenerife) s’ajoute aux documents du même genre qui ont déjà été rapprochés de gravures sahariennes caballines, et il ne fait pas de doute qu’une influence saharienne s’est exercée sur les îles de La Palma ou Tenerife, à une époque protohistorique qui reste à préciser (A.J. Far-ruja de la Rosa & S. García Marín 2005). Une nouvelle gravure rupestre de bateau a été signa-lée à Guinate (Haria), mais il s’agit d’un navire datable de la première moitié du xixe siècle

(H.-M. Sommer 2003, fig. 2). Il reste que nombre de gravures résistent à toute interprétation. Ainsi de celles recensées par Hans-Marin Sommer, et qui consisent le plus souvent en lignes parallè-les (à Haria, Tahiche, San Bartolome, Llano de Zonzamas), quelquefois en lignes entrecroisées. Plus rares sont les «grilles» (San Bartolome) et autres «signes» tels que carré, cercle ou croix (Arrecife, San Bartolome) (ib.).

Tunisie

Quelques compléments apportés à l’inven-taire des sites rupestres tunisiens ajoutent, aux éléments déjà connus, des anthropomorphes, un zoomorphe indéterminé, un bovin, des groupes de ponctuations, et des signes étoilés (J. Ben Nasr 2001). L’abri orné de Aïn Khanfûs, long de 40m et profond de 4m à 5m a été découvert en 1988, mais Jaâfar Ben Nasr y a remarqué de nouvelles figurations: huit anthropomorphes personnages, dont quatre archers (J. Ben Nasr 2003, fig. 3-5, 6, 8), un boviné à corne unique en avant (ib., fig. 10) tracé au contour ocre brique, et un quadrupède dont manque la partie anté-rieure mais qui est surmonté d’un signe à quatre branches (ib., fig. 11). L’art rupestre de Tunisie étant mal connu, et réservant sans doute encore des surprises (cf. l’article de Sophie Yahia dans le présent numéro des Cahiers de l’Aars), il est

regrettable que seule la photo d’une ces pein-tures ait été publiée, le reste de l’article étant illustré de relevés (dont trois sans indication d’échelle) d’un degré de fiabilité difficile à apprécier. Également regrettable est l’identifi-cation, par l’auteur, du boviné comme un Bos ibericus… espèce qui en réalité n’existe pas (A. Gautier 1988).

Algérie: Atlas, Mzab

François Soleilhavoup a publié ses anciennes photographies des gravures rupestres de l’Atlas saharien, prises par lui sur des sites maintenant difficiles d’accès, et doublées d’excellents rele-vés analytiques (F. Soleilhavoup 2003a, 2004). Des gravures au nombre d’une centaine, répar-ties sur 80 dalles calcaires horizontales, ont été récemment découvertes à l’occasion de travaux de lotissement sur un plateau rocheux à l’est de Beni Isguen. Elles ont été produites par percus-sion indirecte à l’aide d’un instrument métalli-que, et une seule d’entre elles, montrant un qua-drupède de patine totale, est figurative. Toutes les autres sont de patine jaune paille ou ocre, beaucoup ont une forme d’arceau, et quelques-unes font penser à des images de poignards ou d’épées. À titre d’hypothèse, Nadjib Ferhat a envisagé une attribution à l’Âge du Bronze, et les concepteurs du lotissement ont suggéré de mettre en valeur cette découverte en l’intégrant à leur projet. Ce dernier est donc à suivre (N. Ferhat 2003).

Sahara central

Tout au nord de cette vaste province rupes-tre, à el-Moor (Libye), des gravures en style de Tazina ont été signalées, qui ajoutent une intéressante extension nord-orientale à cette école (A. Muzzolini et F. & F. Pottier 2002). Les publications de Philippe Masy et François Soleilhavoup ont donné une idée de la richesse

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en peintures de la région dite de l’Aramât (ou des Aramât) située aux confins algéro-libyens vers le 26° N. On y note en particulier deux grands buffles antiques peints dans l’oued Taba-rakat, en aplat et dans un style évoquant celui d’Abaniora, et surtout deux autres buffles «au galop volant» peints en style d’Iheren-Tahillâhi à I-n-Lalan (Soleilhavoup et al. 2000, fig. 4, fig. 3): ces images — en réalité déjà connues des amateurs — prouvent que l’idée selon laquelle les représentations du grand buffle antique seraient caractéristiques des périodes anciennes est à ranger au rayon des vieilles lunes — ainsi que l’avait déjà bien reconnu Jan Jelínek, entre autres chercheurs (J. Jelínek 2004: 63, 67). Il est dommage que le commentaire verbeux et très délayé accompagnant ces documents n’apporte que fort peu d’informations, et perpétue une autre légende: celle de l’existence du «bœuf bra-chycère» chez les pasteurs sahariens (F. Soleil-havoup et al. 2000: 57) sans parler de l’évoca-tion de pratiques «chamaniques», pratiquement inévitable chez cet auteur (id. : 60), bien que totalement infondée, ici comme au Maroc où elle a également été évoquée par d’autres (M. Otte 2000: 260). Outre de nouvelles peintures en style d’Iheren — dont un bélier à ornement céphalique et un troupeau de moutons (Ph. Masy et F. Soleilhavoup 2001, fig. 13-14) —, cette zone a également livré quelques images des Têtes Rondes plus ou moins typiques. Il y a donc là d’intéressantes extensions à ces sty-les de peinture. Autres éléments intéressants de l’Aramât: huit chars peints y sont repérés, dont un tiré par deux bœufs (F. Soleilhavoup et al. 2000, fig. 39), deux schématiques (id., fig. 40), un dételé (id, fig. 41) et un monté par un «guer-rier libyen» (id., fig. 42) — les autres étant des biges «au galop volant». Parmi les gravures de la même zone se trouvent d’intéressants anthro-pomophes ithyphalliques (F. Soleilhavoup 2003b, fig. 4, 5), dont certains, manifestement mythiques (id., fig. 7, 15-17, 19) complètent la série de ceux déjà connus dans les massifs cen-traux sahariens. Un abri de l’oued Tabarakat a du reste livré le premier exemplaire connu d’un homologue peint — en style d’Iheren — à ces êtres surréels (id., fig. 22). Tout aussi intéres-sants sont les nouveaux sites à gravures repérés dans l’oued Kel Djanet, avec surtout des bovi-nés, dont un monté, et des antilopes, mais aussi un éléphant, une autruche, un archer, quelques inscriptions en caractères tifinâgh. D’autres se trouvent sur le plateau d’I-n-Tabakat: très grands bovinés (L = 3,20m), probable rhinocé-ros, éléphant, félin, girafe. Deux sites de Tissa-tin comportent un rhinocéros (Ph. Masy et F. Soleilhavoup 2003, fig. 6), six grands éléphants (id., fig. 4), au moins cinq bovinés (id., fig. 7) dont un à collier tressé (id., fig. 8), trois girafes;

un buffle antique (id., fig. 6), un grand anthro-pomorphe vu de face (id., fig. 9), un félin, un grand théranthrope ithyphallique haut de deux mètres et à queue rebiquée (id., fig. 5). Un autre site présente des gravures animales en style tazinoïde (petit éléphant précédé d’un anthro-pomorphe, trois rhinocéros, une vache), des cercles concentriques reliés entre eux, divers traits et ponctuation, ainsi qu’une «nasse» (id., fig. 10). Le lieu-dit Wa-n-Khalia est caracté-risé par des gravures horizontales de grandes dimensions: treize girafes (id., fig. 11, 12, 17, 18), six rhinocéros dont un déféquant (id., fig. 15, 19), seize bovinés (id., fig. 13), trois félins (id., fig. 16), un anthropomorphe ithyphallique (peut-être un théranthrope ?) armé d’une hache (id., fig. 14), deux éléphants dont un de plus de quatre mètres de long. Parmi les figures plus petites, on compte des bovinés, une antilope, un probable buffle antique, et quelques gravu-res de style Tazina. À proximité se trouvent quelques gravures atypiques, notamment un singe qui semble menacé par un félin (F. Maes-trucci et G. Giannelli 2004, fig. 1, 3), des cer-cles concentriques reliés en série (id., fig. 18), et une «nasse» (id., fig. 15). L’ensemble est d’un style bubalin qui fait davantage penser aux gra-vures tassiliennes qu’à celles du Messak. Cette impression est corroborée par la découverte d’un galet décoré d’une spirale double et de cercles concentriques — thèmes généralement plus occidentaux —, à proximité immédiate du site (F. Soleilhavoup 2001: 64).

Plus au sud, dans la Tadrart Akâkus (Libye), une gravure miniature découverte à Ti-n-Tabo-rak a permis de reconsidérer les rapports entre peintures et gravures rupestres au Sahara cen-tral (J.-L. Le Quellec 2004). Dans le même massif, un ensemble des personnages des Têtes Rondes côtoie un éléphant en style dit «mar-tien», dans l’oued Afar (F. Meastrucci et G. Giannelli 2004). Les oreilles de cet animal sont du type «en ailes de papillon», ce qui retient de voir dans ce stéréotype une marque tar-dive, ainsi qu’il était courant de le faire jusqu’à présent. Parmi la quinzaine d’anthropomor-phes alignés sur une paroi de huit mètres, se remarquent quatre femmes aux seins montrés rabattus de part et d’autre du corps, l’une d’elle portant peut-être un masque de mouflon. Au sud de l’Awîs, dans la partie centrale du massif Jacques et Brigitte Choppy ont inventorié une cinquantaine de nouveaux sites, dont une tren-taine dans l’oued Ta-n-Gurgur et une dizaine dans le Ti-Hedin, soit un total de 920 sujets: 340 anthropomorphes et 580 figures animales. Ces dernières sont dominées par les girafes (9% des animaux), puis viennent les Eléphants (5%), les rhinocéros (0,5%), une douzaine d’hippopo-tames dont dix sur le même panneau (J. & B.

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Choppy et S. & A. Scarpa Falce 2004, fig. 3), un grand bubale, un oryx, un lion (id., fig. 4). Un site de l’Awîs s’ajoute à la liste de ceux qui comportent des «nasses» ou «motifs en gourde» gravés. Ces figures ne s’y trouvent pas dans un environnement typiquement tazinien, et n’y présentent aucune association particulière (Ph. Masy 2003).

De l’abri de Wa-n-Telokat, Rosanna Ponti a fait connaître une peinture en aplat ocre dété-riorée et donc difficile à lire, longue d’environ deux mètres, et très inhabituelle. On y voit, de droite à gauche, un groupe d’une douzaine de signes en flèches à pointe dirigée vers le haut, un groupe de six personnages en style des Têtes Rondes dont une femme, une sorte de grand ser-pent auquel se superpose une série de 35 signes en croissant et en arceau: deux des personnages semblent se trouver dans une sorte d’enclos en «U» (R. Ponti 2003).

À proximité de la partie nord du même mas-sif, le petit site à gravures d’I-n-Leludj, ancien-nement connu, a été examiné par Jan Jelínek, qui y a reconnu essentiellement des bovinés (une douzaine), dont un portant vraisemblable-ment une tente arrimée à ses cornes (J. Jelínek 2000, fig. 7), mais aussi quelques personnages (sept au total) deux girafes menacées par deux anthropomorphes (id., fig. 5), et quatre élé-phants (id., fig. 12-14). Particulièrement notable est un bovin de 155 cm de long (id., fig. 2). Les affinités de plusieurs des ces images avec les gravures du Messak sont patentes, constatation importante eu égard à la position géographique du site, plus proche de la Tadrart Akâkus que du Messak.

Dans une partie très méridionale du massif, Adriana et le regretté Sergio Scarpa Falce ont découvert une fresque se développement sur plus d’une dizaine de mètres et dont la partie principale est composée d’un motif énigmatique qui a rappelé aux inventeurs les «dragons» pro-cessionnels d’Europe (ce rapprochement étant uniquement formel, bien entendu). Ce motif est associé à une série de théranthropes, dont trois à tête de rhinocéros et un à tête de félin, associés (ou tenant) des objets coudés énigma-tiques — dans un ensemble unique au Sahara, bien que présentant des affinités avec le «style martien» des Têtes Rondes (S. & A. Scarpa Falce 2001, pl. G-K et relevé fig. 3). Les auteurs rapprochent ce «dragon» de certains motifs (les «formlings») d’Afrique australe, mais la res-semblance est très superficielle, et cette image a davantage à voir avec les «motifs digités» qui ont permis à Amadou Hampâté Bâ une inter-prétation des fresques tassiliennes aussi célèbre que fausse. À gauche de cette frise extraordi-naire se trouvent quelques peintures qui, elles,

sont clairement attribuables aux Têtes Rondes typiques (un éléphant, deux antilopes, quelques personnages difficilement visibles) (id., fig. 5-7, 15). À l’une d’elle se superpose un rhinocéros peint, manifestement plus récent, dont la tête présente des caractéristiques communes (rendu des oreilles et du mufle) avec celles des thé-ranthropes voisins. Non loin se trouve un abri orné d’ovales juxtaposés (id., fig. 8) qui rap-pellent ceux — gravés — du Messak, et dont la juxtaposition forme un motif ressemblant beaucoup au «dragon». Les mêmes auteurs ont aussi présenté les peintures de l’un des quinze sites nouveaux qu’ils ont repérés dans le bassin hydrographique de l’oued Istanen. Il s’agit sur-tout de Têtes Rondes qui enrichissent notable-ment le corpus des images de ce style (S. & A. Scarpa Falce 2003, fig. 2-6 et pl. A-D), mais on remarque également un groupe de personnages dynamiques variés, rappelant le style d’Iheren-Tahilahi/Wa-n-Amil (id., fig. 7).

L’emploi de pellicules infra-rouge et de lumières rasantes a permis à Fabio Maestrucci et Gianna Giannelli de faire un relevé précis de petit groupe de gravures sous-jacentes à des peintures du site d’Afozzigiar. La partie gravée montre un mouflon entouré d’anthropomorphes (F. Maestrucci et G. Giannelli 2005, fig. 3, 5, 6) et les peintures sont uniquement des person-nages que les auteurs considèrent comme des Têtes Rondes (id., fig. 2, 4, 15-17). Plusieurs sujets «ichthyomorphes» ou «Kel Essuf» (N. Ferhat et al. 2000) peints ou gravés des envi-rons sont également documentés (F. Maestrucci et G. Giannelli 2005, fig. 9-14; voir aussi B. & J. Choppy 2004). L’attention est également attirée sur des arceaux concentriques jouxtant l’un d’eux dans l’oued Afar (F. Maestrucci et G. Giannelli 2005, fig. 7) et sur des lignes rouges verticales courant parallèlement par-dessus un individu de l’abri de Wa-n-Afuda (id., fig. 8).

Au Messak, où se sont poursuivies des opé-rations d’archéologie préventive mises en œuvre dans le cadre de la recherche pétrolière (J.-Cl. Ringenbach et J.-L. Le Quellec 2003), Brigitte et Jacques Choppy (2003) ont réalisé l’assemblage photographique d’un grand bloc brisé (2,50m x 1,25m) portant deux personnages de grandes dimensions, ce qui leur a permis d’en donner un relevé, tandis que Gérard et Annie Garcin ont présenté un nouveau «portrait» gravé dans le Tilizaghen (G. & A. Garcin 2001: 44, et fig. 6a, 6b) et qu’Yves et Christine Gauthier ont relevé un étonnant «scorpion» (Y. & C. Gau-thier 2004, fig. 1). La bordure nord du massif a bénéficié des prospections de Tertia Barnett et de son équipe, qui y ont documenté plusieurs centaines de gravures. Dans les comptes rendus publiés, la confusion entre «style» et «phase»

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est fréquente, et la construction de certaines des catégories stylistiques reste imprécise; ainsi, la phase I est dite «semi-naturalistic» alors que la phase II est dite «semi-schématic» (T. Bar-nett 2001, 2003a, 2003b). Parmi les nouveaux documents mis au jour figurent trois chars shé-matiques (T. Barnett et D. Mattingly 2003, fig. 8.28) et de nombreuses inscriptions en carac-tère tifinâgh (id., fig. 8.30-31, 33-40), voire en libyque (id., fig. 8/32). Cette recherche a été accomplie par des chercheurs anglophones qui, pour des raisons manifestement linguistiques, n’étaient pas assez au fait des travaux de leurs prédécesseurs publiant en d’autres langues — constatation que l’on regrette d’avoir à faire trop fréquemment, comme si l’adage universitaire «publish or perish» avait été subrepticement modifié en «publish in english or perish»…

Du côté algérien de la Tadrart, les premiers résultats du programme de pré-inventaire mené à l’initiative de l’Office du Parc National du Tassili ont fait l’objet d’une publication pré-liminaire. À cette occasion, des gravures de «l’école du Messak» définie par Jean-Loïc Le Quellec (1996) ont été reconnues dans l’oued I-n-Ezzan: hippopotame et bovinés au dou-ble contour, théranthropes à tête de canidé et peut-être de crocodile… (K.H. Striedter et M. Tauveron 2005). D’autres bovinés domestiques (colliers très nets) du même style se trouvent à Wa-n-Zawaten et au confluent des oueds Iber-djen et Markawendi. Ils ont des cornes de for-mes variées, et certains portent très nettement un collier: ils sont donc domestiques (M. Tau-veron 2003). Dans l’abri Freulon, un ensemble en style des Têtes Rondes typique comprend un mouflon encadré par deux archers, et une figure qui semble représenter un personnage dans une barque, à côté d’autres images énigmatiques. Il y a aussi un autre archer menaçant un boviné, trois mains négatives, une main tracée au sim-ple contour, ainsi qu’un quadrupède monté. En outre, les gravures peintes sont assez fréquentes dans cette région. Ainsi, à Aman Smerdnin où des dessins d’un style rappelant celui d’Iheren ont été réalisés à sec à l’aide d’un crayon d’ocre (éléphant, bovinés, rhinocéros, personnages) (M. Tauveron et al. 2005). D’autres se trouvent à Wa-n-Seklem et dans l’abri Freulon. Des pein-tures en style d’Iheren typique (personnages avec toupet frontal) se trouvent dans un abri de l’oued Iberdjen wa-n-Tabarakat. Un bovin à selle à pommeau en «V» porte deux personnes, dans l’oued Tidunadj, où se voient aussi des bovinés peints en aplat avec des réserves internes (sans doute en style d’Abaniora). À Ti-n-Aressu, deux personnages en style d’Iheren sont montrés en train de boire avec des pailles au même réci-pient. Il s’y trouve aussi une scène de chasse au lion (à la lance) du même style, et qui ressemble

beaucoup à une autre de Ti-n-Hanakaten. Des ensembles peints en style caballin montrent que les bovins étaient encore très présents au début de cette période, ce qui confirme l’hypothèse d’une transition douce d’une période à l’autre. Quelques gravures de pointes de lances ner-vurées, très certainement métalliques, appa-remment polies sur dalles, sont illustrées par une photo sans localisation exacte (M. Tauve-ron 2003). Il est à noter que telles figurations d’armes sont très rares au Sahara central, mais qu’il en a été relevé au Fezzân (T. Barnett & D. Mattingly 2003: fig. 8.22c et 8.23).

À l’est d’Aman Smerdnin, un abri doté de vestiges néolithiques au sol (dont «quelques fragments d’ocre ayant pu servir de crayon»), s’orne d’un décor rupestre (bovinés, éléphant, rhinocéros, antilope, gazelle, personnages) composé à première vue de gravures extrême-ment fines, au trait submillimétrique non patiné. L’étude a montré qu’il s’agisssait à l’origine de dessins réalisés à l’aide d’un crayon minéral très dur «qui, fortement appuyé sur la roche, la raye profondément et laisse en même temps un dépôt coloré dans cette fine entaille» (M. Tauveron et al. 2005: 37). Certains sujets ont été peints par la suite, tant pour le contour que par des aplats internes, mais au cours du temps, cette peinture peut disparaître la première, puis vient le tour de la teinte déposée à sec par le crayon, et il ne reste plus de nos jours qu’un trait fin, plus clair que le support (puisque la couleur l’a longtemps protégé). Cette observation renouvelle l’appro-che de la question des gravures extrêmement fines à patine claire, également présentes dans l’Akâkus et le Messak. L’hypothèse présentée par Michel Tauveron et Karl Heinz Striedter est qu’il pourrait s’agir de tracés préliminaires, et que l’on aurait affaire ici à «des esquisses res-tées inachevées» (M. Tauveron et al. 2005: 38). Cela semble, en effet, possible dans le cas des plus grandes de ces images, frisant le mètre, mais c’est moins sûr pour les œuvres miniatu-res (J.-L. Le Quellec 2004) et cette idée intéminiatu-res- intéres-sante reste très difficile à prouver. Bien qu’il soit regrettable que les auteurs ne publient que quel-ques photos du site qu’ils présentent, et qu’ils n’en livrent aucun relevé global, leur analyse est à garder présente à l’esprit dans toute étude des gravures du type «graffiti».

Pour la Tassili-n-Azjer, si certaines «découvertes» excessivement médiatisées (D. Coulson 2005) se réduisent en fait à bien peu de choses pour quiconque connaît un peu la littérature saharienne, ce n’est pas le cas des résultats obtenus par Ulrich et Brigitte Hal-lier, qui ont publié la grande peinture d’hippo-potame d’Ifedaniouène (long de trois mètres) ainsi que les autres peintures des Têtes

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Ron-des (antilopes, personnages) qui l’accompa-gnent et le troupeau de bovins, d’âge bovidien, qui lui est superposé (U. & B. Hallier 2000, fig. 1-5). Des reprises ultérieures non datées sont visibles à la fois sur certaines parties de l’hippopotame et sur plusieurs des peintures environnantes. D’autres peintures en style des Têtes Rondes ont également été découvertes dans la région par ces mêmes chercheurs: un éléphant dans le secteur de l’oued Ti-n-Edje-djele (id., fig. 6); un groupe de sept person-nages dans le haut Tasset (id., fig. 7-9) et un anthropomorphe dont les yeux sont repré-sentés par des réserves circulaire dans l’aplat ocre brun foncé (id., fig. 10). Un autre anthro-pomorphe, du Djebel Ifedaniouène, en aplat avec des taches claires (id., fig. 11), appartient peut-être au même horizon culturel. Parmi les peintures photographiées par U. et B. Hallier dans la zone sud-orientale des monts Ifeda-niouène se remarque encore de magnifiques bovinés à cornes de divers types (longues, courtes et fines, en avant, pendantes) l’un d’eux étant monté (U. & B. Hallier 2001, fig. 1). Un petit homme accroupi bande son arc, une femme tient un enfant par la taille (id., pl. T), un mouton très fin et deux hommes cou-rent de concert, les hommes tenant un main une arme de jet d’un type souvent représenté dans la région (id., fig. 5 et pl. V); deux ran-gées de personnages, les uns armés (arc, arme courbe) les autres accompagnés d’un enfant et ployant sous ce qui paraît être des guerbas (outres en peau de chèvre) semblent à ranger au nombre des images qui témoignent de la division sexuelle des tâches chez les pasteurs d’Iheren-Tahillâhi (U. & B. Hallier 2002: 117 et fig. 8). De l’oued Tasset, les auteurs publient également une très belle fresque montrant un pasteur accompagnant un troupeau dont cha-que bête est représentée avec des particulari-tés propres, et dans des atttitudes différentes, l’une d’elles étant à robe rayée : il s’agit de l’une des œuvres les plus accomplies des pein-tres de l’école d’Iheren (U. & B. Hallier 2001, fig. 7 et pl. W-Z). Ulrich et Brigitte Hallier ont également eu la bonne fortune de décou-vrir de magnifiques peintures à Tisssebouk et Irrekam Aharhar (Tassili centrale): troupeau et leurs gardiens (U. & B. Hallier 2003a, fig. 1) ou «boxeurs» dans la première localité (id., fig. 2 et pl. R), alors que dans la seonde, un peintre du style d’Iheren-Tahillâhi a réalisé une exceptionnelle composition occupant tout l’intérieur d’une niche avec une liberté de trait, une variété dans les individus et un équilibre général dignes des plus grands chefs-d’œuvre (id., fig. 3, 4, et pl. R). Mais la scène représen-tée, tout en paraissant familière par certains côtés, reste résolument énigmatique.

Yves Gauthier et Denis Lionnet ont fait connaître des peintures du plateau de Tadje-lahin, provenant de sites peu visités que Lhote n’avait probablement pas vus lors de sa mission de 1969: scène de combat (Y. Gauthier & D. Lionnet 2005, fig. 2, pl. Q-T) et file d’anthropo-morphes ventripotents (fig. 4) à Imerda; scène de coït (id., pl. U) et bovins en partie superpo-sés à un groupe de trois grands personnages d’affinités Têtes Rondes (id., fig. 5 et pl. V) à Tadrast (Tadghast). Dans les environs se trou-vent aussi des images en style d’Abaniora (id., fig. 7, 8, pl. W).

Dans l’Immidir, Yves et Christine Gauthier ont remarqué des ensembles particulièrement intéressants de par leur style ou leur thémati-que. On retiendra que si les peintures en blanc cassé du grand abri d’Ufsé ont bien été réalisées au plâtre, cela pourrait être l’occasion d’obtenir des datations directes, puisque l’on sait main-tenant dater cette matière. Les auteurs donnent aussi plusieurs cas de relations entre peintures et gravures, dont une exceptionnelle femme ouverte brandissant une hache et gravée sur l’aplat blanc d’un grand bovin (Y. & C. Gauthier 2003, fig. 2). On note également un éléphant en aplat blanc et à oreilles en ailes de papillon (id., fig. 3). Peu convaincante est l’identification de deux des bovinés d’Anaserfa comme Buffles antiques (id., fig. 14), car la posture générale de la bête ne correspond pas, et l’emphatisation symbolique du cornage de bovinés ordinai-res — représentés d’ailleurs de manière assez fruste — pourrait suffire à les expliquer. Dans un livre consacré à ce massif, Jean-Louis Ber-nezat consacre tout un chapitre à la préhistoire, ce qui lui donne l’occasion de publier des photos en couleur de diverses peintures remarquables, en particulier à la manière des Têtes Rondes, mais les styles régionaux sont très variés (J.-L. Bernezat 2002: 137-169).

Dans le Fadnoun, des peintures en style d’Iheren-Tahillâhi et, pour les personnages masculins, majoritairement d’Abaniora, ont été relevées à I-n-Selouf où deux des parois ont été préparées (peut-être par râclage) avant d’être peintes (J. & I. Leeuwen 2001). Une vache bicolore porte un grand «pot» attaché dans ses cornes par des cordes bien visibles (id., fig. 4b). Les longues cornes fines des bovins sont en blanc, et souvent asymétriques (une tournée vers le haut, une vers le bas). Deux femmes montées chacune sur un bœuf portent un cha-peau pointu comparable à ceux qui sont connus sur les gravures du Djerât (id., fig. 8, 11b). Un panneau montre une bataille d’archers (id., fig. 12a), deux d’entre eux étant dotés d’une queue postiche touffue et à échancrure médiane, comme on en connaît aussi sur les gravures du

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Djerât (id., fig. 12b). Sur une scène qui rappelle la célèbre fresque d’Iheren, un troupeau d’une quarantaine de moutons se trouve face à un cercle d’aspect végétal dans lequel deux fem-mes semblent assises (id., fig. 10a). Enfin, Jean-Louis Bernezat a signalé (2004) l’existence de chemins antiques ou préhistoriques aménagés par déplacement de gros blocs, probablement afin de faciliter l’accès aux points d’eau pour les troupeaux de bovins figurés sur les peintures. En effet, de tels chemins auraient été trop larges — et grandement inutiles — pour des humains ou des ovicaprinés.

La découverte de deux gravures étonnantes sur un rocher au centre d’un paléolac, au nord-ouest du puits d’I-n-Azawa, a permis d’identi-fier une «école» particulière de graveurs qui se plurent à figurer des antilopes dotées de nom-breux caractères fantastiques: ventre énorme de femelle gravide sous lequel pend un curieux appendice, protubérances en arceau, ligne zigzaguante partant de la gueule… Une autre gravure de ce type se trouve à Yuf Ehaket en Ahaggar, à 140 km au nord-ouest d’I-n-Azawa, et la circulation entre ces deux points est facilité par l’oued Ti-n-Tarabin, d’où le nom d’«école de Ti-n-Tarabin» proposé pour désigner ce style particulier (F. Scurtu et J.-L. Le Quellec 2002).

Égypte et désert Libyque

Notre sociétaire András Zboray est mainte-nant le meilleur connaisseur de l’art rupestre de la région du Gilf et du Jebel el-’Uweynât, qu’il arpente régulièrement, méticuleusement, et sys-tématiquement (A. Zboray 2003b). Il a présenté, dans la précieuse revue Sahara, une série de documents particulièrement significatifs, sans pouvoir viser à l’exhaustivité puisque lors de la seule expédition conduite en octobre 2002, lui et son équipe ont découvert 66 nouveaux sites dans le Karkur Talh et le Karkur Murr (A. Zbo-ray 2003a). Les documents publiés s’intègrent plutôt harmonieusement à ce que l’on connaît déjà de cette région (à part ce qui ressemble à la peinture d’un ithyphallique vu de face, dans le site 33 du Karkur Talh), mais les nouveaux sites du Wâdi Sora se singularisent par de nombreu-ses superpositions incluant des images de dif-férents styles — dont des peintures de couleur jaune — ce qui laisse espérer qu’une chronolo-gie locale sera possible.

Un disque blanc visible sur les photos satlitaires du plateau Hassanein, dans le Jebel el-’Uweynât, avait attiré l’attention de notre ami, qui n’a eu de cesse que d’y aller voir, après une difficile ascension en février 2003, renouvelée en mars 2004, ce qui lui a permis de vérifier qu’il s’agit d’un cratère dans les environs duquel il a eu la surprise de découvrir sept sites à pein-tures rupestres, dont un abri d’une centaine de

mètres, entièrement orné dans le style des pas-teurs locaux, et côtoyant leurs bovinés, mais aussi des «personnages à tête d’oiseau», des chèvres, et un combat d’archers. On note égale-ment deux anthropomorphes portant une sorte de hotte, et le thème du personnage dans sa hutte est également présent (A. Zboray 2004). Le même chercheur, véritablement infatigable, a aussi exploré l’oued Wahesh, où il a trouvé d’autres exemples d’anthropomorphes peints en aplat foncé dans le «style de Sora» (A. Zboray 2005a, fig. 3-5), dont deux qui tiennent très net-tement une girafe en longe (id., fig. 7). Il y a aussi là des mains négatives sur fond ocre (id., fig. 7 et pl. Z, Ax), mais le reste du bestiaire se limite à des gazelles (id., pl. Bx), des chèvres (id., pl. Cx) et quelques chiens. Par leur extrême élongation et leurs membres atrophiés, de nou-veaux personnages en style des «Têtes Rondes d’’Uweynât» (id., fig. 8, 9) diffèrent quelque peu de ceux connus jusqu’alors. On note enfin l’existence de motifs dessinés à l’aide de séries de points (id.), et qui pourraient être des végé-taux, car ils ressemblent à d’autres du Karkûr Talh, qui sont broutés par des bovins.

Ces remarquables découvertes d’András Zboray, qui contraignent à revoir les sché-mas de peuplement de l’ensemble de la région concernée, sont à compléter par quelques trou-vailles sporadiques effectuées par divers voya-geurs. Ainsi, un panneau gravé comportant un éléphant parmi de nombreuses girafes a été remarqué à l’est de la piste de Kufra à ’Uweynât (F. & U. Berger 2003, fig. 2) et, non loin de là, se trouvent aussi quelques gravures de bovinés, d’une école et d’une époque apparemment dif-férentes (id., fig. 3). Dans la partie sud du Jebel Arkenu, un abri orné de nombreuses peintures a livré une composition à bovinés et personnages bien dans le style pastoral local (id., fig. 4-5), mais aussi des porteurs de hotte d’un nouveau type (id., fig. 7) et des motifs géométriques fine-ment gravés puis peints (id., fig. 8). Alessandro Menardi Noguera et ses collaborateurs ont enrichi l’inventaire des sites du quart sud-ouest du massif: cinq à Karkûr Gabor, trois sur le pla-teau Emeri — avec en particulier des anthro-pomorphes que les auteurs rapprochent du style de Karnasahi au Tibesti (A. Menardi Noguera et al. 2005, fig. 8) —, deux au point d’eau de Ain Duarme où poussent encore quatorze palmiers témoignant d’une ancienne plantation. Le site le plus intéressant est l’un des abris du Karkûr Gabor, dont le plafond (id., pl. A) est orné de plus de 300 sujets: antilopes, girafes (Menardi Noguera et al. 2005, pl. B), archers, personna-ges dans une hutte avec récipients suspendus au plafond (id., pl. C), bovins et caprins (id., pl. D) ainsi que divers anthropomorphes dont un cou-ple enlacé (id., pl. F). Toutes ces images sont du

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type usuel aux pasteurs d’’Uweynât, et donc à situer dans le IVe millénaire BC (J. Linstädter

& S. Kröpelin 19). Quelques peintures et gra-vures nouvelles sont également signalées dans la branche orientale du Wâdi Abd el-Malik (F. Berger & T. el-Mahdy 2003, fig. 2, 3).

Un nouvel ensemble de gravures a été découvert à deux kilomètres au nord-est du site romain de Qaçr Gib, au nord de Kharga (A. Rowe & S. Ilka 2004). S’y trouvent surtout des figures géométriques dont une a été inter-prétée comme un bateau par les auteurs (ce dont il est permis de douter), d’autres étant compa-rables à des marques tribales comme celles des Arabes Rashaïda, Zowia et Ulâd ben Miryam. L’un de ces dessins ressemble à une marque de clan Teda, et d’autres ont évoqué à leurs décou-vreurs des marques targuies et des caractères libyco-berbères, mais comme il s’agit de signes géométriques très simples, et en l’absence de toute inscription développée, ce type de rap-prochement est sujet à caution. Outre quelques chameaux, dont un monté devant la bosse, trois anthropomorphes d’un type nouveau attirent ici l’attention, dont deux entourés d’inscriptions arabes que les auteurs n’ont pas cru bon devoir porter sur leurs relevés, mais qui leur ont semblé plus récentes qu’une inscription grecque voisine — également non publiée. Les auteurs suggè-rent que certaines de ces gravures auraient pu être effectuées par des Touareg et des esclaves africains accompagnant une caravane (id.: 120-121), ce qui est certes possible, mais impossible à prouver. Il a été remarqué que la face sud-est d’une colline du Regenfeld comportant des caches à «Clayton rings» était organisée à l’aide de demi-cercles de pierres; parmi celles-ci se trouvait une petite dalle ornée d’une antilope (Oryx dammah) finement gravée (H. Riemer & R. Kuper 2000: 95).

Dans tout le Sahara — où les abris-sous-roche abondent —, seule l’Égypte livre de vraies grottes ornées. Un groupe de cher-cheurs du Barth Institut de Cologne a exécuté un relevé intégral des gravures de la désor-mais fameuse grotte de Djara (E. Claßen et al. 2001), qui n’avait fait jusqu’à présent l’objet que de quelques publications préliminaires. Le sol de cette cavité, formée par drainage des eaux de surface, se trouve à une dizaine de mètres sous le sol, et les gravures rupestres, incisées et piquetées sur des roches carbonatées (sta-lagmites), devaient jadis apparaître en blanc brillant. On y reconnaît quatre figures anthro-pomorphes schématiques et trente-sept repré-sentations d’animaux sauvages, parmi lesquels figurent avec certitude l’autruche, l’oryx, l’ad-dax, l’ibex et des gazelles. Ces gravures ne sont pas précisément datées, mais elles n’ont

pu être réalisées après 5400 BC — époque de l’abandon de la région, dont témoignent les plus récentes datations au radiocarbone. Le matériel des deux foyers mis au jour tout près de l’entrée de la grotte se composait de pièces bifaciales : pointes de flèches et grattoir que les charbons ont permis de dater entre 5680 et 5400 BC environ, donc un peu avant l’appa-rition de cette même technique bifaciale dans les sites du Fayoum et de Merimde, en Basse-Égypte. Parmi les objets de silex taillé décou-verts à Djara, l’un des plus remarquables est un couteau à longues retouches couvrantes qui rappelle beaucoup des objets prédynastiques trouvés dans la vallée du Nil. L’ensemble de la zone où se trouve la grotte a d’abord été fré-quenté au début de l’Holocène (vers 7700-6700 BC) par des chasseurs épipaléolithiques qui y laissèrent une partie de leurs armes. À partir de 6400 BC, la région semble avoir été beaucoup plus densément peuplée, par des nomades qui s’y installaient un peu plus longtemps (au vu des meules et molettes qui devaient leur servir à moudre des céréales sauvages) et l’occupa-tion du site s’intensifia encore à partir de 5800 BC. Les contacts avec la vallée du Nil, qui se laissent deviner au travers des caractéristique techniques des outils, ont été confirmés par la découverte des coquilles d’un gros mollusque bivalve ne pouvant guère provenir que du fleuve: Aspatharia rubens. Les restes de faune décou-verts en fouille font écho à l’imagerie rupestre: on a pu identifier deux antilopes (Oryx gazella dammah, Addax nasomaculatus) et trois espè-ces de gazelles (Gazella dorcas, G. dama, G. leptoceros), de même que l’autruche. Seul le caracal, présent dans cet assemblage faunis-tique et que les chasseurs de Djara ont donc chassé, n’a pas été représenté sur les parois de la grotte. Enfin, aux environs de 5400 av. J.-C., l’aridification croissante conduisit les gens qui nomadisaient encore dans la zone de Djara à se replier vers des régions plus clémentes.

Une autre grotte remarquable est celle de l’oued el-Obeydh, fouillée par Barbara Barich (1998) et qui comprend une série localement ancienne d’empreintes de félins gravées dans la paroi, ainsi que 21 mains négatives. Elle a été visitée par Alec Campbell (2005), qui pré-sente deux images inédites s’ajoutant à la série des gravures fines localement les plus récentes: antilopes, chèvres, et une girafe ultérieurement transformée en bovidé (A. Campbell 2005, fig. 4 b-f). Deborah Darnell a signalé l’existence d’une troisième cavité ornée, la Grotte des Mains («The cave of the Hands»), découverte entre le Nil et Kharga, et dans laquelle se trou-vent quelques mains positives, et un plus grand nombre qui sont négatives (D. Darnell 2002).

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Dernière découverte en date, celle des gra-vures «extremely ancient» d’Abu Tanqurah Bahari, dans la région d’el-Hosh, qui sont très différentes des images pré-dynastiques usuel-les. Selon Dirk Huyge, leur inventeur, elles pourraient être «late Palaeolithic or early Neo-lithic» (D. Huyge 2005: 246-247, et fig. 13), mais leur étude est tout juste commencée.

Aïr

La seule nouveauté est un inventaire sys-tématique du site de Dabbous, naguère étudié par Christian Dupuy (1987, 1988). Une équipe conduite par Jean Clottes (2000) y a enregistré 828 sujets, dont 704 zoomorphes, 61 anthropo-morphes, et 17 inscriptions en caractères tifi-nâgh. Parmi les animaux identifiés, les bovinés dominent (46%), puis viennent les autruches (16%), les antilopes et gazelles (16%) les gira-fes (16%), et enfin 12 dromadaires, 11 canidés, 6 rhinocéros, 3 équidés (chevaux ou ânes), 2 singes, 2 éléphants, 1 lion. La seule conclusion de l’étude est simplement que ce travail, réalisé par trois chercheurs professionnels et largement subventionné, a donné des résultats pratique-ment identiques à ceux qu’avait obtenus notre sociétaire Christian Dupuy, simple amateur tra-vaillant sur ses deniers. J’avoue mal saisir ce que veulent dire les signataires de cette publication lorsqu’ils en concluent que «ceci a une grande importance d’un point de vue méthodologique pour l’étude de l’art rupestre dans l’Aïr» (J. Clot-tes 2000: 13). Il est en tout cas possible de s’in-terroger sur le coût et l’intérêt d’une opération consistant à installer, à l’aéroport d’Agadez, un moulage en aluminium (de 23 m2) des deux plus

grandes girafes de ce site (J. Clottes 2001). Tibesti

Aldo Boccazzi et Donatella Calati ont fait connaître l’extraordinaire site d’Ouri (Tibesti oriental) où les peintures, situées sur les parois verticales d’un grand inselberg, sont exposées au soleil et aux agents atmosphériques (A. Boccazzi & D. Calati 2001, fig. 1) et pourtant sont plutôt bien conservées, ce qui permet de nombreuses observations relatives à la culture matérielle de leurs auteurs: les détails de l’habillement sont souvent très soignés, particulièrement les peaux ou fibres (id., pl. P) et l’on remarque, par exem-ple, que pendant leurs déplacements, les hommes portaient leur appuie-tête sur l’épaule (id., pl. Q). L’ensemble principal, en style de Karnasahi, se développe sur 36 m2, et comporte 146

personna-ges, très riches en détails ethnographiques (id., pl. N). On voit notamment (id., fig. 6) un groupe d’hommes s’affairant autour d’une antilope sur le dos (comme sur certaines peintures tassilien-nes et gravures du Messak) pendant que d’autres boivent ou font de la musique (id., fig. 7).

Ennedi

Avec la complicité de Sergio et Adriana Scarpa Falce, Jacques et Brigitte Choppy ont livré la troisième livraison de leur catalogue des sites rupestres de l’Ennedi, traitant cette fois du centre et du sud-est (J. & B. Choppy et S. & A. Scarpa Falce 2003). Sur le haut plateau de Bod-houé, au centre-ouest du Massif, Gérard Jacquet a visité de son côté 25 abris qui récèlent quel-que 300 peintures et gravures. La figure la plus intéressante est la peinture au trait d’une barque en croissant, probablement réalisée en tiges de roseau liées, avec son pilote assis à l’arrière et tenant en main une longue rame ou godille (G. Jacquet 2000: 142 et pl. K). L’auteur pense évo-que des «analogies» entre un des personnages peints dans la région et les figurations égyptien-nes de Bès (id., fig. 7) — rapprochement que rien ne vient conforter. Nombre des personna-ges peints en aplat rouge (id., fig. 8, 9) seraient beaucoup plus utilement rapprochés des «Guer-riers libyens» si abondants au Sahara méridio-nal et auxquels ils ressemblent tant par leur atti-tude, leur silhouette et leur tête fungiforme, que par la lance à grande armature qu’ils portent en main. Deux peintures au large contour rouge sombre ou violacé, comprenant chacune deux personnages (id., fig. 12, 13), rappellent forte-ment le style des Têtes Rondes et pourraient manifester une extension inédite de ce style — mais cela reste à confirmer car les œuvres en question sont très mal conservées. D’énigmati-ques formes ovales ceintrées et rayées ont été remarquées, dont deux à proximité de person-nages probablement féminins (id., fig. 14-17). Ces figures diffèrent des enclos ou habitations par ailleurs présents dans la région (id., fig. 18, 19). Plusieurs gravures montrent un objet fuselé qui résiste à l’interprétation (id., fig. 20a, 20b) et dans un couple gravé, l’homme, doté de chaus-sures à talon, semble brandir ce qui ressemble fort à un fusil-mitrailleur (id., fig. 20c) ! Dans les environs se trouvent environ 150 tombes qui sont peut-êre à mettre en rapport avec l’art; la photo publiée laisse voir des sortes de tumu-lus (?) à appareil régulier, et l’ensemble laisse augurer d’une zone très riche, qu’il conviendrait de documenter avec précision.

La partie orientale du massif a été traver-sée par l’expédition italienne «Croisière des Sables» de 1999 (L. Rossi 2004), ce qui a per-mis de repérer de nouveaux sites, brièvement signalés par Lucanio Rossi (2000). Au départ, un boviné peint à corps rayé d’un type fréquent au Tchad a été photographié au nord-ouest de Fada (L. Rossi 2000, fig. 2), et sur le même site se trouve notamment un personnage schémati-que aux tresses tombantes (id., fig. 3). Plus au nord-est, dans la Plaine d’Aloubo (dépression

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du Mourdi) un grand tumulus est entouré de tombes plus petites, le tout se trouvant dans un lieu où abondent les gravures pastorales. Un ensemble de gravures réticulées a été repéré à peu de kilomètres d’Azrenga (ex.: id., fig. 4) et l’auteur les interprète comme des pièges. Qua-tre abris ornés se trouvent près du point d’eau de Halenia. S’y remarquent en particulier des lan-ciers schématiques emplumés, peints en aplat (id., fig. 7). L’abri visité dans l’oued Tegroba montre des dromadaires acéphales montés par des personnages à tête «en bâtonnet», voisinant des femmes de même style (id., fig. 10). L’auteur renouvelle à leur propos la proposition d’y voir des «pré-Touareg» qui seraient entrés en rela-tion avec les éleveurs tardifs de l’Ennedi et du Tibesti.

Des peintures de bovinés en aplat ocre foncé au corps très massif et aux pattes et aux cornes très fines ont été ultérieurement signalées dans le centre de l’Ennedi par la mission Acacia («Arid Climate, Adaptation and Cultural Inno-cation in Africa») de Cologne (G. Uwe 2004a, 2004b). Les pasteurs qui les accompagnent sont grossièrement bitriangulaires avec une grosse tête elliptique (Kröpelin 2004:116-117 et pl. T). Enfin, un panneau de la région d’Ona Guif ou Avoa, près d’Archei, orné d’un groupe de cava-liers au galop volant en aplat rouges, armés de lances, a été présenté par Giancarlo Iliprandi (2003).

Soudan

Plusieurs sites à gravures ont été signalés par Stefan Kröpelin. Dans la dépression «Dry Selima», des figures associées à un paléolac montrent animaux sauvages (antilopes, autru-ches, mouflons, girafes plus anciennes car plus patinées) et domestiques (ânes probables, bovins à longues cornes), personnages dotés d’objets longs (lances ou bâtons ?) et signes (spirales, empreintes de sandales, courtes rainures paral-lèles). Quelques bateaux schématiques posent la question de savoir si ceux-ci n’auraient pu être utilisés dans le lac voisin, qui se trouve à une centaine de kilomètres du Nil (S. Krö-pelin 2004: 111-113). Trois autres sites ont été étudiés le long du Wâdi Howar, ancien affluent du Nil. Friederike Jesse (2005) y a compté 502 sujets gravés sur 235 dalles horizontales situées entre 110 et 150km à l’ouest de la vallée du Nil. L’ensemble se compose de signes schématiques (66,5% de «grids», puis 6,6% et moins pour les «ovals», «ovals with intersecting lines», «horseshoe shaped forms», «floral motifs» et serpentiformes), animaux (bovinés, éléphants, gazelles, girafes, autruches, dromadaire, peut-être serpents et scorpions, soit 1,2 % au total) et quelques anthropomorphes (2,2 %). D’autres gravures proviennent du Zolat el-Hammad, à

450 kilomètres du Nil, site dont la partie occi-dentale était déjà connue par les publications anciennes de Douglas Newbold (1924) et Hans Rhotert (1952), mais de nouveaux documents sont maintenant signalés dans sa partie orien-tale. Il s’agit surtout de bovinés à longues cor-nes et à «corne unique en avant», ainsi que de mouflons et chèvres de patine plus claire. Les autruches semblent coexister avec les bovins, qui oblitèrent souvent des girafes associées à des personnages allongés à très grande tête arron-die, en position statique. Ces anthropomorphes sont d’un type nouveau, différent de ceux en style des «Têtes Rondes» du Sahara central, et appartiennent à une phase locale ancienne, car certains sont associés à des rhinocéros (S. Krö-pelin 2004: 114-116).

Pour terminer cette partie, il me semble important de signaler qu’entre 2000 et 2005, ce sont quelque 260 publications sur les arts rupes-tres du Sahara qui ont vu le jour en allemand, anglais, espagnol, français, italien, catalan. À peine un tiers de ces parutions est en anglais, plus de la moitié en français, 6% sont en ital-ien, et 5% en allemand. L’espagnol et le cata-lan tournent autour de 1%, mais rien que cela représente quand même plusieurs centaines de pages à lire ! Cela signifie que quiconque ne lisant qu’une seule de ces langues mais qui pré-tendrait néanmoins à l’expertise en ce domaine se condamnerait lui-même à l’incompétence, à l’exemple d’un Christopher Chippindale, qui cru bon déclarer péremptoirement que « The Sahara has contributed virtually nothing to furthering our knowledge of rock art » (in J. Keenan 2005). Heureusement, les membres de l’AArs qui, durant cette période, ont formé

environ 30 % des auteurs recensés dans ce domaine, sont bien placés pour savoir qu’il n’en est rien…

2 — Publications récentes Anati (Emmanuel) 2006. « La parabole du masque. » Arts et cultures, p. 54-73.

Litanie de banalités, lieux communs et approximations s’appuyant sur des images en grande partie reprises de divers ouvrages. Pour le Sahara, il s’agit : de personnages des Têtes Rondes (fig. 3a et 3b) supposés illustrer les effets de champignons hallucinogènes ; de la scène de coït de Ti-n-Lalan (fig. 4) à propos de laquelle l’auteur estime que « la face d’animal indique l’identité de l’esprit fécondateur » (sans toutefois nous préciser quelle serait cette « identité ») ; des fameux théranthropes d’Asadjan wa-Mellen (fig. 5) qui, pour un Emmanuel Anati jamais à court d’explication, « pourraient décrire la rencontre de deux clans à travers leurs animaux

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totémiques », etc. En conclusion, on trouve l’une des phrases définitives dont l’auteur est si friand, affirmant ici que « le masque porté par l’homme préhistorique et tribal a des fonctions métaphoriques qui lui conféraient la faculté d’agir d’une façon déterminée par le masque ». Comprenne qui peut.

Barich (Barbara E.), Tillet (Thierry) & Striedter (Karl Heinz) 2005. Hunters vs. Pastoralists in the Sahara : Material Culture and Symbolic Aspects. BAR International Series 1338, 65 p.

Il s’agit des actes du du Symposium 10.1 (commission xxv) du xive Congrès uisPP qui s’est

tenu à l’Université de Liège (Belgique) du 2 au 8 sepembre 2001. Ce livret réunit les commu-nications de B.E. Barich (« The Late Hunting Societies of Jebel Gharbi (Northwest Libya). Settlement and Landscape »), M. Nami (« Art rupestre marocain : styles, techniques et chrono-logie »), K.H. Striedter et M. Tauveron (« Traces de l’art rupestre fezzanais dans la Tadrat algé-rienne »), I. Amara (« L’art rupestre de l’Atlas saharien (Algérie): les figurations de la période récente »), G. Calegari (« Taouardei : the Map of a Culture »), M. Tauveron et K.H. Striedter (« Petite histoire d’un crayon d’ocre à l’est des eaux fraîches : chasseurs-graveurs et pasteurs-peintres ou pasteurs-peintres-chasseurs et graveurs-pas-teurs? »), A.B. Smith (« Creating a Landscape for Saharan Pastoral Archaeology »), R. Schild, M. Kobusiewicz, F. Wendorf, et J.D. Irish (« A New Important Area of Neolithic Occupation in the Southswestern Desert of Egypt »), H. Rie-mer (« Pastoralism and the ‘Absolute’ Desert. A View from the Southern Great Sand Sea, Egypt »). Trois communications annoncées dans le programme n’ont pas été publiées, à savoir celles de C. Conati-Barbaro (« SJ-98-26A: An Epipalaeolithic Site in the Jebel Gharbi (Tri-politania, Libya). Resources Exploitation Stra-tegies », D. Zampetti (« The Rock Art of the Acacus (Libyan Sahara). The Contexts and the Iconographies »), et J. Linstädter (« The Neoli-thic of the Gilf Kebir (South-West Egypt »).

Amara (Iddir) 2005. « L’art rupestre de l’Atlas saharien (Algérie) : les figurations de la période récente ». In : Barich, Tillet, Striedter 2005, p. 25-31.

Nouveau résumé de la thèse de l’auteur constituant un article où, à vrai dire, il est assez difficile de s’y retrouver. L’introduction (p. 25) annonce que « 1617 figurations ont été répertoriées et ont bénéficié d’une étude détaillée », et il est annoncé (p. 27) que « l’inventaire, achevé en 1995, a abouti à la mise en forme d’un corpus regroupant l’ensemble

des gravures connues de l’Atlas saharien » (je souligne). Mais ce n’est que dans le cours du texte (p. 27) que l’on apprend que cela ne correspond en fait qu’aux figures « d’âge récent ». Et si l’on fait le total des chiffres donnés à la page suivante pour ledit « corpus », on arrive également au total de 1617, ce qui signifie que « l’ensemble des gravures connues » dans cette province rupestre est donc bien supérieur. Par ailleurs, dans la conclusion, s’interrogeant sur le rôle respectif des influences sahariennes et de l’Atlas marocain, l’auteur estime (p. 30) que « seule une prospection entreprise dans des secteurs bien définis de la région atlasique permettra de trancher la question », ce qui laisse donc supposer qu’en réalité, le corpus est encore à faire. De plus, la présentation des figures caballines sur plaquettes de Djorf Torba (p. 29) ignore l’importante synthèse de Gabriel Camps (1995), dont la consultation aurait évité à l’auteur d’écrire que « les plaques de grès ont servi de pierres tombales » — ce qui n’est certainement pas le cas —, et lui aurait permis de donner un inventaire correct des figures (le sien étant notablement incomplet). Enfin, un examen attentif des peintures de ce site lui aurait permis de remarquer que deux femmes accompagnées de barbus brandissent une croix, ce qui témoigne de la christianisation des Berbères locaux. Du reste, Gabriel Camps avait très pertinemment rapproché ces images de celles qui se voient sur des monnaies byzantines du vie siècle, tout en

notant que l’encadrement géométrique d’une autre stèle du même site offre « les plus grandes analogies avec les motifs qui bordent les épitaphes chrétiennes des ve et vie siècles dans

les cités maurétaniennes d’Altava et de Volubilis qui sont, avec Numerus Syrorum et Pomaria, les villes romaines les plus proches de Djorf Torba ». La proposition chronologique d’Iddir Amara, qui voudrait faire remonter ces stèles à « l’époque de Syphax » (p. 29), donc au iiie

siècle avant notre ère, est donc particulièrement invraisemblable. On remarquera enfin que six des références appelées dans le texte ne se trouvent pas dans la bibliographie finale.

Aumassip (Ginette), Badi (Dida), Ferhat (Nadjib), Hameg (Abdelhakim Sahbi), Kerzabi (Sid Ahmed) et Soukehal (Abdel-hamid) 2001. Promenade au tassili Azjer. ANEP / Association Les Amis du Tassili, 176 p., 155 ill.

Présentation générale de cette région, dans un volume bien illustré, de présentation agréable. Pour des raisons étymologiques, les auteurs préfèrent reprendrent une graphie faisant appa-raître le /Z/, et substituent « Azjer » au tradi-tionnel « Ajjer ». Ils notent les différentes

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