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Préoccupations et jeux d'acteurs dans la conduite du changement : Cas de la cimenterie de Bizerte

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Revue Marocaine de recherche en management et marketing, N°12, Août-Octobre 2015 Page 135

Préoccupations et jeux d'acteurs dans la conduite du changement : Cas de la cimenterie de Bizerte

NABILA LARIBI

Maître Technologue à l’ISET de Bizerte, Tunisie nkhlifi2009@yahoo.fr

CHIRAZ RZAIGUI

Maître Technologue à l’ISET de Bizerte, Tunisie rzaigui_chiraz@yahoo.fr

SLAHEDDINE KHLIFI

Maître Technologue à l’ISET de Bizerte, Tunisie skhlifi2004@yahoo.fr

ROULA AOUIDET

Maître Technologue à l’ISET de Jendouba, Tunisie roulajosef-@yahoo.fr

Résumé :

Le présent papier vise à élucider le lien entre les préoccupations des employés au travail et leurs réponses comportementales face au changement à travers une étude quantitative exploratoire menée auprès d’un échantillon de 178 employés d’une entreprise tunisienne ayant vécu un changement organisationnel impactant, en l’occurrence « les Ciments de Bizerte ».

Plus précisément, nous diagnostiquerons d’une part les préoccupations vécues au travail par les employés de la Cimenterie de Bizerte, puis d’autre part l’effet de ces préoccupations sur les jeux d’acteurs face au changement.

L’intérêt sur le plan pratique de notre étude étant d’analyser la valeur prédictive des préoccupations sur le comportement afin de proposer des stratégies d’accompagnement des employés résistants lors de la conduite de ce changement.

Mots clés : changement organisationnel, résistance, soutien, préoccupations.

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Abstract:

Concerns and sets of actors in change management Case of the " La Cimenterie de Bizerte "

Our study aims indeed to explore the link between the concerns of 178 employees at work and their behavioral responses to change.

More specifically, we firstly analyze concerns experienced at work by the employees of « La Cimenterie de Bizerte » and secondly the effect they had on the player’s side games to the change in it’s production unit.

The interest of our study in practice is to analyze the predictive value of concerns about the behavior to propose accompanying strategies of resistant employees in the management of change.

Keywords: organizational change, resistance, support behavior, concerns.

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Introduction

Les bouleversements tant sur le plan politique que sur le plan socio-économique vécus par la Tunisie ces dernières années ont marqué les organisations privées et publiques tunisiennes.

Ces organisations sont de plus en plus appelées à se renouveler pour répondre aux exigences actuelles et à venir du marché. Souvent vécu comme un élément déstabilisant, le changement permet à l’entreprise de s’adapter aux évolutions de son environnement. Mais faire le lien entre la volonté de changer et sa mise en œuvre n’est pas toujours facile. Les études montrent que les succès en matière de changement organisationnel sont malheureusement moins nombreux que les échecs, (Marc Thiébaud, 2001). Les raisons semblent liées dans la majorité des cas aux difficultés de conduite du processus de changement, qui implique tout particulièrement l’aspect humain ; un aspect qui bien que souvent sous-estimé, constitue une dimension incontournable de la réussite du changement.

Au-delà des aspects « techniques », quand la mise en place d’une nouvelle organisation ne se déroule pas comme prévue, c’est essentiellement pour une question de comportements : trop de résistants, pas assez de soutien, un rapport de force défavorable ,…

Faire adhérer, contourner les résistances, transformer les forces négatives en énergie positive,…telles sont les principales préoccupations de tout chef de projet.

Avant tout changement, l’entreprise est alors appelée à mener une réflexion stratégique sur la conduite du changement et mettre en œuvre un management destiné à accompagner les collaborateurs de façon à anticiper puis à combattre les résistances au changement.

Ce travail de recherche se veut être une réponse à la problématique « comment déployer une action d’accompagnement des collaborateurs afin de démystifier les comportements de résistance et d’en prévoir les stratégies d’intervention ? ». C’est dans ce cadre que nous nous sommes proposé de mener une étude exploratoire auprès d’un échantillon de 178 employés de la Cimenterie de Bizerte sujets d’un changement organisationnel dans le cadre d’un programme de mise à niveau.

Trois phases permettent de répondre à notre question de recherche : la première est une identification des réponses comportementales des employés de la cimenterie face au changement. Cependant cette identification s’avère à elle seule insuffisante. Pour conduire une action d’accompagnement au changement, il faut aussi comprendre le pourquoi des réponses comportementales .Tel est l’objectif de la deuxième phase, en analysant les variables antécédentes aux réponses comportementales des employés de la Cimenterie de Bizerte selon le modèle des phases de préoccupations (Bareil, 1997). La troisième phase aborde la valeur

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prédictive de ce modèle et propose une mise en pratique d’une action d’intervention sur les résistants selon leurs préoccupations.

1. Cadre théorique

1.1. Le changement organisationnel : une affaire de comportement

Dans sa définition courante, (Guilhon, 1998) précise que le changement organisationnel correspond, « à une modification de l’un des éléments de l’organisation du travail ou de l’organisation dans son ensemble. Il peut porter sur l’introduction d’un produit, d’un équipement ou de procédés nouveaux, mais également sur la répartition du travail au sein d’une équipe »

En pratique, faire le lien entre les volontés de changement et leur mise en œuvre n’est pas toujours facile puisque le processus de changement organisationnel crée la peur, l'incertitude, le conflit et le doute (Jaskyte, 2003). Par conséquent, et selon (Lau et Woodman, 1995) les acteurs du changement sont sceptiques et soucieux du résultat du changement organisationnel surtout qu’une grande partie des changements n’atteignent pas les objectifs visés. D’ailleurs, (Bareil, 2004); (Beer et Nohria, 2000); (Wellins et Murphy, 1995) avancent que les taux d’échec se situeraient entre 20% et 80%, tout dépendamment du type de changement.

Rondeau (2002) définit certaines conditions qui seraient liés au succès d’un changement organisationnel : bien saisir la complexité du projet de changement, le rendre légitime, fournir des ressources adéquates, s’inspirer des pressions de l’environnement, développer la capacité à changer et créer ou utiliser le soutien des groupes intéressés : une dimension humaine importante à considérer dans tout changement.

De leur part, (Fabi, Martin et Valois, 1999) corroborent que le succès du changement dépend de l’intelligence, de la créativité et de l’engagement des ressources humaines dans l’organisation.

A ce sujet, (Cornet, 1999) avance que « … la composante humaine du projet de changement est généralement désignée comme un des facteurs de risque les plus importants. » Plusieurs autres auteurs confirment cette vision en mentionnant qu’il n’y a pas de changement qui puisse se réaliser avec succès sans l’acceptation et la participation des employés (Backer et Porterfield, 1998; Bareil, 2004a; Bareil et Savoie, 2003; Kotter, 1995; Lines, 2005; Orth, 2002; Porras et Robertson, 1990; Vaillancourt, 2003). (Porras et Robertson, 1992) et plus récemment (Hafsi et Fabi, 1997, p.105) renchérissent en affirmant que « tout changement réussi persistera à long terme seulement si les membres modifient leurs comportements au travail de manière appropriée ».

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Vu sous cet angle, le changement correspond à un défi humain. Dans un tel environnement, le comportement de l'employé devient l'élément le plus critique pour atteindre la nouvelle configuration. En effet, c’est en amenant chacun des employés touchés à changer ses comportements et ses habitudes que le changement pourra se réaliser avec succès. En d’autres mots, c’est l’ensemble des changements individuels qui permet de mener à bien un changement organisationnel, (Meunier S, 2010).

Pourquoi donner tant d’importance à la dimension humaine face au changement ? Pourquoi les auteurs ont abondamment cité le facteur humain en tant que levier de réussite du changement ?

1.2. Réponses comportementales face au changement : De la « résistance » au « soutien »

Changer, du point de vue individuel, n'est souvent pas un choix, mais le résultat d'une confrontation parfois pénible avec la réalité, une obligation que certaines personnes vont vivre douloureusement. En effet, l’apparition d’un changement provoque un déséquilibre qui va déclencher ou réactiver chez de nombreuses personnes des émotions telle que la peur, la colère ou la tristesse, et donc des comportements de résistance en mobilisant ce qu’Anna Freud a baptisé des mécanismes de défense. La résistance au changement, lorsqu’elle se présente, est donc un processus normal et naturel qu’il y a lieu de comprendre et de gérer afin de retrouver l’équilibre ébranlé.

Mais que signifie « résistance » ? En latin, l’origine du mot resistere, sistere signifie s’arrêter.

Le fait de résister, c’est opposer une force ou une capacité à une autre afin de ne pas subir les effets d’une action.

Dans un contexte de changement organisationnel le terme «résistance» indique le refus d’accepter un changement et se caractérise par des comportements visant à entraver le changement, à y nuire ou à y faire obstacle.

Selon (Dolan, Lamoureux et Gosselin, 1996, p. 486), la résistance au changement est « l’attitude individuelle ou collective, consciente ou inconsciente, qui se manifeste dès lors que l’idée d’une transformation est évoquée et représente une attitude négative adoptée par les employés lorsque des modifications sont introduites dans le cycle normal de travail ». Telle est la conception classique, qui rétorque une réaction principalement négative à l’égard du changement. Cependant, dans la réalité les réactions apparaissent beaucoup plus nuancées, en effet plusieurs travaux récents (Vas 2005 , Piderit 2000 ,Orth 2002 ) ont remis en cause cette perspective classique qui limite la réponse comportementale face au changement en une seule

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forme : la résistance ; et ont poussé vers une compréhension plus globale des réponses comportementales face au changement.

Selon (Soparnot,(006, p. 107) « …certains individus ont une surprenante propension aux réformes et les réclament parfois activement », réactions pouvant aller de l’acceptation à l’appropriation même du projet de changement : des formes de comportement que (Orth, 2002) qualifie de soutien au changement.

Le soutien au changement est un comportement qui se manifesterait par une vision partagée, une communication ouverte, un esprit collaboratif, une facilité d’interactions etc… (Porras et Hoffer, 1986). Selon ces mêmes auteurs pour réussir le changement, l’organisation a besoin du soutien actif de tous ses membres, ainsi et comme le mentionne (Orth, 2002), vaincre les résistances est probablement insuffisant ; (Schein, 1980) propose même que le changement organisationnel ne puisse se faire qu’à travers l’acceptation voir le soutien des employés.

Résistance ou soutien sont l’expression de nombreux type de comportements qui selon (Herscovitch, 2005) sont répartis en actions ou inaction ; explicite ou subtil, individuel ou collectif selon (Bareil, 2004) ; et actif ou passif selon (Herscovitch, Meyer, 2002) et (Orth, 2002).

Ainsi en examinant autant les conduites anti-changement que les conduites pro-changement, plusieurs manifestations des réponses comportementales face au changement peuvent être répertoriées.

Pour ce qui est de la résistance, les comportements observés peuvent aller de la rétention de l’information au sabotage du projet.

Les réactions répertoriées en termes de soutien vont de la conformité, simple volonté de faire ce qui est exigé par l'organisation, au « championnig » qui se réfère à la volonté des employés à embrasser le changement voir le «vendre» à d'autres, en passant par la coopération qui se réfère à l'acceptation des employés de «l'esprit» du changement, (Herscovitch et Meyer, 2002).

Toutefois résistance ou soutien demeurent des réponses comportementales difficiles à prédire:

une meilleure compréhension de ces deux phénomènes passerait par une démystification des origines de ces types de comportement.

-Quelles en sont alors les variables antécédentes ?

-Comment prévenir les résistances afin d’accélérer le processus d’appropriation du changement ?

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1.3. Les antécédents aux réponses comportementales face au changement Plusieurs travaux ont tenté d’identifier les variables qui seraient liées au soutien ou à la résistance au changement : Engagement affectif et ou normatif envers le changement (Herscovitch, 2002) (Orth, 2002), participation et/ou implication dans les décisions (Giangreco, 2005), récompenses intrinsèques, confiance en la direction, possibilité de promotions (Oreg, 2006), soutien à l'autonomie (Gagné, 2000) etc. (Rioux, 2004) recense en effet l’existence de 52 modèles explicatifs du changement, une abondance documentaire dont les apports en termes de variables antécédentes aux réponses comportementales face au changement restent plutôt variées et difficiles à regrouper.

De tous ces travaux, un modèle semble se démarquer de par ses bases conceptuelles assez solides et ses appuis empiriques non négligeables tel que mentionné par (Rioux, 2004), (Bareil, 2004) et (Hall et Hord, 2001) : Il s’agit du modèle des phases de préoccupations.

1.3.1. Modèle des phases de préoccupations

Plutôt que d’attendre que les comportements de résistance ou de soutien soient émis, il serait préférable d’adopter une approche plus proactive en identifiant les signes avant-coureurs des comportements à venir des employés : leurs pensées et préoccupations (Wadsworth, 2001).

(Bareil et Savoie, 1999) définissent une préoccupation comme étant :

« Une préoccupation est un sujet sur lequel on s'interroge et sur lequel on aimerait avoir des éclaircissements ou des éléments de réponse. Il ne s'agit pas nécessairement d'un problème, mais plutôt d'inquiétudes et de questions ressenties par le destinataire à un certain moment donné et face à une situation passée, actuelle ou anticipée. »

(Bareil et Savoie, 1999, dans Visinand, 2003, p. 11) Il s’agit d’un concept à la fois de nature affective (le sentiment d’inquiétude) et de nature cognitive (le contenu de la préoccupation elle-même). Par exemple un employé est préoccupé par la possibilité de perdre les avantages de son poste. Il est donc inquiet (sentiment = composante affective) par rapport à un objet qui est la perte de ses avantages (contenu = composante cognitive).

Une préoccupation constitue en fait une zone d’inconfort pour le destinataire. Elle le perturbe dans son travail quotidien et il tente de l’apaiser.

Nous voyons ainsi les préoccupations comme l'expression de différentes inquiétudes face à un changement. Ces inquiétudes peuvent être centrées sur l’employé lui-même, sur la tâche qu’il exerce, sur le contenu du changement, sur les conséquences du changement etc. Ces préoccupations varient en termes d’intensité selon la nature ou l’évolution du changement

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(Bareil, 2004), (Hall et Hord, 1987) et se regroupent en catégories bien distinctes appelées « phases ».

Développé depuis déjà plusieurs années et amélioré par plusieurs auteurs (Lewin, 1948), (Hall et Hord, 1987), le modèle des phases de préoccupations permet une gestion stratégique des préoccupations de la part du décideur en tenant compte des impacts humains relatifs au changement (Bareil, 2004).

Selon Bareil la personne touchée par le changement, aurait tendance à suivre une chronologie de sept phases de préoccupations définies comme suit :

Dans la première phase, « aucune préoccupation », comme son nom l'indique le destinataire n'a pas de préoccupations envers le changement. Il accomplit son travail comme si de rien n'était, il est indifférent. À la deuxième phase, « préoccupations centrées sur le destinataire », Inquiétudes égocentriques quant aux impacts sur soi et sur son travail : perte d’emploi, insécurité, pertes du patron et de collègues, perte de pouvoir, d’autonomie, de compétences, incidences sur les outils de travail et sur l’organisation du travail, etc. À la troisième phase,

« préoccupations centrées sur l'organisation » ; le destinataire s’inquiète des conséquences organisationnelles du changement à moyen et à long terme, et se pose des questions sur la légitimité du changement, sur la capacité organisationnelle à mener le changement à terme et sur l’engagement de la direction. À la quatrième phase, « préoccupations centrées sur le changement même », le destinataire veut obtenir davantage de précisions sur la mise en œuvre et sur les processus du changement. Il peut remettre en question le scénario de mise en œuvre de même que son implication dans le changement. À la cinquième phase, « préoccupations centrées sur l'expérimentation », le destinataire doute sa capacité à faire face au changement, au soutien disponible et à la compréhension de son supérieur. À la sixième phase, « préoccupations centrées sur la collaboration », il est préoccupé par le transfert des apprentissages dans les autres services. La septième phase, il s’agit de « préoccupations centrées sur l'amélioration du changement ». Le destinataire se préoccupe ici des améliorations à apporter pour que le changement fonctionne encore mieux.

Ces phases de préoccupations sont souvent décrites comme successives. Paradoxalement ce modèle préconise que les employés touchés par le changement entretiendraient des préoccupations qui peuvent faire partie de plusieurs phases au même moment (Bareil, 2004, p.110). Elle mentionne par ailleurs, que la phase à laquelle seraient liées les préoccupations les plus intenses de l’employé représenterait la phase dominante.

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Toutefois la dimension dynamique de cette approche prévoie une évolution de cette phase dominante dans le sens du modèle chaque fois que le destinataire trouve satisfaction aux inquiétudes ressenties lors des phases antérieures.

Le modèle des sept phases de préoccupations n'est donc pas un modèle servant à compartimenter mécaniquement les destinataires dans des catégories, il permet au décideur l'identification d'obstacles organisationnels tout en saisissant les préoccupations du destinataire (Bareil, 2004).

Ceci dit, diagnostiquer les préoccupations n’est pas dans cette étude une fin en soi, la valeur prédictive de ce modèle permet de réguler les comportements des destinataires et d’orienter les interventions pour une meilleure conduite du changement.

Est-il vrai alors, qu’intervenir sur les préoccupations des destinataires agirait sur leurs réponses comportementales ? En d’autres termes, y-a-t-il un lien entre phases de préoccupations et résistance ou soutien au changement ? Questions auxquelles ce travail aspire apporter des éléments de réponses.

1.3.2. Lien entre réponses comportementales et phases de préoccupations

Peu d’études ont traité du lien entre les préoccupations et les réponses comportementales à la fois de résistance et de soutien au changement.

Cependant (Hall et Hord, 2001) ont mis en exergue la relation entre les préoccupations et la résistance au changement et ont prouvé que ce sont les préoccupations « personnelles » et

« d’informations » qui provoqueraient davantage de résistance.

Au-delà des liens établis entre les préoccupations et le comportement de résistance, les études récentes de Meunier, (Bareil et Savoie, 2008) démontrent que les préoccupations influencent non seulement la résistance au changement, mais également les comportements de soutien.

Ces liens trouvent fondement dans les travaux de (Ajzen et Fishbein, 1980) qui stipulent que les attitudes d’un individu, composées de ses sentiments, ses cognitions (en l’occurrence les préoccupations) et de son intention d’agir, seraient en mesure de prédire les comportements de ce dernier face à une situation spécifique (en l’occurrence un contexte de changement).

Bareil corrobore que :

« …La préoccupation est antérieure au comportement (de soumission, de résistance ou d'acceptation). Si on peut agir directement sur la préoccupation, on peut alors s'éviter des comportements de résistance ou de rébellion. »

(Bareil 2004, p. 77)

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C’est ainsi que le modèle des sept phases de préoccupations de (Bareil, 2004) permet d’expliquer de façon convenable ce qui pousse les employés à appuyer le changement ou à s’y opposer. Les postulats de ce modèle affirment en effet que, d’une part les objets de préoccupations 4 premières phases expliqueraient des conduites anti-changement (H1) et (H2) ; et que d’autre part des objets de préoccupations centrées sur l’expérimentation, la collaboration et l’amélioration continue favoriseraient des comportements pro-changement (H3).

Figure1 : Modèle conceptuel

Tel que le mentionne (Rioux, 2004), il s’agit d’un modèle qui détient des bases conceptuelles et des appuis empiriques non négligeables ; et qui tient compte du processus de changement dans sa globalité. Finalement, ce modèle peut s’appliquer à différents types de changement car il est réputé flexible et malléable dans ses contenus spécifiques tout en demeurant stable dans sa structure conceptuelle. D’autant plus qu’aucun modèle n’a pu jusqu’à présent conserver cette position, car la plupart des études ne considèrent qu’une seule variable ou une catégorie de variables à la fois (variables individuelles, organisationnelles ou liées au changement).

Le présent travail de recherche tire appui des postulats de ce modèle et tente de répondre à la question : comment intervenir sur les phases de préoccupations des employés de la

« Cimenterie de Bizerte » dans un contexte de changement afin de réduire leur résistance et soutenir leur appropriation du changement ?

2. Etude empirique

2.1. Objet et hypothèses de la recherche

Ce travail consiste à effectuer une étude quantitative exploratoire menée auprès des employés de la Cimenterie de Bizerte, afin d’élucider le lien entre les réponses comportementales et les

Aucune préoccupation Préoccupations centrée s sur :

- Le destinataire - L’organisation - Changement

Préoccupations centrée s sur : - L’expérimentation - La collaboration - L’amélioration continue

Soutien Résistance

H1 H2

H3

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phases de préoccupations en contexte de changement organisationnel, l’objectif étant d’explorer des voies d’intervention stratégiques sur les résistants au changement.

Nos hypothèses de travail se présentent donc comme suit :

H1 : Les employés qui n’ont aucune préoccupation face au changement émettent des comportements de résistance.

H2 : Les employés dont les préoccupations sont centrées sur eux-mêmes, ou sur l’organisation ou sur le changement résistent au changement.

H3 : Le soutien au changement est positivement lié aux trois dernières phases de préoccupations.

2.2. Echantillon et Instruments de mesure 2.2.1. Echantillon

Le questionnaire a été administré auprès de 178 employés de la Cimenterie de Bizerte toutes catégories socioprofessionnelles (CSP) confondues. L’échantillon représente 31,8% du total du personnel.

91% des interviewés sont de sexe masculin, 14,8% sont des cadres supérieurs, 25,9% des cadres moyens, 19,8% des agents d’exécution qualifiés et 39,5% des agents d’exécution non qualifiés.

Méthode d’échantillonnage

N’étant pas distribuée au hasard, notre base de sondage est une liste qui renferme de l’information sur la taille de chaque CSP des employés de la Cimenterie de Bizerte. Elle justifie donc notre choix de la méthode d’échantillonnage stratifiée proportionnelle aux CSP, ce qui garantit d’ailleurs la représentativité de chaque catégorie dans l’échantillon global.

L’administration est réalisée en face à face afin de faciliter la compréhension des questions posées.

2.2.2. Instruments de mesure

Mesure des préoccupations

a. La question gagnante (Bareil, 2004)

« La question gagnante» : telle est l’appellation de l’outil spécifique de diagnostic des préoccupations de (Bareil, 2004), qui sert à identifier la préoccupation dominante perçue par chaque employé. Cet outil se présente sous la forme d’une simple question : « Qu’est-ce qui vous (te) préoccupe le plus actuellement par rapport au changement (nommer le changement) ? »

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b. Le questionnaire des phases de préoccupations de (Bareil, 2004)

Nous nous sommes inspirés du modèle des phases de préoccupations de (Bareil, 2004) dans l’objectif de dresser une liste de 36 objets de préoccupations potentiels des employés de la Cimenterie de Bizerte dans un contexte de changement répartis comme suit :

6 objets de préoccupations centrées sur « le destinataire » (phase 2), 4 objets centrés sur « l’organisation» (phase 3), 8 objets centrés sur « le changement lui-même » (phase 4), 9 objets de préoccupations centrés sur « l’expérimentation du changement » (phase 5), 5 types de préoccupations centrés sur « la collaboration » (phase 6) et finalement 4 items concernent les préoccupations centrées sur « l’amélioration du changement » (phase 7).

Les réponses ont été portées sur une échelle de Likert de 4 points, de pas du tout préoccupé (1) à très préoccupé (4). La mesure de la première phase de préoccupations (aucune préoccupation) fait l’objet d’une échelle de trois items proposée par Bareil (2004) dont les réponses ont été recueillies sur une échelle de Likert de 4 points, de « tout à fait en désaccord » à « tout à fait en accord ».

Mesure des réponses comportementales

En s’inspirant des travaux de (Herscovitch et Meyer, 2002), (Orth, 2002) propose d’étudier les réactions des employés sous la forme d’un continuum allant de la résistance active et passive au soutien passif et actif. Les comportements de soutien et de résistance sont mesurés à l’aide d’un questionnaire qui évalue chacune des dimensions par l’entremise de plusieurs questions.

Ce questionnaire mesure les comportements des employés sous quatre dimensions comptant 22 items au total :

3 items de résistance active (ex.: J’ai critiqué ouvertement le changement), 7 items de résistance passive (ex.: J’étais d’accord pour soutenir le changement mais je ne l’ai pas fait), 4 items de soutien passif (ex.: Je me suis montré(e) tolérant(e) à l’égard des perturbations et/ou ambiguïtés temporaires que le changement a eu sur mon travail), 8 items de soutien actif (ex.: J’ai encouragé les autres à soutenir le changement)

En répondant à ce questionnaire, les participants doivent indiquer sur une échelle de type Likert allant de 1 (pas du tout) à 4 (beaucoup) à quel point les énoncés sont représentatifs de leurs comportements au cours des deux derniers mois.

Ce questionnaire compte certaines qualités psychométriques puisque chacune des dimensions obtient des indices de cohérence interne satisfaisants variant de 0.67 à 0.90 (Orth, 2002).

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3. Résultats

La présente partie décrit les résultats des analyses statistiques qui ont été effectuées afin de tester les différentes hypothèses de recherche. Les analyses préliminaires présentent d’abord la démarche d’épuration des données et les statistiques descriptives. Ensuite la régression multiple et l’analyse de corrélation permettront la vérification des hypothèses.

Afin de vérifier la fidélité avec laquelle chacun des construits est représenté par ses items, des indices de cohérence interne ont été calculés. Ces derniers s’avèrent satisfaisants (entre 0,5 et 0,86) pour les quatre dimensions du comportement (résistance passive, active et soutien passif, actif) et les six dernières phases de préoccupation. Pour le construit « première phase de préoccupation », l’item 3 a dû être éliminé pour donner un indice de cohérence acceptable de 0,52.

3.1. Réponses comportementales 3.1.1. Identification des réponses

Les résultats montrent une tendance de soutien au changement par la majorité du personnel de la cimenterie (72,8%, sout_a=2,62 et sout_p=2,58). D’un autre côté, les cadres supérieurs et moyens s’avèrent moins résistants que les ouvriers. (tableau 1 en annexe)

Figure2 : Réponses comportementales (effectif)

Bien qu’il s’agisse plutôt d’une résistance passive en termes d’intensité, le pourcentage en termes d’effectif des résistants actifs est de l’ordre de 17% qui reste tout de même une résistance significative.

Ces résultats paraissent plausibles dans la mesure où, d’après nos contacts avec le personnel, ces derniers ont plutôt manifesté un enthousiasme envers ce changement vue son apport en terme de dépollution tant pour l’entreprise que pour la région entière.

3.1.2. Jeux d’acteurs : profils de comportements face au changement Se référant aux travaux de (Soparnot, 2006), nous avons procédé à une analyse conjointe entre la nature de la réponse comportementale (résistance ou soutien) et le degré d’activité ou d’énergie (passivité ou activité).

17,0 10,2

22,2

50,6

Res_Act Res_Pass Sout_Pass Sout_Act

Resistants soutenants

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Figure3 : Typologie des comportements face au changement

Comme l’indique la figure3, le croisement a permis d’identifier quatre profils de comportement chez les employés de la cimenterie.

En premier lieu les conformistes, qui soutiennent passivement le changement, à majorité des gestionnaires et personnel de production directement touchés par le changement. Les gestionnaires pourraient et à juste titre être appelés à agir en tant que modèles auprès de leurs employés et avoir tendance à émettre moins de résistance.

En second lieu les opportunistes qui manifestent un certain enthousiasme envers le changement et adoptent un comportement de championning (Herscovitch et Meyer, 2002). Il s’agit plutôt de staff et personnel administratif.

Les combattants, en troisième lieu, des employés de divers services techniques et de production qui s’opposent et critiquent ouvertement le changement.

Finalement les observateurs, des résistants passifs qui s’opposent indirectement au changement (Herscovitch et Meyer, 2002), tentent de marginaliser le changement et d’en faire le moins possibles (Boffo, 2005).

3.2. Diagnostic des préoccupations 3.2.1. Phases dominantes

Le diagnostic des préoccupations calculées des employés de la cimenterie de Bizerte (tableau 2 en annexe) fait ressortir les sept phases mentionnées dans le modèle de (Bareil, 2004). Les résultats dégagent une dominance de questionnements centrés sur la légitimité du changement et la capacité de l’entreprise à mener à terme le changement (phase 3, M=2,81 sur une échelle

Combattants

Conformistes Observateurs

Opportunistes

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de 4). Et d’inquiétudes quant aux améliorations à apporter pour que le changement fonctionne mieux (phase 7, M=2,74). Les autres phases de préoccupation restent néanmoins présentes avec des scores proches de la moyenne (entre 2,32 et 2,5).

3.2.2. Objets de préoccupation

Une analyse détaillée des objets de préoccupation de chaque phase montre une prédominance de quatre objets de préoccupation appartenant à différentes phases, avec des scores supérieurs à 3 sur une échelle de 4 : l’amélioration continue (phase 7), capacité de l’entreprise à réaliser les objectifs de changement (phase 3), attentes, défis et bénéfices du changement (phase4) et augmentation de la charge de travail (phase2).

3.2.3. Ecart préoccupation perçue-calculée

Figure4 : Ecart de perception des préoccupations

La question gagnante de (Bareil, 2004) met l’accent sur la perception des interviewés quant à leurs centres de préoccupation de manière explicite. La figure4 montre un écart de perception au niveau des phases 7, 1 et 3. Cet écart peut être expliqué par un biais de désirabilité sociale.

3.3. Liens entre les réponses comportementales et les phases de préoccupation

3.3.1. Analyse bi-variée

Une première analyse de corrélation de Pearson a révélé l’existence de relations significatives entre le continuum « réponses comportementale » et la plupart des phases préoccupations. Ces résultats ont encouragé l’élaboration d’une cartographie de dispersion des réponses comportementales sur les différentes phases de préoccupation.

La cartographie ci-après montre que 28,5% des résistants ont des préoccupations de la phase 1, 26,2% ont des préoccupations de la phase 7 et 19% ont des préoccupations de la phase 3.

D’un autre côté le comportement de soutien révèle des préoccupations centrées sur les phases 3, 7, 1, 2, 5 et 6.

aucune

perso

organisation

information expér

collaboration amélioration

ph_calculée ph_perçue

(16)

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Figure5 : Dispersion réponses comportementales et phases de préoccupation

3.3.2. Corrélation et vérification des hypothèses

A fin de vérifier nos hypothèses de recherche, la corrélation de Pearson été calculée entre les construits des quatre comportements (résistant passif-actif et soutenant actif-passif) et les 7 phases de préoccupation. Le tableau 3 (en annexe) en résume les résultats.

D’après le tableau 3, nous pouvons affirmer la vérification des hypothèses H1 et H3. D’une part un lien significatif a été décelé entre le comportement de résistance et la première phase de préoccupation. Ainsi les employés ne ressentant aucune préoccupation résistent activement au changement mis en place. A ce sujet Bareil (1997) note le risque du manque de considération du facteur humain, de l’absence de participation des employés au processus décisionnel et à la mise en œuvre du changement ; dans notre étude ces conditions de marginalisation ont en effet étés décelés (détectés) au niveau des réponses des employés appartenant à la phase 1, ce qui en fait expliquerait leur tendance à émettre un comportement de résistance.

D’autre part les résultats stipulent qu’un comportement actif de soutien est positivement corrélé aux trois dernières phases de préoccupation, à savoir des préoccupations centrées sur :

- « l’expérimentation du changement » (phase 5) : une phase dans laquelle nous avons rencontré des employés disposés à se conformer au changement et à en faire l’essai,

Res_act Res_pass Sout_pass Sout_actif

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cependant ils se disent inquiets quant à leur capacité à réussir leurs nouvelles fonctions habiletés et attitudes. C’est ce qui expliquerait leur comportement de soutien au changement malgré leurs interrogations sur le temps, les conditions, l’aide et le soutien qui leur sont offerts.

- « La collaboration avec autrui » (phase 6) : les destinataires appartenant à cette phase se sont montrés intéressés à collaborer et à coopérer avec les autres. Cette ouverture au changement expliquerait leur soutien et leur désir de s’impliquer dans la mise en œuvre du changement.

- « l’amélioration du changement » (phase 7) : Un quart des employés de la cimenterie appartiennent à cette phase dont 65% soutenant le changement. Ces employés désirent améliorer ce qui existe déjà en modifiant leur travail ou leurs responsabilités. Ce résultat va dans le sens même du modèle qui dit que dépassant la phase 5 le destinataire s’approprie le changement et se comporte avec un enthousiasme élevé envers le changement, incluant des comportements de soutien actif dépassant les attentes.

Cependant l’hypothèse H2 s’avère non vérifiée dans la mesure où le comportement de résistance ne dégage aucune relation significative avec les phases de préoccupations 2,3 et4.

En effet nos résultats dégagent paradoxalement une corrélation significative entre les préoccupations centrés sur « le destinataire » (phase 2) et un comportement de soutien passif.

En effet même si les destinataires de cette phase éprouvent une impression d’incertitude par rapport à leurs nouveaux rôles, responsabilités et leurs pouvoirs décisionnels ils restent tout de même confiants quant à la sécurité de leurs postes puisque la Cimenterie est une entreprise publique.

Une corrélation significative est en outre dégagée entre les préoccupations centrées sur « le changement » (phase 4) et un comportement de soutien actif des employés. Ceci pourrait être dû au fait que les employés appartenant à cette phase ont commencé à s’interroger sur la nature exacte de ce changement, et sont alors devenus plutôt attentifs voir proactifs des comportements qui vont plutôt dans le sens du soutien plus que dans le sens de la résistance ; ce qui nous amènerait à remettre en cause notre deuxième hypothèse.

Devant ces résultats pour le moins encourageants, nous sommes tentés d’examiner de plus prés la validité de nos hypothèses quant à la prédiction du comportement face au changement à travers les phases de préoccupations.

3.3.3. Valeur prédictive du modèle de préoccupations

Afin d’étudier de façon plus approfondie la valeur prédictive du modèle des préoccupations sur les réponses comportementales nous avons opté pour une régression multiple selon la

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méthode pas à pas. Il s’agit d’une régression itérative qui inclut une à une les variables qui contribuent le plus au coefficient de détermination.

Quatre régressions multiples ont été réalisées. Le tableau 4 (en annexe) montre les modèles qui en découlent.

Ces résultats prouvent en fait qu’une relation forte mais non dominante existe entre la phase 1 et le comportement de résistance active. Ce qui confirmerait la valeur prédictive de la phase 1 sur la réponse comportementale de résistance face au changement.

En outre, la valeur prédictive des préoccupations en termes de « expérimentation » (phase 5) et « amélioration du changement » (phase 7) sur le comportement de soutien des employés de la cimenterie se trouve consolidée par ces modèles.

4. Conclusions et discussion 4.1. Discussion

Dans cette étude nous avons tenté de vérifier la valeur prédictive du modèle des sept phases de préoccupations de (Bareil, 2004) sur les réponses comportementales dans un contexte de changement Tunisien, l’objectif ultime étant la proposition de stratégies d’interventions sur les résistants au changement selon leur appartenance aux phases de préoccupations.

Nos résultats affirment d’une part que les employés qui n’ont aucune préoccupation (phase 1) ont tendance à adopter une position d’opposition indirecte voire même explicite face au changement (hypothèse 1). D’autre part, nous avons trouvé un lien significatif entre les préoccupations des phases 5, 6, 7 et une réponse comportementale de soutien dans le contexte de changement étudié (hypothèse 3).

Ces résultats sont relativement conformes aux résultats de (Meunier S, Bareil C et Savoie A, 2010) qui partant du modèle de (Bareil, 2004) ont partiellement confirmé que les premières phases (de 2 à 4) du modèle sont positivement corrélées avec le comportement de résistance et que les dernières phases (6 et 7) sont positivement liées aux comportements de soutien.

Bien que ces résultats présentent des divergences par rapport aux résultats de notre étude quant aux liens entre les phases1, 3 et 5 avec le comportement :

- le lien significatif et positif établit dans notre recherche entre la phase 1 et le comportement de résistance, s’avère être une hypothèse écartée par (Meunier S, 2010) - l’absence de lien significatif entre la phase 5 et les comportements de soutien selon

(Meunier S, 2010) (lien confirmé dans notre cas),

- et l’absence de lien significatif entre la phase 3 et les comportements de résistance dans notre cas (lien confirmé par (Meunier S, 2010))

(19)

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Ce sont ces deux dernières divergences qui nous ont amenés, tout comme (Meunier S, 2010) à poser la question : « peut-on conclure que c’est à cette phase : la phase 5, que les individus commencent à soutenir le changement ? », une question qui trouve prétexte dans nos résultats qui avancent que c’est à partir de la phase 4 que le comportement de soutien actif pourrait commencer à se manifester.

Néanmoins, notre étude n’a pas pu confirmer le fait que si les employés ont des préoccupations centrées sur « le destinataire » phases 2, « l’organisation » phase 3 et sur le

« changement » phase 4, ils opteraient pour un comportement de résistance face à ce changement (hypothèse 2).

Etant donné la pauvreté de la documentation scientifique au sujet du lien entre les phases de préoccupation et les réponses comportementales au changement, il n’est pas étonnant de constater qu’il y a peu d’études qui ont tenté d’expliquer davantage cette relation. Cela pourrait s’expliquer par les différents problèmes associés à la définition et à l’opérationnalisation du concept de résistance, un problème relativement atténué par l’apport des travaux de (Herscovitch Meyer, 2002) et (Orth, 2002) en termes d’outils de compréhension et de mesures des comportements de soutien et de résistance.

4.2. Apport pratique de la recherche

Notre travail de recherche a pu identifier les employés qui émettent des comportements de résistance, ces employés affirment d’une part et dans 28,5% des cas qu’ils n’ont aucune préoccupation face au changement (phase 1) et d’autre part et dans 26,2% des cas qu’ils sont préoccupés par l’amélioration du changement (phase 7).

Partant de ce fait et grâce à la valeur prédictive du modèle des sept phases de préoccupation de Bareil sur le comportement de résistance, partiellement consolidée dans notre étude, nous nous sommes proposés d’agir sur les objets de préoccupations des phases 1 et 7 des résistants identifiés.

- Stratégies d’accompagnement des résistants de la phase 1 :

61% des résistants actifs identifiés au sein de la cimenterie appartiennent à la phase 1, cette résistance proviendrait du fait que ces employés ne se sentent pas personnellement concernés par le changement. Ils se sentent marginalisés et non impliqués dans ce changement. La stratégie proposée serait alors à ce niveau une stratégie « Bulldozer » , une stratégie basée sur une forte communication . La transparence est totale et les dirigeants s’engagent fortement.

L’objectif étant de jouer l’effet de choc en voulant bousculer les résistants. (Bareil et Savoie, 1999) proposent à ce stade des interventions qui visent à déstabiliser le destinataire afin qu’il prenne conscience de la réalité du changement à venir.

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Cependant, et au lieu de le bombarder d’informations inutiles, il serait plus opportun de lui présenter des faits et des données intimement liés au changement. En effet, (Ulrich, 1996) précise qu’il faut expliquer à l’employé la nécessité et l’utilité du changement en démontrant les limites du mode de fonctionnement actuel.

(Hord, Rutherford, Huling-Austin et Hall, 1987), vont même dans le sens d’impliquer les résistants ou certains d’entre eux, dans les discussions relatives au changement dans le but de susciter leur intérêt et les pousser dans le sens de l’appropriation du changement (Hord, Rutherford, Huling-Austin et Hall, 1987), (Bareil et Savoie, 1999), (Applebaum et Wohl, 2000).

De sa part, (Buono, 1997) propose la réalisation de réunions d’information ou des groupes de discussions entre les résistants pendant lesquels des messages unifiés doivent être passés par les agents du changement, dans ce sens, la cohérence du discours des gestionnaires et leur qualité communicationnelle joueraient un rôle central dans la conduite du changement.

- Stratégies d’accompagnement des résistants de la phase 7:

Dans la cimenterie et lors de cette étude, un nombre non négligeable de résistants appartenant à la phase 7 ont été recensés. Ils présentant une forte corrélation positive avec l’Item 7-1 « L’amélioration et le renouvellement de nos pratiques à la suite de l’expérience acquise lors du changement ».

A ce stade notre proposition vise à valoriser l’opinion de ces destinataires résistants et à canaliser leurs idées et leurs énergies en rassemblant en équipes de travail les plus motivés par l’amélioration. Il s’agit en fait d’une stratégie dite stratégie « patchwork». Le projet de changement évolue en prenant en compte les préoccupations majeures des acteurs résistants.

Chacun peut retrouver son « projet individuel» dans le « projet collectif ». Dans ce même ordre d’idées (Hord, Rutherford, Huling-Austin et Hall, 1987), rappellent l’importance d’encadrer ces équipes de travail et d’assurer un suivi aux propositions d’amélioration.

La satisfaction des besoins de compétence par la reconnaissance et l’encouragement des destinataires résistants de la cimenterie de Bizerte pourrait constituer un levier de réussite du changement mis en œuvre.

4.3. Limites et voies futures de recherche

Bien que basée sur une sélection soigneusement étudiée et prédéterminée des interviewés l’échantillon de notre étude exploratoire demeure relativement restreint pour effectuer des inférences statistiques à l'univers étudié.

L'objectif de l'étude étant plutôt une meilleure compréhension des réponses comportementales face au changement à travers le diagnostic des préoccupations. Bien qu’utiles, ces variables

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ne couvrent pas tout l’éventail des comportements possibles chez un individu et ne s’appliquent pas nécessairement à tous les types de changement. D’autant plus que seule la dimension comportementale de la résistance et du soutien au changement ont été étudiés dans la présente recherche.

Même si ce choix s’appuie sur l’idée que les comportements des individus ont un impact plus tangible sur le succès du changement que les cognitions et les émotions, ces trois dimensions restent inter reliées, et inviteraient à ouvrir des pistes de recherches plus intégratrices.

De plus, la nature dynamique du concept de changement organisationnel présume la prise en compte des dimensions temporelle et culturelle pour le recueil des données. Il serait alors opportun de proposer :

-des voies d’études qui mettraient en évidence les spécificités culturelles tunisiennes.

- d’autres voies d’étude diachroniques pour mettre en évidence l’effet prédictif des préoccupations en termes d’évolution temporelle.

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Annexe

Tableau 1 : ANOVA

sout_a sout_p res_p res_a

CSP (1) (1) (2) (2)

CADRE SUPP (23) 2,81 2,88 2,08 1,8

CADRE MOY (42) 2,6 2,49 1,99 1,72

QULIF (32) 2,64 2,55 2,26 1,7

NON QUALIF (64) 2,56 2,54 2,5 2,14

(1) aucun écart significatif de comportement entre les CSP (2) écart significat (p<0,01) : les cadres sont moins résistants.

(25)

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Tableau2 : Phases de préoccupation

Moy σ phase1 phase2 phase3 phase4 phase5 phase6 phase7

phase1 2,4 ,69 NS NS NS NS NS NS

phase2 2,32 ,71 ,258** ,365** ,264** ,362** ,249**

phase3 2,81 ,75 ,724** ,594** ,670** ,580**

phase4 2,50 ,68 ,744** ,789** ,686**

phase5 2,45 ,80 ,752** ,600**

phase6 2,46 ,85 ,677**

phase7 2,74 ,83

**p<0.01 *p<0.05

Tableau3 : Corrélation de Pearson comportement-phases de préoccupation Phase1 Phase2 Phase3 Phase4 Phase5 Phase6 Phase7

sout_a NS NS NS ,154*

(178)

,264**

(177)

,260**

(176)

,295**

(178) sout_p NS ,168*

(177) NS NS ,157*

(176) NS NS

res_p NS NS NS NS NS NS ,151*

(177) res_a ,152*

(174) NS NS NS NS NS NS

**p<0.01 *p<0.05

Tableau4 : Régressions multiples Modèle Variable

dépendante

Variables introduites

R² ajusté Variables exclues

1 Res_a Phase 1

Phase 2

0,035 Phase 3

Phase 4

2 Sout_p Phase 5 0,019 Phase 6

Phase 7

3 Sout_a Phase 7 0,072 Phase 5

Phase 6

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