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Homosexualité et procréation : le grand danger d’un « manifeste » français

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REVUE MÉDICALE SUISSE

WWW.REVMED.CH 30 mars 2016

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point de vue

Homosexualité et procréation :

le grand danger d’un « manifeste » français

En France, cent trente médecins et biologistes de la reproduction viennent de signer un « manifeste ». Ils réclament une modification de plusieurs dispositions de la loi de bioéthique et un droit à la pro- création médicalement assistée pour les femmes homosexuelles. Ils prennent ainsi le risque, au nom d’intérêts catégoriels, de briser le modèle bioéthique français – un dispositif exemplaire fondé sur la solidarité thérapeutique et le refus de la commercia- lisation du corps humain.

Ce « manifeste » a été publié dans les colonnes du Monde. Titré « Nous, médecins, avons aidé des couples homosexuels à avoir un enfant même si la loi l’interdit », il n’est pas sans rappeler, dans un douteux paradoxe, le « manifeste des 343 », pétition parue le 5 avril 1971 dans le n° 334 du ma- gazine Le Nouvel Observateur. Déjà qua- rante-cinq ans pour cette « liste des 343 Françaises qui avaient eu le courage de signer le manifeste “Je me suis fait avor- ter” », s’exposant ainsi à l’époque à des poursuites pénales pouvant aller jusqu’à l’emprisonnement. C’était alors un appel pour la dépénalisation et la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse qui ouvrit la voie à la loi Veil.

Le « manifeste » d’aujourd’hui laisse entendre que les signataires auraient en- freint la loi (de bioéthique) pour une bonne cause (faire naître un enfant). Ce groupe de cent trente médecins et biologistes re- lance ainsi une polémique sociétale que ni l’actuel gouvernement socialiste de Manuel Valls, ni le président François Hollande ne souhaitent voir réoccuper le devant de la scène médiatique. Les signataires expli- quent en quoi, par pensée ou par action, ils ont « fauté » :

« Nous, médecins, biologistes, recon- naissons avoir aidé, accompagné certains couples ou femmes célibataires dans leur projet d’enfant dont la réalisation n’est pas possible en France. Nous faisons réfé- rence ici à quatre situations que nous ren- controns fréquemment en médecine de la reproduction. »

On retrouve ici la problématique qui sous-tendait la polémique autour du texte de loi sur le « mariage pour tous » ; un ter- rain sur lequel le pouvoir socialiste avait

rapidement perçu les dangers politiques auxquels il s’exposait. François Hollande avait alors pris soin de transmettre le

« dossier PMA » au Pr Jean-Claude Ameisen, président du Comité national d’éthique qui est parvenu à le faire oublier.

Le calme était revenu mais le feu sociétal couvait. Et ce d’autant plus que quelques pays étrangers (l’Espagne et la Belgique pour les plus proches) ne se

cachent plus, avec l’aide des médias généralistes, de faire commerce d’inséminations ar- ti ficielles de « femmes seu les ».

L’affaire était bien connue des autorités sanitaires, politi ques et éthiques françaises mais toutes se voilaient la face ; les ministres favorables à une évolution de la loi dans ce domaine étant priées de con- server le silence.

Or, voici que l’attaque vient, précisé- ment, d’où le pouvoir ne l’attendait pas : d’un groupe de professionnels, médecins et biologistes, réunis sous la houlette mé- diatique du Pr René Frydman qui, en 1982 et avec le biologiste Jacques Testart, avait été à l’origine du premier « bébé éprou- vette » français. En rédigeant et en organi- sant la médiatisation de ce « manifeste des 130 », le Pr René Frydman, proche du Parti Socialiste, prend un risque majeur. Car réclamer la possibilité pour les femmes homosexuelles de pouvoir procréer en ayant accès aux techniques de PMA c’est, tout simplement, assumer de faire sauter

l’une des clefs de voûte du dispositif juri- dique et éthique français qui veut que ces techniques soient réservées aux couples souffrant de stérilité, couples constitués

« d’un homme et d’une femme en âge de procréer ».

Cette disposition centrale, en vigueur depuis plus de trente ans, n’est en rien le fruit de volontés « antiféministes ». Elle ré-

sulte d’une logique qui veut que les techniques de PMA ont, dès le départ, été développées comme des outils médicaux, dont l’usage est réservé à la thérapeutique de la stérilité.

Cette logique se double d’une autre : ces traitements sont in- tégralement pris en charge par la collectivité nationale. Elle a aussi un corollaire éthique : lorsqu’ils sont nécessaires, les échanges de cellules sexuelles (spermatozoïdes et ovocytes) ou d’embryons conçus in vitro ne peuvent faire l’objet de commerce et sont (comme le sang et les organes) soumis au triple sceau de l’ano- nymat, du bénévolat et de la gratuité.

Elaboré depuis le début des années 1980, théorisé par d’éminents juristes, affiné par le Comité national d’éthique et le Conseil d’Etat, traduit dans la loi de ma- nière constante depuis 1994, ce corpus est complété par le principe plus général, en droit français, de l’indisponibilité (de la non-patrimonialité) du corps humain qui fait que nul ne peut faire commerce des éléments de son corps, cellules sexuelles Jean-Yves nau

jeanyves.nau@gmail.com

Le « manifeste » d’auJourd’hui

Laisse entendre que Les signataires

auraient enfreint La Loi pour une bonne cause

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ActuAlité

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et embryons congelés compris.

Dans leur manifeste, les « cent trente » expliquent que le moment est venu de lever l’interdiction qui est aujourd’hui faite à une

« femme célibataire » de bénéficier d’un « don de sperme » – et ce « sans préjuger de son mode relationnel actuel ou futur, homo ou hétérosexuel ». Pourquoi ? Au motif « qu’une femme célibataire est reconnue dans ses droits pour élever ou adopter un enfant ».

C’est là un argumentaire d’une particu- lière faiblesse au regard des enjeux que sous-tend ce qui nécessiterait une modifi- cation majeure de la loi de bioéthique.

Les signataires du manifeste formu lent trois autres revendications. La première concerne le don d’ovocytes. Ils observent, à juste titre, que le système en vigueur en France ne permet pas de répondre à la de- mande (pas assez de donneuses) et de très nombreux couples se tournent alors vers l’étranger. « L’incohérence de la situation est que la Sécurité sociale rembourse, sous certaines conditions, une partie des frais engagés à l’étranger, même s’ils compor- tent une indemnisation de la donneuse, qui n’est pas autorisée dans notre pays, ex- pliquent-ils. Nous souhaitons développer le don d’ovocytes en France dans un cadre

de non-commercialisation des éléments du corps humain, ayant parfaitement cons- cien ce que les nombreuses propositions qui sont faites à l’étranger ont trop souvent un aspect mercantile auquel nos patientes n’ont d’autres choix que de s’y plier. »

La deuxième revendication concerne l’analyse chromosomique de certains em- bryons conçus in vitro.1 La troisième porte sur l’autoconservation des ovocytes par les femmes qui le souhaitent. Elle ne peut être pratiquée en France que si la femme présente une pathologie à risque pour sa fertilité (chimiothérapie pour cancer, voire endométriose) ou si elle souhaite donner une partie de ses ovocytes. En revanche, une autoconservation ovocytaire « pré- ventive » alors que la fertilité est encore satisfaisante, mais sans projet de grossesse immédiat, est interdite. Cette pratique est (moyennant finances) pratiquée en Espa- gne, en Belgique et en Grande-Bretagne.

L’ensemble des professionnels français ne sont pas favorables à ce qu’elle soit auto- risée en France. L’une des questions sou- levée est de savoir si la collectivité doit prendre en charge cette conservation par congélation-vitrification pour des femmes qui ne souffrent pas de stérilité mais qui

souhaitent « différer » leur grossesse sans réduire leur chance de procréer.

Au-delà de ces trois revendications, la volonté (affichée de longue date, mais sans succès, par le Pr Frydman) est de créer un

« Plan contre l’infertilité » comme il existe d’autres plans nationaux français tels que le « Plan cancer », le « Plan Alzheimer » ou le « Plan autisme ». Ce « Plan contre l’in- fertilité » permettrait de développer une prévention de l’infertilité qui fait cruelle- ment défaut. Il viserait à informer sur l’ef- fet inexorable de l’âge mais aussi sur les conséquences qu’ont les comportements alimentaires favorisant le surpoids, les ad- dictions (tabac, alcool, drogue) ou encore l’environnement polluant délétère dont il faut apprendre à se protéger. 

C’est là un objectif louable et une en- treprise cohérente. L’erreur aura été, pour se faire mieux entendre, de prendre le risque de ruiner politiquement l’entreprise en voulant la médiatiser avec la question de l’homosexualité et l’effacement de la frontière thérapeutique.

lu pour vous

L’hypertension artérielle (HTA) est un facteur de risque majeur de développement de com­

plications cardiovasculaires et les évidences cliniques de l’effet positif des traitements anti­

hypertenseurs sur la morbi­mortalité cardio­

vasculaire sont indiscutables, en prévention primaire comme secondaire. Cependant, la cible de valeur de tension artérielle (TA) permettant un effet optimal n’est pas bien déterminée, la tendance des dernières recommandations étant à un relèvement de cette valeur, s’éloignant d’un contrôle intensif. C’est dans ce but que les auteurs de l’étude multicentrique SPRINT, fondée par le NIH aux Etats­Unis, ont inclus plus de 9000 patients hypertendus mais non diabéti­

ques de plus de 50 ans, avec un risque cardio­

vasculaire élevé, ceux avec antécédent d’AVC étant exclus. Ces patients ont été randomisés en deux groupes, le premier avec une cible de TA systolique de moins de 120 mmHg (contrôle intensif), et le deuxième visant une cible entre 135 et 139 mmHg (contrôle standard). L’issue primaire était composite (infarctus du myocarde, autre syndrome coronarien aigu, AVC, insuffi­

sance cardiaque ou décès d’origine cardiovas­

culaire), avec une hypothèse de su périorité du traitement intensif. L’étude a été arrêtée préco­

cement, car après un suivi de trois ans, l’issue primaire a été significativement plus rare dans le groupe intensif (1,65 % par année vs 2,19 % par année ; p < 0,001), avec un NNT à 61. Mal­

gré une augmentation significative des événe­

ments indésirables (hypotension, syncope, trouble électrolytique, insuffisance rénale), les auteurs concluent à l’intérêt d’un contrôle intensif de l’HTA, sous surveillance attentive de la tolé­

rance au traitement.

commentaire : Comment intégrer les résultats de SPRINT, qui divergent des directives les plus récemment publiées ? La méthodologie de cette étude est peu critiquable, même si son arrêt précoce ou si l’analyse d’une issue primaire composite sont comme toujours discutables.

Le choix d’un thiazide en première intention ne représente probablement pas la pratique la plus répandue actuellement, mais la baisse intensive était essentiellement le résultat d’une augmen­

tation du nombre de molécules antihyperten­

sives utilisées (2,8 contre 1,8, en moyenne), et non pas du choix d’un traitement spécifique.

Enfin, on peut relever l’augmentation des effets indésirables, qui n’altère cependant pas le bé­

néfice du traitement intensif. Il faut donc consi­

dérer que la baisse absolue de 0,54 % de l’issue primaire démontrée dans SPRINT est de nature

à influencer la pratique clinique. Dans l’attente de la future adaptation – inévitable – des direc­

tives et guidelines, il est raisonnable de tenter un traitement intensif de l’HTA chez les patients à haut risque cardiovasculaire, sauf chez les pa­

tients diabétiques (pour lesquels le traitement intensif s’est révélé plutôt délétère) ou avec des antécédents d’AVC (pour lesquels les cibles intensives sont déjà recommandées) : la valeur cible de TA systolique doit alors être de moins de 120 mmHg, tout en restant attentif à la tolé­

rance au traitement.

dr Lionel carrel et pr thierry fumeaux Service de médecine, Hôpital de Nyon

sprint research group. a randomized trial of intensive versus standard blood-pressure control. n engl J med 2015; 373:2103-16.

D.R.

quelle cible pour le contrôle de la tension artérielle chez des patients à haut risque cardiovasculaire ?

1 sur ce thème, se reporter à « interdira-t-on longtemps encore le dépistage des aneuploïdies ? » rev med suisse 2016;12:572-3.

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