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Aux frontières de l’individu

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2152 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 7 novembre 2012

Chaque individu possède obligatoirement des frontières qui le délimitent par rapport aux autres. L’individualité même en tant que telle se caractérise comme une entité contenue dans des limites qui, justement, la séparent d’autres personnes. On peut se ressembler beaucoup, par des gestes, des goûts, des tendances, mais on reste fonda- mentalement différents les uns des autres.

Il se peut que cette différence qui nous dis- tingue soit minime, parfois presque imper- ceptible. Et pourtant, si on la recherche at-

tentivement, il est impossible de ne pas la mettre en évidence d’une manière ou d’une autre.

Jusque-là, nous nous référons à de vé- ritables frontières qui nous séparent des autres dans l’espace environnant, par une distance d’abord, mais aussi par exemple par les traits de notre visage. Il y a égale- ment pour chacun des frontières que nous pourrions définir comme temporelles : il s’agit en l’occurrence d’un âge que chacun porte avec soi et qui continue de le distin- guer. Il est vrai que des personnes ayant le même âge pourraient alors se confondre entre elles. Mais dans ce cas interviendraient les autres facteurs évoqués, qui mettraient en exergue les différences individuelles pour des personnes rapprochées entre elles par leurs années de vie.

Par contre, l’anatomie corporelle géné- rique de tout un chacun peut montrer des signes différentiels se rapportant à l’âge, mais aussi au sexe et à une appartenance sociale, sans pouvoir distinguer complète- ment un individu d’un autre. Alors que les traits du visage possèdent en exclusivité cette capacité de sauvegarder l’essentiel de notre individualité foncière.

On peut également faire appel à d’autres types de frontières, beaucoup plus fluctuan- tes et fragiles, comme des frontières attri- buables au degré de culture, à des diffé- rences socio-économiques importantes, à une dotation intellectuelle réputée extra- ordinaire.

Pour l’exactitude des frontières propre- ment dites délimitant notre présence phy- sique quelque part, elles sont constituées en principe par notre peau autant que par

nos dimensions somatiques. Ces frontières anatomiques sont cependant susceptibles de se modifier, par exemple par une prise de poids ou un amaigrissement. Comme les traits même de notre visage peuvent subir des changements «déroutants» par de la chirurgie esthétique ou du maquil- lage.

Les vêtements qu’on porte représentent une autre forme de contribution à caracté- riser des différences individuelles non né- gligeables. Il n’y a peut-être pas, pour une

femme, de pire blessure narcissique que de consta- ter, lors d’une invitation, qu’une autre femme porte exactement la même robe qu’elle-même s’était préoccupée de choisir dans le but de se distinguer des autres convives.

La voix, notamment, peut nous caracté- riser presque autant que les traits de notre visage. A cet égard, souvenons-nous de la première fois qu’il nous est arrivé d’écouter notre voix enregistrée : nous avons eu de la peine à nous reconnaître. Ce qui veut aussi signifier que les gens qui nous entourent peuvent avoir de notre individualité une tout autre perception que celle que nous avons de nous-même en nous regardant dans un miroir. Cette perception de la part d’autrui à notre sujet peut-elle éventuelle- ment nous influencer ? Une énigme de plus dans notre existence…

Il n’est pas impossible, d’ailleurs, que nous ayons une relativement plus mau- vaise autoperception que la perception que nous suscitons chez les autres. Ces autres, en outre, peuvent être influencés dans cette perception qu’ils ont de nous, par exemple, par toute une série d’états d’âme. Etats émotionnels qui, de plus, peuvent se mo- difier au fur et à mesure selon le contexte et les circonstances. On sait, bien sûr, que des émotions qui saisiraient nos amis, nos connaissances, nos collègues aussi bien que des membres de notre famille, émotions empreintes de peur, de rage ou de jalousie, risqueraient d’établir à notre endroit un portrait plutôt négatif. Alors que des émo- tions éprouvées par d’autres au moment où ils voudraient nous juger, tels la joie, l’espoir, l’enthousiasme, risqueraient de pro duire de nous une image excessivement bonne, presque dépourvue de défauts et par là déformée.

Par tout cela nous parlons surtout de frontières individuelles, marquées par les rapports avec l’extérieur de notre person- nalité propre. Il n’est en revanche pas im- possible de présupposer des frontières existant à l’intérieur de chacun de nous.

Frontières davantage aléatoires, floues et susceptibles d’une mobilité pas toujours aisée à assumer et à maîtriser convenable- ment.

Nous faisons allusion ici à trois aspects de ce que nous appellerions donc volon- tiers des frontières internes, existant chez nous tous. En premier lieu, la frontière entre les deux moitiés de notre corps et impli- quant les effets de la latéralisation, y com- pris celle des deux hémisphères cérébraux.

Ensuite, la frontière temporelle entre l’être éveillé et l’être dormant ; ainsi, soit au mo- ment de l’endormissement, soit au moment du réveil matinal, nous traversons en effet une frontière biologiquement et psycholo- giquement située à différents niveaux et autoperceptions. Enfin, «last but not least», la frontière tantôt occasionnelle, tantôt per- sistante entre physiologie, ou si l’on pré- fère normalité, et pathologie, bien établie ou purement virtuelle, et donc anormalité.

Si, finalement, nous avions la prétention ou l’illusion de penser que nous ne serions qu’un simple produit de nos gènes, pro- duit immodifiable à la base une fois pour toutes, eh bien ces réflexions que nous ve- nons de faire nous détromperaient – et comment !

Pr Georges Abraham Avenue Krieg 13 1208 Genève

Aux frontières de l’individu

… les traits du visage possèdent en exclusivité cette capacité de sauvegarder l’essentiel de notre individualité foncière …

points de vue

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