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« L’observ-action » : les actions préventives du psychomotricien auprès d’adolescents délinquants en Unité Educative d’Hébergement Diversifié

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: dumas-02080350

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02080350

Submitted on 26 Mar 2019

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“ L’observ-action ” : les actions préventives du

psychomotricien auprès d’adolescents délinquants en

Unité Educative d’Hébergement Diversifié

Coraline Derre

To cite this version:

Coraline Derre. “ L’observ-action ” : les actions préventives du psychomotricien auprès d’adolescents délinquants en Unité Educative d’Hébergement Diversifié. Médecine humaine et pathologie. 2018. �dumas-02080350�

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Médecine Sorbonne Université Site Pitié-Salpêtrière

Institut de Formation en Psychomotricité 91, Bd de l’Hôpital

75364 Paris Cedex 14

« L’observ-action »

Les actions préventives du psychomotricien auprès d’adolescents

délinquants en Unité Educative d’Hébergement Diversifié

Mémoire présenté par Coraline DERRE

En vue de l’obtention du Diplôme d’Etat de Psychomotricien

Référents de mémoire : David ROUSSEAU

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REMERCIEMENTS

A tous ceux qui ont pu participer à l’élaboration de ce mémoire,

A David ROUSSEAU, pour le partage de son expérience avec les adolescents qui a grandement enrichie mes réflexions théoriques et cliniques,

A Zoé LAZAR, pour sa confiance, sa disponibilité, son soutien et ses nombreux commentaires tout au long de l’écriture de ce mémoire,

A l’ensemble des adolescents de l’UEHD pour leur accueil, à toute l’équipe pour leur confiance, et à ma binôme pour sa bonne humeur et son soutien sans faille,

A tous mes maîtres de stage, rencontrés au cours de cette formation, pour m’avoir enrichie de leur expérience,

A mes amis, psychomot’ ou non, avec qui j’ai tant partagé au cours de ces trois belles années,

A ma maman et à Antonin, pour leurs relectures et leurs nombreux encouragements,

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SOMMAIRE

INTRODUCTION ... 8

PARTIE 1 : LA CONSTRUCTION D’UN PROJET ... 10

I. Tout commence lors de la rencontre avec Morgane ... 10

II. Le lieu du stage ... 11

A. Fonctionnement de la Protection Judiciaire de la Jeunesse ... 11

B. L’Unité Educative d’Hébergement Diversifiée ... 12

1. Présentation générale de l’institution ... 12

2. Composition de l’équipe ... 13

3. Les différents espaces de la structure ... 14

4. Les différents temps ... 15

III. Les fondements théoriques du projet ... 16

A. L’adolescence ... 16

1. La construction du sentiment de continuité d’existence durant l’enfance ... 17

2. Définir l’adolescence... 21

B. De l’agir à la délinquance ... 27

1. L’agir ... 27

2. Passage à l’acte et délinquance ... 28

IV. Définir un projet et son cadre ... 30

A. L’instauration d’un cadre préventif ... 30

B. Qu’est-ce que la prévention ? ... 31

1. Définitions ... 31

2. La prévention auprès d’adolescents délinquants ... 31

C. L’observation ... 33

(6)

2. Notre participation à l’activité boxe éducative ... 35

D. Création d’une activité relaxation et détente ... 36

1. Pourquoi la relaxation ?... 36

2. Le cadre de l’activité ... 38

PARTIE 2 : LES OBSERVATIONS CLINIQUES ... 39

I. Ma place de stagiaire... 39

A. Premiers pas et premiers questionnements ... 39

B. Place dans le binôme ... 40

II. Aurélie ... 42

A. Une première rencontre ... 42

B. Son histoire de vie ... 43

C. Notre intervention ... 45

1. Observations ... 45

2. Entretien ... 47

3. Participation à l’activité relaxation (5 octobre 2017) ... 49

4. Mes réflexions et hypothèses ... 50

D. Evolution ... 51

III. Ahmed ... 54

A. Des premières rencontres ... 54

1. « Et toi ? Qui es-tu ? » ... 54

2. Première séance de boxe éducative ... 54

3. Nouvelle rencontre ... 55

B. Son histoire de vie ... 56

C. Notre intervention ... 57

1. Observations ... 57

(7)

3. Participation à l’activité relaxation (décembre 2017) ... 59

4. Mes réflexions et hypothèses ... 60

D. Evolution ... 62

1. D’octobre à décembre ... 62

2. L’échec de sa formation ... 63

PARTIE 3 : L’ADAPTATION DU PROJET ... 65

I. Entre présupposés théoriques, envies cliniques et réalité institutionnelle ... 65

A. Les limites imposées par la clinique ... 66

1. Le fonctionnement de l’institution ... 66

2. La rencontre avec des adolescents délinquants en UEHD ... 68

3. Mon identité de « stagiaire » sans maître de stage psychomotricien ... 70

B. L’adaptation du projet ... 71

1. Adaptation de l’atelier de relaxation ... 71

2. Adaptation de la grille d’observation ... 72

3. Quel type de prévention auprès d’adolescents délinquants ? ... 73

II. L’observation ... 74

A. Comment observer ? ... 75

1. Les temps de l’observation ... 76

2. L’attitude de l’observateur ... 79

B. Quoi observer ? ... 80

C. Où et quand observer ? ... 84

D. La rencontre entre un observateur et un observé ... 85

1. Être sujet d’une observation ... 85

2. S’auto-observer ... 86

(8)

CONCLUSION ... 90

BIBLIOGRAPHIE ... 91

SITOGRAPHIE ... 93

(9)

8

INTRODUCTION

L’adolescence correspond au passage du monde des enfants à celui des adultes et est initiée par la puberté. Le corps change sans que l’adolescent ne possède de contrôle sur ces transformations. Ces bouleversements physiques entraînent des bouleversements au niveau psychique et suscitent parfois une grande angoisse. Les manifestations de celle-ci sont multiples, allant de l’expression somatique au passage à l’acte. Lorsque ce passage à l’acte dépasse le cadre légal imposé par la loi, alors l’adolescent plonge dans la délinquance.

Depuis le début de ma formation en psychomotricité, je suis guidée par l’envie d’effectuer un stage auprès d’adolescents. La période de grand bouleversement corporel que constitue l’adolescence me semble une cible particulièrement intéressante pour la psychomotricité. C’est pourquoi je n’ai pas hésité longtemps lorsque Morgane, ma future binôme, m’a proposé d’effectuer avec elle un stage expérimental auprès d’adolescents délinquants. Tout était à faire, réfléchir à un projet, se documenter, écrire, penser, réécrire. Nous ne savions pas grand-chose de l’aventure dans laquelle nous nous lancions mais avions une volonté commune, se former auprès de ces adolescents.

Dès les premières semaines, je me trouve confrontée à la réalité institutionnelle. Mes représentations personnelles associées à des présupposés théoriques viennent confronter une institution, des adolescents, des éducateurs. A nouveau, il faut réfléchir, se documenter, écrire, penser, réécrire. Aucun médecin n’étant présent dans la structure, le projet initial doit prendre un aspect préventif. Mais qu’est-ce que la prévention ? Quelles sont les limites de nos actions ? Il est courant d’entendre parler des actions de prévention mises en place par des psychomotriciens au sein de crèches. Ceux-ci sont amenés à repérer les troubles du développement psychomoteur chez le jeune enfant et permettent la mise en place de suivis adaptés. Mais ce principe est-il applicable à des adolescents, qui plus est délinquant ? Que peut-on « prévenir » ? Plus généralement, quelles sont les actions préventives d’un psychomotricien travaillant auprès d’adolescents délinquants en Unité Educative d’Hébergement Diversifié ?

C’est pour répondre à l’ensemble de ces questions que j’ai choisi d’exposer la construction du projet au sein de l’UEHD ainsi que les fondements théoriques dans lesquels il a pris source. Ainsi, je tente de définir les concepts d’adolescence, de délinquance et de prévention. Par la suite, j’ai choisi d’exposer mes observations et réflexions autour d’Aurélie

(10)

9 et d’Ahmed, deux jeunes dont j’ai pu suivre le parcours tout au long de mon stage et pour qui Morgane et moi avons pu mettre en place certaines actions à visée préventive.

Pour finir, j’ai décidé d’exposer tout ce que la confrontation du projet avec l’institution a pu m’apporter comme éclairages théorico-cliniques. En parallèle, en lien avec l’aspect préventif du projet, il me semble important de détailler en quoi l’observation me paraît un outil indispensable au psychomotricien, notamment en UEHD auprès d’adolescents délinquants.

(11)

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PARTIE 1 : LA CONSTRUCTION D’UN PROJET

I. Tout commence lors de la rencontre avec Morgane

En mai 2017, alors que je recherche toujours un stage auprès d’adolescents, je suis interpellée par une annonce postée sur le groupe Facebook de notre promotion. Ce court paragraphe, rédigé par Morgane, ma future binôme, propose un stage expérimental auprès d’adolescents délinquants en Unité Educative d’Hébergement Diversifié (UEHD). Ce stage lui est proposé par l’ancienne stagiaire de la structure. De par son caractère expérimental, il s’effectue sans maître de stage psychomotricien. Morgane et moi ne nous connaissons pas encore mais avons toutes les deux la même envie : effectuer un stage auprès d’adolescents en difficulté. Partant de ce constat, il nous paraît possible de construire un projet ensemble.

La première étape d’un stage expérimental consiste à former un binôme solide. Il n’est pas utile d’avoir le même avis sur tout. Les différences permettent en effet de débattre, de se questionner, et donc d’avancer. Il nous semble tout de même important de discuter de nos objectifs, de notre manière de fonctionner et de travailler, afin de se situer sur une même ligne de conduite. Nous allons nous retrouver au contact d’adolescents dits « instables », en manque de cadre et de repères, il nous semble essentiel d’être nous-mêmes « accordées » dès le début.

Nous devons envoyer notre projet à l’ancienne stagiaire avant le 1er juin, afin qu’elle

le transmette à la structure. Nous disposons donc d’un peu moins de quinze jours pour le construire et le rédiger. Lors de cette courte période, nous contactons différents professionnels et enseignants et nous nous rencontrons plusieurs fois afin d’élaborer par écrit nos idées et notre lettre de motivation. Certains enseignants nous rappellent à juste titre le cadre légal d’intervention du psychomotricien, que nous développerons plus loin, ce qui nous permet de construire un projet conjuguant aussi bien ce cadre que les spécificités de la structure.

Nous ne connaissons que peu de choses de la structure, de son fonctionnement ou même du profil des adolescents. Nous nous basons sur des présupposés théoriques, des références bibliographiques, voire peut-être même nos propres représentations, pour tenter de rédiger un projet aussi cohérent et adapté que possible.

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II. Le lieu du stage

L’UEHD est un foyer d’accueil d’adolescents délinquants, dépendant de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ). Afin de mieux comprendre le parcours des jeunes présentés dans le cadre de ce mémoire, je propose de commencer par décrire succinctement le fonctionnement de la PJJ et de répertorier une partie des établissements de placement.

A. Fonctionnement de la Protection Judiciaire de la Jeunesse

La PJJ fait partie du ministère de la justice et est chargée de toutes les questions concernant la protection et la justice des mineurs. Soixante pour cent des professionnels sont des éducateurs. L’éducateur accompagne le jeune dans toutes les décisions le concernant : décisions judiciaires, familiales, scolaires ou professionnelles. Il constitue pour lui un véritable repère et intervient quotidiennement dans la vie du jeune, que celui-ci soit toujours dans sa famille, placé (dans un foyer, en hôtel social ou dans une famille d’accueil) ou incarcéré.

Il existe plusieurs établissements judiciaires spécialisés dans l’accueil des mineurs en situation de délinquance. Leur présentation1 ci-dessous est réalisée en commençant par la mesure la plus stricte et en allant jusqu’à la plus souple, pour finir par l’établissement qui nous concerne dans le cadre du projet.

Lorsqu’un adolescent commet un délit grave, le juge peut ordonner une incarcération au sein d’un Etablissements Pénitenciers pour Mineurs (EPM). Ce sont des établissements qui ne peuvent accueillir que soixante mineurs répartis en unités de dix places. Ils ont pour objectif de concilier sanction et action éducative. Les activités scolaires, sportives et culturelles se situent au cœur du dispositif de détention. Chaque mineur est encadré par un éducateur de la PJJ et un surveillant pénitentiaire. L’incarcération en EMP est une mesure rare. Des mesures alternatives existent, comme celles présentées ci-dessous.

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12 Sur décision du juge des enfants, le jeune peut être placé dans un établissement agréé. Ce placement intervient soit entre l’arrestation et le jugement, soit suite au jugement. Il est certifié par une Ordonnance de Placement Provisoire, de maximum six mois renouvelable. Parmi ces établissements se trouvent :

- Les Centres Educatifs Fermés (CEF). Ils accueillent une dizaine de mineurs délinquants multirécidivistes de 13 à 18 ans. C’est un dispositif éducatif, alternatif à la détention. Le mineur est constamment accompagné à l’intérieur et à l’extérieur du centre. Son quotidien est structuré et suit un rythme intensif : suivi sanitaire et psychologique, activités d’enseignements et de formation professionnelle, sport. - Les Etablissements de Placement Educatif (EPE).

Il existe trois types d’EPE, toujours énumérés dans l’ordre décroissant déterminé. Les

Unités Educatives « Centre Educatif Renforcé » (UE-CER) accueillent des petits

groupes de mineurs délinquants (entre six et huit). L’objectif est d’opérer une rupture entre le jeune et son milieu de vie. Ces séjours de rupture ne peuvent dépasser six mois. Le suivi éducatif est permanent dans tous les actes de la vie quotidienne. De nombreuses activités sont organisées au sein du centre.

Les Unités Educatives d’Hébergement Collectif (UEHC) accueillent des mineurs en internat sous mandat judiciaire, en urgence ou de manière préparée.

Les Unités Educatives d’Hébergement Diversifié (UEHD) quant à elles, regroupent un large panel de prises en charge éducatives en externat. Les jeunes demeurent toujours dans leur famille ou sont placés dans des hôtels sociaux ou des familles d’accueil. C’est ce dernier type de structure qui nous intéresse ici.

L’ensemble de ces institutions travaille en collaboration avec les Services Territoriaux Educatifs de Milieu Ouvert (STEMO) qui coordonnent tous les dispositifs éducatifs et judiciaires mis en place pour le mineur.

B. L’Unité Educative d’Hébergement Diversifiée

1. Présentation générale de l’institution

L’UEHD dans laquelle je réalise mon stage existe depuis un an. Elle était auparavant une UEHC, mais pour des raisons de situation géographique, le foyer ne pouvait plus accueillir les jeunes en internat. Le foyer est en effet situé près d’une station de métro, sur un

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13 grand boulevard. De nombreux trafics et vols émergeaient dans les environs du foyer, des rivalités entre jeunes du foyer et jeunes du quartier se créaient, la sécurité ne pouvait plus être assurée autant pour les mineurs que pour les professionnels. Une grande partie du personnel n’a pas changé malgré l’évolution. L’équipe est soudée, les éducateurs se connaissent et travaillent ensemble depuis maintenant de nombreuses années.

Le foyer accueille entre quinze et vingt-cinq mineurs et majeurs de 13 à 21 ans, dont une grande majorité de garçons. Le plus souvent, ce sont des adolescents âgés de 16 à 17 ans. Certains sont primo-délinquants, d’autres multirécidivistes. Les deux tiers sont déscolarisés.

2. Composition de l’équipe

Les jeunes sont encadrés par sept éducateurs de la PJJ. Chaque adolescent dispose de deux éducateurs référents, qui s’occupent de son dossier de manière privilégiée. Une psychologue est également présente, elle est notre maître de stage au sein de l’institution. Ces deux types de professionnels interviennent sur la structure ou sur l’extérieur, dans le milieu de vie de l’adolescent : visite à domicile (VAD), en milieu scolaire ou préprofessionnel, etc.

Éric, le cuisinier et Annie, la « maîtresse de maison », sont les intendants du foyer. Le rôle d’Annie est particulier. Officiellement, cette dame d’une soixantaine d’année s’occupe de l’entretien des lieux. En réalité, elle offre également une figure maternelle aux adolescents. Présente dans la structure depuis une vingtaine d’année, elle connaît tous les jeunes, n’hésite pas à les réprimander aussi bien qu’à les défendre. Elle leur apprend l’hygiène, le respect, la politesse, leur transmet ses recettes de cuisine, les oblige à manger même lorsqu’ils n’ont pas faim. Plusieurs jeunes s’amusent à l’appeler « maman » et la considère avec un très grand respect. Annie a immigré d’un pays pauvre il y a plus de quarante ans. Ses origines et son parcours de vie sont un atout pour entrer dans la vie des adolescents.

C’est l’heure du repas. Aurélie n’a pas faim, et comme à son habitude elle est au téléphone alors que nous sommes à table. Ce comportement énerve particulièrement les éducateurs présents. Elle se fait réprimander, la tension monte. Aurélie commence à s’énerver. Assise à côté d’elle, Annie lui demande de ranger son téléphone plusieurs fois. Aurélie n’obéit pas, continue à s’énerver mais jamais contre Annie. Alors que les éducateurs abandonnent, Annie persévère. Au bout d’un moment, Aurélie range son téléphone et commence à manger.

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14 A son arrivée dans la structure, l’adolescent réalise un bilan médical complet dans un service spécialisé de l’hôpital de l’Hôtel Dieu à Paris. Un infirmier rattaché à la direction territoriale intervient également au sein du foyer sur demande des éducateurs. Il assure la coordination des soins, les demandes administratives relatives aux remboursements des soins (Couverture Maladie Universelle, Sécurité sociale), intervient à la demande des éducateurs en cas de problèmes ou de questions de santé. Il est un véritable atout pour discuter d’une prise en charge médicale avec un jeune ou assurer des conseils de prévention (addictions, Maladie Sexuellement Transmissible, contraception, alimentation, etc.)

La structure est sous la direction d’un directeur et d’un responsable d’unité éducative (RUE). Une secrétaire est également présente tous les jours de la semaine. Ces deux derniers se joignent régulièrement au repas avec nous et les jeunes.

3. Les différents espaces de la structure

L’UEHD est composée de deux bâtiments et d’une petite cour. L’ensemble est entouré de hautes palissades.

Le premier bâtiment se situe du côté du boulevard, mitoyen aux habitations de la rue. La porte d’entrée reste toujours fermée à clé : les jeunes doivent sonner pour entrer. Le rez-de-chaussée se compose du bureau des éducateurs à l’entrée, de la salle commune destinée au repas, de la cuisine d’Éric et d’Annie ainsi que d’une salle d’eau. Au sous-sol se trouvent une salle de sport et une laverie où les jeunes peuvent laver leur linge s’ils le souhaitent. Un escalier également fermé à clé, dessert les deux étages.

Au premier étage, nous disposons d’un bureau à côté de celui de la psychologue. Ce bureau est officiellement destiné aux entretiens avec l’infirmier mais nous l’utilisons pour consulter les dossiers, discuter de nos observations, préparer les séances. A ce même étage se trouve également la « salle télé » où les jeunes ont la possibilité de se détendre, avec l’autorisation d’un éducateur.

Au deuxième étage, nous utilisons une salle pour nos ateliers. Elle est meublée d’un canapé, de poufs, d’un grand tapis et d’un placard. Des tapis sont mis à notre disposition pour la relaxation. Les autres salles sont destinées aux activités organisées par la structure (activités manuelles, informatiques etc.). Une chambre est également à la disposition des jeunes dans le cas où ils auraient besoin de repos dans la journée.

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15 Toutes les salles du premier et deuxième étage étaient auparavant les chambres des jeunes placés à l’UEHC. Elles ont été réhabilitées à la suite de la transformation de l’UEHC en UEHD et sont de petites tailles et desservies par un long couloir.

A l’extérieur, du côté de la cour privée, les murs sont colorés de grands tags réalisés par des jeunes à l’aide d’un intervenant externe. Des potagers longent le chemin jusqu’au deuxième bâtiment. Ce dernier est sur deux étages seulement. Au rez-de-chaussée, la secrétaire dispose d’un grand bureau, mitoyen à la salle de réunion. A l’étage se trouve le bureau de la directrice. Les jeunes ont rarement accès à cette partie du foyer qui est réservée au personnel.

4. Les différents temps

 Les temps formels

A son arrivée dans la structure, le jeune rencontre ses éducateurs référents et la psychologue lors d’un « entretien d’accueil ». Au cours de celui-ci sont présentés le règlement, le fonctionnement de la structure, les activités proposées ainsi que les différents professionnels et intervenants. Nous ne participons pas à cet entretien mais nous présentons au jeune dans un second temps d’entrevue formel.

Suivant l’OPP, l’adolescent a pour obligation de se rendre au foyer sur des temps précis ou un nombre minimum d’heures. Il n’est donc pas tenu d’être présent tous les jours.

Un repas « fait-maison » est préparé tous les jours auquel les jeunes peuvent participer avec les éducateurs. C’est un moment convivial au cours duquel les adolescents (souvent deux ou trois maximum), la RUE, la secrétaire, les éducateurs, la psychologue et Annie se retrouvent pour discuter de sujets très diversifiés. Nous remarquons d’ailleurs que lors des périodes où ce repas n’a pas lieu pour diverses raisons (congés des intendants, absence etc.), les jeunes se présentent beaucoup moins au foyer.

De nombreuses réunions sont organisées entre les éducateurs. Ils se réunissent notamment tous les mardis pour faire un point sur chaque jeune. Lorsque notre emploi du temps de cours le permet, nous participons à ce temps institutionnel, pour faire part de nos observations à l’ensemble de l’équipe et discuter de nos interrogations. Ces réunions nous

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16 permettent d’être en accord avec tous les éducateurs sur notre manière d’intervenir auprès d’un adolescent. Quand cela est nécessaire ou lorsque notre participation à la réunion du mardi n’est pas possible, nous organisons le jeudi midi une réunion uniquement centrée sur nos interventions.

 Les temps informels

Les jeunes passent également beaucoup de temps assis dans le bureau des éducateurs, à écouter de la musique, rechercher la discussion ou juste observer ce qui se passe. Ces temps sont importants pour nous. Nous pouvons alors aller à leur rencontre et discuter avec eux, dans un cadre informel favorisant l’échange. Ils peuvent nous livrer beaucoup de choses et semblent plus spontanés. Ces temps ainsi que notre participation à l’activité boxe éducative, que je détaillerai dans un prochain chapitre, ont favorisé l’émergence d’une relation de confiance entre eux et nous.

L’UEHD est donc une structure éducative de la PJJ accueillant des adolescents délinquants en période de grands bouleversements, aussi bien physique, psychique, que social, judiciaire, familial, etc. Nombre des jeunes que nous avons rencontré sont sujets à l’angoisse, exprimée il me semble au travers de différentes manifestations corporelles et comportementales. Des passages à l’acte émaillent leur parcours. Aussi, il me semblait essentiel de m’appuyer sur des éclairages théoriques portant sur l’adolescence et ses processus afin d’ajuster au mieux notre projet d’intervention.

III. Les fondements théoriques du projet

A. L’adolescence

L’adolescence correspond à une période de transition entre l’enfance et l’âge adulte. Elle débute par la puberté, à l’origine des modifications corporelles et des remaniements psychiques impactant le développement de l’individu. Le sentiment de continuité d’existence peut se voir bouleversé.

Avant d’entrer plus en détail dans la définition de l’adolescence, il me semble intéressant de revenir de façon succincte sur la construction de ce sentiment de continuité

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17 d’existence qui s’enracine dans les premières années de vie. Certains adolescents accueillis à l’UEHD sont ou ont été suivis par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), suggérant par là un contexte familial possiblement précaire avec une fragilisation du développement de l’individu dans l’enfance. Les failles identitaires de cette période peuvent être mises à jour à l’adolescence et aboutir à une désorganisation. Or, comme nous le verrons, notre projet à l’UEHD repose sur l’observation et le repérage – prévention secondaire – des prémices d’une possible entrée dans la psychopathologie ou d’un passage à l’acte. Dès lors, il me semble important de comprendre ce qui se joue pendant l’enfance et se rejoue à l’adolescence.

1. La construction du sentiment de continuité d’existence durant l’enfance

a) La sécurité de base

Avant de grandir et de devenir un adulte, le bébé doit constituer en lui ce qu’Albert COEMAN et Marie RAULIER DE FRAHAN nomment la « sécurité de base »2 et qu’ils définissent comme « une forme de conscience de soi forte et stable sur laquelle [l’enfant] pourra s'appuyer tout au long de son parcours socio-affectif. »3 Son acquisition ne dépend pas que des interactions du bébé avec son environnement. Elle débute aux prémices de l’histoire du bébé, lors de la fécondation et de la vie intra-utérine et se poursuit à la naissance. Cet appui interne essentiel dans la vie de l’individu, lui confère un droit d’existence en tant que personne et une base de sécurité à laquelle se référer tout au long de sa vie. Les interactions précoces nourrissent ce pilier développemental au travers du portage, des soins, des jeux, etc. Ces notions sont décrites par Donald Wood WINNICOTT4, notamment au travers des concepts

de holding et de handling.

b) Les interactions précoces

Selon Séverine BEKIER et Michèle GUINOT, « une interaction est l’influence réciproque de deux phénomènes, de deux personnes avec les notions de réciprocité et d’interdépendance. »5 Les interactions précoces correspondent à un ensemble de processus

2 Coeman, A., Raulier De Frahan, M, 2004, pp 35-40 3 Ibid, p 35

4 Winnicott, D. W., 1975

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18 bidirectionnel fondamentaux entre le bébé et son entourage, dont il existe trois niveaux s’étayant les uns les autres.

 Les interactions comportementales

BEKIER S. et GUINOT M. les définissent comme « des interactions réelles concernant la manière dont les comportements de la mère et de l’enfant s’harmonisent et s’agencent. »6 La mère entre en interaction avec son bébé et possède la condition psychique

nécessaire pour répondre de manière adaptée aux signaux qu’il lui envoie : c’est ce que WINNICOTT D. W. nomme « la préoccupation maternelle primaire »7

Parmi ce type d’interactions se trouvent le holding (WINNICOTT D. W.) et le

handling (WINNICOTT D. W.) qui appartiennent aux interactions corporelles. La mère est

en capacité de s’identifier à son bébé afin de le « soutenir » (holding) et « de procurer un support au Moi »8. Elle le porte aussi bien corporellement que psychiquement. A cela s’ajoute la manière dont le bébé est « manié » (handling) c’est-à-dire manipulé et soigné. La mère répond aux besoins quotidiens de son bébé en lui prodiguant un ensemble de soins adaptés. Ces derniers permettent à l’enfant d’intégrer petit à petit son corps comme lui appartenant et de délimiter une frontière entre ce qui fait partie du « Moi » et ce qui n’en fait pas partie. Ce processus est nommé « personnalisation »9 par WINNICOTT D. W. Au sein de ces différents

échanges corporels, un véritable dialogue s’installe « permettant les ajustements corporels et interactifs entre l’enfant et sa mère. » C’est le dialogue tonique développé par Julian de AJURIAGUERRA en 1970.10

A ces interactions corporelles s’ajoutent les interactions visuelles. Des échanges de regards s’établissent entre la mère et son bébé, vecteurs de communication entre eux. Petit à petit, l’enfant se reconnait dans le visage de sa mère qui lui renvoie une image de lui-même à la manière d’un miroir. Cette expérience du miroir lui permet de faire la première expérience d’exister. C’est le « Réfléchissement du Soi »11 que théorise WINNICOTT D.W.

Pour finir, les interactions vocales, dernier type d’interactions comportementales, correspondent aux cris, aux pleurs et aux babillements, le premier langage du bébé, ainsi qu’aux réponses qui leur est apportée par la mère. Elle ajuste naturellement le timbre de sa voix, son langage et répond ainsi avec une prosodie spécifique.

6 Ibid, p 95

7 Davis, M., Wallbridge, D., 2009, p 90 8 Ibid, p 94

9 Ibid, p 97

10 Scialom, P., Giromini, F., Albaret J-M., 2012, p 96 11 Winnicott, D. W., 2014, p 214

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19  Les interactions affectives

Elles sous-tendent le « climat émotionnel »12 dans lequel se constitue la relation parent-enfant. Daniel STERN développe le concept d’ « accordage affectif ».13 Cet auteur se questionne sur la manière dont la mère peut partager des émotions avec son enfant alors que celui-ci n’est pas encore neuro-biologiquement mature pour les comprendre. Le parent ne se contente pas d’imiter les émotions de son enfant mais transpose les expressions observées par l’intermédiaire d’une autre modalité sensorielle. « Par exemple, si le bébé exprime sa voie et son excitation par un contour de vocalisation qui monte ou qui descend, la mère peut répondre par un geste ou un mouvement qui a la même intensité, les mêmes paramètres temporels et le même contour dans son développement. »14

 Les interactions fantasmatiques

Elles correspondent à l’ « influence réciproque du déroulement de la vie psychique de la mère et de son bébé, aussi bien dans leurs aspects imaginaires, conscients que fantasmatiques, inconscients. »15 Le bébé construit progressivement sa vie imaginaire et fantasmatique à partir de celle de ses parents.

c) Le processus de séparation-individuation

Petit à petit, la mère cesse de répondre dans l’immédiat aux besoins de son bébé et instaure des temps d’attente supportable par lui : elle prend le rôle de la « mère suffisamment bonne »16. Ainsi, le processus d’individuation se fait progressivement dans un dégagement de la confusion entre le corps de l’enfant et les corps des objets de relation. Comme le précise WINNICOTT D. W., l’enfant passe d’une dépendance absolue à une dépendance relative.

Par l’intermédiaire des interactions précoces énoncées précédemment, l’enfant se constitue un sentiment de sécurité interne lui permettant de se séparer, sans que cela ne constitue un « arrachement ». Il prend conscience de son existence propre et acquiert le sentiment de continuité d’existence, base fondamentale de la construction de son identité.

12 Scialom, P., Giromini, F., Albaret J-M., 2012, p 96 13 Ibid, p 291

14 Ibid, p 291 15 Ibid, p 96

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20 Le passage de la dépendance absolue à la dépendance relative puis à l’indépendance, dure environ les douze premiers mois de la vie.17 Progressivement, la mère instaure de la

distance et laisse à son bébé les moyens de devenir sujet. Les premiers déplacements moteurs permettent à l’enfant d’accéder aux relations interpersonnelles et à la découverte du monde qui l’entoure. Ce monde lui apparait comme différencié de lui, comme un espace sur lequel il peut agir, avec lequel il peut interagir. Sa mère devient une personne séparée de lui. Il peut lui dire « non » et s’affirmer comme un individu de plus en plus indépendant.

d) Une définition de l’identité

La finalité des processus décrits plus haut correspond à la construction de l’identité. « Plus ces relations de soins précoces ont été satisfaisantes, […], plus le sentiment d’identité sera stable et assuré. »18 Le terme identité vient du latin Identitatas, Idem, qui signifie « le même ». On retrouve cette notion étymologique dans les définitions de psychologie : « Dans le sens général, caractère de ce qui est même (« mêmeté ») ou unique, bien que pouvant être perçu, représenté ou dénommé de manière différente. »19 On distingue différents types d’identité (individuelle, sociale, culturelle, collective, etc.)20 Dans le cadre de ce mémoire,

nous n’en définirons que deux : l’identité individuelle et l’identité sociale.

L’expérience propre d’un sujet à se sentir exister et reconnu par autrui, en tant qu’individu tout à la fois unique et identique, dans sa nature physique, psychique et sociale, aboutit à la constitution de l’identité individuelle. Cette dernière se construit dans les expériences de relation avec autrui et la société. Elle renvoie aux notions de continuité et d’unité permettant de percevoir son existence propre comme cohérente et stable.

De même, l’individu se positionne dans un environnement où il interagit au sein de groupes ou d’institutions. C’est l’identité sociale. Elle est corrélée au processus d’intégration : « l’identité sociale se manifeste publiquement au travers de l’exercice des rôles et des statuts qui révèle la conception personnelle d’un style de vie (conventionnel, marginal, déviant, rebelle). »21

17 Scialom, P., Giromini, F., Albaret J-M., 2012, p 288 18 Marcelli, D, Braconnier, A., 2013, p 26

19 Doron, R., Parot, F., 2011, p 359 20 Ibid, pp 359-360

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21 L’identité est impactée sous toutes ses facettes (personnelle, sociale, sexuelle etc.) par la puberté, période de grand bouleversement aussi bien physique que psychique. Elle marque le début de l’adolescence, long processus parfois semé d’embuches.

2. Définir l’adolescence

En littérature, l’adolescence est couramment définie comme une période de transition entre l’enfance et l’âge adulte. Etymologiquement, ce terme est tiré du latin adolescentia, de

ad-olescere qui signifie « grandir vers », « croître »22. De ce fait, l’adolescence correspondrait

à une période de croissance physique et intellectuelle, dont la finalité serait l’acquisition de l’identité.

Il semble difficile d’assigner une tranche d’âge à l’adolescence tant les limites se montrent floues et leur évolution au fil du temps importante. En janvier 2018, dans un article publié dans la revue scientifique médicale britannique The Lancet23, des scientifiques situent l’adolescence entre 10 et 24 ans. Pour eux, l’amélioration des apports nutritifs et le prolongement des études constituent les causes principales de l’allongement de cette période. Cette recherche, coordonnée par Susan SAWYER, Professeur en santé des adolescents à l’Université de Melbourne, précise que les premières règles apparaissent plus tôt qu’il y a cinquante ans. Le cerveau continue de se développer après l’âge de 20 ans et les jeunes entrent dans la vie active en moyenne entre 22 et 23 ans.

La délimitation temporelle de l’adolescence dépend de la dimension étudiée.

a) Dimension biologique

L’adolescence commence par la puberté, période au cours de laquelle l’Homme accède à la fonction de procréation. Le début de la puberté s’avère de plus en plus précoce : à la fin du XIXème siècle, les premières règles apparaissaient chez la jeune fille entre 16 et 17 ans alors que de nos jours elles se manifestent en moyenne à partir de 12 ans.24

Lors du passage de ce palier développemental, les glandes génitales deviennent fonctionnelles et les caractères sexuels secondaires apparaissent. La pilosité et les organes génitaux se développent, la jeune fille voit sa poitrine s’arrondir et le garçon sa carrure

22 Marcelli D., Braconnier A., 2013, p 560 23 Sawyer S., 2018, p 223

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22 s’étoffer. Une poussée de croissance accompagne tous ces changements, marquée par une augmentation de la taille ainsi que de la masse, aussi bien musculaire que grasse. Elle est très rapide et survient au commencement des changements pubertaires. L'ensemble de ces bouleversements physiques devront être intégrés psychiquement dans le processus adolescent. Ils sont à l'origine d'une modification dans les rapports à autrui auparavant organisés sous le primat de l'infantile.« Le processus même de l’adolescence est intimement lié aux transformations physiologiques de la puberté. »25

b) Dimension psychique

L’adolescent voit son corps, support de son identité, se transformer brutalement. Il subit les transformations pubertaires, ce qui le renvoie potentiellement à un sentiment de passivité, et l’accès à la maturité sexuelle réactive le complexe d’Œdipe dont la tentation incestueuse devient désormais réalisable. Il se retrouve dans une lutte contre l’interdit de l’inceste, doit se séparer et se met à la recherche de nouvelles identifications. L’adolescent doit intégrer psychiquement ces bouleversements, il change progressivement de statut au sein de sa famille et de la société, passant du monde des enfants à celui des adultes.

 La passivité

L’adolescent voit son corps se transformer de manière rapide, sans n’avoir aucune maîtrise sur ces modifications qui s’imposent à lui. Philippe JEAMMET évoque à ce propos le terme de « passivité ». Pour lui, l’adolescent se voit renvoyé à la situation de dépendance de la première enfance. « Les sources de cette passivité sont doubles et se renforcent l’une l’autre : passivité du Moi face aux transformations pubertaires dont le corps est l’objet et qui s’imposent à lui ; passivité liée à la situation d’attente à l’égard des adultes. »26 L’adolescent

peut avoir l’impression de perdre le contrôle de son corps : le sentiment de continuité et d’unité se trouve potentiellement remis en cause et les transformations pubertaires peuvent alors prendre une connotation traumatique. Dans ce cas, la confrontation à la passivité pourrait se traduire par une menace de débordement et de désorganisation.

25 Ibid, p 18 26 Ibid, p 24

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23  La réactivation du complexe d’Œdipe

Vers trois ans, l’enfant s’identifie à un parent du même sexe et cherche à séduire le parent du sexe opposé. C’est le complexe d’Œdipe. Entre six et douze ans suit la période de latence pendant laquelle le développement sexuel infantile connaît un temps d’arrêt. L’enfant, immature sexuellement, prend conscience de l’interdit de l’inceste ce qui empêche tout désir de séduction de son parent. A la puberté, le corps se transforme et acquiert la maturité sexuelle. Les modifications corporelles inscrivent ce corps dans la réalité anatomique d’un sexe génétiquement prédéfinis. La tentation incestueuse devient réalisable : c’est la réactualisation du complexe d’Œdipe27. « Le garçon perçoit le père comme rival dans sa relation amoureuse avec sa mère et ressent à son égard des sentiments agressifs. […] La fille, constatant qu’elle n’a pas de pénis, se détache de la mère car elle la rend responsable de ce manque, et se tourne vers son père, objet de son désir. »28

Cependant, Patrick DELAROCHE souligne que cette tentation devrait naturellement échouer par une nouvelle confrontation à l’interdit de l’inceste et « transformer les investissements des objets parentaux en identifications. »29

 Adolescence et identifications

L’identification est un processus inconscient « par lequel un individu assimile l’aspect, la propriété, l’attribut d’un autre et se transforme en partie ou parfois même en totalité suivant le modèle de celui-ci. »30 A l’adolescence, l’individu se confronte à un corps en pleine transformation et à la nécessité de quitter le monde de l’enfance. « Le développement de l’attirance par et vers les autres, en particulier vers la personne du sexe opposé, ainsi que la nécessité de quitter des liens trop proches avec ses parents entraînent l’individu à se constituer une nouvelle identité grâce à un remaniement de ses identifications. »31 D’aprèsAlain BRACONNIER et Daniel MARCELLI, les termes identité et identification ne peuvent alors être dissociés l’un de l’autre.32

La puberté entraine une sexualisation de la relation aux objets parentaux. La mise à distance de ces derniers nécessite un réaménagement de l’espace relationnel. Les nouvelles

27 Delaroche, P., 2012, p 28 28 Cannard, C., 2015, p164 29 Delaroche, P., 2012, p 30

30 Braconnier, A., Marcelli, D., 2017, p 55 31 Ibid, p 55

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24 identifications se centrent sur l’environnement extra-familial. A l’adolescence, la relation acquiert un nouvel aspect : « l’autre devient un miroir » qui « rassure et consolide. » 33

Le groupe prend toute son importance à cet âge par la composante relationnelle non négligeable qu’il revêt. Il offre la possibilité d’identifications nouvelles. De plus, avec les transformations pubertaires, l’adolescent voit ses propres limites corporelles être bouleversées et les frontières offertes par le cadre groupal lui permettent de retrouver une certaine contenance. Le groupe, « c’est le biais par lequel vont pouvoir « s’essayer » les nouveaux modes de relations, passionnelles, conflictuelles, amicales et amoureuses » mais aussi « une enveloppe qui contient. » 34

 Entre dépendance et indépendance

L’adolescent garde des secrets, mettant de la distance entre lui et ses parents. Les portes de chambre se ferment, ornées de panneaux « interdiction d’entrer ». Il se crée une bulle personnelle, un espace intime. L’adolescent délimite un espace externe, faute de discerner ses limites internes. D’après Françoise DOLTO, il est comme un homard en pleine mue, qui se retrouve nu, à vif, sans défense.35

De même, il tente d’affirmer ses choix face à l’adulte et s’oppose à l’autorité parentale, des conflits éclatent. Les conduites d’opposition s’illustrent par un large panel de comportements : de la mauvaise humeur à la confrontation directe au référent parental jusqu’à des comportements plus graves tels que la fugue, la délinquance, etc. L’adolescent cherche son indépendance, l’autonomie matérielle et psychique, tout en se rendant compte qu’il quitte un cadre connu, au sein duquel il avait trouvé une certaine stabilité. « Une des particularités de l’adolescent est d’être une personne qui réclame avec vigueur son autonomie et individualité, mais qui reste encore profondément dépendant du cadre familial de son enfance. »36

L’ensemble de ces remaniements psychiques avec leur lot d’ébranlements identitaires peut parfois prendre une connotation traumatique et angoissante. Le corps, au centre des

33 Potel, 2015, p 77 34 Ibid, p 77

35 Potel C., 2018, p 18

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25 bouleversements de l’adolescence, peut devenir le lieu d’expression de cette angoisse et traduire des difficultés et souffrances psychiques dans ce processus.

 Les manifestations somatiques à l’adolescence

Si les bouleversements psychiques de l’adolescence prennent leurs racines dans les modifications physiques pubertaires, c’est également par cette même voie du corps que l’angoisse suscitée y trouvera son expression première. Ces plaintes somatiques peuvent prendre différentes formes : palpitations, céphalées, vertiges, nausées, etc. Repérer l’apparition de ces expressions anxieuses constitue un abord essentiel de la prise en charge des adolescents – afin de contrer par exemple le développement de Troubles Anxieux Généralisés (TAG) à l’âge adulte.

« La plainte est une parole, un gémissement qui exprime la douleur et la peine. »37 Parfois cette plainte peut prendre une connotation hypocondriaque. Le corps devient le vecteur de la souffrance psychique. Les pulsions agressives et destructives ou les mauvais objets et parties de soi sont projetées dans une partie du corps.38

Ces plaintes hypocondriaques auraient-elles un enjeu relationnel ? Pour MARCELLI D. et BRACONNIER A., « c’est un moyen pour l’adolescent de demander quelque chose, de faire un signe, d’émettre un appel. »39 L’expression d’une plainte s’adresse à autrui et

l’environnement en devient le témoin, le témoin « d’un corps adolescent qui souffre »40. A ce

propos, ces mêmes auteurs alertent sur les erreurs à éviter : minimiser le trouble somatique sous prétexte qu’il n’a pas de support organique ou au contraire accorder une place primordiale au symptôme sans chercher à élargir l’exploration de l’ensemble de la personnalité de l’individu.41

La lutte contre les angoisses suscitée par les remaniements pubertaires constitue alors un des enjeux de l’adolescence. Lorsque la période adolescente se passe bien, l’ensemble des remaniements psychiques sont intégrés au fur et à mesure et non vécu comme traumatiques. L’adolescent devient un adulte indépendant et équilibré, apte à prendre ses propres décisions. Cependant, les bouleversements physiques et psychiques induits par l’adolescence, parfois

37 Bourcet, S., Rossi, C., 2003, p 279

38 Andre, P., Benavides, T., Giromini, F., 2004, p 142-143 39 Braconnier, A., Marcelli, D., 2013, p 213

40 Bourcet, S., Rossi, C., 2003, p 279 41 Braconnier, A., Marcelli, D., 2013, p 218

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26 associés à un environnement défavorable ou à des vécus difficiles dans l’enfance, peuvent fragiliser la construction de l’individu. Ces éléments individuels constitueraient alors des facteurs favorisant les passages à l’acte et les conduites de délinquance. Les adolescents rencontrés à l’UEHD sont encadrés par diverses mesures judiciaires – par leur suivie à la PJJ – et sociales – par leur prise en charge à l’ASE. A ce titre, il me semble intéressant de s’intéresser à la définition juridico-sociale de l’adolescence.

c) Dimension juridique et sociale

Aux yeux de la société, l’adulte est une personne indépendante, dans ses choix et financièrement. De par l’allongement du nombre d’années d’études, la période de l’adolescence se voit prolongée au-delà de la majorité. Dans les années 70, Tony ANATRELLA, psychothérapeute, emploie pour la première fois le terme d’« adulescence ». Ce terme regroupe « d’une part, des adultes qui s’identifient aux adolescents pour vivre ; d’autre part, des jeunes qui ne parviennent pas à renoncer aux hésitations de l’adolescence pour accéder à un autre âge de la vie. »42 L’adulescent a entre 20 et 30 ans et cherche à devenir « psychologiquement autonome. » Depuis, ce terme a été repris par de nombreux auteurs et est régulièrement utilisé dans les médias.

D’un point de vue juridique, il n’existe pas de définition de l’adolescence. Enfants et adolescents se trouvent regroupés sous l’appellation « mineurs » et soumis à une justice spécifique. Le tribunal des mineurs juge les faits commis jusqu’à l’âge de 18 ans. Au niveau social, l’ASE s’occupe également des enfants et adolescents en difficulté sociale, et ce jusqu’à leur majorité. Le terme « jeunesse » est retrouvé dans certaines appellations, telles que celle de la Protection Judiciaire de la Jeunesse qui nous intéresse particulièrement dans le cadre de ce mémoire, mais aucune limite précise n’est donnée à ce terme.

L’enfance prend ainsi fin sans transition, à l’âge de la majorité. Le jeune adulte obtient certains droits tels que le droit de vote, celui d’acheter de l’alcool et peut par exemple passer le permis de conduire. Aux yeux de la loi, il est considéré comme suffisamment mature pour prendre des décisions et assumer ses actes. Socialement, il continue d’être accompagné. En France, de nombreuses aides sociales sont encore proposées entre 18 et 25 ans, un grand nombre de musées sont ouverts gratuitement au moins de 25 ans et la célèbre carte SNCF

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27 destinée aux « jeunes » s’est même étirée jusqu’à 27 ans en 2012. Mais qu’entendons-nous alors par jeune ? Jeune, synonyme d’adolescent ou de jeune adulte ?

d) Pour conclure

L’adolescence constituerait donc un passage, une transition entre le monde des enfants et celui des adultes, au cours duquel un grand nombre de bouleversements s’opère. Aux environs de l’âge de 12 ans, la puberté engendre de nombreux changements physiques que l’adolescent doit intégrer psychiquement. Le cerveau est en pleine maturation43, de nouveaux

processus cognitifs émergent ce qui rend l’adolescent neuro-biologiquement apte à affirmer ses idées, faire des choix. A partir de 18 ans, il est mature aux yeux de la justice, capable de prendre des décisions et d’assumer ses actes. Mais si on considère la dimension sociale, il ne devient véritablement adulte que bien plus tard.

A la lumière des trois dimensions exposées, il s’avère difficile de donner une tranche d’âge précise à l’adolescence. Si tous s’accordent sur un âge de début, aux environs de douze ans, le passage définitif à l’âge adulte dépendrait tant de l’individu, de sa maturité physique et psychique, que de son environnement, ses études, son contexte familial, etc.

Comme le souligne JEAMMET P., l’adolescence correspond à une période de rupture avec le fonctionnement antérieur. L’adolescent se trouve contraint à des changements physiques et psychiques, de façon plus ou moins rapide et plus ou moins importante.44 Pour faire face à ce vécu, potentiellement ressenti comme traumatique, il peut exprimer ses angoisses à travers des manifestations somatiques, comme nous avons pu le voir, ou bien un ensemble de conduites regroupé sous le terme d’agir.

B. De l’agir à la délinquance

1. L’agir

L’agir correspond à l’un des modes d’expression privilégiés des conflits et des angoisses de l’individu. Pour MARCELLI D. et BRACONNIER A., c’est une caractéristique

43 Claes M., 2011, p 216

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28 de tous les adolescents, pas seulement des adolescents en souffrance.45 « L’adolescent interroge ce qu’il construit. »46 Dans le cas des adolescents en grande souffrance, on parlera

de « pathologies de l’agir ».

Le terme d’« agir » renvoie à une expression clinique fréquemment utilisée pour désigner les conduites adolescentes telles que les tentatives de suicide, les conduites auto et hétéro-agressives, les conduites d’errance et les fugues, les addictions, etc. Il peut être défini comme « la tentative de construire une réponse intrapsychique face à un conflit psychique par la modalité d’une mise en acte »47 et correspond d’après Serge LESOURD à une

« réassurance sur une certitude d’être. »48

A l’adolescence, l’agir serait encouragé par de nombreux facteurs. Les transformations corporelles induisent l’augmentation de l’énergie et de la force musculaire, favorisant l’agir. Le passage de l’enfance à l’âge adulte, source d’angoisse et de bouleversement identitaire, entraîne un changement de statut. MARCELLI D. et BRACONNIER A. évoquent également l’antithèse activité/passivité. Pour lutter contre le sentiment de passivité (renvoie au concept de JEAMMET P., cf : III.A.2.b.) face à tous les bouleversements induits par la puberté, l’adolescent agit.

Pour résumer, l’agir correspondrait soit aux signaux d’appels d’une souffrance (le mode d’expression des angoisses de l’individu), soit à l’expression d’un mécanisme de défense (antithèse activité/passivité). Ces deux versants renvoient parallèlement au concept « d’acting out » et « d’actes symptômes » développés en psychanalyse.49

2. Passage à l’acte et délinquance

Le passage à l’acte serait le processus de l’agir et l’acte la conséquence.Pour définir plus précisément ces termes, l’acte correspond au « franchissement d’un mode d’expression à un autre, d’un état ou d’un lieu à un autre, soit décharge motrice d’un excès qui ne trouve pas de représentant ou de médiation, soit un outre passement afin d’éluder une obligation ou de la court-circuiter, soit enfin une effraction. »50

POTEL C. définit le passage à l’acte en reprenant la théorie de René ROUSSILLON. Tous deux introduisent une différence entre passer par l’acte et passer à l’acte. Pour ces

45 Braconnier, A., Marcelli, D., 2013, p 97 46 Potel, 2015, p 84

47 Raoult P. A., 2006, p 11 48 Ibid, p 9

49 Marcelli D., Braconnier A., 2013, p 97 50 Raoult P. A., 2006, p 10

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29 auteurs, le passage par l’acte correspond au passage par l’action pour arriver à symboliser un vécu.51 En ce sens, il est indispensable à l’adolescence pour intégrer les changements

physiques, psychiques, identitaires, etc. Il nourrit les processus de réflexion et de pensée. Mais lorsque le seul mode de communication possible devient l’agressivité et que le corps est mis en action de manière irréfléchie, « sans pensée, sans représentation et sans élaboration des conflits »52, on parle alors de passage à l’acte. Ainsi, ce dernier correspond à un « défaut structural de la capacité de mentalisation. »53 Ce terme est couramment utilisé pour désigner

des actes violents et agressifs, tant à l’encontre de l’individu même que d’autrui.

« […] Puisque la réalité n’est jamais à la hauteur de son désir, puisque la relation d’objet idéal se révèle impossible, puisque toujours l’autre déçoit, la passion mue en rancœur et laisse apparaître un désir de vengeance, l’adolescent pouvant alors verser dans la délinquance. »54 La délinquance correspond à un ensemble de délits, déterminés par le droit pénal, détectés et punis par des acteurs sociaux.55 Elle est l’un des aspects de l’agir, lorsque les passages à l’acte deviennent récurrents et graves, et dépassent le cadre légal. En effet, parmi les passages à l’acte, BRACONNIER A. et MARCELLI D. distinguent les fugues et l’errance, la violence auto-agressive mais aussi les vols et la violence hétéro-agressive. Ces deux dernières catégories constituent les faits de délinquance les plus fréquents.

Certains jeunes placés à l’UEHD sont condamnés pour des faits de trafic de stupéfiants, non répertoriés ici dans les actes de l’agir. Malgré cela, de mon point de vue, l’adolescence s’avère être une période propice à ce type de délit. Le jeune, en perte de repères et en mal d’identifications structurantes, cherche la reconnaissance d’un groupe et l’appartenance à un mouvement. La délinquance et le réseau de délinquants lui offre un statut, des identifications, une identité individuelle et sociale. Aussi, l’adolescent délinquant engagé dans un trafic, se trouve comme tout adolescent en perte de limites corporelles, et vient chercher des limites dans la contenance d’un groupe tout en testant celles imposées par la loi. Les trafics lui apportent également un revenu financier lui permettant de ressentir une certaine indépendance.

De même, pour reprendre l’antithèse activité/passivité évoquée plus haut, l’adolescent lutterait contre le sentiment de dépendance et de passivité en s’attachant à un groupe choisi et 51 Potel C., 2015, p 84 52 Ibid 53 Raoult P. A., 2006, p 10 54 Hefez, S., 2018, p 28 55 Muchielli, L., 2012, p 14

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30 en nourrissant une activité. De manière plus générale, on pourrait également supposer que la délinquance permet pour certains, de questionner le lien d’attachement qui l’uni à ses parents. L’adolescent chercherait alors à tester l’amour supposé inconditionnel qu’ils lui portent : jusqu’où mes parents sont-ils prêt à m’aimer ?

L’ensemble de ces présupposés théoriques nous permet d’affiner une représentation des adolescents délinquants accueillis à l’UEHD. Ces derniers seraient des individus en plein bouleversement physique, psychique et identitaire, exprimant leurs angoisses à travers des passages à l’acte mais aussi certaines somatisations. En manque de limites internes stables, ils sont susceptibles de venir tester des limites extérieures, ici les limites imposées par la loi. Lorsque l’entourage familial ne leur offre pas un environnement suffisamment sécure, ils peuvent rechercher un cadre contenant et des identifications dans les groupes qui s’offrent à eux, tel que les réseaux de délinquance.

IV. Définir un projet et son cadre

L’ensemble des éléments institutionnels et théoriques présentés ont constitué les fondements théorico-cliniques à partir desquels Morgane et moi avons réfléchi et construit notre projet de stage. Ils nous ont ainsi permis d'élaborer le cadre et les objectifs de notre intervention.

A. L’instauration d’un cadre préventif

Le premier élément de réalité légale auquel nous avons été confrontées fut la prise en compte de l'absence de médecin au sein de l'équipe de l'UEHD. Or, d’après le décret de compétences abrogé du 8 aout 2004, le psychomotricien exerce « sur prescription médicale et après un examen neuropsychologique par un médecin ». Il pratique des bilans psychomoteurs et met en place une prise en charge adaptée.56

Nous avons donc choisi de penser notre intervention sur le versant de la prévention, permettant de nous situer dans un cadre légal. Le décret de compétences ne mentionne pas le mot « prévention » alors que ce champ correspond à l’intervention du psychomotricien dans les services de petite enfance (crèche, Protection Maternelle Infantile). En 2015, dans son

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31 mémoire de fin d’étude, Amandine GUEULLE souligne que le décret du psychomotricien date de 1988. L’abrogation de 2004 n’entraine pas de modifications des actes professionnels et ce, alors que « de nouveaux champs s’ouvrent à la psychomotricité : prévention et accompagnement de la personne âgée, prévention auprès du jeune enfant… »57. Ces points de

suspension seraient-ils une ouverture à la prévention auprès des adolescents ?

B. Qu’est-ce que la prévention ?

1. Définitions

Etymologiquement, prévention vient du latin proeventio, action de devancer, de prévenir en avertissant58. D’après l’OMS (1988), « la prévention est l’ensemble des mesures visant à éviter ou réduire le nombre et la gravité des maladies, des accidents et des handicaps. »59 Elle comporte trois champs appelés prévention primaire, secondaire et tertiaire.

- La prévention primaire agit avant l’apparition de la maladie : elle permet de diminuer la probabilité d’apparition d’une pathologie en agissant avant que des troubles ne soient observables

- La prévention secondaire agit au tout début de la maladie : elle permet de détecter les signes précoces des troubles, et de mettre en place des prises en charge adaptées, pour les diminuer ou les résoudre

- La prévention tertiaire agit une fois la maladie installée : elle permet de diminuer la gravité des troubles et leur impact sur la vie de l’individu, quand ceux-ci sont installés. A la lumière de ces définitions, nous pouvons nous demander à quoi correspondrait la prévention auprès d’adolescents délinquants.

2. La prévention auprès d’adolescents délinquants

Comme définie dans la première partie, l’adolescence correspond à une période de bouleversements : physique, psychique, identitaire, sociale, etc. Ainsi, tel que nous l’avons souligné dans cette même partie, BRACONNIER A. et MARCELLI D. rappellent qu’il est

57 Gueulle A., 2015, p 16

58 Giromini, F., Albaret, J-M., Scialom, P., 2015, p 100 59 Ibid, pp 100-101

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32 très fréquent d’observer des manifestations symptomatiques à l’adolescence, qu’elles soient à expression somatique (troubles du sommeil, maux de tête, maux de ventre, etc.), affective (tristesse, crise de larmes, etc.), comportementale à versant social (délinquance, rupture scolaire, etc.) ou non (repliement, fugue, etc.).60 Nos interventions basées sur un principe

préventif se donneraient pour but de prévenir certaines de ces difficultés liées à l’adolescence, notamment somatiques, mais aussi de soutenir les équipes dans l’accompagnement des adolescents.

Ainsi, la prévention primaire correspondrait à la mise en place de groupes tels que des ateliers de relaxation, à vidée de détente afin d’éviter ou de limiter l’émergence de somatisations ; tandis que la prévention secondaire permettrait de repérer à l’aide d’un regard psychomoteur, ce qui pourrait signer les prémices d’une entrée dans la psychopathologie ou d’un risque de passage à l’acte et ainsi de permettre l’orientation du jeune vers un professionnel ou dans une structure adaptée. Dans un article publié dans Evolutions

psychomotrices, Alexandre CHRISTODOULOU, médecin psychiatrie, souligne l’intérêt du

regard psychomoteur pour repérer certains symptômes. « Des signes non observables ou non ressentis lors d’un entretien psychiatrique classique, peuvent être mis en évidence par l’abord psychomoteur. »61 Ainsi, sans pratiquer de bilans mais en utilisant nos connaissances et notre regard acquis lors de notre formation, nous pourrions nous questionner sur certains comportements ou manifestations symptomatiques et favoriser la rencontre avec un médecin. Seul ce dernier pourrait poser un diagnostic et mettre en place des suivis adaptés.

Enfin, la prévention tertiaire correspondrait aux actions mises en place suite à la pose d’un diagnostic précis. La limite me semble mince entre un soin thérapeutique et ce type de prévention. Ainsi, Morgane et moi avons choisi de limiter nos actions aux deux premiers types de prévention.

Pour entamer une action de prévention, et notamment secondaire, BRACONNIER A. et MARCELLI D soulignent également l’importance de définir le terme de risque.62 Ainsi, ils distinguent :

- Le risque immédiat tel que l’accident de voiture

- Le risque différé comme un cancer du foie après une surconsommation d’alcool

60 Braconnier, A., Marcelli, D., 2013, p 607 61 Christodoulou, A., 2006, p 7

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33 - Le risque somatique tel que la transmission d’une maladie sexuellement transmissible

après un rapport à risque

- Le risque psychopathologique comme la dépendance après la prise d’un produit L’évaluation de ce risque semble essentielle pour déterminer les actions préventives mises en place par la suite. Ces auteurs délimitent aussi les « clignotants du risque », tant qualitatifs que quantitatifs : la répétition d’une conduite, la durée, l’apparition de nouvelles conduites et les évènements de vie négatifs (pour l’adolescent ou son entourage). Ces précisions me paraissent importantes pour repérer l’imminence d’un passage à l’acte par exemple. Elles permettent d’affiner l’observation et ainsi l’intervention préventive de type secondaire.

C. L’observation

A l’adolescence, le corps revêt une place centrale. Le comportement de l’adolescent peut représenter de nombreux signes d’appel relatifs à une souffrance réelle, mais « le chemin est étroit entre le risque de trop en faire et le risque de n’en pas faire assez, contraintes opposées entre lesquelles doit se situer la « prévention » à l’adolescence. »63 Il s’agit alors de repérer ces signes d’appel et de les analyser afin de ne pas les banaliser. Dans ce sens, l’observation constitue la première part importante de notre projet. Pour cela, Morgane et moi avons créé une grille afin de faciliter notre réflexion clinique, d’objectiver et d’organiser nos observations.

Notre observation est basée sur la participation à plusieurs temps importants de la vie du foyer : le temps représenté par l'activité de boxe éducative, les temps dits « informels », qui se sont avérés être riches et nombreux mais également les temps constitutifs de notre propre groupe.

1. La création d’une grille d’observation

Notre grille d’observation est conçue à partir des grands items psychomoteurs et de nos premières réflexions. En première intention, cette grille comportait le tonus, l’espace et le temps, les représentations du corps et les émotions. Elle a été amenée à évoluer en fonction de nos rencontres, de nos observations et de notre façon de la compléter. En premier lieu,

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34 nous avons effectué des regroupements entre les différents items observés : nous distinguions le tonus, les postures et les attitudes puis le schéma corporel, l’image du corps, l’investissement corporel (la manière dont l’adolescent occupe son corps), l’hygiène corporelle (la manière dont l’adolescent s’occupe de son corps) les coordinations et dissociations, et ce qui nous renvoie à l’enveloppe corporelle. Après réflexion et utilisation, ces regroupements me paraissent bien trop clivés. Le tonus, les postures, les attitudes et les coordinations nous permettent d’apprécier le schéma corporel, au même titre que l’investissement corporel, l’enveloppe, l’hygiène corporel pour l’image du corps.

Ainsi, deux grilles se trouvent en annexe : une première, fruit d’un travail commun avec Morgane que nous avons utilisée au cours de notre stage, et une seconde, modifiée selon mes réflexions lors de l’élaboration de ce mémoire et que je souhaite proposer pour le reste de notre intervention.

Concernant la suite de la grille, les items n’ont pas beaucoup évolués. Nous avons distingué les observations concernant la première rencontre, de celles portant sur les relations (avec nous, les professionnels ou les autres jeunes), la place dans le groupe et l’estime de soi. La partie sur l’espace a été découpée en deux parties : une première case concerne l’arrivée dans la salle où a lieu l’activité de relaxation et ce que nous notons de l’installation du jeune dans l’espace ; et la deuxième permet de mettre des mots sur l’investissement de l’espace de manière plus générale (aussi bien au cours de notre activité de relaxation que pendant les différents temps où nous sommes en présence du jeune).

Concernant les émotions, nous avons également développé cette partie en trois sous-catégories : les émotions renvoyées par l’adolescent (observations dépendantes de notre vécu personnel), celles évoquées par l’adolescent et les informations données par l’équipe (observations dépendantes de leur propre vécu personnel).

Pour finir, les sous-items réservés à la communication verbale regroupent la prosodie, les tics de langage, et le vocabulaire avec les observations corporelles remarquées en situation d’expression verbale (soutien du corps, expressions infra-verbales, mimiques, gestuelles, etc. telles que le ton de la voix).

Un espace est laissé libre à la prise en note d’observations diverses. Il est important de noter que tous les sous-items ne sont pas remplis pour chaque jeune : les informations retranscrites dépendent des temps d’observation et de leur modalité.

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