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Les Psychoses induites par la cocaïne

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Academic year: 2022

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Les Psychoses

induites par la

cocaïne

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PLAN

Introduction

I - Données générales sur la cocaïne

II - Etats délirants aigus

III - Etat délirant aigu et cocaïne

IV - Cas cliniques

V - Discussion

Conclusion

VI – Bibliographie

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INTRODUCTION

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C’est au début des années 1980, que la cocaïne commence à envahir les Etats-Unis. En France, le niveau d’usage a longtemps été inférieur à celui des opiacés, entre les années 1970 et 1990. La cocaïne devient l’une des drogues les plus consommées en France à la fin des années 1990.

La disponibilité et la baisse du prix du produit la rendent accessible à toutes les classes sociales, ainsi que se diversifient les formes et modalités d’usage, d’abus et d’addiction.

Cela fait d’elle un véritable problème de santé publique. Elle est disponible en France sous différentes formes : le chlorhydrate de cocaïne (poudre blanche), le free base et le crack.

Elle peut être consommée par voie intranasale, fumée ou injectée par voie intraveineuse.

L’addiction à la cocaïne est associée à d’importantes conséquences et comorbidités psychiatriques.

La relation entre état délirant et cocaïne a fait l’objet de peu de travaux. Devant l’augmentation du nombre de demandes de prise en charge, il nous a semblé opportun de faire une synthèse des données disponibles et d’en dégager des pistes de recherche. Une revue de littérature a alors été réalisée. Nous avons sélectionné les articles scientifiques de langue anglaise et française publiés entre 1969 et 2009 en consultant les bases de données Medline, Embase, Psycinfo, et Google scholar. Les mots clés utilisés seuls ou en association sont les suivants : « cocaïne », « psychose cocaïnique »,

« pharmacopsychose », « craving », « abus », et « dépendance ».

Dans un premier temps, nous exposerons les données générales concernant la cocaïne.

Ensuite, nous nous intéresserons aux états délirants aigus non induits et induits par la prise de substance psycho active, nous permettant alors de définir le concept de pharmacopsychose.

Puis, l’état délirant aigu induit par la cocaïne sera abordé dans ses aspects historiques, épidémiologiques, cliniques et thérapeutiques. Enfin, nous vous proposerons des cas cliniques pour illustrer notre propos à partir desquels nous entamerons une discussion.

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I. Données générales sur la

cocaïne

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A - Epidémiologie

Les travaux de l’Observatoire européen des drogues et des Toxicomanies permettent d’avoir un regard avisé sur cette situation [1].

1. Une consommation en hausse depuis 1990

Depuis les années 1980 aux Etats Unis (d’après des enquêtes sociales) et 1990 en France, on assiste à une augmentation de la consommation de cocaïne en population générale [2,3]. Le retentissement de cette pratique est tel que l’on utilise alors dans la presse des termes à connotation morale comme la « peste cocaïne » ou la « déferlante cocaïne ». Il s’agit d’une rupture dans l’histoire du produit ; en effet le niveau d’usage de la cocaïne qui a longtemps été inférieur à celui des opiacés, et notamment de l’héroïne entre les années 1970 et 1980 est désormais nettement supérieur. Cette drogue psychostimulante fait désormais partie à part entière du tableau des addictions en Europe. Les semi-grossistes de cannabis, implantés dans les quartiers populaires, ont ajouté la cocaïne à leur offre ou se sont reconvertis.

Mais cette hausse ne s’arrête pas là. Relativement stable entre 1995 et 2000, l’expérimentation et la consommation actuelle de cocaïne apparaissent en augmentation entre 2000 et 2005, années au cours desquelles il semble que le phénomène ait doublé d’ampleur. Ainsi, la proportion d’expérimentateurs parmi les 15-34 ans est passée de 2,5%

à 3,8%, entre 2000 et 2005 [1]. 2,5% des jeunes de 17 ans déclaraient avoir expérimenté la cocaïne en 2003 contre 1,0% en 2000 [1].

Les données actuelles estiment à 4 millions de consommateurs de cocaïne en Europe au cours de l’année [1]. Le nombre de personnes ayant consommé de la cocaïne au moins une fois au cours de la vie est estimé à 1,1 million, soit environ 2% de la population française [4].

Parmi les produits illicites, la cocaïne est la troisième substance la plus expérimentée après le cannabis (30,6% des 15-64 ans) et le poppers (3,9%) [4].

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2. Prix

Le prix du gramme par voie de conséquence de cette hausse de la consommation a été divisé par deux depuis les années 1990. Il se situe en moyenne autour de 60 euros mais on peut la trouver moitié moins cher en « deal de rue » [5].

3. Caractéristiques du consommateur

Les profils d’usagers de cocaïne sont devenus avec la généralisation de la diffusion, de plus en plus hétérogènes. Il y a de ce fait plusieurs types de consommateurs qui se dégagent.

La consommation de cocaïne est très majoritairement un phénomène masculin [6]. En 2005, parmi la population française âgée de 15 à 34 ans, la proportion de ceux qui en consomment est plus du double pour les hommes que pour les femmes (4,9 vs 2,1% pour l’usage dans la vie et 1,7 vs 0,7% pour l’usage dans l’année).

La consommation de cocaïne est principalement rencontrée chez les adolescents et surtout les jeunes adultes. Contrairement au cannabis qui culmine entre 15 et 24 ans, c’est la tranche 25-34 ans qui apparaît la plus concernée. Pour la tranche des 17-18 ans, la cocaïne se situe à la cinquième place dans l’ordre des produits illicites consommés au moins une fois dans l’année, loin derrière le cannabis (45,9%), mais aussi après le poppers (5,5%), les champignons hallucinogènes (3,7%) et l’ecstasy (3,5%). Elle se situe au même niveau que celle des amphétamines. A ces âges, ceux qui ont déjà expérimenté la cocaïne l’ont fait, en moyenne, à un peu plus de 16 ans, soit environ un an après l’âge moyen de la première ivresse et celui du premier joint [6,7]. Il existe de très fortes disparités entre les états membres de l’Union Européenne : le rapport entre les prévalences les plus basses et les plus hautes est de l’ordre de 1 à 15. Certains pays comme le Royaume-Uni ont atteint des niveaux de consommation comparables à ceux rencontrés aux Etats-Unis ou au Canada, globalement bien supérieurs à ceux relevés en Europe.

La cocaïne n’est dorénavant plus seulement utilisée par des groupes sociaux ayant un fort

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toutes les classes sociales [5,9]. Ces résultats sont très proches de ceux observés pour les autres produits psychoactifs, licites ou non. En revanche, la cocaïne semble être davantage expérimentée dans les milieux favorisés, même si les écarts restent relativement faibles [7].

Cela s’explique sans doute en partie par une accessibilité (notamment financière) du produit accrue pour les jeunes issus d’un tel milieu. La sociabilité, caractérisée par la fréquence des moments passés avec des amis, apparaît fortement liée avec le niveau d’expérimentation de la cocaïne. Ainsi, à 17 ans, les jeunes qui passent presque quotidiennement du temps avec leurs amis dans un bar, café ou pub sont cinq fois plus nombreux à avoir déjà expérimenté la cocaïne que ceux qui ne sortent jamais [7]

4. Consommations associées

La consommation d’autres produits, notamment d’alcool, de médicaments psychotropes et de cannabis, est fréquemment associée.

5. Demande de soins

En Europe, 16% de l’ensemble des demandes de traitement pour des troubles liés à l’usage de drogues concernaient la cocaïne en 2007 [1]. Elle arrive en deuxième position comme drogue consommée parmi les patients suivis en ambulatoire dans des centres spécialisés.

De 1999 à 2005, le pourcentage de nouvelles demandes de traitement concernant la cocaïne a augmenté de 13% parmi l’ensemble des patients souffrant d’addiction [1].

6. Particularités de la consommation de crack

En France, le crack est consommé quasi exclusivement à Paris, dans les Antilles et en Guyane. En effet, la forme fumable de la cocaïne, freebase/crack, est apparue tout d’abord dans les trois départements français d’Amérique au milieu des années 1980, avec une scène ouverte localisée entre les quartiers de la Goutte d’Or et de Stalingrad à Paris.

Les usagers de crack ont généralement un usage compulsif du produit, qui semble aller de pair avec une grande précarité, souvent accentuée par l’usage de crack. Ils sont souvent sans activité professionnelle et sans domicile, emploient tout leur temps et dépensent tout leur argent pour se procurer du crack, passant d’une scène à l’autre sans discontinuer,

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restant parfois plusieurs jours d’affilée sans manger ni dormir. On compte parmi eux un fort taux d’anciens dépendants à l’héroïne (injecteurs le plus souvent) et de prostitué(e)s.

La gestion de l’usage compulsif et de la « descente » conduit généralement ces personnes à utiliser certains médicaments de substitution ou des benzodiazépines. En dehors de ces contextes particuliers, la forme fumable de la cocaïne est connue sous la dénomination de free base. Bien que chimiquement identiques, crack et free base ne sont pas pour autant de simples synonymes. Les deux appellations correspondent à des représentations diamétralement opposées. Cette opposition repose sur la différence entre les milieux qui consomment le crack et le free base. Tandis que le crack apparaît comme une substance consommée par des usagers très marginalisés, le free base est rencontré plus fréquemment dans l’espace festif et consommé par des usagers plus intégrés dans la société [10].

Le profil de l’usager de crack vu dans les structures de première ligne est différent de celui de l’usager de cocaïne : il s’agit d’un homme plus âgé que la moyenne des usagers de cocaïne (32 ans et demi), polyconsommateur, très désocialisé et souffrant fréquemment de troubles du comportement qui peuvent être suscités ou accentués par l’usage du produit.

Au final, si la consommation de cocaïne en France est longtemps restée modérée et largement devancée par celle des opiacés, l’augmentation, depuis les années 1990, de l’usage de cocaïne, représente une rupture dans l’histoire de ce produit. Actuellement, on assiste à un élargissement de la diffusion de la forme chlorhydrate (poudre), mais aussi à l’émergence et l’élargissement de la forme base (free base/crack).

B - Les différents comportements de consommation

1. Définition de l’addiction

C’est dans les pays anglo-saxons, que le terme d’addiction apparaît initialement en psychiatrie, désignant les toxicomanes. Goodman [11] a proposé en 1990 une définition opératoire calquée sur celle utilisée pour le diagnostic des troubles mentaux dans le DSM- IV.

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Critères pour le diagnostic de trouble addictif [11]

A. Echecs répétés de résister à l’impulsion d’entreprendre un comportement spécifique B. Sentiment de tension augmentant avant de débuter le comportement

C. Sentiment de plaisir ou de soulagement en entreprenant le comportement D. Sentiment de perte ou de contrôle pendant la réalisation du comportement E. Au moins cinq des items suivants :

Fréquentes préoccupations liées au comportement ou aux activités préparatoires à sa réalisation.

Fréquence du comportement plus importante ou sur une période de temps plus longue que celle envisagée

Efforts répétés pour réduire, contrôler ou arrêter le comportement.

Importante perte de temps passé à préparer le comportement, le réaliser ou récupérer de ses effets

Réalisation fréquente du comportement lorsque des obligations occupationnelles, académiques, domestiques ou sociales doivent être accomplies.

D’importantes activités sociales, occupationnelles ou de loisirs sont abandonnées ou réduites en raison du comportement.

Poursuite du comportement malgré la connaissance de l’exacerbation de problèmes sociaux, psychologiques ou physiques persistants ou récurrents déterminés par ce comportement.

Tolérance : besoin d’augmenter l’intensité ou la fréquence du comportement pour obtenir l’effet désiré ou effet diminué si le comportement est suivi avec la même intensité.

Agitation ou irritabilité si le comportement ne peut être poursuivi.

F. Certains symptômes de trouble ont persisté au moins un mois, ou sont survenus de façon répétée sur une période prolongée.

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Pour résumer, l’addiction se caractérise par l’impossibilité répétée de contrôler un comportement, et la poursuite de ce dernier malgré la connaissance de conséquences négatives.

2. Définition de l’abus ou de l’utilisation nocive pour la santé (usage nocif)

L’abus de substance selon le DSMIVTR [12] ou l’usage nocif selon la CIM 10 [13]

sont définis comme il suit :

a) Abus de substances psychoactives [12]

- Mode d’utilisation inadéquat d’une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou à une souffrance cliniquement significative, caractérisée par la présence d’au moins une des manifestations suivantes au cours d’une période de 12 mois.

Utilisation répétée d’une substance conduisant à l’incapacité de remplir des obligations majeures, au travail, à l’école ou à la maison (par exemple : absences répétées ou mauvaises performances au travail du fait de l’utilisation de la substance, absences, exclusions temporaires ou définitives de l’école, négligence des enfants ou des tâches ménagères)

Utilisation répétée d’une substance dans des situations où cela peut être physiquement dangereux (par exemple, lors de la conduite d’une voiture ou en faisant fonctionner une machine, alors que l’on est sous l’influence d’une substance).

Problèmes judiciaires répétés liés à l’utilisation d’une substance

Utilisation de la substance malgré des problèmes interpersonnels ou sociaux, persistants ou récurrents, causés ou exacerbés par les effets de la substance.

- Les symptômes n’ont jamais atteint, pour cette classe de substance, les critères de la dépendance à une substance.

Cette définition permet d’affirmer que cette modalité de consommation représente un trouble entraînant des dommages multiples et devrait être considérée comme

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b) Utilisation nocive pour la santé (CIM 10) [13]

Mode de consommation d’une substance psychoactive qui est préjudiciable à la santé.

Les complications peuvent être physiques ou psychiques.

Le diagnostic repose sur des preuves manifestes que l’utilisation d’une ou plusieurs substances a entraîné des troubles psychologiques ou physiques. (Ce mode de consommation donne souvent lieu à des critiques et a souvent des conséquences sociales négatives.) La désapprobation par autrui, ou par l’environnement culturel, et les conséquences sociales négatives ne suffisent toutefois pas pour faire le diagnostic.

On ne fait pas ce diagnostic quand le sujet présente un syndrome de dépendance, un trouble spécifique lié à l’utilisation de l’alcool ou autres substances psychoactives.

L’abus de substances psychoactives est caractérisé par une consommation qui donne lieu à des dommages dans les domaines somatiques, psychoaffectifs ou sociaux, mais cette définition ne fait pas référence au caractère licite ou illicite des produits.

3. Dépendance

La dépendance est définie par le besoin de maintenir ou de retrouver les sensations de plaisir, de bien-être, la satisfaction, la stimulation que la substance apporte au consommateur, mais aussi d’éviter la sensation de malaise psychique qui survient lorsque le sujet n’a plus son produit. On parle de « craving » expression d’un besoin majeur et incontrôlable, ou recherche compulsive de la substance, contre la raison et la volonté.

La dépendance physique oblige le sujet à consommer pour éviter le syndrome de manque lié à la privation du produit. Elle se caractérise également par l’apparition d’une tolérance.

Elle n’est cependant pas obligatoire pour porter le diagnostic.

Dépendance selon le DSMIVTR [12]

Mode d’utilisation inapproprié d’une substance, entraînant une détresse ou un dysfonctionnement cliniquement significatif, comme en témoignent 3 (ou plus) des

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manifestations suivantes, survenant à n’importe quel moment sur la même période de 12 mois :

a) Existence d’une tolérance, définie par l’une ou l’autre des maladies suivantes :

Besoin de quantités nettement majorées de la substance pour obtenir une intoxication ou l’effet désiré.

Effet nettement diminué en cas d’usage continu de la même quantité de substance

b) Existence d’un syndrome de sevrage, comme en témoigne l’une ou l’autre des manifestations suivantes :

Syndrome de sevrage caractéristique de la substance

La même substance (ou une substance apparentée) est prise dans le but de soulager ou d’éviter les symptômes de sevrage.

La substance est souvent prise en quantité supérieure ou sur un laps de temps plus long que prévu.

Un désir persistant ou des efforts infructueux sont faits pour réduire ou contrôler l’utilisation de la substance.

Un temps considérable est passé à faire le nécessaire pour se procurer la substance, la consommer ou récupérer de ses effets.

D’importantes activités sociales, occupationnelles ou de loisirs sont abandonnées ou réduites en raison de l’utilisation de la substance.

L’utilisation de la substance est poursuivie malgré l’existence d’un problème physique ou psychologique persistant ou récurrent déterminé ou exacerbé par la substance.

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C - Manifestations cliniques de l’usage de cocaïne

1. Tableau clinique d’allure maniaque

Lors des premières prises, les effets ressentis sont agréables. Les patients parlent d’une sensation de bien-être et d’euphorie [5,14].

On retrouve également un sentiment de maîtrise de soi et de l'environnement, d’invincibilité, et une diminution de l’anxiété. Le sujet ressent une impression de confiance en soi décuplée, une énergie augmentée, une plus grande efficience mentale, un discernement de la pensée et une perspicacité accrue. S’ajoutent un état d’hypervigilance, une grande volubilité, une désinhinibition instinctuelle sociale et relationnelle avec disparition de la sensation de faim, de fatigue, du besoin de sommeil [5,14].

2. Le craving

a) Définition

Plusieurs définitions existent ; la plus simple serait de parler de « besoin irrésistible ou irrépressible de consommer une substance ». Cette expérience subjective fait partie des critères CIM 10 de dépendance, mais n’est pas retrouvée dans le DSM IV. Le craving peut donc tout à la fois faire référence au désir des effets de la substance, aux pensées intrusives ou obsédantes concernant le produit ou ses effets pouvant durer quelques minutes à quelques heures, au sentiment de tension et à la dimension comportementale de recherche compulsive de la substance : il peut alors être utilisé comme un critère objectif de la dépendance à la cocaïne [15].

b) Mesures du craving

Chacune d’entre elles présentent ses avantages et ses inconvénients, il convient donc de les connaître afin de choisir l’outil de mesure le plus adapté à la situation pour effectuer un travail de qualité.

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Les mesures du craving sont réalisées à l’aide d’échelles de mesure et existent en français ; ce sont :

L’échelle visuelle analogique qui donne un score de craving de 0 à 10 [16].

L’échelle de craving abrégé Cocaine Craving Questionnaire (CCQ).

Il s’agit d’une série de 10 questions dont les réponses vont de 1 à 7, directement traduites par Laurent KARILA du CCQ brief, version abrégée du questionnaire de CCQ de Tiffany [17].

L’OCCS.

Il s’agit de l’adaptation à la mesure du craving pour la cocaïne d’une échelle initialement validée pour la mesure du craving à l’alcool qui porte le nom d’OCDS : Obessive- Compulsive Drinking Scale [18].

Cette version adaptée à la mesure du craving pour la cocaïne a été validée en français [19].

L’OCCS se compose de 14 items, il donne un score total sur 20, ainsi qu’un score des obsessions sur 10 et un score de compulsion sur 10. Ces scores se basent sur le craving dans les deux dernières semaines, et mesurent donc davantage le craving comme un trait stable.

D - Conséquences psychiatriques de l’addiction à la cocaïne [20]

1. Les épisodes dépressifs majeurs induits

a) Epidémiologie

Les liens sont étroits entre consommation de cocaïne et troubles thymiques. Entre 25 et 61% des personnes dépendantes à la cocaïne présentent un trouble thymique. Notons qu’elle reste plus importante chez les patients en soins que chez les patients non traités

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une aide. Dans une méta-analyse de 60 études sur la dépression chez les consommateurs de cocaïne, Conner et al.[22] ont observé que 57% des personnes, qui étaient fortement déprimées, avaient également de fortes consommations de cocaïne ; 43% des personnes ayant une dépression légère à modérée avaient de faibles consommations de cocaïne.

b) Données cliniques

Plusieurs hypothèses permettent d’expliquer les liens entre consommation de cocaïne et dépression.

Tout d’abord, nous pouvons évoquer l’hypothèse de l’automédication ; le produit étant consommé dans un premier temps à visée antidépressive. De manière singulière, les effets euphorisants du produit sont plus prononcés chez les patients déprimés que chez les non déprimés [23].

Enfin, les effets positifs, euphorisants, et les effets négatifs, déprimants, particulièrement bien perçus et mal supportés chez les patients dysthymiques, inciteraient les personnes à consommer de nouveau, et renforceraient le comportement de consommation qui finalement mènerait à la dépendance.

Il faut savoir si les symptômes dépressifs sont antérieurs au comportement toxicomaniaque ou s’ils en sont la conséquence. Dans le premier cas, la prise en charge sera plus difficile.

Quelques études ont montré qu’une co-morbidité dépressive était prédictive d’une mauvaise observance des soins [24,25] ; cela suggère que les patients ayant une co- morbidité dépressive auraient besoin d’un suivi plus long que les patients dépendants sans co-morbidité.

Le risque suicidaire est important chez les consommateurs de cocaïne et notamment ceux ayant des antécédents de dépression [20].

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2. Les troubles cognitifs

Bolla et son équipe [26] se sont intéressés aux modifications neurocomportementales associées à la prise répétée de cocaïne. Comparativement à des sujets témoins non consommateurs de cocaïne, ils ont mis en évidence, chez 30 patients dépendants à la cocaïne (dont 29 consommateurs de crack) abstinents depuis au moins un mois, des troubles de la mémoire et de l’attention, avec des perturbations dans l’exécution des taches complexes, nécessitant l’intégration de plusieurs compétences cognitives (planification, attention, flexibilité mentale, fonctionnement psychomoteur…). Cette idée a été confirmée par une autre étude plus récente étudiant l’ensemble des complications liées à la dépendance à la cocaïne [20]. Ces troubles cognitifs sont corrélés à la fréquence et à la quantité de cocaïne consommée.

E - Comorbidités psychiatriques

1. Epidémiologie

D’une manière générale, une co-morbidité psychiatrique est fréquente chez les usagers intensifs et doit être recherchée.

Les co-morbidités psychiatriques et addictives font l’objet d’une attention grandissante.

Kesler [27] analyse les résultats de l’enquête «National Comorbidity Survey » (NCS) qui montrent que chez les patients ayant un trouble addictif, 42,7% avaient un trouble mental au cours des 12 derniers mois, et que chez les patients ayant un trouble mental, 14,7%

avaient un trouble addictif pendant la même période. De nombreuses études montrent que les patients ayant une co-morbidité psychiatrique ont une évolution chronique, un moins bon pronostic, avec plus de rechute, des symptômes plus difficiles à traiter et à équilibrer et des conséquences plus graves sur le plan socioprofessionnel et relationnel comparativement aux patients ayant l’une ou l’autre pathologie.

Comparativement à la population générale, il existe de plus fortes prévalences de troubles mentaux parmi les patients consommateurs de cocaïne. Chez les patients traités pour une

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dépendance à la cocaïne, entre 30 et 60% ont une co-morbidité psychiatrique. Les difficultés que posent les patients abuseurs et dépendants sont nombreuses. Ce sont des patients complexes, ayant souvent plusieurs co-morbidités psychiatriques et addictives.

Ces patients adhèrent difficilement aux programmes de soins [28]. Leurs maladies sont plus complexes à traiter et à équilibrer, et le retentissement sur la qualité de vie est plus important en comparaison de ceux qui n’ont qu’une seule maladie. Dans une population de 160 patients hospitalisés pour une maladie psychiatrique grave, 55,1% avaient plusieurs dépendances dont 44,9% une dépendance à la cocaïne [29]. Les patients dépendants à la cocaïne étaient moins satisfaits de leur situation actuelle et étaient les plus demandeurs de prise en charge pour les problèmes d’alcool et de substances psycho-actives.

2. Les comorbidités psychiatriques

a) Le Trouble Bipolaire

L’étude NESARC donne une prévalence de 4,9% pour l’abus de cocaïne et de 7,5% pour la dépendance chez les personnes ayant des antécédents de manie. Chez les patients bipolaires, la cocaïne est la troisième substance la plus consommée après l’alcool et le cannabis.

D’autres études [30,31] ont retrouvé une prévalence vie d’environ 10% chez les patients bipolaires de type I et d’environ 5% chez les patients bipolaires de type II. La consommation de cocaïne aurait tendance à faire évoluer un tableau infraclinique en un tableau plus franc, et serait à l’origine d’une évolution plus péjorative du trouble psychiatrique et addictif.

b) Attaques de panique induites

Une augmentation des attaques de paniques chez les patients consommateurs a été observée dans la National Household Surveys on Drug Abuse [32] ; la consommation de cocaïne était associée à une augmentation du risque relatif d’avoir une attaque de panique (RR = 3,3, p < 0,049).

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Les troubles anxieux sont la deuxième co-morbidité la plus observée parmi les patients consommateurs de cocaïne [20].

Dans l’étude NESCARC [33], chez les patients ayant un abus de cocaïne, 23,7% avaient un trouble anxieux quelconque dont 8,1% un trouble anxieux généralisé, 11,8% une phobie spécifique, 8,6% une phobie sociale et 7,5% un trouble panique sans agoraphobie. Chez les patients dépendants à la cocaïne, 45% avaient un trouble anxieux quelconque dont 14,7%

un trouble anxieux généralisé, 23,4% une phobie spécifique, 15,6% une phobie sociale 17,1% un trouble panique sans agoraphobie.

Nous remarquons que le passage de l’abus à la dépendance entraîne un doublement du chiffre de prévalence de trouble anxieux, quelqu’en soit sa nature [33].

c) Schizophrénie

Les prises répétées de cocaïne pourraient favoriser l’apparition de troubles psychotiques ou d’une schizophrénie chez les patients les plus vulnérables. Dans une revue systématique de la littérature, Curran et al. [34] retrouvent des éléments en faveur d’une sensibilisation secondaire aux prises répétées de stimulants chez les patients non psychotiques. Blanchard et al. [35] examinent les relations entre la schizophrénie et la consommation de substance psycho-actives. Ils concluent à une influence mutuelle entre la schizophrénie et ses troubles pré-morbides, et les troubles liés à l’usage de substances psycho-actives.

Depuis de nombreuses années, les chercheurs tentent d’élaborer des hypothèses concernant la consommation de stimulants comme la cocaïne chez les patients schizophrènes.

La première hypothèse était celle de l’automédication, les schizophrènes ayant le plus de symptômes négatifs auraient tendance à consommer pour lutter contre les aspects déficitaires de leur pathologie. Les observations épidémiologiques ne plaident pas en faveur de cette hypothèse étant donné qu’il n’existe pas de lien chronologique bien caractérisé entre les deux maladies. De plus lors des grandes « épidémies » de consommation de cocaïne, on n’observe pas de retentissement au niveau de la schizophrénie dans la population générale [36].

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La prise chronique de cocaïne est responsable d’un tableau clinique proche de celui de la schizophrénie avec des différences remarquables. Des britanniques [37] affirment pouvoir distinguer un tableau de psychose cocaïnique d’un trouble schizophrénique. Une cohorte de 80 patients hospitalisés dans un service d’addictologie londonien pour sevrage thérapeutique complexe en opiacés a été suivie. Ces derniers ont consommé de la cocaïne dans la semaine précédant la prise en charge et acceptent de décrire leur expérience à l’aide d’un questionnaire. Une comparaison avec 18 patients schizophrènes complétant le même questionnaire a alors été réalisée. Les résultats ont montré une différence dans la description subjective des symptômes dans les deux groupes. Un tableau clinique spécifique se dégage à la suite de ces consommations de cocaïne : parmi ces caractéristiques, on retrouve une augmentation de l’intensité des couleurs, la proéminence de certaines couleurs dans les hallucinations visuelles comme le rouge ou le vert, ainsi que des changements dans l’intensité lumineuse. Les objets apparaissent comme étant plus vivants et donnent l’impression de ressortir du paysage.

Si ce phénomène a souvent été étudié chez les patients dépendants aux amphétamines, il l’a en revanche été beaucoup moins chez les consommateurs de cocaïne.

Dans l’état actuel de nos connaissances, nous ne pouvons pas nous prononcer en faveur d’un lien direct de causalité entre l’usage de la cocaïne et le développement d’une schizophrénie.

d) Trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention (TDHA)

Ce trouble est présent chez un patient sur trois. Les sujets ayant des antécédents de TDHA ou ayant un TDHA sont plus prédisposés à développer une dépendance à la cocaïne. Une attention grandissante est portée à l’association des TDHA et de la dépendance à la cocaïne, non seulement à cause de sa prévalence, mais également en raison de ses implications sur le plan thérapeutique et pronostique Dans une étude chez 281 patients demandeurs de soins pour dépendance à la cocaïne, Levin et al. [38] ont trouvé une prévalence de 10% de TDHA.

Plusieurs études [38,39,40] ont démontré que l’âge de la consommation et la dépendance étaient plus précoces chez les patients TDHA, bien que les troubles des conduites

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représentent un facteur confondant dans les études. Cette co-morbidité est fréquente chez les patients consommateurs de cocaïne ; il existe peu d’études concernant cette population, qui aurait tendance à poursuivre sa consommation malgré une prise en charge thérapeutique.

e) Les troubles de la personnalité

Quelques études ont analysé la prévalence des troubles de la personnalité dans les populations de consommateurs de cocaïne. Dans un échantillon représentatif de la population générale (n=10641), une étude [41] a retrouvé une prévalence de 6,5% de troubles de la personnalité avec une forte association de troubles liés à une consommation de substance.

Dans une autre étude [42], la prévalence de la personnalité borderline était de 32,1%

(26,5% dans le cadre de l’abus et 45,8% dans le cadre de la dépendance) parmi les consommateurs de cocaïne.

Dans les populations de patients hospitalisés pour dépendance à la cocaïne, les chiffres augmentent de 10 à 20% avec une forte prévalence de personnalité antisociale [43,44, 45,46].

Le pronostic addictologique est similaire aux autres patients exceptés chez les hommes ayant une personnalité antisociale.

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II - Etats délirants aigus

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A - Etat délirant aigu non induit par une substance psychoactive

Cette description est le résultat d’une synthèse intégrant les écrits de Magnan [47], Dublineau [48], de Ey [49], de l’expérience clinique des auteurs et des travaux récents [50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57].

1. Généralités

L’école psychiatrique française décrit sous le nom de psychoses délirantes aiguës un syndrome clinique aigu brutal et transitoire (inférieur à 6 mois) caractérisé par un délire riche instable et polymorphe, sans atteinte confusionnelle. Les états délirants sont des urgences psychiatriques.

Ces états sont parfois nommés bouffées délirantes, bouffées délirantes polymorphes, psychoses délirantes aiguës ou troubles schizophréniformes. Dans la grande majorité des cas, ces états apparaissent chez l’adulte jeune entre 20 et 30 ans [58].

Dans les classifications actuelles, on retrouve :

DSM IV TR [59]

Il décrit deux catégories de troubles psychotiques aigus et transitoires : le trouble psychotique bref et le trouble schizophréniforme.

Ces deux troubles psychotiques aigus sont individualisés sur la base de leur durée : de 1 jour à moins de 1 mois pour le trouble psychotique bref, plus de 1 mois mais moins de 6 mois pour le trouble schizophréniforme.

Pour le trouble psychotique bref, le DSM IV relève la présence ou l’absence de facteurs de stress marqués ainsi qu’un début éventuel dans le post-partum. Les facteurs de stress sont

(24)

définis comme des facteurs qui produiraient un stress marqué chez la plupart des sujets dans des circonstances similaires et dans la même culture.

CIM 10

D’après la CIM 10 [60], les données actuelles ne permettent pas de proposer une classification définitive des troubles psychotiques aigus. Sont proposés 3 critères : les modalités de début, la présence d’un syndrome typique, et la présence ou l’absence d’un facteur de stress aigu.

Les troubles psychotiques aigus et transitoires s’accompagnent de perturbations thymiques ou émotionnelles, et d’éléments confusionnels. Ce diagnostic n’est pas porté quand le trouble répond aux critères d’un épisode maniacodépressif ou en présence d’éléments en faveur d’une maladie organique, ni si le trouble s’accompagne d’une importante perplexité ou d’un manque d’attention en rapport avec un delirium ou une démence, ou si le sujet présente une intoxication manifeste à l’alcool ou à une autre substance psychoactive.

2. Clinique des états délirants aigus

a) Début brutal

Le caractère brutal du début de ces épisodes constitue un aspect marquant du tableau.

Ce « coup de tonnerre dans un ciel serein » marque une rupture flagrante pouvant s’accompagner de troubles du comportement [58].

b) Thèmes

Le délire est polymorphe, c'est-à-dire que ses thèmes sont multiples et variables : persécution, grandeur, transformation sexuelle, possession, empoisonnement, influence, richesse ou fabuleuse puissance. Ils sont généralement intriqués, se mélangent et se métamorphosent sans systématisation, et ne sont que la traduction donnée à l’observateur d’une transformation profonde d’un monde qui a perdu sa contingence. Les malades se sentent subitement ensorcelés (thème d’influence), épiés, empoisonnés, en communication avec des forces surnaturelles (mystiques) martyrisés par des fluides, ou hypnotisés. Un thème fréquent est la dépersonnalisation [58].

(25)

c) Mécanismes

Le caractère polymorphe de ce délire épisodique se manifeste aussi dans la juxtaposition des phénomènes qui le composent. Classiquement, on y trouve surtout des convictions et des intuitions qui font irruption dans l’esprit. Mais les hallucinations y sont nombreuses et exubérantes, souvent auditives, mais plus fréquemment intrapsychiques c'est-à-dire à type d’automatisme mental (idéique avec des voix internes , écho de la pensée, transmission de pensée, inspirations et moteur avec des actes imposés ainsi qu’idéo verbal) et associés à des interprétations délirantes, des éléments imaginatifs, et des illusions [58].

d) Systématisation

Les thèmes sont généralement mal enchaînés et sans systématisation. Même quand le délire se concentre sur un thème, il le déborde ou se métamorphose en thèmes dérivés ou substitués [58].

e) Adhésion au délire

Le délire est vécu dans le champ de la conscience comme une expérience irrécusable, d’où l’intensité des réactions affectives, et parfois médico-légales. Elles s’imposent au sujet comme des événements du monde extérieur, des révélations inouïes qui commandent une immédiate conviction. C’est ce caractère d’adhésion absolue au délire surgi de toutes pièces qui paraissaient à Magnan propre au « délire d’emblée des dégénérés », mais il est plus probable qu’il soit lié à la constitution même de l’expérience délirante [58].

f) Participation affective

désordre thymique et affectif

Les variations du tableau clinique sont caractéristiques de cette riche diversité d’épisodes qui s’enchevêtrent et se succèdent. Le malade subit de forts changements d’humeur et

« des vagues » de délire.

(26)

L’humeur est fréquemment perturbée, soit dans le sens de l’exaltation, de l’euphorie, soit dans le sens de la tristesse et de la prostration. L’humeur oscille entre le pôle expansif et dépressif de l’humeur. Le malade se présente soit exalté, soit déprimé, le plus souvent les deux à la fois, décrivant alors un véritable état mixte. Cette alternance ou ce mélange d’excitation ou d’inhibition est si caractéristique des bouffées délirantes polymorphes que beaucoup d’auteurs l’ont rangé dans les états maniaco-dépressifs.

Cet état évolue constamment, le comportement devenant l’expression du délire, sans qu’aucune symptomatologie somatique caractéristique ne soit associée à cet état. [58]

altération de la conscience

Malgré la présence d’un léger degré d’hypovigilance, la lucidité reste normale. Le malade ne présente pas de confusion mentale, tient des propos adaptés et demeure capable d’établir des contacts avec l’entourage. Cliniquement on peut retrouver un état « d’hypnose » délirante qui se reconnaît par la distraction, l’air absent, le détachement et les attitudes d’écoute [58].

g) Evolution et pronostic

La fin de l’accès est parfois brusque, et a lieu au bout de quelques jours, voire plus fréquemment après quelques semaines. La brièveté de ces accès délirants est donc la règle.

La bouffée délirante, disait Magnan est « sans conséquence, sinon sans lendemain ». Il entendait par là que le délire épisodique ne laissait pas après lui de séquelles ou de complications mentales. C’est une règle qui admet toutefois de nombreuses exceptions [58].

La menace de récidive pèse lourdement sur l’avenir du malade. Elle témoigne de ses prédispositions, de son aptitude constitutionnelle à délirer [58]. On retrouve trois modalités évolutives classiques, vers un épisode unique, vers une récidive, vers une forme chronique (schizophrénie, trouble schizoaffectif, trouble bipolaire). Cette évolution étant en moyenne fixée au bout de deux ans [61].

(27)

B - Concept des pharmacopsychoses

Il s’agit d’un diagnostic souvent hâtivement posé devant une symptomatologie délirante chez des usagers de drogues. Les pharmacopsychoses se définissent comme les décompensations psychotiques liées aux drogues et aux médicaments, ainsi que les décompensations psychotiques liées à certaines maladies somatiques graves [62].

La littérature les répertorie en trois niveaux, la prise de toxiques est à l’origine : d’une aggravation des troubles psychotiques sur une psychose chronique connue.

de l’apparition de manifestations psychotiques sur une psychose préexistante méconnue.

de manifestations psychotiques aigues ou chroniques disparaissant sous traitement.

Selon le DSM IV TR, un trouble psychotique induit par une substance est défini comme : - (A) des hallucinations ou idées délirantes

- (B) apparaissant pendant une intoxication ou un sevrage ou dans le mois qui a suivi (C).

L’affection n’est pas mieux expliquée par un trouble psychotique non induit par une substance (précédent le début de la prise de toxiques, persistant au-delà d’un mois environ après sevrage, antécédents d’épisodes récurrents non liés à une substance) et ne survient pas (D) au décours de l’évolution d’un delirium ; les symptômes excédant ceux généralement associés à une intoxication aiguë ou un sevrage. Les troubles psychotiques, induits par une substance, chroniques ou prolongés sont difficiles à distinguer d’un processus psychotique primaire.

Selon la C.I.M. 10, on doit retrouver des symptômes psychotiques au cours de l’utilisation d’une substance psychoactive ou dans les deux semaines qui suivent, leur persistance plus de 48 heures et une durée du trouble ne dépassant pas six mois.

Le diagnostic de pharmacopsychose n’est pas aisé lorsque coexistent une consommation régulière de drogues et une symptomatologie psychotique.

Sur le plan de la délimitation du concept nous nous associerons aux propositions de Deniker éliminant du cadre de celles-ci les épisodes confusionnels ou confuso-oniriques

(28)

simples, ne retenant que les psychoses paranoïdes ou dysthymiques avec un potentiel évolutif de type « déficitaire », apparues lors de la consommation de toxiques, qu’elles aient été aggravées, révélées ou créées par elle [63]. Cette définition laisse d’emblée présager une certaine hétérogénéité de cette pathologie.

C. Différents types de pharmacopsychoses : Les substances impliquées

Quoique relativement rares au regard du nombre des usagers, les psychoses dues aux hallucinogènes n’en sont pas moins une réalité clinique qui pose souvent la question du diagnostic différentiel avec la schizophrénie [63].

On remarquera le caractère aigu et atypique de la symptomatologie. Dans notre système nosographique, la brutalité d’installation et de disparition de ces troubles de nature psychotique doit faire discuter le diagnostic de bouffée délirante aigue.

1. Cannabis

Le cannabis peut induire d’authentiques psychoses, mais il s’agit d’un phénomène rare [64,65].

Le cannabis est-il responsable de l’apparition d’épisodes psychotiques aigus uniquement chez des sujets qui présentent préalablement des traits schizotypiques, ou schizoïdes ou peut-il induire de tels épisodes chez des consommateurs sans vulnérabilité ?

Il s’agit d’un sujet suscitant la polémique, débattu entre les chercheurs. Cette question retrouve une actualité devant l’augmentation de sa consommation tant en population générale, qu’en population clinique et plus particulièrement schizophrénique. Ce débat est spécifique du cannabis parmi l’ensemble des substances psychoactives [66].

Sur le plan épidémiologique, les caractéristiques des schizophrènes consommateurs de cannabis sont plus proches des consommateurs de cannabis non schizophrènes que des schizophrènes non consommateurs [67] :

• trois hommes pour une femme ;

(29)

• des dimensions de personnalité à type de recherche de sensations, de nouveautés, d’impulsivité ;

• des traits de personnalité antisociale [67].

S’il semble établi que le cannabis puisse être la cause d’une psychose aiguë, son rôle est plus controversé dans l’étiologie des psychoses chroniques. En particulier, du fait de l’association fréquente entre usage de cannabis et schizophrénie, la question a été posée d’un lien de causalité entre l’exposition au cannabis comme facteur de risque et le développement d’une psychose. Les études sélectionnées dans cet article étaient des études prospectives examinant la séquence temporelle entre usage de cannabis et apparition d’une psychose ou de symptômes psychotiques. L’article montre l’existence d’une association significative entre usage de cannabis et troubles psychotiques,

notamment chez les sujets vulnérables. Le fait que tous les critères de causalité soient retrouvés, suggère que le cannabis est un facteur de risque indépendant pour

l’apparition d’une psychose ou de symptômes psychotiques. En particulier, l’usage de cannabis pendant l’adolescence pourrait être un des stresseurs environnementaux qui interagissent en synergie avec une prédisposition génétique pour induire un trouble psychotique [68].

,

Afin d’éviter toute confusion, 2 types de troubles psychotiques induits par le cannabis seront distingués : la psychose toxique et la psychose fonctionnelle [69, 70, 71, 72,73].

D’une durée maximale de 2 semaines, la psychose fonctionnelle induite par le cannabis se caractérise par des délires à thèmes de persécution ou de grandeur, une dépersonnalisation, une touche hypomane, une légère désorganisation de la pensée, un émoussement de l’affect et des symptômes de la lignée de Schneider (intrusion et diffusion de la pensée). Elle s’accompagne parfois d’hallucinations visuelles et auditives [74]. Le cannabis peut engendrer des troubles psychotiques, à différencier des troubles schizophréniques. Ils se caractérisent par la brutalité de leur survenue, l’association à des troubles du comportement auto- ou hétéro-agressifs, des manifestations psychosensorielles auditives, mais aussi visuelles et une régression rapide sous traitement neuroleptique (en deux ou trois

(30)

ni troubles de la personnalité prémorbides, ni symptômes résiduels ou bizarreries dysphoriques [68]

La psychose toxique au cannabis se caractérise essentiellement par la confusion et la désorientation et ne dure que quelques jours [64]. Le cannabis peut induire des psychoses toxiques à de très fortes doses, chez de jeunes consommateurs, sans vulnérabilité psychotique, alors que la psychose fonctionnelle semble se manifester chez des personnes présentant des traits schizotypiques [64].

2. Amphétamines

Des états psychotiques aigus sont décrits au cours de consommations régulières d’amphétamines [75,76].

Cliniquement on retrouve : [76]

un délire paranoïde :

Il débute par un vague sentiment de suspicion qui progressivement croit et s’enrichit d’idées délirantes de référence.

les hallucinations :

Les hallucinations visuelles sont très fréquentes. Elles se résument à de simples illusions ou distorsions des perceptions visuelles.

Les hallucinations auditives sont identiques à celles rencontrées habituellement dans la schizophrénie. Les voix sont hostiles, insultantes, faites d’ordres et de critiques.

Les hallucinations cénesthésiques sont plus spécifiques des psychoses induites ; en effet, on les retrouve dans les psychoses amphétaminiques et dans la psychose induite par la cocaïne sous la forme de picotements ou de démangeaisons suggérant la présence de petits animaux grouillant sous la peau.

les stéréotypies :

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On retrouve des mouvements de balancement du corps d’avant en arrière ainsi que des mouvements rythmiques de la bouche.

les conduites sexuelles :

Elles vont dans le sens d’une stimulation des désirs et d’une diversification des pratiques.

La participation affective :

On retrouve une participation thymique importante souvent dans le versant hypomane, parfois sur le versant dépressif avec anxiété.

Ces troubles sont généralement de durée brève mais peuvent parfois se prolonger au-delà de deux mois. L’abus des amphétamines a posé la question de la survenue des psychoses non seulement confuso-oniriques, mais surtout paranoïdes ou oniroides. C’est avec les amphétamines que l’on voit apparaître des réactions paranoïdes (délirantes et surtout hallucinatoires, avec possibilité de micro hallucinations tactiles). Ces psychoses toxiques sont en majorité de type paranoïde, et se caractérisent par leur brièveté extrême. Leur résolution a lieu en quelques jours dans la plupart des cas et ne récidivent pas si l’intoxication n’est pas reprise [77].

3. Ecstasy

Les premiers cas de troubles psychotiques sous l’influence de stimulant ont été décrits à partir des années 1930, bien que l’usage de ces produits soit beaucoup plus ancien. Les études rétrospectives concernant l’usage d’ecstasy retrouvent chez ces consommateurs, 30% de troubles à type d’illusions et d’hallucinations surtout visuelles, 54% d’états de dépersonnalisation, des problèmes d’insomnie, des dépressions, des manifestations anxieuses, des attaques de panique, et des flash-back [78]. On rapporte des états psychotiques aigus et chroniques [77].

4. LSD et Psilocybine

Le LSD et la Psilocybine sont connus pour leurs effets hallucinogènes. Ils provoquent des pharmacopsychoses et des flash-back [77, 78]. Leurs effets sont le plus souvent de durée

(32)

5. PCP

La phencyclidine a été responsable aux Etats-Unis de nombreux cas de troubles psychotiques de manière précoce (parfois lors de la première prise) avec une durée de quelques semaines à plusieurs années [77,78].

6. Solvants

Seuls des cas sporadiques de pharmacopsychoses ont été rapportés, ainsi que quelques cas d’épisodes confusionnels [78].

7. Opiacés

Ils peuvent induire des pharmacopsychoses avec accès de violence [75].

(33)

III. Etat délirant aigu et

cocaïne

(34)

A - Historique

Les observations de MAIER [79]

En 1920 à Zurich, MAIER a étudié 100 cas de troubles psychotiques aigus suite à la consommation de cocaïne et a décrit trois tableaux cliniques :

le délire euphorique mêlant des thèmes de jalousie et de mégalomanie.

le délire oniroïde avec hallucinations visuelles « cinématographiques »

le délire d’angoisse paranoïde, avec sentiment de persécution et peurs irrationnelles (de bandits, de policiers, ou d’ennemis inconnus) extrêmement angoissantes.

B - Epidémiologie

Chez les consommateurs de cocaïne, les signes de psychose suite à un usage sont fréquents. Dans une étude récente portant sur 476 polyconsommateurs (héroïne, crack et cocaïne), Smith et al. [80] ont retrouvé la présence de signes psychotiques chez 6,7 à 80,7% de leur population non demandeuse de soins. Une équipe scandinave [81] a retrouvé un taux variant entre 6 et 44%. Bien que l’apparition de symptômes paranoïaques soit fréquente chez les usagers de cocaïne, tous les patients ne présentent pas ce type de tableau malgré une exposition importante et prolongée au produit. [82, 83]. Dans une autre étude, seul 5% des patients présentent une psychose induite par la cocaïne [84].

Une Equipe [85] a relevé le nombre de patients, fumeurs de cocaïne, hospitalisés suite à un état psychotique aigu induit par la prise du produit au cours de l’année 1984 aux Bahamas. Ce groupe représentait 34% de l’ensemble des admissions en milieu spécialisé

(35)

pendant cette année Il est difficile de déterminer avec précision la prévalence des psychoses induites par la cocaïne, face à de telles variations méthodologiques.

C - Clinique de l’état délirant aigu induit par la cocaïne

Les premiers cas d’hallucinations sous cocaïne ont été publiés dans Science en 1889 [86].

Il est important de souligner la relation entre la schizophrénie et les psychoses cocaïniques.

Les psychostimulants peuvent produire des troubles psychotiques chez des sujets sains et exacerber les symptômes psychotiques positifs chez la majorité des schizophrènes [87].

Des similitudes sémiologiques entre la schizophrénie et les psychoses cocaïniques ont été rapportées dans la littérature de ces deux dernières décennies [83, 87, 88, 89].

Un tableau psychotique aigu transitoire est le plus fréquemment retrouvé chez des patients dépendants à la cocaïne [90].

1. Les éléments paranoïaques

Habituellement, les épisodes psychotiques aigus débutent quelques heures après la prise de cocaïne et s’amendent environ 24 heures après l’arrêt de la consommation. Le début des troubles est aigu une fois sur deux, progressif ou insidieux dans respectivement 29% et 16% des cas [85].

Les signes les plus fréquents sont des éléments paranoïaques avec le sentiment d’être suivi ou d’être arrêté par la police [89, 91]. On retrouve des idées délirantes de mécanisme interprétatif, avec des thèmes de persécution (sentiment d’être suivi, crainte d’être pris en filature par la police, peur d’ennemis inconnus) [83].

Dans une étude portant sur 243 patients dépendants à la cocaïne sans co-morbidité psychiatrique, Cubells et al. [89] ont trouvé que 2 patients sur 3 rapportaient des éléments délirants transitoires à thèmes principalement de persécution et de référence suite à une consommation de cocaïne.

(36)

2. Les hallucinations

On retrouve des hallucinations auditives (voix), visuelles (animaux, ombres de personnes les épiant, visions de figures ou de mouvements géométriques à la périphérie du champ visuel, classiquement les yeux ouverts) ou tactiles [92]. Il existe également des hallucinations cénesthésiques avec sensation de froid, de brûlures, d’électricité ou de picotements pouvant aller jusqu’à la sensation de grouillement sous la peau de parasites, de vers, ou de microbes, que le patient finit par apercevoir en même temps qu’il les sent, lors d’une consommation chronique. Cette sensation peut entraîner des lésions de grattage. Au niveau des muqueuses, il peut s’agir de la sensation que les lèvres, la bouche, la luette sont remplies de sable, de verre pilé, de morceaux de fil, que le sujet cherche à arracher avec le doigt, ou des pinces [92].

3. La composante thymique

On retrouve souvent une forte composante thymique avec agitation paroxystique et parfois des comportements violents, auto ou hétéro-agressifs. [93]

4. La paranoïa induite par la prise de cocaïne (CIP)

Définition

Rose et ses collaborateurs [94] décrivent un tableau clinique appelé « cocaine-induced paranoïa» (CIP) qui correspond à une symptomatologie psychotique transitoire de type paranoïaque en lien avec une dépendance à la cocaïne. Ce diagnostic est également utilisé pour désigner des troubles psychotiques transitoires chez les usagers de cocaïne ne souffrant pas de trouble psychotique idiopathique primaire.

La paranoïa est le symptôme principal retrouvé dans 50 à 80% des individus dépendants [83] [85, 95,96], d’après des travaux menés en laboratoire [97], et des études rétrospectives [98, 99].

(37)

La symptomatologie peut être réduite à une hyper vigilance «flottante» à l’encontre des menaces potentielles de l’environnement. Le consommateur a tendance à accorder aux détails de l’environnement une signification excessive.

On peut retrouver un syndrome de dépersonnalisation (trouble de la conscience de soi), de déréalisation (perte de la notion de réalité), un sentiment subjectif d’étrangeté que le sujet ressent de manière angoissante, un tableau souvent marqué par un vécu interprétatif ou imaginatif.

Cet épisode psychotique débute dans les premières heures suivant la prise, et régresse moins de 24 heures après l’arrêt de la consommation [83, 98].

Ce trouble semble apparaître après 3 ans de consommation régulière de cocaïne [100]. Il ne semble pas y avoir de différences selon les modes de consommation ou les quantités de cocaïne absorbées parmi les sujets rapportant cette expérience.

Ces troubles psychotiques d’allure paranoïaque subissent un phénomène de sensibilisation aux prises répétées de stimulants chez les patients non psychotiques [34]. Leur fréquence s’accroît au fil du temps et leur déclenchement est de plus en plus rapide après le début de la prise, en dépit d’une stabilisation ou d’une diminution de la consommation de cocaïne.

La diminution de la consommation est une conséquence directe de l’importance croissante de la paranoïa et constitue un motif de demande de soins [101, 102].

L’exacerbation des symptômes psychotiques chez les patients consommateurs de cocaïne souffrant de troubles schizophréniques a également été rapportée [103].

Ce tableau correspond à une pharmacopsychose, terme défini par la présence d’au moins un des points présentés ci-dessous [62] :

Une décompensation psychotique déclenchée uniquement, chez un patient sans antécédents psychiatriques, par la prise de toxiques qui disparaît sous traitement adapté.

(38)

Une décompensation psychotique déclenchée par la prise de toxiques chez des psychotiques chroniques stabilisés.

La décompensation d’une psychose préexistante à l’occasion d’une prise de toxiques.

5. Evaluation psychométrique : l’exemple du Cocaine Experience Questionnaire (CEQ) et du Scale for Assessment of Positive Symptoms (SAPS-CIP) [89]

Les 58 items du « Cocaine Experience Questionnaire » ont été utilisés pour répertorier les épisodes psychotiques sous cocaïne et en détailler le contenu [89]. Il n’existe pas de traduction en français. Cet outil évalue entre autres, l’histoire addictologique, tout particulièrement l’âge de la première prise et celui du début de l’usage régulier défini comme une utilisation du produit chaque semaine depuis au moins deux mois.

Le CEQ évalue la nature de l’expérience psychotique en répertoriant ses différents éléments sémiologiques (hallucinations, sentiment de méfiance, de persécution) [89].

L’échelle de sévérité évalue le comportement résultant du CIP, allant d’un simple sentiment de peur (1) jusqu’à la nécessité, se sentant menacer, d’attaquer l’autre (6). Le chiffre 0 étant attribué à ceux n’ayant jamais été victime de CIP [89].

Le CEQ a été créé pour attester la présence ou non d’un trouble paranoïaque après la prise de cocaïne. Cependant ce questionnaire présente des limites, comme par exemple les questions ouvertes.

Le SAPS-CIP ( the Scale for Assessment of Positive Symtoms) est un autre instrument qui a été développé [89].

Cette échelle a été comparée au CEQ (Cocaine Experience Questionnaire) considérée comme gold standard, afin de déterminer les symptômes de psychose induite par la cocaïne [89]. Le CEQ permet d’identifier la plupart des personnes ayant fait un épisode délirant sous produit. En matière de dépistage, le CEQ était utilisé ; le SAPS-CIP apparaissant comme plus utile pour quantifier la sévérité de l’épisode [89]. Dans le SAP- CIP, on répertorie à la fois les différents thèmes délirants et les différents types

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d’hallucinations (auditives, visuelles, cénesthésiques, olfactives). On répertorie en fonction de l’intensité et des différents types de délire ainsi que les différentes formes d’hallucinations sur un score de 0 à 5.

Les patients qui présentaient un résultat négatif pour le CEQ avaient un test négatif pour le SAPS-CIP. Inversement, les personnes avec un CEQ positif présentaient un SAPS-CIP positif [89].

Ces deux tests sont concordants, ils vont dans le même sens, avec une sensibilité équivalente. La différence entre les 2 tests réside dans le fait que le SAPS-CIP affine le diagnostic de paranoïa induite par la cocaïne [89].

D - Facteurs de risque

1. Le sexe masculin

On retrouve plus d’hommes que de femmes ; cette donnée est à relativiser dans la mesure où la prévalence de consommateurs de cocaïne est supérieure chez le sexe masculin [2, 104].

2. Age précoce de la première consommation [89]

L’âge précoce de la première prise constitue un facteur de risque d’apparition de délire et d’hallucinations [8, 102, 105].

3. Age de la consommation régulière

Deux études [89, 106] suggèrent qu’il existe un lien entre la précocité d’abus de cocaïne et l’intensité des symptômes paranoïaques pendant la prise de cocaïne. Un âge précoce d’utilisation régulière durant une période de développement et de maturation cérébrale augmente le risque d’apparition des psychoses induites par la cocaïne et leur l’intensité [107].

(40)

4. Antécédents psychiatriques

Un grand nombre de travaux [107, 108] s’accorde pour souligner l’incidence élevée des troubles de la personnalité parmi les sujets dépendants aux substances psychoactives. La personnalité antisociale est celle qui est souvent évoquée chez les individus ayant développé un trouble psychotique aigu induit [107, 108].

Il est important de rechercher un trouble de la personnalité chez des patients ayant présenté un épisode de psychose cocaïnique, à distance de l’épisode.

Les antécédents de trouble psychotique constituent un facteur de risque de nouveaux cas ou de rechutes de psychoses cocaïniques, même si dans la grande majorité des cas on ne retrouvait pas de troubles psychotiques antérieurs [108]. Selon une étude [85] comparant 2 groupes de fumeurs de cocaïne, psychotiques et non psychotiques, il est retrouvé que les désordres mentaux antérieurs peuvent être un facteur de risque, mais que dans la majorité des cas, ces consommateurs ne présentaient pas de troubles psychiatriques majeurs avant la consommation.

5. La forme du produit

Pendant les années 1970, la diffusion de la forme fumable a entraîné une augmentation des troubles psychotiques en Amérique du Sud [110]. A cette époque, les psychoses cocaïniques étaient des phénomènes rares et inhabituels. Cette tendance a été confirmée par deux études généralisées sur le plan géographique [37, 82].

6. La voie d’administration

Une étude Australienne [111] a comparé la sévérité des troubles en fonction de la voie d’absorption de 212 consommateurs de cocaïne. Des symptômes psychotiques chez les consommateurs par voie intraveineuse et par voie intranasale sont retrouvés. La prévalence est supérieure parmi les injecteurs. Cependant, ce mode d’administration ne semble pas être un facteur prédictif de psychose cocaïnique si d’autres paramètres comme la fréquence des prises ou le niveau de dépendance au produit, ne sont pas pris en compte. Tandis que la fréquence et l’intensité des troubles étaient plus élevées chez les injecteurs de cocaïne, il est apparu que cette voie d’administration était à l’origine d’une utilisation plus fréquente

(41)

et d’un plus haut niveau de dépendance du produit. La voie parentérale augmente le risque de psychose cocaïnique. Ce trouble a été également retrouvé chez des usagers occasionnels suggérant que ce produit puisse entraîner des épisodes psychotiques quelque soit la voie d’administration [98].

7. Durée et sévérité de l’usage

Une étude [83] a montré que les psychoses cocaïniques étaient fréquentes parmi les consommateurs de cocaïne : la durée de l’intoxication et la quantité consommée favorisent son apparition.

La quantité totale de produit absorbée ainsi qu’une augmentation des doses renforcent le risque d’apparition de ce phénomène [109]. La durée de la consommation serait un facteur prédictif de décompensation [107].

Cependant, une étude [98] n’a pas retrouvé de différences de durée de consommation de cocaïne, entre les patients ayant développé un état psychotique et ceux ne l’ayant pas développé.

E - Génétique et imagerie de l’état psychotique aigu induit par la cocaïne

1. Génétique

Dans le cadre de notre sujet, il s’agit de déterminer des marqueurs de vulnérabilité au développement d’un état psychotique aigu suite à la prise de cocaïne. Il n’existe pas à notre connaissance dans la littérature d’études concernant les psychoses induites par la cocaïne.

(42)

2. Cocaïne et Imagerie

La recherche d'un substratum cérébral des troubles mentaux a pris, ces dernières années, un essor considérable grâce aux nouvelles techniques d'imagerie cérébrale. L'imagerie cérébrale fonctionnelle a intéressé plusieurs chercheurs dans les investigations des maladies psychiatriques. Quelques auteurs ont étudié la place de l'imagerie dans le diagnostic et surtout le pronostic des troubles psychotiques aigus. L'imagerie, aussi bien structurale que fonctionnelle, confirme l'hypothèse d'une participation neurophysiologique dans les troubles psychotiques aigus, comme en témoignent la dilatation ventriculaire et les anomalies fonctionnelles [114]. Aucune étude d’imagerie ne s’est intéressée aux psychoses induites par la cocaïne. Il s’agit d’une piste diagnostique et thérapeutique à explorer.

F - Prise en charge des psychoses induites par la cocaïne.

Il n’existe pas de recommandations particulières concernant la prise en charge d’une psychose induite par la cocaïne. La prise en charge intégrée, c'est-à-dire prenant en compte à la fois le trouble psychiatrique et le trouble addictif, doit être envisagée. Lorsque le diagnostic est posé, il est nécessaire d’envisager la prise en charge thérapeutique en plusieurs étapes : l’épisode aigu, le sevrage thérapeutique en cocaïne et la prévention de rechute.

1. L’épisode psychotique aigu

a) L’hospitalisation

Par son caractère brutal, et l’intensité du délire, le tableau clinique constitue une urgence psychiatrique. L’hospitalisation permet une prise en charge dans un cadre institutionnel adapté, et d’éliminer une éventuelle pathologie somatique ou un diagnostic différentiel.

L’hospitalisation libre est possible, avec l’accord du patient, dans le cadre d’un contrat de soins précis établi à l’avance. L’hospitalisation sous contrainte est également une solution fréquemment utilisée dans les cas urgents. La difficulté réside dans le choix du tiers compte tenu du risque d’hétéroagressivité. L’hospitalisation d’office reste exceptionnelle.

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En l ’ espace de trois semaines, trois patients seront admis aux urgences dans le même contexte et avec un nombre élevé de capsules ingérées.. Leurs prises en charge diagnostiques

Service des urgences, hôpital Saint-Antoine, Assistance Publique Hôpitaux de Paris (APHP), 184 rue du Faubourg Saint-Antoine, F-75012 Paris, France.. e-mail :